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09/10/2013

La formation mène à tout, son absence aussi

La définition du stress est pourtant actée depuis 2008 par un ANI du 8 juillet, identique à celle qui prévaut au niveau européen. En substance, le stress est défini comme le sentiment qu'a le salarié de ne pas avoir les moyens de faire son travail. Il s'agit d'un sentiment, soit une vérité pour celui qui l'éprouve mais pas toujours pour autrui. La responsabilité de l'employeur est d'objectiver la situation et de vérifier  si la perception du salarié est conforme ou non à la réalité. Cette appréciation de l'employeur n'est souveraine qu'en l'absence d'intervention du juge qui, au final, dira si le stress provient, ou non, d'un manquement de l'employeur. Dans sa décision du 19 septembre dernier, la Cour de cassation reconnaît la faute inexcusable de l'entreprise suite au suicide d'un salarié, notamment au motif qu'il avait été affecté sans véritable formation à des tâches qu'il n'était pas en mesure d'assumer correctement.

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Dans ses arguments en défense, l'entreprise fait valoir qu'à défaut de formation, un accompagnement par un salarié était organisé. Dans une réponse qui pourrait inspirer les négociateurs de la réforme de la formation professionnelle à la recherche d'une nouvelle définition de l'action de formation, la Cour de cassation estime qu'il ne peut y avoir formation par compagnonnage que si le salarié qui reçoit la mission d'accompagnement est par ailleurs déchargé d'une partie de ses fonctions. Faute de quoi, à défaut de temps explicitement consacré à l'activité tutorale, on ne peut véritablement parler de formation. Aux entreprises qui souhaiteraient remplir leurs obligations d'adaptation ou de maintien des compétences des salariés par d'autres moyens que la formation, on conseillera de s'inspirer de cette décision. Et aux organisations d'une manière plus générale on ne saurait trop recommander de mettre en cohérence le niveau d'exigence qui est le leur avec les moyens mis à la disposition du salarié. Car si la confrontation à des situations nouvelles est la condition même du progrès, lorsque la marche est très haute elle devient un mur contre lequel on risque de se fracasser.

Cass. civ. II, 19 septembre 2013.pdf

11/05/2013

Pas si Clot !

Je ne serai plus en Bretagne lundi 13 mai, et c'est bien dommage car je me serai rendu avec plaisir à la Conférence donnée par Yves Clot à Quimper sur le thème du travail. Yves Clot, c'est ce psychologue qui veut en finir avec les risques psychosociaux, ce qui ne peut évidemment qu'attirer mon attention, moi qui conseille à mes clients de ne pas traiter les risques psychosociaux. Et puis, c'est un psychologue qui a des réflexes de sociologue : celui de toujours repartir du terrain et, en l'occurence, du travail. Enfin, j'aime bien la manière dont Yves Clot critique la définition du stress, en la trouvant un peu courte. Pour mémoire, l'ANI du 2 juillet 2008 définit le stress comme le sentiment qu'a le salarié de ne pas disposer des ressources suffisantes pour réaliser ses activités. En considérant que cette définition ne renvoie qu'à la fragilité du salarié, Clot commet sans doute une erreur. Le manque peut être le fait de l'organisation qui ne fait pas correspondre les moyens et les résultats attendus. La définition ne met donc pas la pression que sur l'individu.

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Mais là où Clot apporte un plus, c'est en complétant la définition par les situations dans lesquelles ce que l'on demande au salarié entre en contradiction avec ce qu'il considère être comme le comportement du bon professionnel. Les risques pour la santé du salarié deviennent d'autant plus importants que la prescription perd son sens ou que les comportements prescrits sont monovalents (vendre !). En d'autres termes, plus directs, les boulots de cons ou qui sont faits à la con, sont plus dangereux que toute autre situation. Et Clot ajouterait sans doute, d'autant plus si on prend les gens concernés pour des cons, ce qui dans son langage devient le déni de tout conflit sur le sens ou les modalités du travail.  Car la clé de la santé au travail, c'est la capacité reconnue à chacun de pouvoir faire valoir son propre professionnalisme. Qu'il travaille sur l'individu ou le collectif, Clot a manifestement le souci de la liberté de chacun et la crainte de l'enfermement dans une prescription déprofessionnalisante. En cela, il n'est pas si Clot.

