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29/11/2012

Le pari de la discussion

Dans la négociation en cours sur la sécurisation de l'emploi, le dernier texte remis par la partie patronale aux organisations syndicales, comporte un volet sur le compte individuel de formation. Vieux serpent de mer qui a déjà traversé bien des eaux troubles mais qui n'a pas, à ce jour, plus de consistance que le monstre du Loch Ness, le compte individuel de formation connaît enfin une esquisse de réalité, même si seuls les principes sont abordés par le projet d'accord et qu'il reste encore bien des questions opérationnelles. Mais le principe qui structure tout le projet n'est pas sans intérêt : calqué sur le DIF, il fait du compte individuel de formation un crédit de temps que le salarié capitalise mais dont il négocie son utilisation en fonction de sa situation. S'il est salarié, avec l'employeur, s'il est demandeur d'emploi avec POLE EMPLOI, s'il entre dans des priorités nationales, avec les pouvoirs publics, vraisemblablement les Conseils régionaux. Sous cette forme, le compte individuel généraliserait la notion de droit négocié, obligeant le titulaire du droit à faire valider son projet par le financeur. Un droit conditionné par la négociation que certains trouveront peu mécanique et donc non garanti, mais dont l'effectivité tiendra à l'intelligence des acteurs et aux formes de discussion qu'ils sauront établir.

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Une discussion à Paris

Certes, les paris sur l'intelligence ne sont pas toujours certains d'être gagnés et ceux sur la négociation comme mode de prise de décision non plus, on peut pour le vérifier se reporter à l'actualité du moment. Toujours est-il que cette invitation à négocier et à rechercher  l'intérêt commun plutôt que de savoir ce que l'on a le droit de consommer, ne constituera un véritable progrès que si ceux qui sont sollicités pour accompagner les projets acceptent d'entrer dans une véritable négociation et ne restent pas figés dans l'exercice unilatéral de leur pouvoir de décision. Et ça, c'est pas gagné.

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28/11/2012

On n'est pas des machines !

Le langage informatique s’est emparé du vocabulaire courant, au point de transformer les individus en computers plus ou moins performants. Lorsque l’on ne comprend pas, on n’imprime pas, lorsque l’on doit se souvenir d’un information importante, il faut la graver sur le disque dur de sa mémoire, lorsqu’on est confronté à un interlocuteur aux références un peu datées, on lui demande d’actualiser son logiciel, ou carrément de le changer lorsque le mode de raisonnement n’est plus adapté à la situation. Quant à celui qui pète un plomb, version Olivier Mazerolles qui tout d’un coup nous lâche qu’il en a ras le bol de commenter des inepties et que Copé n’a qu’à se garder son UMP pourrie, il ne s’agit pas d’un bug, mais d’un phénomène qu’un petit gros barbu a décrit au début du 20ème siècle comme le retour du refoulé, soit un mécanisme psychique et non mécanique. Ces analogies paraissent pourtant naturelles : la mémoire stocke, la pensée traite, la parole restitue, stockage, traitement, impression, la belle machine humaine.

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Ces rapidités et facilités gomment un léger détail : les machines sont inertes, l’individu est vivant. La mémoire vivante de l’homme n’est pas la mémoire vive de l’ordinateur. Aucun souvenir n’est conservé en l’état et n’est donc stocké. Il vit, évolue, se transforme, s’interprète et se revisite. La mémoire n’est pas une boîte à archives dans laquelle les souvenirs jaunissent un peu mais gardent tout de même leur forme initiale. Le souvenir se transforme avec le regard que l’on porte sur lui. L’intelligence, la pensée et plus globalement le fonctionnement de notre cerveau ne peuvent pas plus être ramenés à des opérations logicielles, c'est-à-dire des séquences logiques aux enchaînements programmés. L’interaction avec l’environnement, les émotions, l'ensemble du psychisme consitutent autant de perturbations aléatoires de ce qui pourrait ressembler à de la programmation. Qu'une part de notre individualité relève de la probabilité ou plus certainement encore de l'improbabilité, voilà qui nous distingue de la machine. Il se pourrait même que cette improbabilité et les formes qu'elle revêt soit la source même de ce qui nous différencie de nos semblables. Car contrairement aux machines, si les hommes se ressemblent, il n'en est pas deux semblables. Il va vraiment falloir revoir le logiciel du vocabulaire !

