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13/11/2012

Inatteignable vs inexcusable

Après avoir fait le tour de l'entreprise, entendu des salariés et leurs représentants, debreifing avec le DRH :

- Vous aurez à répondre à la question des objectifs. Quelle crédibilité pour le management par objectifs lorsque les salariés les plus performants ne parviennent qu'à 60 % de ce qui leur est demandé ?

- Oh mais j'ai la réponse si la question vient en comité d'entreprise. Les primes sur objectif ne sont pas liées à l'atteinte de 100 % et l'enveloppe sera totalement distribuée. Et aucun salarié, bien évidemment, ne sera sanctionné pour défaut d'atteinte des objectifs.

- Je ne doute pas que vous ayez des réponses pour toutes les questions. Simplement pourquoi fixer des objectifs inatteignables qui discréditent votre manière de manager la performance ?

- Vous savez bien comment c'est : si l'on veut obtenir 60, il faut demander 100. Si je demandais 60 je n'aurai que 40.

- Réfléchissez quand même aux effets d'une prescription impossible, d'objectifs aussi fuyants que l'horizon et d'un système basé sur la défiance qui est un véritable boomerang. Le sentiment est très fort chez les salariés d'une barre mise trop haut.

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Peut être que la décision de la Cour de cassation du 8 novembre dernier aidera le DRH dans sa réflexion. Un salarié victime d'un infarctus demande à ce que soit reconnue une faute inexcusable de son employeur qui l'a soumis à une surchage de travail. L'entreprise répond que le salarié était apte médicalement et qu'aucune alerte sur un risque d'infarctus ne lui a été signalée. Ce faisant elle commet une erreur totale : ce n'est pas la santé du salarié qu'elle doit gérer, mais son travail et l'impact de celui-ci sur la santé. Ce qui est radicalement différent. En l'occurence, les juges ont retenu qu'en fixant des objectifs inatteignables, en surchargeant le salarié et en le faisant travailler dans un climat de pression permanente, l'entreprise a bien généré sciemment un risque qu'elle n'a pas prévenu, ce qui caractérise la faute inexcusable. Le DRH pourra toujours considérer qu'à exiger que l'on demande 60 lorsque le possible est de 60, les juges feraient de piètres managers. Ce qui risque de ne pas changer grand chose s'il devait avoir à faire à eux.

Cass Soc 8 novembre 2012 - Faute inexcusable.pdf

08/11/2012

Petits bricolages

L'entreprise est installée sur un Causse, soit un haut-plateau du Sud-Ouest. Elle emploie des gens du cru. C'est plutôt familial. Et les affaires vont correctement. La production pour l'aéronautique a gonflé les carnets de commande. Et le volume de travail se maintient à un haut niveau. L'embauche est difficile dans ce coin de terroir. Alors il y a souvent des heures supplémentaires. Il y en avait déjà avant la loi TEPA et les exonérations. Il y en aura encore après leur abrogation. Mais on s'habitue à payer en exonération. Alors le dirigeant a imaginé un petit bricolage. Il forme ses salariés. Dorénavant au lieu de les former pendant le temps de travail et de les faire travailler en plus en dehors de l'horaire de travail, il fera l'inverse. Et pendant les heures de formation réalisée en DIF, il versera l'allocation formation (50 % du salaire net exonéré de charges) plus 75 % du salaire habituel, soit au total 125 % pour le salarié. Mais plutôt qu'une heure supplémentaire à 125 % + 50 % de charges, soit 187,50 il se retrouve avec un coût de 75 + 50 % de charges + 50 exonérés soit un total de 162,5. Et voilà comment on économise 25 % de coût salarial en toute légalité. Mieux que TEPA, sans TEPA.

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Certains objecteront que l'on ne va pas loin avec de tels petits bricolages. Ils devraient suivre les pérégrinations de l'auteur de ce vélo-bateau-avion-chauve-souris. Sa trapadelle lui permet de voyager dans les rues, dans l'imaginaire et dans la poésie. Il ne faut jamais sous-estimer les petits bricoleurs qui eux au moins n'hésitent pas à mettre l'imagination au pouvoir.

16/10/2012

Variabilité

Les étoiles variables, ce sont celles dont la luminosité n'est pas constante. Elles brillent avec plus d'éclat selon des intermittences moins prévisibles que la chute des feuilles à l'entrée de l'automne. Les étoiles variables sont des exceptions du ciel. Si l'on redescend sur Terre, on découvre que la variabilité est au coeur de débats récurrents. Et qu'à propos du coût du travail, il est fortement question de la variabilité de la masse salariale et donc de l'effectif. Le salarié  seule variable d'ajustement de la compétitivité ? c'est ce qu'affirme le MEDEF, qui propose pour relancer l'économie que l'on réduise le coût des charges sociales, que l'on allonge la durée des périodes d'essai, que l'on facilite le recours aux CDD et que l'on réduise les obligations des entreprises en matière de licenciement. Tout ceci faisant frein à l'emploi. Les arguments varient peu, ils étaient les mêmes dans les débats sur les 35 heures il y a 10 ans et les mêmes encore à la fin des années 70 pour lutter contre la crise qui s'installait.