13/11/2012

Inatteignable vs inexcusable

Après avoir fait le tour de l'entreprise, entendu des salariés et leurs représentants, debreifing avec le DRH :

- Vous aurez à répondre à la question des objectifs. Quelle crédibilité pour le management par objectifs lorsque les salariés les plus performants ne parviennent qu'à 60 % de ce qui leur est demandé ?

- Oh mais j'ai la réponse si la question vient en comité d'entreprise. Les primes sur objectif ne sont pas liées à l'atteinte de 100 % et l'enveloppe sera totalement distribuée. Et aucun salarié, bien évidemment, ne sera sanctionné pour défaut d'atteinte des objectifs.

- Je ne doute pas que vous ayez des réponses pour toutes les questions. Simplement pourquoi fixer des objectifs inatteignables qui discréditent votre manière de manager la performance ?

- Vous savez bien comment c'est : si l'on veut obtenir 60, il faut demander 100. Si je demandais 60 je n'aurai que 40.

- Réfléchissez quand même aux effets d'une prescription impossible, d'objectifs aussi fuyants que l'horizon et d'un système basé sur la défiance qui est un véritable boomerang. Le sentiment est très fort chez les salariés d'une barre mise trop haut.

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Peut être que la décision de la Cour de cassation du 8 novembre dernier aidera le DRH dans sa réflexion. Un salarié victime d'un infarctus demande à ce que soit reconnue une faute inexcusable de son employeur qui l'a soumis à une surchage de travail. L'entreprise répond que le salarié était apte médicalement et qu'aucune alerte sur un risque d'infarctus ne lui a été signalée. Ce faisant elle commet une erreur totale : ce n'est pas la santé du salarié qu'elle doit gérer, mais son travail et l'impact de celui-ci sur la santé. Ce qui est radicalement différent. En l'occurence, les juges ont retenu qu'en fixant des objectifs inatteignables, en surchargeant le salarié et en le faisant travailler dans un climat de pression permanente, l'entreprise a bien généré sciemment un risque qu'elle n'a pas prévenu, ce qui caractérise la faute inexcusable. Le DRH pourra toujours considérer qu'à exiger que l'on demande 60 lorsque le possible est de 60, les juges feraient de piètres managers. Ce qui risque de ne pas changer grand chose s'il devait avoir à faire à eux.

Cass Soc 8 novembre 2012 - Faute inexcusable.pdf

20/06/2012

Le poids du téléphone

Il travaille dans une de ces entreprises du CAC 40 qui figure régulièrement en tête des enquêtes sur les entreprises dans lesquelles on aimerait travailler. Il a des responsabilités importantes, un attachement fort à l'entreprise, au travail, au business. Et il sort en souriant un étrange objet de sa poche, qu'il me montre en me disant : "Mes enfants se foutent de moi lorsqu'ils voient avec quoi je travaille". L'objet est un modèle de téléphone portable qui est au Blackberry ou à l'Iphone ce que les dinosaures sont aux oiseaux, un ancêtre très lointain.

"C'est ton téléphone professionnel ?

- Oui, je viens d'informer mon boss et mes collègues que je souhaitai avoir un téléphone qui ne me serve qu'à téléphoner et j'ai trouvé ce modèle, il est un peu lourd mais au moins il n'a pas d'autre fonction que le téléphone ;

- tu fais une allergie à la modernité ? un coup  de blues ? une nostalgie soudaine devant le temps qui passe ? ou tu essaies de voir si ce petit engin peut servir de machine à remonter le temps ?

- non, j'ai juste souhaité débrancher.

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Eugène Gabritschevsky - Ce qui nous retient

- tu expérimentes le droit à la déconnection ?

- ce n'est plus une question de droit mais de santé. Plus de mail à traiter le dimanche pendant le repas familial, plus de relance étonnée qu'un message envoyé à 23 heures n'ait pas eu de réponse dans le quart d'heure, plus d'arrêt sur la route des vacances pour participer à une conf'call, plus de bruits d'oiseaux chaque fois qu'un mail ou un texto arrive, et de toute façon avec cet engin cela prend 20 minutes pour taper deux lignes donc je n'en envoie plus...

