Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/07/2011

Promesse

On sait que les promesses n'engagent que celles et ceux qui y croient. On sait aussi que les périodes préélectorales sont propices à toute sorte de promesses. Ceux qui les formulent le savent. Ceux qui les écoutent aussi. Mais l'on continue pourtant le curieux manège, chacun faisant semblant d'y croire. Comme si tout cela était fatal, comme s'il n'y avait aucune autre règle du jeu possible. Comme si le défaut d'imagination était équitablement partagé par tous. Comme si la résignation était le seul synonyme possible de réalité. Une sorte de manège permanent, de valse éternelle. Comme cette femme "au corps plein de promesse dont l'oeil provoque mais ne donne rien" selon la formule de Muriel Rossetti.

712872365.jpg

Après François Hollande, appelant au renouveau de la démocratie sociale, voici Jean-François Coppé qui s'y colle. La loi et l'Etat ne peuvent tout régler. La confiance doit être accordée aux partenaires sociaux. L'Etat doit fixer le cadre et laisser toute sa place à la négociation. Les bonnes intentions ne manquent pas. Et nous n'avons sans doute pas tout entendu. Sauf que...

Sauf que le temps de la négociation est rarement celui du politique, sauf que le politique n'aime rien tant que la négociation qui poursuit les objectifs qu'il s'est fixé, sauf que le politique considère qu'il est LA France et que les partenaires sociaux sont une des composantes de cette France qu'il doit administrer, sauf que la négociation est peu présente dans la culture de nos gouvernants et de l'administration sur laquelle il s'appuie. Sauf que le jacobinisme étatique demeure la culture dominante dans quasiment tous les partis politiques de l'UMP au PS en passant par le Front de Gauche ou le Front national (pour les Verts, j'ai un peu de mal à identifier la culture dominante).

Alors ? la démocratie ne se nourrit pas aux promesses. Peut être qu'un bon sevrage, comme pour les sportifs dopés, serait nécessaire si l'on veut véritablement fortifier les mécanismes démocratiques et particulièrement ceux de la démocratie sociale. Le savoir est un promesse de compétence que réalise le passage à l'acte. La démocratie a besoin que chacun soit responsable et passe à l'acte à son niveau, pas de la facilité de promettre ni de la facilité de s'en remettre au promis.

15/06/2011

Allô, l'Etat ? ici la démocratie sociale

Suite du feuilleton des OPCA et plus largement de la négocation sur la formation professionnelle. Dans une interview donnée à l'AEF, Jacques Barthélémy revient sur la possibilité pour un accord collectif de prévoir des contributions conventionnelles en matière de formation professionnelle. S'appuyant tant sur le droit constitutionnellement garanti de la négociation, les principes du droit conventionnel et les principes du droit de la formation, Jacques Barthélémy confirme, pour ceux qui en douteraient encore, que la position de la DGEFP excluant toute création de financement en dehors des règles fiscales ne repose sur aucun fondement.

DSC06160.JPG

LONDRES

Rappelons que la DGEFP estime que la création d'une obligation conventionnelle ayant pour objet le financement de dispositifs de formation professionnelle non prévus par le code du travail « ne peut être envisagée, aucune disposition législative n'autorisant expressément la création d'une ou de plusieurs contributions conventionnelles permettant de remplir l'obligation fixée à l'article L.6331-1 en sus des articles créant l'obligation légale. ».

Jacques Barthélémy rappelle qu'il ne s'agit pas de remplir l'obligation légale de financement, mais de dégager des moyens conventionnels, supplémentaires aux financements fiscaux et n'ayant pas la même nature, dans le cadre de la capacité générale des partenaires sociaux à créer des garanties collectives pour les salariés.

Image1.jpg

PARIS

Une certaine culture française voudrait qu'en l'absence de texte spécial, l'interdiction prévale. Comme s'il fallait faire fi des principes et que l'opérationnel n'existait que dans la prescription. On voit comme cela finit : attendre que l'on vous indique où vous pouvez vous coucher. Dans cette affaire, on aimerait, au nom de la démocratie sociale qui en a bien besoin, que les partenaires sociaux refusent de se plier à l'injonction et que, d'une manière plus générale, ils ne se couchent pas.