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Eta Carinae - Etoile variable

Je me souviens de la mise en place des 35 heures : pour certaines entreprises, un véritable casse-tête car les coûts de main d'oeuvre représentaient la majorité de leurs coûts de production. Mais je me souviens aussi de ces entreprises où les coûts de main d'oeuvre représententaient 10 % des coûts de production, et la réduction du temps de travail 1% de ce coût. La tension n'était manifestement pas la même. Je me souviens aussi que si Pechiney a fermé des usines, ce n'était pas parce que les salariés coûtaient trop cher mais à cause du prix de l'aluminium sur le marché international. Faudra-t-il redécouvrir que le salarié n'est pas la seule composante des coûts de productions et que par conséquent coût de production n'est pas synonyme  de coût du travail contrairement à ce qu'indiquait ce matin Laurence Parisot ? faut-il rappeler que 80 % des embauches en 2011 ont été réalisées en CDD : que signifierait un assouplissement des règles ? que 100 % des embauches doivent être faites dans ce cadre ? faut-il rappeler qu'il y a eu 800 000 licenciements et 250 000 ruptures conventionnelles, soit plus d'un million de ruptures de CDI sur 18 millions de salariés. Faut-il en conclure qu'il est impossible de se séparer d'un salarié lorsque la conjoncture est difficile ? Enfin on rappellera que la loi a fixé à 8 mois la durée maximale des périodes d'essai pour les cadres et à 4 et 6 mois cette durée pour les non-cadres. Est-ce insuffisant pour apprécier la capacité de travail d'un salarié ? bref, ne peut-on constater que le salarié est déjà une variable d'ajustement et qu'il faudrait peut être profiter des scintillements alternatifs des étoiles pour porter de temps en temps ailleurs son regard lorsqu'il est question de coût du travail ?

15/10/2012

Vacance ?

Dans une de ces formules que les politiques adorent parce qu'ils pensent que ça fait malin, mais qui rappellent furieusement la réthorique de l'enseignement de bon aloi, Guillaume Peltier attirait cet été notre attention sur le fait qu'il n'y a pas loin du pouvoir en vacances à la vacance du pouvoir. La rentrée n'y a rien changé : le procès en immobilisme du pouvoir se poursuit, aggravé par le fait que cet immobilisme ne serait rompu que par de brusques réveils destinés à créer toujours plus de taxation. Pendant ce temps, les plans sociaux continuent, merci. Le piège du temps politique se referme sur l'exécutif. Car le temps politique, mais aussi le temps économique, sont des temps courts, et de plus en plus courts. Le temps social lui, est un temps long, et il n'y a guère de probabilité qu'il cesse de l'être.C'est ce décalage que nous vivons actuellement et qui laisse planer ce sentiment de vacance.

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Thomas Lévy-Lasne - Vacance

La Conférence sociale du mois de juillet a lancé un cycle de négociations qui devront être conclues avant la fin de l'année. Ensuite, s'enclenchera le processus législatif qui n'aboutira sans doute pas avant le printemps. Résultat, la future réforme annoncée du marché de l'emploi, de la flexi-sécurité, de la régulation de la précarité et des licenciements, ce n'est pas avant un an pour les premiers effets. Trop long ? le seul moyen d'aller plus vite aurait été que les partenaires sociaux ne négocient pas, que le Parlement intervienne sans délai et que la loi impose et contraigne. Le choix de faire vivre la démocratie sociale, de laisser aux interlocuteurs sociaux le temps de construire eux-mêmes des solutions est un pari risqué par le décalage qu'il crée avec l'urgence d'une situation sociale dégradée. Mais c'est le pari qu'une réforme n'est efficace que si les principaux acteurs sont parties prenantes à son élaboration. Et la conviction que la loi seule ne peut pas tout, comme il est constant que l'on ne change pas une société par décret. Reste donc dans l'attente à payer le prix politique de cette méthode d'action qui consiste, comme dirait l'autre, à laisser du temps au temps.

12/10/2012

Contextualisation

Le collage est une technique dont la poésie repose en grande partie sur la décontextualisation des images qui le composent. Arrachées à leur environnement, qui souvent contribue à leur lisibilité et leur cohérence, les images du collage créent un univers unique, résultat d'un improbable assemblage. Ces rencontres inattendues contribuent à l'éducation de notre regard et par delà le mystère qu'elles peuvent revêtir constituent parfois le plus court chemin vers la compréhension du monde qui nous entoure.

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Au regard des divinités

Si décontextualiser est le propre du collage, cela ne peut l'être de l'évaluation professionnelle. Les compétences et aptitudes d'un candidat à un emploi ou d'un salarié ne peuvent être appréciés que par rapport à l'exercice d'une activité professionnelle nous rappelle l'article 1221-6 du Code du travail. La Cour d'appel de Versailles vient de débouter deux organisations syndicales qui reprochaient à l'employeur d'évaluer le comportement, et non le travail, des salariés. Selon les juges, le comportement fait partie des compétences professionnelles dès lors qu'il s'agit d'un comportement au travail ou dans le travail. Un employeur n'évalue pas une personne, il évalue son travail à travers sa performance ou ses manières de faire. Dès lors que les comportements évalués par l'employeur sont bien corrélés à des activités relevant de l'emploi occupé, cette évaluation est licite. Pas question donc d'évaluer le comportement du salarié en général, mais tout à fait licite d'évaluer son comportement au travail ou dans le travail. D'une manière plus générale d'ailleurs, tant que l'entreprise ne perd pas de vue le travail elle a des chances tout à la fois d'avoir des pratiques pertinentes et d'éviter de subir les foudres du juge.