- tu fais ça depuis longtemps ?

- trois mois, depuis que j'ai changé de manager et que j'ai pu aborder cette question avec lui, ce qui n'était pas possible avec le précédent ?

- et ça va ?

- à ton avis ?

- à voir ton sourire, j'en conclus qu'il y a un créneau pour les téléphones rétros qui ne font que téléphone

- t'as raison, parce que dans tout ça il y a quand même une chose qui m'embête : il est un peu lourd."

28/09/2011

Ne traitez pas les risques psychosociaux...

...traitez les risques générés par les activités qu'exercent vos salariés. En imposant aux entreprises de plus de 1000 salariés de négocier sur les risques psychosociaux, le gouvernement leur a rendu un mauvais service sans que cela en constitue un meilleur pour les salariés.

Depuis 2001, toute entreprise a l'obligation de mettre en place une évaluation des risques professionnels. Le B.A BA de l'évaluation consiste à partir de la réalité de l'activité, et non des risques. Tous les professionnels de l'évaluation des risques recommandent de ne pas conduire un travail à partir de risques qu'il suffirait de cocher mais de se livrer à une véritable analyse du travail. Mesurer les indicateurs de risques psychosociaux dans l'entreprise (stress, climat social, anxiété,...) c'est mesurer l'effet en ignorant la cause. Première étape nous dit-on, les causes viendront après. Trop tard, le chantier labyrinthique sera ouvert et ne pourra plus être refermé.

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André Masson - Le chantier de Dédale - 1940

Que faire alors ? lorsque l'on travaille sur les risques professionnels, on analyse l'activité à  travers cinq domaines : 

- les lieux de travail (inclutant les déplacements) ;

- les outils, produits, machines utilisés dans le travail ;

- l'organisation du travail ;

- les relations dans l'entreprise (management, climat social, comportements au travail...) ;

- les relations avec l'extérieur (clients notamment).

Avec ces cinq domaines, on couvre l'ensemble de l'activité des salariés. Pour ne parler que du stress, si l'on s'en tient à sa définition officielle, à savoir "le sentiment pour le salarié de ne pas avoir les moyens de réaliser ses activités", il peut apparaître dans les cinq domaines : déplacements trop nombreux ou dans des délais trop courts, absence de maîtrise des outils ou matériels, organisation du travail inadaptée, relations conflictuelles, agressions des clients, etc. Mais une analyse exhaustive de l'activité commencera par travailler sur les causes avant de s'intéresser aux effets. La condition du succès ici, comme souvent d'ailleurs, est de partir de la réalité, du travail et de ses modalités d'exercice. Si l'on part du risque, on s'enfonce dans le labyrinthe avec une forte probabilité de s'y perdre. Mais après tout, peut être est-ce un objectif, ce qui permettrait de dire que l'on agit en étant bien persuadé que le plus souvent rien ne sort du labyrinthe.

23/03/2010

Propositions inversées

En 1869 paraît à compte d'auteur un ouvrage qui va dynamiter, quelques années plus tard et après sa "redécouverte" par André Breton et Philippe Soupault, la littérature. L'ouvrage, composé de 6 chants (les chants, comme dans la Divine Comédie de Dante) s'intitule les Chants de Maldoror, il est signé du Comte de Lautréamont pseudonyme d'Isidore Ducasse. L'ouvrage est effrayant mais faut-il y voir seulement une blague potache à la Alfred Jarry, Maldoror n'étant qu'un avatar noir du Père Ubu ? peut-être s'il n'y avait "Poésies". Ce court ouvrage placé à la fin des Chants de Maldoror et qui semble en inverser toutes les valeurs. "Poésies" que Breton recopie à la bibliothèque nationale, après Rémy de Gourmont, et qui confère à l'ouvrage sa véritable portée. "Poésies" dont la lecture enchaînée à celle des Chants perturbera davantage le lecteur que la simple lecture des horreurs de Maldoror. Confronté à son inverse, le texte prend toute sa mesure.

