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17/11/2011

Une main protectrice

Avant que ne soit ouverte la compétition pour savoir quel Président a le profil le plus protecteur, force est de constater que la main protectrice est plutôt celle du juge. Après la Cour d'appel de Paris le 12 mai dernier, (voir ici), c'est  le TGI de Nanterre, dans une décision du 21 octobre 2011, qui affirme la nullité d'une procédure de licenciement dès lors que le motif économique permettant la mise en oeuvre du licenciement est nul. Pour étendre cette main protectrice sur les salariés, le juge force un peu les textes qui ne prévoient de nullité qu'en cas de Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) nul et non de motif économique nul. Le juge écarte l'argument d'un revers de manche : en l'absence de motif économique, le PSE ne peut être régulier et la nullité entache donc l'ensemble de la procédure ce qui revient à interdire à l'entreprise de procéder à tout licenciement.

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Comme la Cour d'Appel de Paris, le Tribunal de Nanterre est sans doute un peu excédé par un Code du travail qui frappe de nullité un licenciement économique si le PSE est nul mais pas si le motif économique est nul. Ce qui conduit au paradoxe qu'un salarié licencié sans motif ne pourra demander sa réintégration, alors qu'un salarié licencié avec un motif peut  imposer son retour dans l'entreprise si le PSE s'est avéré insuffisant. Reste aux salariés qui contestent le motif du licenciement à tenter leur chance devant les tribunaux, si d'ici là le législateur n'est pas intervenu pour faire échec à une jurisprudence que certains pourraient trouver trop novatrice voire trop protectrice des salariés. Mais ce ne sera pas, bien évidemment, l'argument invoqué par les thuriféraires de la liberté de gestion, trop souvent confondue avec la capacité de prendre des décisions arbitraires ou discrétionnaires : il faudra dorénavant, et tant que la Cour de cassation n'a pas dit la messe, prendre le réflexe de solliciter la main du juge lorsque manifestement le licenciement n'est fondé sur aucun des motifs que la loi énonce en matière de licenciement pour motif économique. Et souhaiter que le juge ait la main protectrice.

15/11/2011

Malades

Le Gouvernement préfère l'optimisation fiscale à l'optimisation sociale. Voici donc ressorti à l'approche des élections présidentielles, le slogan de la lutte contre la fraude aux allocations, systématiquement présentées comme ce qu'elles ne sont pas, une assistance sur le mode de l'aumône, et jamais comme ce qu'elles sont, un droit dont on ne bénéficie qu'à certaines conditions dont souvent celle d'avoir contribué à financer le régime. Tel est le cas notamment des indemnités journalières d'assurance maladie mises sur la sellette à travers deux annonces retentissantes : les salariés bénéficiant de faux arrêts maladies seraient mis à l'amende et un quatrième jour de carence serait rajouté aux trois jours légaux existants. Juridiquement, dans les deux cas, le coup est à côté de la cible.

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Edward Munch - L'enfant Malade - 1896

Si le "responsable mais pas coupable" a un sens juridique, la responsabilité civile n'étant pas la culpabilité pénale, le "pas responsable mais coupable" n'en a aucun. On ne peut être coupable, de fraude en l'occurence, que si l'on est responsable, c'est à dire si l'on dispose du pouvoir de décision. Les salariés ne pouvant se prescrire de faux arrêts maladie, il faudra si l'on veut véritablement un coupable se tourner du côté des médecins. Quant à la seconde mesure, elle ne fera qu'accroître le fossé entre les catégories de salariés sans règler le problème. Qui subit aujourd'hui la carence de trois jours ? les salariés des PME, ceux qui sont couverts par une convention collective peu protectrice et ceux qui ont une prévoyance minimale. Qui ne la subit pas et ne la subira pas plus sur 4 jours que sur 3 ? les autres, c'est à dire les salariés ayant une convention protectrice, une bonne mutuelle ou travaillant dans une grande entreprise qui prend à sa charge la carence. Les salariés les moins protégés le seront donc encore un peu moins sans que rien ne change pour les autres. Quant aux médecins, ils peuvent dormir tranquille, en période préélectorale ils ne sont carrément pas dans la cible.

10/11/2011

Rangez les laisses !

Votre portable, votre carte bleue, votre pass navigo, les caméras dans la rue, les cookies sur internet...la technologie permet de suivre à la trace vos déambulations physiques et électroniques. A croire qu'il ne reste que la rêverie qui échappe à la traçabilité, mais il paraîtrait que des neurobiologistes ne désespèrent pas de voir vos rêves livrés par l'imagerie magnétique. La technologie ? plutôt l'usage que l'on en fait car si la technique peut beaucoup, elle ne fait jamais que ce qu'on lui demande. Et on lui demande parfois de géolocaliser de manière permanente les salariés en incrustant un de ces mouchards qui contribuent à la relation de confiance entre l'entreprise et ses collaborateurs. La CNIL a posé les premiers garde-fous en 2006 avec quelques règles de principe : pas de géolocalisation permanente, obligation d'information des salariés, usage réservé aux cas qui le nécessitent absolument, etc. La Cour de cassation, dont on apprécie toujours la concision et la précision des décisions, fait plus qu'ajouter sa pierre dans une décision du 3 novembre 2011 : la géolocalisation ne permet de contrôler la durée du travail que lorsque tout autre moyen est impossible, voici pour la pierre, et surtout elle ne peut être mise en oeuvre pour un salarié qui dispose de la liberté d'organisation de son travail, voilà pour le mur que le juge dresse entre l'autonomie et la géolocalisation. Un sacré coup de ciseau dans la laisse électronique que les entreprises tentent de passer au cou des salariés.