27/11/2012

On n'est pas des bêtes !

Boire sans soif et faire l'amour en tout temps, il n'y a que ça qui nous distingue des autres bêtes.

Beaumarchais

 

Encore une pizza, Pierre-Augustin ?

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Statue de Beaumarchais - Rue Saint-Antoine à Paris

26/11/2012

Le masque du taureau

Il est un mythe dont la longévité paraît éternelle, celui de la durée du travail des cadres. Depuis la loi du 20 août 2008, qui a ouvert le forfait en jours aux non cadres, il n'existe pourtant plus aucune spécificité dans la législation du temps de travail, pour les cadres. Seuls les cadres dirigeants, en qualité de dirigeants, échappent à l'essentiel des règles régissant le temps de travail. Pour le reste, cadres ou non cadres peuvent voir leur durée du travail fixée en heures ou en jours selon leur activité et le droit conventionnel qui leur est applicable. Mais avant 2008, le forfait en jours était réservé aux cadres. Petit malin, du moins le croyait-il, un employeur bombarda cadre un salarié pour lui faire signer dans la foulée une convention de forfait en jours. La Cour de cassation, dans une décision du 21 novembre, censure cet artifice. Etre cadre ne suffit pas : ce qui conditionne le forfait en jours c'est la réalité de l'autonomie. Le masque est insuffisant et celui de taureau ne nous empêche pas de reconnaître Picasso.

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Gjon Mili - Picasso - 1949

 Mais le juge n'a débarassé le salarié de son masque qu'en matière de forfait jours, puisque la condition d'autonomie n'était pas remplie. Pour le reste, le salarié ayant un avenant au contrat qui lui accord la qualité de cadre, l'employeur est tenu de lui verser le salaire et les avantages correspondant. Sous le masque du faux-cadre, le cadre demeure. L'employeur aurait pu s'en douter s'il s'était souvenu que si l'on enlève le masque de Taureau, on voit Picasso et c'est toujours un taureau.

Cass. soc. 21 Novembre 2012 - Cadre au forfait.pdf

25/11/2012

Le sens du vent

Le Figaro publie un sondage démontrant que les salariés sont prêts à faire des concesssions sur les salaires et le temps de travail pour préserver leur emploi. Il faut bien soutenir les demandes du FMI, de l'OCDE, de l'Institut Montaigne, de l'Institut de l'Entreprise, des agences de notation et de quelques autres qui mettent invariablement sur le compte de salariés coûtant trop cher et bénéficiant de trop de congés  le défaut de compétitivité de la France. Et puis, comme ce sont les positions des organisations d'employeurs dans la négociation sur la sécurisation de l'emploi, il faut bien donner un  coup de main aux discussions pour éviter qu'elles ne s'enlisent.

On attend tout de même avec intérêt le jour où le Figaro sondera les actionnaires pour savoir s'ils sont prêts à renoncer à leurs dividendes pour préserver l'emploi ou s'ils sont prêts à investir de manière durable et non à faire du capital-risque sur des portefeuilles d'action. Mais il y a aussi peu de chances que ces questions soient un jour posées, qu'il y en a que ces girouettes fournissent le sens du vent.

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Ce n'est pas le vent qui tourne, c'est la girouette, aimait dire Edgar Faure. Si vous souhaitez que la girouette ne tourne pas, il suffit de lui donner une forme d'avion et de la fixer définitivement au bout d'un mât. Ainsi,vous pouvez avoir l'illusion que le vent souffle toujours dans le même sens. Et même quand ce n'est pas le cas, en ayant ainsi pris vos précautions vous pourrez croire qu'il souffle dans le bon sens, c'est à dire le vôtre. C'est un peu pareil avec le Figaro et ses sondages : le vent souffle toujours dans la même direction et le salarié l'a souvent de face ! Bon lundi à tous.