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Jean Benoit - Le bouledogue de Maldoror

Cet exercice d'inversion, Jean-Paul Jacquier, l'excellent animateur du non moins recommandable site Les clés du social (http://www.clesdusocial.com/) s'y est livré à propos d'un rapport remis en février dernier au Premier Ministre à propos du Bien être au travail. Les rapporteurs, dont on notera qu'ils ont interrogé moultes dirigeants mais peu d'intéressés, formulent dix propositions. Concluant que s'il y avait lieu de proposer c'est que l'action faisait défaut, Jean-Paul Jacquier nous livre les dix propositions inversées, ce qui donne :
Les directions générales et leurs conseils d'administration ne s'impliquent pas dans les questions de santé au travail
Les managers de proximité ne prennent pas en compte la santé des salariés
Il n'existe pas dans les entreprises d'espaces de discussion
Les partenaires syndicaux ne sont pas impliqués dans la construction des conditions de santé au travail
La mesure des conditions de santé au travail n'est pas engagée
Les managers ne sont pas formés et préparés à la conduite d'équipes
Les collectifs de travail sont réduits à l'addition d'individus
Les projets de réorganisation n'intègrent pas l'impact humain
Les entreprises ne se préoccupent pas des impacts extérieurs de leur activité, notamment sur les fournisseurs
Les salariés en difficultés ne sont pas accompagnés mais laissés seuls face à leurs problèmes

Comme pour Maldoror, c'est la proposition inversée qui nous délivre la clé du message. Vous pouvez également lire le rapport ci-dessous.


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Jean Benoit et Mimi Parent  en 1948

Petit hommage à Jean Benoit, auteur du fameux bouledogue de Maldoror, dont l'oeil pétillant et l'esprit libre vivent toujours et menacent les infirmières de leur éternelle vigueur.

12/02/2010

Poor lonesome salarié

Le cabinet est toulousain, mais en l'occurence cette qualité est insuffisante pour défendre le projet. Le cabinet Merlane va proposer aux entreprises un outil britannique d'évaluation permettant de tester la "force mentale" du salarié. L'objectif est de mesurer la capacité de challenge, considérer tout défi comme une opportunité et non un danger, la capacité de contrôle, volonté d'agir et non de subir, la capacité d'engagement, concentration sur des objectifs, et la capacité de confiance, détermination à vaincre les difficultés. Le cabinet précise sans rire que ce test doit être accompagné d'autres évaluations "car il ne tient aucun compte des compétences professionnelles". Et de vanter l'utilité d'un tel test, tous les individus n'étant pas égaux dans la gestion des contraintes et des situations de crise. Et voilà, dans le droit fil des positions défendues par le MEDEF lors de la négociation sur le stress et la violence au travail, le salarié renvoyé à sa solitude et appréhendé en dehors de tout contexte et de toute organisation, tel un être immuable dont la personnalité est fixée une fois pour toute et qu'il s'agit de dévoiler. Grandeur et décadence du salarié en cow-boy solitaire.

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Edward Steichen - Solitude

Centré sur l'individu, ce type de test, comme beaucoup de tests de personnalités, constitue une négation de principe de l'environnement et de l'interaction entre le contexte et la personne. Dans le débat entre nature et culture nous sommes ici proche d'une nature implacable et immuable. Et très loin de l'idée que tout individu est porteur de capacités et potentiels qui peuvent se développer de manière très différentes en fonction des situations dans lesquelles il se trouve placé. Comme si l'organisation n'était pour rien dans les comportements de chacun. Comme si nous vivions indépendamment de tout. Comme si notre code génétique constituait une programmation mécanique et persistante de nos attitudes et comportements. Toujours ce souci de mettre l'individu en équation. Au final, tout simplement un refus de l'humain dans sa complexité et la négation à la fois de la sociologie et de la philosophie, notamment celle d'Hannah Arendt lorsqu'elle démontre par la banalité du mal que tout individu est capable du meilleur ou du pire en fonction des circonstances (à ce sujet on rappelera que même le droit pénal tient compte du contexte et des circonstances pour apprécier les actes criminels). Même pour un cabinet toulousain,  cela fait beaucoup.