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Félicien Rops - Le Pornocrates

Dans l'affaire jugée le 3 novembre, il s'agissait d'un vendeur salarié dont le véhicule était équipé d'un système de géolocalisation pour analyser et optimiser son activité. Le salarié en était informé ainsi que la CNIL. Constatant que la durée du travail n'étais pas respectée, l'employeur a réduit la rémunération du salarié qui a pris acte de la rupture de son contrat et a saisi les prud'hommes. Les juges donnent raison au salarié, la Cour de cassation confirme. Le salarié étant libre d'organiser son travail, il ne pouvait faire l'objet d'un contrôle des temps par géolocalisation. Ce principe très clairement affirmé pour un salarié dont la durée du travail était fixée en heures, a pour conséquence de rendre impossible toute géolocalisation pour les salariés en forfait en jours. En effet, l'autonomie et la liberté d'organisation du travail étant une condition de validité du forfait en jours, elle rend impossible un contrôle de la durée du travail par géolocalisation. Cette impossibilité est une question de cohérence : on ne peut affirmer à la fois qu'un salarié est autonome pour gérer son temps de travail et mettre en place un système permanent de contrôle de ce temps. Et plus largement, dès lors que le salarié fixe librement les frontières entre vie personnelle et professionnelle, un système de contrôle permanent conduirait l'employeur à contrôler des temps de vie personnelle.

Par cet important arrêt qui sera publié au bulletin, la Cour de cassation limite donc la possibiltié de géolocalisation aux salariés dont la durée du travail est fixé en heures et dont les horaires sont prescrits, la géolocalisation ne pouvant s'exercer que pendant ces horaires.

Voilà une belle leçon donnée par le juge, et dont pourrait s'inspirer le législateur :  comment en peu de lignes et peu de mots, on peut préserver des libertés fondamentales.

Geolocalisation - Cassation 3 novembre 2011.pdf

27/10/2011

Fin d'une époque

Les charbonnages ont été le premier secteur à en faire  un outil massif de traitement des problèmes d'emploi. Les houillères ont certes mobilisé les programmes de gestion des compétences et de reconversion, mais ce sont les préretraites qui ont rencontré le plus de succès. La sidérurgie a suivi, puis le textile, l'automobile et quelques autres industries avec. Il est vrai que la formule rencontrait peu d'opposants : les pouvoirs publics achetaient la paix sociale à crédit, les entreprises géraient à l'aide de fonds publics leur pyramide des âges et rajoutaient quelques pages au feuilleton des profits privés et pertes publiques, les organisations syndicales limitaient la casse et les salariés, souvent cassés, acceptaient les départs, parfois avec soulagement, d'autres avec une tristesse infinie car ils auraient bien travaillé encore.


Bernard Lavilliers - Les mains d'or

Tous ceux qui sont partis dans les dispositifs de préretraite ne se soucieront sans doute pas de la date du 10 octobre 2011. C'est pourtant officiellement ce jour-là que le Ministère du Travail a publié l'instruction qui met fin aux préretraites financées par l'Etat. Ce n'est pas exactement la fin des préretraites, les entreprises peuvent toujours calculer s'il n'est pas plus intéressant de payer en interdisant le travail que de payer le travail, mais elles le feront sans deniers publics. Fin des politiques publiques de départs anticipés qui auront largement contribué à accréditer l'idée qu'il y a un âge pour le travail et un autre pour ne plus travailler, et que ce  n'est pas l'âge de la retraite. Fin d'une époque de plus de trente ans qui, comme toute les fins, annonce sans doute un début. Mais de quoi ?

26/10/2011

La lettre, le mail et le sms

Nul ne percera jamais le mystère du billet que la servante remet à sa maîtresse. Toutes les conjectures n'y feront rien, tous les possibles se briseront sur la mince feuille de papier pliée. Peut être Vermeer lui-même n'en sait-il pas plus que nous. Il a sans doute tenté de déchiffrer ces visages qu'il peignait avec cette application tenace qui caractérise les flamands. Je parierai volontiers sur l'échec de sa tentative, qui consacre la réussite du tableau. Jamais la lettre remise ne livrera son secret. Ainsi, la vie privée méritait-elle son nom avant que ne surgisse la technologie.

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Johannes Vermeer - Maîtresse et servante - 1667

On ne compte plus les salariés licenciés pour avoir manqué de la plus élémentaire conscience de leur époque en oubliant que tout l'internet était traçable et que les mails, présumés professionnels, n'étaient pas des billets  relevant de la vie privée mais des écrits de la sphère professionnelle qui n'échappent pas au contrôle de l'employeur. Un salarié vient de constater à ses dépens qu'il en est de même des SMS envoyés depuis son téléphone professionnel qui, faute d'avoir été effacés sitôt qu'envoyés, ont révélé à l'employeur les intentions coupables du salarié, en l'occurence "faire couler la boîte". Les juges, dans une décision du 28 septembre 2011, voir ici, ont rappelé au salarié victime de la fracture technologique, toute la différence qu'il y avait entre un SMS envoyé à un collègue depuis un téléphone professionnel, et les billets remis en main propre sans mention de l'expéditeur. Le salarié aura ainsi appris à ses dépens que le secret d'un SMS est de bien courte durée, alors qu'il y a près de trois siècles et demi que le mystère du billet de Vermeer demeure.