Place du champ conventionnel en formation-J.Barthelemy.pdf

03/02/2011

Un transitoire qui dure

La loi du 20 août 2008 sur la démocratie sociale rebat totalement les cartes de la représentativité syndicale. Pour résumer, la représentativité résulte désormais des résultats des élections professionnelles et non d'une reconnaissance étatique ou judiciaire. Retour à la démocratie représentative donc, et enjeux nouveaux pour les élections professionnelles, avec son cortège de tensions et de contentieux. Au fil de ce dernier, les tribunaux construisent le mode d'emploi des règles nouvelles. Dans une décision du 19 janvier 2011, rendue sous présidence toulousaine que je salue, la Cour de cassation prend une décision audacieuse au regard des textes mais soucieuse de la préservation d'une représentation des salariés. La loi du 20 août 2008 prévoit que les organisations syndicales représentatives au niveau national peuvent continuer à désigner des délégués syndicaux dans l'attente des premières élections postérieures à la loi. Ensuite, seules les organisations ayant obtenu au moins 10 % des voix peuvent désigner un délégué syndical, sous réserve qu'il ait lui même obtenu 10 % et donc, par définition, été candidat. Dans le cas d'espèce, l'entreprise avait organisé des élections sans qu'aucune organisation syndicale ne présente de candidat. Elle avait dressé constat de carence et conclu qu'aucune organisation n'était représentative. A tort lui répond la Cour de cassation rebelle. En l'absence de candidature, il est impossible de mesurer l'audience des syndicats et les règles transitoires doivent être prolongées jusqu'à la prochaine élection. Voici donc du transitoire qui dure, de même que Marc Desgranchamps est un peintre du transitoire en mouvement.

MarcDesgrandchamps.jpg

Marc Desgrandchamps - Sans titre - 2007

Le résultat pratique de la décision du 19 janvier 2011 est que des organisations syndicales représentatives à la date de publication de la loi du 20 août 2008 peuvent continuer à désigner des délégués syndicaux qui pourront négocier des accords lesquels, faute de représentativité établie par l'élection, devront être ratifiés par référendum. On comprend le souci de la Cour de cassation : en l'absence de syndicats, tous les accords devenaient caducs faute de pouvoir être renégociés (la disparition de tous les syndicats équivaut en effet à une dénonciation des accords) et aucun accord ne pouvait plus être conclu avant les nouvelles élections.

Cet objectif d'intérêt général l'a emporté sur une lecture littérale du texte qui ne prévoit pas que l'on attende la deuxième élection en cas de carence. Saluons donc cette décision ainsi que la présidente toulousaine qui la suscita.

08/09/2008

Pyramide inversée

La loi sur la démocratie sociale et le temps de travail du 20 août 2008 procède à une inversion de la hiérarchie des normes. Là où traditionnellement la loi fixe un socle que la convention de branche et l'accord d'entreprise peuvent améliorer, la loi nouvelle promeut l'accord d'entreprise voire l'accord bilatéral entre le salarié et l'employeur pour définir la norme applicable, les textes de portée supérieure ne s'appliquant que par défaut.

Ainsi, il appartient à l'accord d'entreprise de fixer le contingent d'heures supplémentaires, les modalités de prise du repos compensateur, la possibilité de recourir au forfait annuel en heures ou en jours pour les salariés. Quelles que soient dans ce domaine les dispositions de l'accord de branche, priorité est donnée à l'application de l'accord négocié au niveau de l'entreprise qui peut donc s'affranchir librement du niveau supérieur.

Concernant la négociation bilatérale, tout salarié ayant conclu une convention de forfait en jours peut, même en l'absence d'accord collectif le prévoyant, renoncer à des jours de repos par accord avec l'employeur en contrepartie d'une majoration de son salaire.