 

07/10/2009

Ticket toc

La réponse du Ministère du Travail à la question d'un Parlementaire sur les Tickets Psy a été publiée au journal officiel le 25 août dernier. Pour ceux qui auraient zappé cette innovation du management, les Tickets Psy sont payés par l'entreprise et remis au salarié sous forme de bons pour des consultations chez un psy : la sécurité sociale individuelle en quelque sorte. Selon le Ministère, les Tickets Psy ne sauraient constituer une réponse de l'entreprise à son obligation de sécurité de résultat, au motif notamment que l'action de l'entreprise, comme celle du médecin du travail, doit être préventive et non curative ce qui exclut le soin. De manière complémentaire, le Ministère indique que l'employeur ne peut renvoyer les problèmes de santé à des questions personnelles voire intimes et qu'il doit se questionner sur l'organisation du travail. Soit exactement ce qu'avaient dit les partenaires sociaux dans l'ANI sur le stress du 8 juillet 2008. Il est confondant que certaines entreprises aient pensé à utiliser les tickets psy, voire l'aient effectivement fait. Votre travail vous déprime ? un petit tour chez le psy et l'affaire est réglée. A quand le management des salariés par leurs rêves, signifiants, forcément signifiants.

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Henri Rousseau - Le rêve

Un tel manque de repères dans les frontières de ce qui relève de l'entreprise et de ce qui n'en relève pas  traduit la confusion dans laquelle se trouvent certains en matière manageriale. Quel meilleur exemple trouver du traitement d'un symptome individuel plutôt que des causes collectives ? il est vrai que le collectif fait peur et qu'isoler le salarié permet de mieux le gérer : objectifs individuels, entretien individuel, rémunération individualisée...la progression de l'individualisation n'est pas sans rapport avec la progression des difficultés exprimées par rapport au travail. Dans une organisation, un salarié ne travaille jamais seul. Pourquoi dès lors ne pas rééquilibrer la place des objectifs collectifs, des entretiens collectifs, des rémunérations variables collectives, etc. Parce que c'est plus difficile pour le manager ? parce que l'on craint les mécanismes de foule ? tout entraîneur d'équipe sportive sait pourtant que ce n'est pas avec des entretiens individuels, des objectifs individuels et des primes individuelles que l'on obtient une équipe performante. Parce qu'en plus l'entreprise serait une équipe ? vous rêvez. Vite un Ticket Psy pour le chroniqueur.

07/05/2009

Extension du stress

L’ANI sur le stress au travail signé le  8 juillet 2008 par les organisations patronales et syndicales vient d’être étendu. Il est donc applicable aux entreprises et aux salariés des secteurs de l’industrie, du commerce, des services, de la construction et de l’artisanat. Pour l’économie sociale, l’agriculture et les professions libérales, il faudra attendre des accords de branche.

L’accord retient une définition subjectivo-objective du stress : le stress est une perception par le salarié, élément subjectif, d'un décalage entre les contraintes de l'environnement et les ressources dont il dispose pour y faire face, éléments objectifs. Traiter le stress au travail impose donc de travailler sur l'adéquation entre les attentes de l'organisation vis-à-vis du salarié et les moyens mis à sa disposition pour l'exercice de ses missions. Autrement dit, le stress doit s'appréhender de la même manière que tout système de pilotage de la performance et plus globalement comme tout système de management.

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Séverine Romandie - Bleu Stress

Les entreprises auront une alternative pour traiter le stress : soit l'aborder de manière spécifique, soit l'inclure dans une politique plus générale de prévention des risques et de protection de la santé. Plaidons ici pour cette seconde approche qui garantit mieux des dérives contre l'approche excessivement psychologisante du stress, versus la souffrance au travail, pour laisser la question sur le terrain qui doit être le sien : quelles sont les exigences de l'organisation, quels sont les moyens qu'elle met à la disposition des salariés, quels sont les modes de régulation des fonctionnements, comment sont gérées les relations au travail, etc. Bref, il s'agit simplement de ne pas oublier que le stress dont il est question est le stress au travail. L'extension de l'ANI ne doit pas conduire à l'expansion sans limite du stress. Une inversion des valeurs pourrait d'ailleurs conduire à travailler sur les conditions d'amélioration du confort au travail et sur le développement du bien être plutôt que le traitement du mal être. Question purement sémantique ?  hum !