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23/11/2012

A las cinco de la tarde

Las cinco de la tarde, c'est l'heure à laquelle Ignacio Sanchez Mejias, torero sévillan, se fit encorner le 11 juillet 1934 dans les arènes de Manzanares. Il mourra deux jours plus tard. Federico Garcia Lorca a écrit pour son ami un chant qui lie à jamais l'infini tristesse et la beauté de la vie, l'une et l'autre ne pouvant que difficilement se regarder dans tout leur éclat. Il se pourrait que dimanche, peu après cinq heures, l'Espagne ressemble à ce torero fatigué dont toutes les victoires ne faisaient qu'annoncer la défaite.

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Dimanche, le Conseil Européen entérinera sans doute, avec son budget 2014-2020, que l'Europe s'est déplacée à l'Est et que le Sud doit se débrouiller avec lui-même. Au même moment, les élections anticipées en Catalogne donneront sans doute une vaste majorité, sans qu'il soit nécessaire de recompter les bulletins, aux partis indépendantistes qui poseront sans délai la question d'un référendum pour l'autodétermination de la Catalogne. Il n'est pas certain que ceux qui prônent la transition vers un fédéralisme faisant plus de place à l'autonomie dans une Espagne préservée soient entendus. Si tel était le cas, le torero usé ressemblerait à Don Quijote, courbé sur Rocinante, sa triste jument. Oui, il risque bien d'être cinco de la tarde pour l'Espagne ce dimanche. Sauf si le chant des gitans peut encore constituer une raison de se rassembler. Peut être, en Espagne, faudrait-il réécouter Vicente Pradal, accompagné ici pour chanter une partie du Llanto, de son fils au piano et de sa fille, la belle Paloma, à la voix. Pour ne pas croire au destin et faire mentir les horloges.


22/11/2012

Fixer le prix du temps

On sait chiffrer le temps, que l'homme s'est ingénié à découper en unité toujours plus fines, des siècles aux nano-secondes. Mais sait-on fixer son prix ? le temps est-ce de l'argent ? pas forcément nous répond le Code du travail.  La loi Borloo du 18 janvier 2005, dite de cohésion sociale, a créé un article L. 3121-4 censé résoudre tous les litiges relatifs au temps de trajet, encore faut-il en faire une correcte application comme le rappelle la Cour de cassation dans une décision du 14 novembre 2012. Que nous dit cet article ? en substance que le temps de trajet domicile-travail est du temps personnel et que le temps de trajet entre deux lieux de travail est du travail. Classique. Mais aussi que le temps de trajet entre le domicile et un lieu inhabituel de travail doit, lorsqu'il est supérieur au trajet habituel, donner lieu à compensations en temps ou en argent. A charge pour l'entreprise, à défaut d'accord collectif, de fixer le prix du temps. Le prix, et pas la valeur, car tout ce qui a véritablement de la valeur n'a pas de prix, comme le savait sans doute Hiroshige et peut être encore plus que lui les voyageurs qui empruntaient le col de shiojiri et pouvaient admirer à loisir le Mont Fuji.

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Hirosighe - Le col Shiojiri - 36 vues du Mont Fuji - 1856

Dans l'affaire soumise à la Cour de cassation, un formateur demandait le paiement d'heures de trajet pour se rendre sur différents lieux de formation. L'AFPA, employeur, estimait qu'en bénéficiant de jours de congés supplémentaires et de primes de compensation de l'itinérance, le salarié était rempli de ses droits. A tort pour les juges du fond, confortés en cela par la Cour de cassation car les avantages étaient expressément attachés à la compensation de l'itinérance et non au paiement du temps de trajet. Mais la Cour suprême invalide la solution retenue par la Cour d'appel à savoir un paiement du temps de trajet sous forme d'heures supplémentaires. En effet, la loi Borloo précise bien que le temps de trajet n'est pas du temps de travail effectif et il ne peut donc générer des heures supplémentaires. Aux juges donc de trouver la mesure du temps et d'en fixer le prix. Pour favoriser leur réflexion, on leur conseillera un petit tour par les sentiers du col Shiojiri.