CA-Versailles-12-00276.pdf

08/10/2012

Les calculs de côté

Dès lors que l'on décide que des sommes qui sont versées à un salarié bénéficient d'une exonération sociale et/ou fiscale, on ouvre la porte à l'optimisation financière, sans garantie aucune pour la finalité poursuivie. Quatre exemples : l'intéressement était un outil de motivation qui devait permettre aux salariés de bénéficier d'une rémunération supplémentaire liée au résultat de leur travail. Il n'est le plus souvent qu'un outil de la politique de rémunération qui permet de distribuer un complément de revenu à moindre coût (d'où les formules d'intéressement où l'on gagne à tous les coups). Les heures supplémentaires devaient distribuer du pouvoir d'achat : leur défiscalisation a surtout conduit à recycler sous forme d'heures supplémentaires des éléments de salaire d'une autre nature. Amusant de constater que peu de temps auparavant, lorsque l'autorisation de l'inspecteur du travail était nécessaire pour dépasser le contingent, on faisait exactement le contraire, payant sous forme de primes diverses et variées ce qui était des heures supplémentaires. Résultat : on peut parier que l'exonération et maintenant sa suppression sont d'effet à peu près neutres sur l'emploi.

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Troisième exemple : les indemnités de rupture du contrat de travail (licenciement, rupture conventionnelle). Destinées initialement à compenser un préjudice, elles sont régulièrement utilisées pour défiscaliser les sommes versées à l'occasion du départ. Dernier exemple : les exonérations liées à un zonage (quartiers sensibles, zones rurales, etc.). Un dirigeant d'entreprise me faisait remarquer qu'il devait son résultat à un déménagement et à son installation dans la périmètre d'une zone à exonération, davantage qu'à son activité. Et il en concluait qu'avec les différents systèmes d'aide, son métier de chef d'entreprise s'en trouvait modifié. Il devait dorénavant composer avec les inévitables calculs de côté chers à Rimbaud. Le pire dans cette affaire est que ces calculs de côté amènent à construire des équilibres qui se trouvent inévitablement mis en péril lorsque l'on veut soudainement supprimer la niche artificiellement créé au départ mais qui ensuite se trouve largement habitée. Piège redoutable pour le créateur et pour l'utilisateur, qui laisse tout de même sceptique sur la pertinence de ce type d'outils en matière sociale. En ce lundi matin, on militerait bien pour la suppression totale des niches à calcul, ce que Rimbaud résumait ainsi :

Les calculs de côté, l'inévitable descente du ciel et la visite des souvenirs et la séance des rythmes, occupent la demeure, la tête et le monde de l'esprit.

05/10/2012

Chômage, pas d'urgence

Un chômeur inscrit à POLE EMPLOI demande à être reçu régulièrement par l'agence chargée du placement des demandeurs d'emploi. Il aura trois rendez-vous en deux ans. A ces occasions, son Plan personnalisé d'accès à l'emploi n'a jamais été actualisé, aucune formation ne lui a été proposée. Malgré ses demandes. Il saisit le Tribunal Administratif, dans le cadre de la procédure de référé-liberté, lequel par une ordonnance du 11 septembre 2012 fait injonction à POLE EMPLOI de recevoir le demandeur dans les 8 jours  et de lui adresser des offres d'emploi et/ou de formation. POLE EMPLOI fait appel et porte l'affaire devant le Conseil d'Etat qui, sans se prononcer sur le fond à savoir le respect par POLE EMPLOI de ses obligations, juge que la procédure de référe-liberté ne peut être utilisée dans les relations entre un demandeur d'emploi et POLE EMPLOI. En d'autres termes, pour les juges du Palais-Royal, en matière de chômage il n'y a pas d'urgence. Du moins pour POLE EMPLOI.

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Car il serait malvenu de considérer que la carence peut être réciproque et que tout demandeur d'emploi peut déplier son  transat et regarder passer les bateaux en suçant des glaces à l'eau. En effet, qui ne défère pas à l'injonction de rendez-vous de POLE EMPLOI pourra être sanctionné par la radiation et la perte des indemnités d'assurance-chômage (en dépit des cotisations versées pour bénéficier du régime).

Quelles sont les conditions du référé-liberté ? qu'une liberté fondamentale soit en jeu et pas simplement un droit. Le Conseil d'Etat ne conteste pas que la liberté du travail et le droit à l'emploi, garantis par la Constitution, entrent dans cette catégorie. Qu'il soit porté atteinte de manière grave à cette liberté dans le cadre d'une illégalité. C'est ici que le Conseil d'Etat a considéré que, quelle que soit la situation du demandeur d'emploi, la relation de POLE EMPLOI avec les chômeurs ne relevait pas d'un manquement grave à une liberté publique. Ne pas bénéficier de services qui pourraient vous permettre de retrouver un emploi est donc une simple faute, qui peut engager la responsabilité de POLE EMPLOI mais ne saurait autoriser le juge à lui enjoindre d'exercer ses missions. Il ne reste plus au demandeur d'emploi qu'à s'adresser au Tribunal Administratif pour, dans trois ou quatre ans peut être, obtenir une indemnisation si la faute de POLE EMPLOI est établie. Mais après tout, il n'y a pas d'urgence.

Conseil d'Etat - 4 Octobre 2012 - POLE EMPLOI.pdf

29/09/2012

Adultes en voie de disparition

Les députés vont bientôt discuter du contrat de génération. Mesure phare, en matière sociale, du nouveau Gouvernement, le contrat de Génération se propose de favoriser l'embauche des jeunes et le maintien des seniors dans l'emploi. Confomément au Code du travail, avant qu'un projet ne soit présenté à l'Assemblée, les partenaires sociaux sont consultés. Et FO fait savoir qu'elle souhaite que la limite d'âge pour les jeunes soit fixée à 30 ans et pour les seniors à 55 ans. Jusqu'à présent, les jeunes en France ce sont les actifs de moins de 26 ans, quant aux seniors la loi renvoie à la négociation collective la fixation d'une limite d'âge que certains font commencer à 45 ans, d'autres à 50 ans et d'autres encore à 55 ans. Si la proposition de FO était retenue, nous serions donc jeunes pendant 30 ans, adultes pendant 25 ans puis seniors pendant également 25 ans si l'on considère que l'espérance de vie moyenne tourne autour de 80 ans. Voilà une nouvelle approche des trois âges de l'homme.