23/10/2011

Coup de chaud sur les forfaits jours

Difficile parfois de résister à la tentation, n'est pas Saint-Antoine qui veut. Icare lui, ne résista pas et partit défier le soleil avec ses ailes aux jointures de cire. Le soleil fut au rendez-vous, la cire fondit et Icare chuta. Quelques uns en conclure que les hommes ne devaient pas défier les lois naturelles et que la science devait apprendre l'humilité. Ce n'est ni une loi naturelle ni l'humilité que le Conseil des Prud'hommes de Limoges a voulu rappeler aux dirigeants d'un hypermarché qui avaient cru pouvoir conclure des forfaits en jour avec leurs responsables de rayon. Mais plus simplement que l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2011 (voir ici) avait validé les forfaits en jours sous réserve d'un strict respect des conditions légales et conventionnelles, et que lorsque tel n'est pas le cas, le forfait doit être annulé et les heures supplémentaires effectuées par le salarié indemnisées. Dans l'affaire jugé le 6 septembre dernier, les juges ont estimé qu'en l'absence de preuve précise par le salarié du volume de ces heures supplémentaires, une indemnité de 30 000 euros devait lui être allouée, soit l'équivalent en l'espèce de plus d'une année de salaire brut.

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Herbert James Draper - Le chagrin d'Icare

On relèvera que les juges ont systématiquement passé en revue les conditions de validité du forfait en jours. La première est légale, il s'agit de l'autonomie du salarié. Difficile de considérer qu'un responsable de rayon qui doit faire valider ses départs de l'entreprise par le cadre de permanence est autonome. La seconde est également légale, il s'agit de l'entretien annuel obligatoire pour les salariés en forfait en jours, qui doit aborder la charge de travail, l'organisation du travail, l'impact de la vie professionnelle sur la vie personnelle et la rémunération. En l'espèce l'entreprise faisait bien un entretien annuel mais il ne portait que sur la performance et les compétences. Insuffisant pour les salariés en forfait jours. Enfin troisième condition le respect des obligations conventionnelles de suivi de la charge du travail des salariés en forfait jours. Pas plus de suivi collectif que de suivi individuel. Si toutes ces conditions ne sont pas réunies cumulativement, le forfait en jours doit donc être annulé et des heures supplémentaires payées. Les entreprises qui risquent de se brûler les ailes se reconnaîtront.

Nullité du forfait jour - CPH Limoges Septembre 2011.pdf

14/10/2011

La belle europe

Mais quelle mouche a donc piqué les juges du fond ? après le Tribunal d'Orléans qui vient de considérer que le Code du travail ne respectait pas les textes européens et ne devait pas s'appliquer en matière de désignation des représentants syndicaux (c'est ici), voilà le tribunal de Marseille qui donne tort au Conseil Constitutionnel. Celui-ci avait jugé que l'exclusion des contrats liés à la politique de l'emploi (contrat d'apprentissage, contrat de professionnalisation, contrat unique d'insertion...) pour le calcul des seuils d'effectif était conforme à la Constitution. Les juges marseillais eux considèrent que cette exclusion prive les salariés  du bénéfice de directives européennes qui doivent profiter à tous les travailleurs et que par conséquent elle ne peut trouver application. Plutôt que l'Europe libérale régulièrement stipendiée, le juge sait aller chercher la belle europe sociale garante des droits des salariés. Martial Raysse apprécierait.

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Martial Raysse - L'enlèvement d'Europe - 1936

L'argument des juges est solide : dans l'association en cause dans le litige, il y a plus de 100 salariés, mais sans les contraits aidés, le chiffre retombe en dessous de 50, ce qui les prive de Comité d'entreprise, des garanties en matière d'information et de consultation, des garanties en cas de licenciement, etc. Or des directives européennes garantissent les droits des salariés en ce domaine. Il n'est donc pas possible, serait-ce dans l'objectif de favoriser l'emploi, d'adopter des mesures dérogatoires qui aboutissent à priver les salariés des garanties offertes par le droit social européen.

Les juristes français connaissent en général assez mal le droit européen, en tous les cas insuffisamment, l'auteur de ce blog en premier lieu. Mais cette lacune semble se combler puisque, de plus en plus fréquemment, la norme européenne est sollicitée pour écarter une loi française moins favorable. L'Europe garantirait donc des droits sociaux supérieurs à ceux qui existent en France ? ce n'est pas ce que l'on nous dit, mais c'est pourtant ce que les juges, jour après jour, s'efforcent de démontrer. Nous ne sommes sans doute pas, dans ce domaine, au bout de nos suprises.

TI Marseille - 7 Juillet 2011.pdf

05/10/2011

Et le loup mangea le petit chaperon rouge...

Il y a deux ans, le législateur confiait au PRISME, syndicat des entreprises d'intérim, le soin de négocier les conditions et modalités de mise en oeuvre du portage salarial. A l'époque, je considérais que cela revenait à confier au loup la garde du petit chaperon rouge : c'est ici. C'est en d'autres termes ce que vient de considérer également l'IGAS qui se prononce contre l'extension de l'accord péniblement conclu après 20 mois de négociation.