25/11/2008

Plaisir au travail

Suicides au travail, mal-être, stress, souffrance…telle semble être l’actualité du travail. Au début du 21ème siècle, le travail-aliénation aurait donc pris le pas sur le travail libérateur et émancipateur. Ne doutons pas que le sinistre « Arbeit macht frei » des camps de concentration n’ait durablement rendue tabou l’idée de faire du travail une source de liberté ou de plaisir et non de contrainte ou de souffrance.

Dans l’entreprise elle-même le travail est peu souvent présenté de manière positive : renvoyé à des objectifs, à des processus, à des résultats, à des livrables, ….le travail n’est guère mis en valeur.

Prenons les entretiens d’évaluation : atteinte d’objectifs, projets de l’entreprise, projets du salarié (satané obligation de se projeter qui contribue à déposséder le salarié du présent) mesure de la compétence,… quantification et objectivation règnent en maîtresses sévères.

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Matisse - Le bonheur de vivre - 1905-1906

Quelle entreprise osera introduire le confort et le plaisir dans la discussion : confort au travail plutôt que sécurité au travail, confort dans les fonctions plutôt que capacité à maîtriser le poste, plaisirs à rechercher plutôt que projets à envisager, plaisir du résultat obtenu plutôt que sur-performance ou sous-performance, plaisir au travail plutôt qu’implication. Propos de doux rêveur ? c’est que l’époque doit s’y prêter !

11/07/2008

Stress

La CFTC et la CFDT ont annoncé leur intention de signer l'ANI du 2 juillet 2008 relatif au stress au travail. Les autres organisations syndicales donneront leur réponse dans le courant de l'été. Cet accord, qui pourrait paraître très général à première lecture, comporte en fait quatre innovations : 

- tout d'abord il constitue la transposition d'un accord-cadre européen conclu le 8 octobre 2004. Les partenaires sociaux démontrent ainsi qu'ils ont la capacité à construire cette introuvable Europe sociale (voir chronique du 9 juillet) ;

- ensuite l'accord adopte la définition de l'Agence Européenne de la sécurité et de la santé au travail qui définit le stress comme : "un déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui imposent son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face" ;

-  l'accord ne s'en tient pas à une approche strictement individuelle (le stress est une perception) mais inclut expressément la question de l'organisation du travail, de la charge de travail, de la durée du travail, de la communication et du management comme des facteurs possibles de stress ;

- l'accord  réaffirme à plusieurs reprises la responsabilité première de l'entreprise dans la prévention et le traitement du stress, mais il indique également que les représentants du personnel collaborent à l'établissement de mesures préventives qui constituent des obligations pour les salariés. Si les responsabilités ne sont pas identiques, l'implication de tous est requise.

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Courbet - Le désespéré (autoportrait) - 1843-1845
 

 Cet accord aura, dès son extension, plusieurs effets pratiques  :

- il inclut l'obligation d'informer et de consulter les représentants du personnel sur le stress ;

- il fait de la formation, de l'ensemble des acteurs mais notamment de la direction et de l'encadrement, un moyen clé de prévention ;

- il renforce les capacités, déja larges (voir chronique du 11 juin 2008), d'intervention du CHSCT sur le champ de l'organisation du travail, du management, de la gestion de la performance, de la gestion prévisionnelle, de la communication interne, de l'équilibre en vie professionnelle et vie personnelle, etc.

Au final, le potentiel de ce texte pour constituer un point d'appui quant aux manières de poser la question du stress dans l'entreprise et de la traiter, voire de fournir un support juridique efficace pour des actions concrètes en entreprises paraît tout à fait important. Peut être plus que certains négociateurs ne le souhaitaient. L'Usine nouvelle ne s'y est d'ailleurs pas trompé qui présente cet accord comme une victoire pour les syndicats.

ANI2juillet2008surlestressautravail.pdf