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Le Titien - Les trois âges de l'homme - 1512

Jusqu'à présent, tous les pays d'Europe arrêtent la jeunesse à 25 ans révolus. Tous sauf un. L'influence conjuguée du soleil, de l'insouciance, d'un rapport compliqué à la règle chiffrée et des mamas a conduit les italiens à considérer que l'on était jeune jusqu'à 30 ans. La proposition de FO nous permettrait donc de devenir le second pays d'Europe à bénéficier de cette jeunesse prolongée.

On proposerait volontiers d'aller plus loin. Si l'on poussait la jeunesse jusqu'à 45 ans et que l'on faisait débuter un peu plus tôt l'entrée dans la catégorie des seniors, à 45 ans par exemple, on aurait inventé avec le Contrat de Génération un dispositif qui concerne tout le monde. Et on éviterait tous les inconvénients liés aux effets de seuil. Alors bien sur il n'y aurait plus d'adultes, mais c'est vraiment un problème ça ?

27/09/2012

Droit d'expression (1)

La méthode utilisée par la CPAM de Moselle pour traiter la question des risques psychosociaux, dans un contexte de fusion de caisses, de réorganisation, d'évolution des métiers et des comportements des assurés, n'est pas la plus fréquente. Des salariés volontaires ont été formés à la méthode d'identification des risques mise au point par l'ANACT et ce sont eux qui ont été interviewer leurs collègues, avant que les résultats de ce travail d'enquête ne soit traduit en plan d'action par des groupes de travail. Cette démarche participative est rare : le plus souvent, l'analyse des risques est un travail d'expert auxquels les salariés sont associés, ou pas, mais remettre ainsi le coeur du travail d'enquête dans les mains des salariés demeure peu usité. Sans doute en partie par crainte de perdre la maîtrise du processus, nouvelle vérification que le salarié est souvent managé à la manière dont Yves Montand transportait les flacons de nitroglycérine dans le Salaire de la Peur : en serrant les fesses pour qu'il ne se passe rien.

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Pour originale qu'elle soit, la méthode ne fait que redécouvrir ce que la loi Auroux du 4 août 1982, dont nous venons de fêter les 30 ans, avait souhaité promouvoir. Le droit d'expression directe et collective des salariés. Toujours présent dans le code du travail (articles L. 2281-1 et suivants), il l'est beaucoup moins dans les pratiques. Qui met en place des groupes de travail régulièrement dans l'année pour que les salariés puissent s'exprimer sur leurs conditions de travail ? qui organise des modalités spécifiques de ce droit pour que l'encadrement n'en soit pas privé ? qui se préoccupe de recueillir les avis et propositions des salariés sur les conditions et l'organisation du travail ? C'est pourtant une obligation depuis 30 ans. Nouvelle preuve que plutôt que de voter des textes nouveaux sur les risques psychosociaux, la pénibilité ou le harcèlement, si l'on appliquait les textes existant on arriverait sans doute à un meilleur résutat.

20/09/2012

Le salarié, cet incapable

Le directeur de l'établissement n'avait jamais envisagé que la pratique d'afficher chaque année la liste des salariés ayant fait l'objet d'une promotion aurait pu poser problème. De bienveillants collègues lui ont quand même conseillé de consulter la CNIL. La réponse ne s'est pas faite attendre : la pratique est illégitime et elle ne peut être validée par le consentement des salariés. Le courrier reçu par l'entreprise est un véritable collector :

- la CNIL affirme que toute information individuelle est une information personnelle et donc confidentielle ;

- la CNIL s'érige en juge de la légitimité d'une pratique alors qu'on attendait qu'elle se prononce sur sa légalité ;

 - et cerise sur le n'importe quoi, le courrier dénie au salarié toute capacité de négocier avec son employeur. Ici, la citation s'impose : "A toutes fins utiles, je vous indique que notre Commission n’admet pas, en principe, le recours au consentement dans le domaine des ressources humaines. En effet, compte tenu du lien de subordination existant entre un salarié et son employeur, le consentement ne peut être libre et éclairé.". On ne saurait mieux dire que le salarié est un incapable majeur dont la volonté ne compte guère, un individu dépourvu de la moindre autonomie voire de la plus petite parcelle de conscience, bref un pantin que les doigts de l'employeur agitent.

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Man Ray - Coast Stand - 1920

Chacune de ces affirmations est excessive sinon grotesque. Si toute information individuelle est personnelle et donc confidentielle, alors il faudra renoncer à des organigrammes personnalisés, à des notes de bienvenue pour les nouveaux recrutés (avec, horreur absolue, une notice biographique), à des informations de nomination, à la diffusion du plan de formation et l'on ne parle même pas de la photo de l'employé du mois ou des résultats du challenge des commerciaux. Une seule solution : anonymiser toute l'information et l'on proposera que cela soit fait en attribuant aux salariés un numéro, aléatoire pour éviter toute identification. Toute ressemblance avec la série LE PRISONNIER sera fortuite et ne pourra être imputée à la CNIL.