Parmi les motifs retenus par l'IGAS, figure en premier lieu que l'accord réserve le portage salarial, cette formule qui permet d'exercer une activité indépendante avec un statut de salarié par le biais d'une société de portage, aux cadres. Pourquoi cette restriction ? par cet aveuglement statutaire très français  qui assimile l'expertise technique au statut, oubliant que l'histoire du travail indépendant a été plus façonnée par l'artisan que par le médecin ? ou bien parce que c'était une manière de croquer le petit chaperon rouge en faisant durer une négociation mal conclue ce qui au final empêche le portage de se développer dans un cadre stabilisé, seul objectif inavouable mais bien réel du PRISME ?

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Francis Moreeuw - La véritable histoire du petit chaperon rouge - 2000

Reste donc à remettre l'ouvrage sur le métier, en oubliant cette fois-ci le loup. Le dossier doit revenir devant le législateur après consultation, comme le prévoit l'article 1er du Code du travail, des partenaires sociaux au niveau interprofessionnel. Non qu'ils soient des agneaux, mais au moins peut-on supposer qu'ils n'auront pas comme seul objectif d'entraver une voie de développement de l'activité indépendante dont l'intérim considérait qu'il pourrait lui faire de l'ombre. Mais après tout, la faute tient peut être moins au comportement du loup, prévisible, qu'à celui qui a décidé de lui confier la garde du petit chaperon rouge.

28/09/2011

Ne traitez pas les risques psychosociaux...

...traitez les risques générés par les activités qu'exercent vos salariés. En imposant aux entreprises de plus de 1000 salariés de négocier sur les risques psychosociaux, le gouvernement leur a rendu un mauvais service sans que cela en constitue un meilleur pour les salariés.

Depuis 2001, toute entreprise a l'obligation de mettre en place une évaluation des risques professionnels. Le B.A BA de l'évaluation consiste à partir de la réalité de l'activité, et non des risques. Tous les professionnels de l'évaluation des risques recommandent de ne pas conduire un travail à partir de risques qu'il suffirait de cocher mais de se livrer à une véritable analyse du travail. Mesurer les indicateurs de risques psychosociaux dans l'entreprise (stress, climat social, anxiété,...) c'est mesurer l'effet en ignorant la cause. Première étape nous dit-on, les causes viendront après. Trop tard, le chantier labyrinthique sera ouvert et ne pourra plus être refermé.

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André Masson - Le chantier de Dédale - 1940

Que faire alors ? lorsque l'on travaille sur les risques professionnels, on analyse l'activité à  travers cinq domaines : 

- les lieux de travail (inclutant les déplacements) ;

- les outils, produits, machines utilisés dans le travail ;

- l'organisation du travail ;

- les relations dans l'entreprise (management, climat social, comportements au travail...) ;

- les relations avec l'extérieur (clients notamment).

Avec ces cinq domaines, on couvre l'ensemble de l'activité des salariés. Pour ne parler que du stress, si l'on s'en tient à sa définition officielle, à savoir "le sentiment pour le salarié de ne pas avoir les moyens de réaliser ses activités", il peut apparaître dans les cinq domaines : déplacements trop nombreux ou dans des délais trop courts, absence de maîtrise des outils ou matériels, organisation du travail inadaptée, relations conflictuelles, agressions des clients, etc. Mais une analyse exhaustive de l'activité commencera par travailler sur les causes avant de s'intéresser aux effets. La condition du succès ici, comme souvent d'ailleurs, est de partir de la réalité, du travail et de ses modalités d'exercice. Si l'on part du risque, on s'enfonce dans le labyrinthe avec une forte probabilité de s'y perdre. Mais après tout, peut être est-ce un objectif, ce qui permettrait de dire que l'on agit en étant bien persuadé que le plus souvent rien ne sort du labyrinthe.

22/09/2011

Vous ferez votre bonheur vous même

Il est parfois nécessaire que la loi protège l'individu contre lui-même. Mais il s'agit d'un chemin dangereux car fixer des interdits pose toujours la question des libertés individuelles. Lorsque l'on oblige au port du casque ou de la ceinture de sécurité, la protection des personnes peut aisément justifier la contrainte, légère, imposée. Mais lorsque l'on interdit le lancer de nain au nom de l'ordre public et de la dignité humaine, la restriction ne va pas de soi qui fit il y a quelques années d'un nain qui se faisait payer pour être lancé, un chômeur supplémentaire.

Lorsque les partenaires sociaux ont crée, en 2008, la rupture conventionnelle que la loi consacra la même année, il s'agissait de permettre l'exercice d'une liberté individuelle, la possibilité de négocier avec son employeur la fin de son contrat de travail, en contrôlant que cette volonté n'était pas contrainte. On la soumis ainsi à l'homologation de la DIRECCTE. S'agissant d'une rupture d'un contrat de travail, le contentieux de l'homologation fut confié aux Conseils de Prud'hommes et non aux tribunaux administratifs. Il en résulta une question non tranchée à ce jour : le Conseil des Prud'hommes doit-il se prononcer sur l'homologation elle-même ou bien doit-il renvoyer vers l'administration s'il annule une première décision d'homologation ou de non-homologation ? est-il garant de la liberté des parties ou bien contrôle-t-il uniquement l'administration qui  conserve sa capacité de décision ? la Cour d'appel de Versailles a choisi la liberté.