Cass. soc. 14 novembre 2012 - Temps de trajet.pdf

21/11/2012

Triple portion

C'est un proverbe espagnol : "A qui refuse le bouillon, donnes-en triple portion". La purge, la purge, la purge auraient déclamé les médecins de Molière. C'est le sentiment que l'on peut avoir après la décision de l'agence Moody's de déclasser la France et d'abaisser sa notation, lui retirant ainsi le Graal du triple A. Dietmar Hornung, analyste en chef pour la France chez Moody's, explique, notamment, la décision de l'agence par la rigidité du marché du travail. Appelé à préciser ce qu'il entend par rigidité, il nous livre le diagnostic suivant : "Je note que la France affiche un degré très élevé de règlements juridiques et de contrats à durée indéterminés qui rendent difficiles l'adaptation des emplois aux cycles économiques. Les incertitudes juridiques liées aux licenciements élèvent en outre le coût implicite du travail et n'incitent pas à embaucher". Si la notation doit se baser sur des faits, ici nous sommes en pleine idéologie. Une triple ration de réalité ne serait pas de trop pour Mr Hornung.

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Steve Kaufman - Triple pop criying girl (d'après Roy Lichtenstein)

Sans revenir sur les 800 000 licenciements annuels (soit 5 % des salariés licenciés  chaque année), on pourrait aussi parler de l'emploi temporaire. Près de 5 % de l'emploi salarié est de l'intérim et 10 % des CDD. Ces deux formes d'emploi représentent 80 % des embauches. Ce qui signifie qu'entre les licenciements, les ruptures conventionnelles et l'emploi précaire, plus de 20 % des salariés connaissent une fin de contrat de travail chaque année, hors retraite et démission. Et l'on ne parle pas de la sous-traitance qui constitue, dans l'industrie et le BTP, un traditionnel coussin amortisseur en période de crise.
Dans ces conditions, parler de rigidités du marché du travail en France d'une manière aussi générale, c'est au mieux de l'incompétence, au pire un parti pris idéologique. La troisième option, serait que ce soit les deux à la fois, ce qui n'est pas exclu. Une triple erreur en quelque sorte.

20/11/2012

La Cour enfonce le clou

Chaque décision de la Cour de cassation en matière de forfait en jours, est un clou supplémentaire sur le cercueil des espérances de ceux qui voyaient dans ce dispositif un forfait tous horaires permettant de s'affranchir de toute règle légale et de gérer la durée du travail comme bon leur semble.

Dans une décision du 31 octobre dernier, les magistrats rapellent une nouvelle fois que la loi a posé quatre conditions légales à la validité du forfait en jours : un accord collectif, un accord individuel, une réelle autonomie dans l'organisation du temps de travail et un dispositif de suivi et de régulation de la charge de travail, dont un entretien annuel spécifique. Tous ces points donnent lieu à litige mais, le management en France étant ce qu'il est, c'est bien souvent le motif de défaut d'autonomie qui est invoqué. Après la jurisprudence Décathlon, la Cour de cassation confirme son contrôle sur la réalité de l'autonomie du salarié et estime que lorsque l'entreprise fixe le planning de travail, elle ne peut prétendre que le salarié est autonome, même si elle ne prescrit pas ses horaires. Aïe, le clou.