Si la CNIL s'érige en gardienne de la légitimité des pratiques, alors il ne faut plus s'étonner de l'arbitraire que revêtent certaines décisions. Car la légitimité est une notion qui renvoie certes au droit mais également à l'éthique, la morale, la justice ou encore la raison. Soit des terrains moins stables que celui de la légalité que l'on a déjà parfois du mal à clairement délimiter.

Mais le meilleur, si l'on peut dire, est pour la fin. Tout salarié, de part sa qualité de salarié, serait incapable de conserver le degré de conscience minimal qui lui permettrait de donner un consentement éclairé. Les fins juristes de la CNIL ne parviennent donc pas à faire la différence entre la subordination juridique et la soumission. Si l'on s'en tenait à leur raisonnement, il faudrait annuler pour vice du consentement tout avenant au contrat de travail puisque le salarié ne peut librement consentir.

Le plus inquiétant, c'est que tout cela est décidé avec la conviction profonde, et sans doute sincère, de contribuer à la protection des salariés, ou plutôt des pantins qui en tiennent lieu. Il vaudrait mieux se demander qui, dans cette affaire, est véritablement incapable.

18/09/2012

Solitude du manager

Je ne me souviens plus pourquoi j'avais été invité à participer à ce comité de direction. Ni de son objet. Je me souviens juste qu'après avoir bouclé l'ordre du jour, la conversation avait porté sur divers sujets, jusqu'à cet échange, dont j'ai gardé un souvenir très précis :

"- il y a quand même une population dont il va falloir s'occuper...

- (silence des autres)....

- ah bon, laquelle ? les seniors, les femmes...

- non, notre middle management. Pour l'encadrement supérieur on a fait ce qu'il fallait. Mais pour l'encadrement intermédiaire, on leur demande beaucoup, de plus en plus, ce sont eux qui font tourner la boutique et on ne peut pas dire qu'ils aient été particulièrement bien traités...

- oui, tu as raison, il va falloir s'en occuper...

- c'est vrai, ça tiendra pas toujours dans ces conditions...

- bon, sur ces bonnes paroles messieurs il est temps d'aller dîner."

Sans grande surprise, de cette population dont il fallait s'occuper, on ne s'occupa guère.

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Je rencontre parfois des managers qui n'y vont plus. Ils ont donné, ils sont soit épuisés, soit lassés, soit blasés, soit devenu cyniques, soit désinvestis. Mais je rencontre encore plus souvent des managers qui ont de l'énergie, qui sont prêt à faire face aux conflits d'intérêts, aux conflits de personnes, aux situations inexticables ou même à l'inconnu. Des managers qui veulent bien traverser la jungle avec le pagne pour tout vêtement et un canif pour la survie. Des managers qui aiment ce qu'ils font, qui prennent sur eux-même et qui sont prêt à faire bouger quelques montagnes. Et tout cela bute sur une condition, celle qui est la clé de tout : le fait que le DG, le Codir, sortent de leur logique propre et de leur niveau d'action pour venir appuyer, conforter et soutenir leur encadrement. Des managers qui ont porté si loin la loyauté qu'ils n'en attendent pas moins de leurs dirigegants. Des managers qui font fi des différences de statut et n'aspirent qu'à une reconnaissance de leur action et d'eux-même à travers elle. Des managers très sensibles, sous le détachement feint, aux marques d'attention et de personnalisation. Et des managers qui souvent attendent le geste qui jamais ne viendra, comme ne pas les désavouer lorsqu'ils tiennent des positions de principe, même si du coup le dialogue social à leur niveau s'en trouvera tendu. Mais on est plus souvent paralysé par la peur que par l'ennemi. Et ça, les managers ils ont quand même bien du mal à l'accepter. C'est pourquoi il leur arrive d'éprouver pleinement un lourd sentiment de solitude. Pour l'alléger, ils peuvent, et nous aussi, se plonger dans les aventures du détective gastronome Pépé Carvalho écrites par le catalan Manuel Vasquez Montalban.

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14/09/2012

Annoncer la couleur

Quelle idée de recruter les magistrats par concours ! du coup les filles réussissent mieux que les garçons, la magistrature se féminise et les décisions aussi. Il faut dire que Florence, Céline et Sandrine n'y ont pas été de main morte. En interdisant à la Caisse d'Epargne de Rhônes-Alpes Sud de continuer à pratiquer le système de gestion de la performance mis en place quelques années plus tôt, elles s'autorisent à passer les pratiques manageriales au crible de la protection de la santé des salariés. Certes, ce n'est pas la première fois qu'un juge considère que l'organisation du travail, par elle-même, peut être attentoire à la santé. La mise en examen de l'ex-PDG de France Télécom est là pour nous le rappeler. Mais ici, c'est la motivation retenue par les trois magistrates qui retient l'attention. Si le système mis en place est illicite c'est parce qu'il est bâti sur le principe que le seul objectif fixé aux salariés c'est de faire mieux que les autres, ce qui est particulièrement générateur de stress. Selon les juges, si l'entreprise met en place un système de gestion de la performance, cela signifie qu'elle doit fixer des objectifs, lesquels sont susceptibles d'être soumis à contrôle. En d'autres termes il faut annoncer la couleur. A ce sujet, si le Rouge et Noir sont les couleurs de Toulouse et de Chicago, il semblerait qu'elles soient également celle de Saint-Denis.