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JJ LEBEL - Essai de figuration de l'idée de liberté - 1961

La DIRECCTE s'appuyait sur une circulaire de la DGT (Ministère du Travail) du 17 mars 2009 qui a tout le charme des normes arbitraires autoproduites. Selon ce texte, seule l'administration et non le juge, peut se prononcer sur l'homologation elle-même. Balivernes selon le juge versaillais. En l'occurence, c'est ici le salarié qui a saisi le juge, en référé, car il souhaitait mettre en oeuvre un projet personnel et contestait le refus d'homologation au motif que l'entreprise devait mettre en place un PSE. Les tribunaux constatent la volonté réelle du salarié, déboutent l'administration et valident la rupture conventionnelle. Espérons que par cette décision les juges conduiront l'administration au contrôle du libre consentement du salarié sans substituer leur appréciation à celle des parties sur l'opportunité de la rupture. Et félicitons le juge d'être en l'espèce celui des libertés.

CA Versailles 14 juin 2011.pdf

14/09/2011

Quand le juge fait la leçon

....le Parlement ferait bien d'en tirer profit. Le TGI d'Orléans vient de faire preuve de pédagogie en jugeant que l'article L. 2324-2 du Code du travail était contraire à la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH). De quoi s'agit-il ? L'article en question, issu de la loi du 20 août 2008, prévoit qu'une organisation syndicale ne peut désigner de représentants syndicaux au comité d'entreprise, dans les entreprises de plus de 300 salariés, que si cette organisation y compte au moins deux élus. Lors du vote de la loi, cet article paraissait absurde : la capacité de désigner des représentants syndicaux au comité d'entreprise appartenait jusque-là à toute organisation syndicale, pourquoi la limiter à celles qui ont des élus, et qui disposent déjà à ce titre de toute l'information du comité, alors qu'un syndicat peut désormais être représentatif (avec 10 % des voix aux élections) sans avoir d'élu au comité ? les parlementaires ont fait valoir qu'il s'agissait de légitimer la présence des représentants syndicaux en limitant la possibilité de désignation en fonction de la représentativité. Les juges de province, contrairement à la Cour de cassation, ne se sont pas laissés abuser par le raisonnement : ils connaissent la musique et administrent une leçon au législateur dont l'objectif était manifestement uniquement de diminuer le nombre de représentants du personnel.

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Matisse - La leçon de piano

La leçon est en trois temps. En premier lieu, il est rappelé que la CEDSH garantit l'égalité de traitement des organisations syndicales. En second lieu, le législateur est placé devant ses contradictions : si la finalité est de conforter la représentativité, toutes les organisations représentatives, et pas seulement celles qui ont deux élus, doivent pouvoir désigner un représentant syndical. Troisièmement, compte tenu du rôle du représentant syndical, qui participe au CE pour que son organisation soit informée et avec uniquement voix consultative, il est logique que tout syndicat représentatif puisse désigner un représentant, y compris et même surtout, s'il n'a pas d'élu. Exit donc l'article L. 2324-2 qui constitue une discrimination syndicale, l'inégalité de traitement des organisations n'étant pas justifiée.

Et voici le législateur renvoyé à ses incohérences. On souhaite que la Cour d'Appel et la Cour de cassation, si elles sont saisies, apprécient la finesse du raisonnement du juge des bords de Loire et confortent sa position o combien justifiée et légitime. Envoyez la musique !

 TGI Orleans.pdf

09/09/2011

DRH à la perle

Sa douceur surpasse celle de la perle qui vient rehausser le diafane velouté de ce visage offrant  son geste et son regard mais dérobant ses traits. Sa beauté s'épanouit entre le tragique et le sourire, la pudeur de la coiffe et l'impudeur de la bouche. Innocente succube, la jeune fille à la perle est une fleur en jeune fille. Contrairement aux jeunes filles en fleur de Proust, elle ne passe pas, ne fâne pas, ne se situe pas dans cet éclat éphémère que le temps balaie. Immémoriale, elle persiste à vous offrir le plaisir de son mystère.

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Vermeer - La jeune fille à la perle

Les DRH que les Echos ont interrogé cette semaine sur le climat de la rentrée ont-ils visité cet été le petit musée Mauritshuis de La Haye ? toujours est-il qu'ils ont tenu, eux aussi, à accrocher des perles à leur discours, qui du coup s'en trouve plus pâle que la belle porteuse de perle. Et tout d'abord  ceux qui nous refont le coup du velcro : je devrai arrêter de tancer les étudiants qui me disent qu'ils vont communiquer pour faire adhérer les salariés en leur expliquant qu'un salarié c'est pas du velcro. Car on peut devenir DRH de grands groupes et persister en ce sens : "Notre priorité première est d'expliquer sans relâche à nos collaborateurs en France notre stratégie pour qu'ils y adhèrent" nous dit celui-ci, et un des ses homologues de renchérir "La communication envers nos collaborateurs est donc plus que jamais essentielle. Nous devons continuer de leur expliquer le business, les conséquences de l'engagement des équipes...".