 

ipyramide.jpg

Ces dispositions nouvelles bouleversent la pyramide des normes sociales : c'est dorénavant au niveau de l'entreprise que les marges de manoeuvre les plus importantes sont établies en matière de durée du travail. Ce qui a une double conséquence : le droit du travail n'étant plus fixé au niveau de la branche et le même pour tous, il devient un élément de la concurrence. Par ailleurs, les capacités de négociation du chef d'entreprise prennent une importance toute particulière. Voilà qui devrait à la fois favoriser le dialogue social tout en accentuant la fragmentation du droit social.

04/09/2008

Cumul obligatoire

La loi sur la démocratie sociale du 20 août 2008 n'est pas un bon exemple pour le monde de la politique : elle oblige en effet au cumul des mandats de représentants du personnel ce qui ne sera pas une innovation en fait mais en constitue une en droit.

Selon l'article L. 2143-3 du Code du travail, les délégués syndicaux dans les entreprises d'au moins 50 salariés doivent être désignés parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés aux élections au CE, de la DUP ou des délégués du personnel. S'il ne reste aucun de ces candidats (le nombre de délégués étant supérieur aux candidats de l'organisation), le syndicat peut désigner parmi les autres candidats ou parmi ses membres. Le cumul entre un mandat de DP et de CE, dans la mesure où recueillir 10 % des voix garanti souvent l'élection, devient donc la norme.

bourgeois-cumul1.jpg

Louise Bourgeois - Cumul 1 - 1969

Cette concentration des mandats entre les mains d'une même personne rompt avec la tradition française de l'éclatement de la représentation et de l'absence de lien entre les différents mandats. Dorénavant, les élus représentatifs doivent prioritairement être désignés en tant que délégués syndicaux.

Accessoirement, cette nouveauté limitera considérablement les désignations artificielles qui n'avaient d'autre objet que de conférer une protection syndicale à un salarié menacé de licenciement : faute d'avoir été candidat aux élections, un tel salarié ne pourra être désigné en lieu et place d'un candidat qui remplit la condition de représentativité. Sa désignation pourrait donc être contestée et annulée.

07/07/2008

S'accrocher aux branches ?

Le projet de loi sur la démocratie sociale et le temps de travail  sur lequel le Parlement essaie de travailler ces jours-ci (essaie seulement car le temps lui est compté), est porteur d'un bouleversement considérable de notre droit du travail. Les dispositions relatives au temps de travail prévoient en effet que les accords d'entreprise sur le temps de travail s'appliqueront de manière prioritaire et que les conventions et accords de branche ne pourront plus être invoqués que par défaut.

Il s'agit d'une considérable mutation de notre ordre juridique : la hiérarchie des normes s'en trouve bouleversée. Quel est donc le tort des branches pour être aussi vite écartées ?

bluehende_mandelbaumzweige.jpg
Van Gogh - Branches d'amandier fleuries
 
Si le droit du travail s'est construit autour de conventions collectives de branche c'est pour deux raisons : d'une part placer toutes les entreprises dans la même situation en matière d'obligations sociales au regard de la concurrence  et de manière complémentaire, mais décisive pour les organisations syndicales, ne pas faire du statut des salariés un élément de concurrence en le renvoyant au niveau national et non à celui de l'entreprise. En d'autres termes, en imposant les mêmes obligations sociales à toutes les entreprises du secteur, on garantit la concurrence et on évite les dérives de la négociation "compétitive".
 
La loi sur la démocratie sociale fait exactement le choix inverse à celui qui a prévalu depuis l'origine du droit du travail au milieu du 19ème siècle : dorénavant, le social fera partie du champ des éléments concurrentiels et les entreprises d'un même secteur d'activité pourront relever de règles différentes. Bonne nouvelle pour le DRH, on ne pourra lui dire qu'il ne fait pas vraiment partie du business : par la négociation il détient une grande partie du cadre concurrentiel. Moins bonne nouvelle, le social fait désormais partie du négociable et le DRH sera désormais sommé de trouver des marges de manoeuvre budgétaires en négociant des règles sociales inférieures, au moins sur le temps de travail,  à celles existant au niveau de la branche. Pour le DRH, la commande risque par conséquent d'être, si l'on ose dire, de se décrocher de la branche.