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La gestion de la performance à la Caisse d'Epargne est assurée par un système de Benchmark : les performances des agences et des salariés font l'objet d'une évaluation continue qui agrège les résultats et positionne chaque agence et chaque salarié en fonction de sa performance relative. Cette mise en concurrence interne permanente (proche de la fameuse concurrence interne compétitive, voir ici) est censée tirer les performances vers le haut. Elle traduit surtout le choix de privilégier la compétition sur la coopération pour améliorer le résultat. On ne s'en étonnera pas lorsque l'on constate que l'entreprise affirme dans ses conclusions qu'il n'y a pas de lien entre le système de benchmark et les risques psychosociaux "qui font partie du monde actuel du travail". Comme si ce monde actuel n'était pas un construit mais une donnée intangible. Et au passage, les magistrates n'oublient pas de tordre le cou aux accords sur les risques qui ne visent pas à prévenir les risques à la source, donc à les minorer, mais à les traiter lorsqu'ils surviennent par des numéros verts d'écoute, des reclassements ou mobilités ou encore des mesures qui renvoient le problème à des solutions exclusivement individuelles (formation, aménagement du poste de travail...). Or, le Code du travail est formel : les mesures préventives et collectives doivent primer sur les mesures curatives et individuelles. C'est ça le problème avec les filles qui lisent et qui travaillent : contrairement au Poker vous ne pouvez plus les bluffer et il faut annoncer la couleur.

TGI-Lyon-BPCE.pdf

21/08/2012

Mais où est le mélangeur ?

Cette année, les Rencontres photographiques d'Arles invitent...les étudiants, ou anciens étudiants de l'Ecole Nationale Supérieure de Photographie (ENSP), installée à Arles. Pour fêter les 30 ans de sa création, l'Ecole a pris quelques nouvelles des 640 étudiants qu'elle a diplômé. Et présente les travaux de quelques uns d'entre eux. Les commentaires accompagnant les photos sont assortis d'une petite fiche biographique. L'occasion de jeter un coup d'oeil sur les parcours des diplômés de l'ENSP. Majoritairement des jeunes gens qui ont fait des études artistiques (Beaux-Arts, sociologie de l'art, sciences de l'art, écoles de cinéma, d'arts plastiques, etc.) ou des sciences humaines (histoire, socio, lettres, philo,...) et il faut chercher longtemps pour trouver une ingénieure et un infirmier. Dorothée Smith, pour sa part, a fait des études de philosophie à la Sorbonne avant d'intégrer l'ENSP.

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Dorothée Smith

Je pense justement aux étudiants du Master Développement des Ressources Humaines de la Sorbonne, dont les CV sont posés sur mon bureau. Je regarde également leur parcours : droit, gestion, gestion, droit. Et Ressources Humaines au final. Pas un juriste à l'ENSP, pas un historien, philologue ou sociologue de l'art en Ressources Humaines. Pas de doute, les cloisons sont bien montées et ceux qui ont fait le boulot ont en plus planqué le mélangeur. Il serait pourtant urgent de le retrouver et que ceux qui sont chargés de recruter tous ces jeunes gens osent s'en servir.

arles,ensp,photo,photographie,recrutement,formation,éducation,filières,orientation

12/07/2012

Banal

En droit de l'Ancien Régime, la banalité était un privilège féodal. Un monopole qui garantissait au seigneur que les communautés vivant sur ses terres utiliseraient ses équipements (four banal, moulin banal, etc.) ce qui lui assurait le paiement des droits afférents. Ce privilège n'a pas résisté à la Révolution de 1789 et surtout à celle de 1793 qui les a totalement abolis. Il est des personnes pour qui la banalité demeure un privilège. Tous ceux qui s'estiment réduits à une identité assignée ou différenciés par une caractéristique discriminatoire n'aspirent qu'à la banalité. Tous ceux qui ressentent un sentiment d'exclusion n'aspirent qu'à la banalité. Combien de personnes handicapées souhaiteraient être vues autrement qu'à travers leur handicap, comme des individus avant tout sans que toute leur vie ne soit lue au crible de ce handicap. Rapportée au plan juridique, cette demande de banalité s'exprime à travers l'exigence de disposer d'un droit commun qui soit le plus large possible et d'éviter autant que faire se peut les lois spéciales. Le droit de la communauté doit être défini de manière à englober toutes les situations. C'est ainsi que l'on rend le droit simple et efficace. Cela s'obtient par la qualité de conception et de rédaction des textes.

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Alessandra BANAL - Terrible/Perfect

SFR vient de donner un coup de pouce à la banalité en décidant de rendre accessible le congé de parentalité à tous les couples qui accueillent un enfant, y compris lorsque les deux membres du couple sont de même sexe. L'entreprise dans ce cas, assumera la charge financière du congé que la sécurité sociale ne prend pas en charge, à ce jour.

En décrétant la banalité de la situation, SFR fait entrer dans le droit commun des catégories de salariés qui n'y avaient pas accès. Et c'est ainsi que la banalisation devient à la fois un privilège et un progrès.

10/07/2012

Marketing constitutionnel

Nous avons donc confirmation, au soir de la première journée de la Conférence sociale, que le dialogue social sera consacré par la Constitution, qui devrait intégrer une disposition selon laquelle toute loi en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle doit être précédée d'une consultation des partenaires sociaux. Le fait que cette disposition existe déjà dans le Code du travail qui la reprend dans son article 1 n'y fera rien. La Constitution c'est mieux paraît-il car cela permettra au juge de veiller à ce que le législateur respecte vraiment la loi. Vous avez bien lu : faute de mieux, c'est pour éviter que le législateur ne détourne une loi qu'il a lui même votée que l'on souhaite mettre dans la Constitution le principe du dialogue social préalable. Protégeons de la tentation ces pauvres députés et changeons les textes plutôt que les pratiques. On aurait préféré que nos gouvernants avouent qu'il y avait là volonté de communication et peut être aussi qu'il était important que la norme suprême articule démocratie politique et démocratie sociale. Pour une si belle entrée, on eût souhaité un argumentaire qui ne soit pas au petit pied.