En d'autres termes : noyons les salariés qui ne comprennent rien sous un flot de communication descendente et ils se tiendront tranquille et partageront les projets des dirigeants. A ce stade, est-ce toujours une perle ou plus simplement une coupure profonde, totale et irrémédiable avec la réalité ?

Pour finir, cette fine analyse autoréalisatrice d'un DRH clairvoyant : "Nous ne pouvons exclure que des clients diffèrent certains investissements. Nous avons donc, par précaution, différé certaines dépenses". Voyant ces dépenses différées, on ne doute pas que les fournisseurs concernés diffèreront eux-mêmes. Et voilà comment la prudence produit un bel effet domino dépressif, qui contentera tout de même le DRH car lorsque tout le monde aura différé et que la situation aura empiré, il sera plutôt content d'avoir été prudent.

Je crois que je vais refaire un tour à La Haye.

07/09/2011

La fidélité ne paie pas

Qui veut une progression rapide de salaire ne doit pas donner du temps au temps. Pas question par exemple de prendre un an pour faire un diagnostic, apprécier les conditions de l'action et élaborer des projets, une deuxième année pour commencer à déployer et une troisième année pour structurer l'organisation en faisant de ce qui était des projets un quotidien. Trois ans pour agir c'est beaucoup trop. Et puis à passer votre temps à travailler, vous n'en aurez plus pour vous occuper de vous. Non, pour élargir son réseau, travailler les contacts, se préparer à bouger, guetter les opportunités et repartir en bond de kangourou, 12 à 18 mois maximum suffiront. Vous n'avez le temps d'obtenir aucun résultat dans ce délai ? peu importe, vous êtes un communicant et vous saurez présenter comme une grande réussite personnelle le travail d'équipes qui auront continué à tourner pendant que vous vous tourniez vers l'avenir, c'est à dire le votre. Car vous savez que la fidélité ne paie pas.

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Crin-blanc

Vous aviez déjà constaté que l'on peut s'enrichir uniquement en vendant régulièrement sa résidence principale, que l'on bénéficie d'offres plus attractives lorsque l'on est un nouveau client, que le mouvement est une donnée de base de toute économie : c'est la circulation qui créé de la valeur. Il vous faut donc circuler si vous voulez en prendre. La fidélité ne paie décidément pas.

Ce qui la rend particulièrement adaptée aux actes gratuits, comme l'amour et l'amitié.

31/08/2011

Bonnêt d'âne

Bien qu'élevé alors que sévissaient les redoutables natalistes Michel Debré (qui réussit le prodige d'être à la fois le père de Jean-Louis et de Bernard mais aussi de la Constitution) et le moins connu mais pas moins enflammé Georges Suffert (qui collabora un temps avec un autre héraut de la cause bébé : Pierre Chaunu, leur rapprochement ne produisant toutefois qu'un seul ouvrage), je n'ai succombé que tardivement à la paternité. Et mes visites assidues aux jardins d'enfants, à contempler un rien béat les grands et petits, me laissaient penser que toute cette jeunesse rieuse promettait un bel avenir. Funeste erreur ! me voici fustigé par Voltaire lui-même, je veux parler de Frédéric Lefebvre, dans une déclaration qui fait office de révélation : si la France a plus de chômage que ses voisins, c'est parce qu'elle a une forte natalité. Mais c'est bien sur ! et je m'empresse de revêtir le bonnêt d'âne du mauvais élève.

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Bruno Montpied - Bonnêt d'âne

Que ne suivons nous les allemands qui ont choisi de faire disparaître le chômage en disparaissant eux-même peu à peu puisque le renouvellement des générations n'est plus assuré. On dit que la droite n'est pas keynésienne, Lefebvre nous démontre le contraire en donnant une nouvelle vigueur à la prédiction scientifique de l'économiste américain : "A long terme, nous serons tous morts". Et le plus tôt sera le mieux si l'on veut faire baisser les statistiques de POLE EMPLOI.

Il faut conclure de cette sortie, qui ne saurait être une saillie, qu'il est des domaines dans lesquels notre Secrétaire d'Etat au commerce nous invite à commercer peu. Après l'avoir entendu, faut-il l'écouter  ? en même temps il fait beau, l'été se prolonge et il fait bien, les vacances ont été excellentes, je crois que je vais peut être en faire un deuxième. Et tant pis pour les statistiques, le chômage, le Secrétaire d'Etat, Zadig, Voltaire et les autres. Il est pas beau mon bonnêt ?

24/08/2011

Réalités économiques

L'argument est tellement récurrent que n'importe qui pourrait écrire les discours des premiers ministres qui annoncent un plan de rigueur. L'important tient en une phrase : "Il y a des réalités économiques". En réalité, tous les économistes sérieux savent que l'axiome est faux. Il y a une représentation économique des choses serait plus juste. Par exemple, il suffit de changer les normes comptables et vous modifiez la réalité économique. Jean-Marie Messier le savait bien qui a imposé l'EBITDA comme réalité aux analystes avant que ces derniers n'imposent une autre réalité. Mais celui qui connaît le mieux la réalité,  c'est le Yucca.