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Dans la série, je ne fais pas du marketing, je contribue au débat de fond, nous avions déjà la demande du MEDEF d'inscrire également dans la Constitution la liberté d'entreprendre. Que celle-ci soit déjà reconnue par le Conseil Constitutionnel comme une liberté constitutionnelle en vertu de la Déclaration des droits de l'homme (art. 4), n'y change rien. L'inscription doit avoir lieu car ce sera un message d'encouragement à tous les entrepreneurs. Nous voici donc dotés d'une Constitution en forme de panneau publicitaire sur lequel il fait bon inscrire des messages à portée communicationnelle, symbolique et politique (en clair de la pub). Pour le droit, on verra plus tard.

Et s'il s'agit de faire passer des messages à nos concitoyens, je propose que soient inscrits en post-scriptum de la Constitution ces phrases de Rimbaud :

A quatre heures du matin, l'été,

Le sommeil d'amour dure encore.

Cela a un peu plus d'allure que la liberté d'entreprendre et le dialogue social non ?

27/03/2012

Baisse de la hausse

Si la politique doit se réduire à la communication, alors il faut voter Shadock. Que l'on en juge : le chômage a augmenté de 0,2 % en février. Ce qui donne en langage politique "une baisse tendancielle de l'augmentation". Autrement dit, ça augmente toujours mais moins vite. Mais l'essentiel était de placer le mot baisse pour équilibrer la hausse. D'autres formules auraient pu être tentées. Je propose pour le mois de mars : 

- la décélération de l'accroissement. Cela a un côté sécurité routière qui peut rassurer ;

- la diminution de l'augmentation. Qui donne l'impression que tout s'annule, même s'il n'est jamais prudent de renvoyer au nul ;

- la baisse de la hausse, qui pourrait séduire les chasseurs et autres manieurs de fusils ;

- le tassement de la courbe, qui laisse penser que l'on va vers la droite, ce qui est une tactique subliminale que ne renierait pas le communicant Raffarin.

 

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Mais la palme revient sans doute à La Tribune qui nous explique (ici) que sur 5 ans le chômage a augmenté de 400 000 demandeurs d'emploi, ou 720 000 ou 1,1 millions et que tous ces chiffres sont vrais.

Je crois que je vais retourner pomper.

13/03/2012

De l'engagement

La CGT a officiellement exprimé sa position pour la prochaine élection présidentielle en indiquant pour qui elle ne voterait pas. Le même jour, Laurence Parisot dans une interview aux Echos, annonçait tout aussi clairement, même s'il ne s'agit pas d'un communiqué du MEDEF, pour qui elle ne voterait pas. Si les positionnements politiques ne surprennent guère, leur expression a suscité force commentaire. Les vieilles rengaines sur la politisation des syndicats sont rebrandies. Les représentants de la démocratie sociale doivent-ils prendre position lorsqu'il s'agit de démocratie politique ? en droit, s'il est interdit à un syndicat de poursuivre des objectifs politiques, l'intervention politique est reconnue comme un moyen de défendre les intérêts des adhérents. L'engagement n'est donc pas une fin mais peut être un moyen.

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Ai Weiwei

D'ailleurs, tout le monde devrait se réjouir que chacun souhaite et puisse s'engager. La démocratie se porte mieux lorsque les citoyens s'engagent que lorsqu'ils négligent de le faire. Et l'engagement d'un seul peut parfois faire des émules à l'exemple d'Ai Weiwei.

Non l'engagement n'est pas un problème, sauf si l'on considère qu'il est impossible d'avoir des relations, de travailler efficacement, voire de cotoyer ceux qui ont d'autres engagements que les notres. Cette vision ostracisée de la société où l'on ne pratiquerait que l'entre soi endogamique est une véritable plaie. Je me souviens qu'un des premiers à me faire confiance lorsque j'ai débuté mon activité, était un représentant patronal à la réputation sulfureuse, autrement dit il fleurait l'extrême-droite. En réalité, il baignait dans des cultures de droite très diversifiées dont il faisait une anarchiste synthèse personnelle tout en aimant l'ordre et le cérémonial. Mais cela il m'a fallu du temps pour le découvrir. La vérité d'un individu n'est quasiment jamais dans son apparence.

L'engagement devrait être un acte aussi normal et banal que le fait de cotoyer avec plaisir ceux qui pensent autrement que nous. Manifestement nous n'en sommes pas là et ici j'adresse un salut personnel à Marc Ferracci qui refusa la semaine dernière un débat avec moi parce que j'avais osé écrire tout le mal que je pensai du rapport sur la formation professionnelle qu'il a coproduit pour l'Institut Montaigne (voir ici). Et au plaisir d'une prochaine rencontre, avec un peu d'engagement !

12/03/2012

Réveil

Après deux ans de négociation, des assoupissements, un peu de léthargie et quelques autres chats à fouetter également, les partenaires sociaux ont conclu le 17 février dernier un accord sur la modernisation du paritarisme et son fonctionnement. Il n'était que temps. Après plusieurs décennies de paritarisme, les partenaires sociaux actent enfin des principes de gouvernance destinés à garantir la transparence de la gestion, son efficience et ses résultats. Certes l'effort vient tard, il est timide puisque limité aux organismes nationaux interprofessionnels,  mais il a un goût de printemps pour la démocratie sociale qui en a bien besoin.

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Johann Heinrich Fussli - Le réveil de Titania - 1781

Avec ce texte, nous aurons des administrateurs qui cumuleront moins de mandat, qui seront en activité ou auront moins de 70 ans, qui seront formés, qui rendront compte, qui adopteront des règles de fonctionnement transparentes, qui mettront en place des audits internes et externes, qui s'attacheront à la qualité des services rendus aux bénficiaires et qui se doteront de capacités d'évaluer l'impact des actions conduites.

On peut se demander pourquoi tout ceci, qui semble tomber sous le sens, a demandé deux ans de négociation et n'a pas été fait depuis longtemps. Mais après tout, ce n'est plus la question du jour. Apprécions l'hirondelle et laissons lui annoncer le printemps.

Projet ANI Paritarisme.pdf

09/03/2012

De l'assurance et de l'assistance

Le droit c'est de la littérature dont la qualité tient souvent à la justesse des mots employés. Que les termes soient confus, mal définis et les idées ne manqueront pas de l'être également.

Il est régulièrement question, tous les 5 ans environ, d'assistanat. En droit, les régimes d'assistance reposent sur la solidarité publique et ont pour caractéristique de distribuer des ressources sans tenir compte de la qualité de cotisant, ou non, à un régime. L'assurance, a contrario, est un droit que l'on s'ouvre à hauteur des cotisations que l'on verse.

 Les garanties sociales mises en place à la Libération ont évolué en empruntant aux deux systèmes.

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Relèvent par exemple de l'assistance, les allocations familiales. Relève de l'assurance, l'indemnisation du chômage. Rappelons que ce régime  est financé par les cotisations salariales et patronales et qu'il ouvre des droits strictement proportionnels aux durées de cotisation. Comme l'assurance maladie ou l'assurance retraite qui exigent des durées de cotisation pour que les droits soient ouverts. Mais à l'inverse de la CMU, du RSA ou des allocations familiales qui sont versés en fonction d'une situation et non de contributions. Droit à une assurance d'un côté, accès à la solidarité de l'autre.

On suggèrera donc à ceux qui font le pari de la vérité, de réserver l'appellation d'assistés à ceux qui perçoivent des allocations non conditionnelles, et donc en premier lieu aux familles, et de rappeler que les chômeurs qui perçoivent une indemnisation sont titulaires d'un droit acquis en contrepartie de leur travail. A défaut, il y aurait soit incompétence, soit démagogie, mais en tout état de cause guère de vérité.

17/02/2012

Solidarité intermédiaire

Les corps intermédiaires n'ont pas bonne presse. J'ai déjà pointé sur ce blog, la défiance exprimée dès loi Le Chapelier envers les corporations et associations. La critique des organisations professionnelles ou syndicales, présentées comme sources de blocage et de conservatisme, trouve un écho dans le rapport Perruchot consacré au financement des organisations patronales et syndicales. Ah qu'il est bon de taper sur l'intermédiaire comme le firent les vignerons du Languedoc au début du siècle !

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Mais ces mêmes vignerons ont aussi inventé les coopératives viticoles, c'est à dire la solidarité des producteurs pour mettre en commun des moyens de fabrication et de commercialisation. On peut même retrouver trace d'une fête qui réunit coopérative de production et coopérative de consommation.

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Les vignerons coopérateurs reçoivent

des sociétés coopératives de consommation

Car la liberté d'association permet la mise en place d'organisations collectives par lesquelles les individus conjuguent leurs intérêts, ce qu'on leur reproche parfois, mais aussi de structurer des représentations collectives entre le citoyen et l'Etat, ce que ce dernier n'apprécie parfois que peu. Qui dit corps intermédiaire dit contrepouvoir. Et toute résistance au changement n'est pas que négative, encore faut-il savoir quel est le changement proposé. Est-il corporatiste, conservateur, passéiste et représentant d'une société bloquée celui qui refuse que le travail du dimanche soit généralisé ou celui qui considère qu'il serait paradoxal que l'on désigne sous le nom de progrès tout changement se traduisant par une réduction de ses droits ?

Dans un Etat de droit, les corps intermédiaires cela s'appelle la démocratie sociale, indispensable contrepoint à la démocratie politique. Il y a plus de deux siècles que Montesquieu nous a expliqué tout cela.

Alors le rapport Perruchot ? loin des caricatures que certains medias en ont donné, il ne s'agit pas d'une dénonciation exclusivement à charge de dérives syndicales. Certes le rapport n'échappe pas à certains a priori mais après tout il constitue une mise à plat sérieuse de la question du financement des organisations patronales et syndicales. Il aurait gagné à rappeler plus systématiquement que les financements reçus sont organisés par la loi, de même que les heures de délégation dans les entreprises et au sein de la fonction publique. Et que, mis à part certains comportements qui relèvent de l'escroquerie, ce qui pose le plus problème c'est manifestement les conflits d'intérêts lorsque les mêmes organisations, voire les mêmes personnes, cumulent des fonctions de pouvoir. Tiens, un peu comme les politiques. Et si on veut bien avoir cette lecture, on pourrait en conclure que les choses iraient un peu mieux non pas s'il y avait moins de corps intermédiaires, mais s'il y en avait davantages avec plus de citoyens impliqués et moins de consanguinités et d'endogamie. Car au final, là se trouve l'exigence.

rapport-perruchot.pdf