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Ola Pehrson - Yucca Invest Trading Plant

En 1999, l'artiste suédois Ola Pehrson a connecté un Yucca sur un logiciel de gestion des ordres de bourse. Les mouvements vitaux du Yucca produisent des impulsions électriques qui génèrent des ordres d'achat et de vente sur les marchés internationaux. Après six mois de fonctionnement, le Yucca qui n'a pourtant fait ni Harvard, ni Yale, ni HEC, avait gagné de l'argent. Voilà la réalité économique : un Yucca bien arrosé (il recevait lumière et eau lorsque son compte était positif et demeurait au sec et dans le noir lorsqu'il perdait de l'argent) est plus rentable que nombre d'humains, quand bien même ne ménageraient-ils pas leur peine.

Et on la traite comment cette réalité économique là monsieur le premier ministre ?

18/08/2011

Le juge perdu dans la nature

La question des rapports entre nature et culture peut encore appeler des développements qui rempliront les bibliothèques. Peut être ne sera-t-elle jamais tranchée. Pour autant, il importe de rester vigilant lorsque des thèses essentialistes sont proférées sur le ton de l'évidence. La Cour d'appel de Chambéry vient de juger qu'il n'est pas discriminatoire d'exiger, pour un poste de chef de service de traduction en français, que le candidat soit de langue maternelle française. L'argument des juges est ainsi tourné : " Or attendu que les termes native french speaker, qui se traduisent par de langue maternelle française, posent comme critère celui du langage parlé et transmis dès la naissance, lequel, réputé être de ce fait la langue la plus parfaitement assimilée par l'individu dans toutes ses composantes et subtilités, constitue une exigence professionnelle déterminante et essentielle en matière de recrutement d'un chef du service de traduction de l'agence en France d'une compagnie d'assurance anglo saxonne". 

On conseillera aux juges de relire Casanova.

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Anton Raphael Mengs - Portrait de Casanova - 1768

 

Et plus particulièrement les mémoires, écrites en français par celui qui était de langue maternelle italienne et qui demeure l'un des plus grands écrivains de langue française. Et si tout cela paraît bien loin au juge, il pourra aussi se plonger dans Becket, Semprun, Kundera ou Dai Sijie. Tous individus qui ont une parfaite maîtrise de la langue dans toutes ses composantes et subtilités. Au passage le juge s'apercevra que la compétence est un acquis et non un attribut.

Pour éviter d'aussi grossières erreurs, le juge peut toujours s'en remettre à Casanova : "L'homme qui veut s'instruire doit lire d'abord, puis voyager pour rectifier ce qu'il a appris" et si le juge lit, il pourra déccouvrir cette autre formule d'un écrivain de langue française d'élection : "Si le plaisir existe, et si on peut en jouir qu'en vie, alors la vie est un bonheur".

Chambery 8 juin 2011.pdf

16/07/2011

Débuter à 40 ans

Il y a exactement 40 ans, le 16 juillet 1971, était votée la loi sur la formation professionnelle qui, à la suite de l'ANI du 9 juillet 1970 a jeté les bases de la formation professionnelle continue en France. Il y a 40 ans, Jacques Chaban-Delmas et Jacques Delors croyaient en la nouvelle société, dans laquelle la démocratie politique et la démocratie sociale oeuvraient de concert au progrès économique et social. Il y a 40 ans, la loi prévoyait que le financement de la formation professionnelle, qu'elle fixait à 0,8 % de la masse salariale, devrait atteindre 2 % en 5 ans. Nous en sommes à 1,6 %. Il y a 40 ans, l'Etat favorisait la négociation sociale en suscitant la mise en place de Fonds d'Assurance Formation pour dynamiser l'appropriation par les partenaires sociaux des objectifs et moyens de la formation professionnelle. Il y a 40 ans, est-ce à dire que ce qui aurait du être fait et ne l'a pas été est définitivement perdu ? bien sur que non. Voici pourquoi :

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Douanier Rousseau  - Le Rêve - 1910

A 40 ans, le Douanier Rousseau obtient une carte de copiste et va au Louvre copier des tableaux. Quelques années plus tard, il peint dans un style personnel, visionnaire et luxuriant. Pour qui sait la puissance du rêve, copie et recopier peut être une voie vers la création d'un monde nouveau. Et toujours pour qui sait rêver, 40 ans peut être l'âge d'un nouveau départ. Mais ceux qui assurent aujourd'hui la gouvernance du système de formation professionnelle savent-ils toujours rêver ?

14/07/2011

Innocence d'Eve

Les  fait sont simples et relativement fréquents : un salarié demande à être licencié pour réaliser un projet personnel, en l'occurence la création d'une entreprise. L'employeur qui est en difficultés procède au licenciement pour motif économique à la demande du salarié...et se retrouve devant le Conseil des Prud'hommes pour licenciement injustifié. Il fait valoir que le salarié était demandeur et ne peut contester ce qu'il souhaitait. La Cour de cassation ne retient pas l'argument : en droit peu importe qui demande, c'est celui qui a le pouvoir de décision qui est responsable. Voilà ainsi dédouanée, juridiquement, Eve qui propose et condamné sans réserve Adam qui dispose.

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Claude-Marie Dubufe - Adam et Eve  - 1827

De cette histoire, qui n'est pas une fable, on tirera deux morales. La première est que l'initiative n'est pas une catégorie pertinente en droit. Ce qui importe c'est la décision. L'acte juridique résulte d'une volonté, unilatérale ou conjointe, mais la demande est insuffisante à le caractériser. Ainsi, si le DIF comporte au profit du salarié un droit d'initiative qui rend légitime toute demande et ouvre un espace de négociation, ce qui caractérise le DIF est l'accord des parties pour sa mise en oeuvre et non le fait qu'il soit à l'initiative du salarié, qui d'ailleurs ne saurait être exclusive de celle de l'employeur. La deuxième morale est que la bonne ou la mauvaise foi du salarié importe peu : il revient à celui qui a le pouvoir de décision de porter seul la responsabilité de cette décision. Qu'Eve ait conseillé ou non de manger la pomme, c'est de la décision d'Adam de la croquer que résulte l'expulsion du paradis. Eve est innocente, on vous l'avait bien dit, la Cour de cassation confirme.

Cass. 6 juillet 2011.pdf

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Claude-Marie Dubufe - Le paradis perdu - 1827

06/07/2011

Une proposition

Peut-on suggérer à un salarié de démissionner ? est-ce du chantage, ou une proposition, que de lui recommander de démissionner avant que ne soit engagée à son encontre une procédure de licenciement pour faute grave ?

Lorsque la Cour de cassation veut apprécier la validité d'une volonté, nécessaire ici à la validité de la démission, elle utilise deux critères : le délai de réflexion et la capacité de la personne à prendre la mesure de la situation. Dans une décision datée du 25 mai 2011, la Cour de cassation estime qu'un délai de 5 jours, après avoir reçu la proposition écrite de la part de l'employeur de démissionner, et le fait que le salarié était cadre et avait pu s'informer librement sur les conséquences de la démission, permettait de valider l'expression d'une libre volonté. Le repentir tardif, cinq semaines après avoir démissionné, n'est donc pas valable. La suggestion de l'employeur était  bien une proposition et non du chantage.

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Watteau - La proposition embarassante - 1716

On peut trouver dans cette décision une consécration heureuse : celle qui consiste à penser que la subordination juridique existant dans le contrat de travail ne fait pas du salarié un incapable dépourvu de faculté de jugement, d'autonomie et de responsabilité, tout soumis qu'il serait à l'autorité de l'employeur. Cette consécration du salarié comme personne adulte et responsable, tout en posant des conditions à la validité du consentement, constitue une reconnaissance de la personne du salarié en tant qu'individu et non comme simple sujet.

Mais si tel est le cas, alors on comprend mal pourquoi la Cour de cassation estime que dès lors qu'il y a risque de licenciement, le recours à la rupture conventionnelle doit être écarté du fait d'un contexte litigieux. Que les parties veuillent sortir d'un litige annoncé par un accord plutôt que de se livrer au simulacre du licenciement avec transaction ou au  contentieux pourrait au contraire être considéré comme une manière intelligente de traiter l'affaire. Et les conditions de la protection du salarié sont remplies : délai de réflexion, délai d'homologation et contrôle de la DIRECCTE, possibilité de se faire assiter et recours éventuel en cas de dol. Si les juges étaient logiques, ils n'interdiraient pas à un salarié susceptible de démissionner valablement la possibiltié de conclure un accord de rupture plus respectueux de ses droits.

Cass. soc. 25 mai 2011 - Démission suggérée.pdf

04/07/2011

Promesse

On sait que les promesses n'engagent que celles et ceux qui y croient. On sait aussi que les périodes préélectorales sont propices à toute sorte de promesses. Ceux qui les formulent le savent. Ceux qui les écoutent aussi. Mais l'on continue pourtant le curieux manège, chacun faisant semblant d'y croire. Comme si tout cela était fatal, comme s'il n'y avait aucune autre règle du jeu possible. Comme si le défaut d'imagination était équitablement partagé par tous. Comme si la résignation était le seul synonyme possible de réalité. Une sorte de manège permanent, de valse éternelle. Comme cette femme "au corps plein de promesse dont l'oeil provoque mais ne donne rien" selon la formule de Muriel Rossetti.

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Après François Hollande, appelant au renouveau de la démocratie sociale, voici Jean-François Coppé qui s'y colle. La loi et l'Etat ne peuvent tout régler. La confiance doit être accordée aux partenaires sociaux. L'Etat doit fixer le cadre et laisser toute sa place à la négociation. Les bonnes intentions ne manquent pas. Et nous n'avons sans doute pas tout entendu. Sauf que...

Sauf que le temps de la négociation est rarement celui du politique, sauf que le politique n'aime rien tant que la négociation qui poursuit les objectifs qu'il s'est fixé, sauf que le politique considère qu'il est LA France et que les partenaires sociaux sont une des composantes de cette France qu'il doit administrer, sauf que la négociation est peu présente dans la culture de nos gouvernants et de l'administration sur laquelle il s'appuie. Sauf que le jacobinisme étatique demeure la culture dominante dans quasiment tous les partis politiques de l'UMP au PS en passant par le Front de Gauche ou le Front national (pour les Verts, j'ai un peu de mal à identifier la culture dominante).

Alors ? la démocratie ne se nourrit pas aux promesses. Peut être qu'un bon sevrage, comme pour les sportifs dopés, serait nécessaire si l'on veut véritablement fortifier les mécanismes démocratiques et particulièrement ceux de la démocratie sociale. Le savoir est un promesse de compétence que réalise le passage à l'acte. La démocratie a besoin que chacun soit responsable et passe à l'acte à son niveau, pas de la facilité de promettre ni de la facilité de s'en remettre au promis.