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Amie Dicke

Dans une deuxième décision, la Cour de cassation devait se prononcer sur le cacul du forfait en jours lorsque le salarié bénéficie de jours de congés conventionnels. Faut-il déduire les congés conventionnels du forfait fixé à 217 jours comme le prétendait l'organisation syndicale à l'origine du recours, ou bien simplement les déduire du nombre de jours de travail théorique, comme le prévoit la convention de la métallurgie ? pour les tribunaux, qui suivent l'argumentation du syndicat, les congés conventionnels doivent être déduits du nombre de jours inclus dans le forfait, sinon cela reviendrait à priver le salarié de cet avantage supplémentaire. Ce qui confirme que les jours d'absence, comme les jours de maladie, ne doivent être déduits que des jours travaillés et sont sans incidence sur les jours non travaillés (en clair, les jours appelés à tort de RTT ne doivent pas être proratisés et sont fixés de manière définitives - voir ici). Beaucoup d'entreprises ont encore du mal à intégrer ces logiques de décompte des absences des jours travaillés, mais on peut faire confiance à la Cour de cassation pour continuer à enfoncer le clou.

Cass. soc. 31 octobre 2012 Forfait jours - Absence d'autonomie.pdf

Cass. soc., 11 juillet 2012, Forfaits en jours - Jours conventionnels de congés.pdf

19/11/2012

En avant, route !

Il y a deux ans, à 16h11,  tu surgissai tel un furet,  petit homme à qui l’on souhaita l’an dernier de voler selon. Dans ce vol au long cours lors de ta deuxième année, tu rencontras les mots. Quelle aventure ! les mots qui permettent tous les voyages, comme ceux que racontent les peintures d’Henry Miller.

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Henry Miller - Hawaiian Serenade

Tout bateau est un départ et le bateau de Miller voisine avec ceux de Staël autour de ton lit. Faire le tour des bateaux est le jeu du soir, pour choisir la destination de tes rêves.

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En cette deuxième année, ton doigt se leva tous les jours pour désigner objets, lieux, peintures, photos, personnes  et demander de les nommer : « Et ça ? ». Jeu de la quête des mots. Que la curiosité te fût donnée, c’est qu’une fée sur toi a du se pencher.

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Les mots, ces passants mystérieux de l’âme comme les appelait Victor Hugo, t’amusent. Restons en à l’amusement, on verra plus tard pourquoi lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté (Confucius). Pour l’heure, que te souhaiter pour l’année qui vient ? De poursuivre le voyage des mots et tous les autres : En avant, route ! Bon anniversaire ioannes.DSCF9191.JPG

18/11/2012

Un texte en forme de vol de bicyclette

En 1986, Yvon Gattaz, Président du CNPF, réclamait la suppression de l'autorisation administrative de licenciement. Cette seule mesure, en facilitant le licenciement, encouragerait l'emploi au point qu'il pourrait en résulter la création de 300 à 400 000 emplois. On vota la suppression de l'autorisation, mais à défaut de pouvoir voter les embauches, elles restèrent au rang des promesses qui n'engagent que ceux qui y croient.

Plus de 25 ans plus tard, les positions des organisations d'employeurs n'ont guère évolué, comme le montre le texte remis aux syndicats lors de la négociation sur la sécurisation de l'emploi. Les principales mesures du texte ? faciliter les licenciements, limiter leur coût, réduire les possibilités de recours judiciaire pour les salariés et, surprise, réintroduire l'homologation des plans sociaux par l'administration, dont on s'aperçoit après coup que cette mesure sécurisait peut être davantage l'entreprise que les salariés en empêchant la saisine du juge judiciaire. Certes, la négociation n'est pas achevée, mais trouver un accord équilibré paraît aujourd'hui aussi improbable que l'équilibre de cette bicyclette, photographiée par Manuel Alvarez Bravo dont on peut voir les poétiques et émouvantes photographies au Jeu de Paume.

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Alors que la négociation sur la sécurisation de l'emploi se voulait audacieuse, novatrice et débouchant sur des mesures historiques, situation économique et sociale oblige, force est de constater que les vieilles recettes sont toujours à l'oeuvre et qu'il est très difficile de dépasser les formules magiques qui sonnent comme des slogans : facilitons le licenciement, on encouragera l'embauche. Que jamais la réalité de cette affirmation n'ait été démontrée importe peu, elle n'est manifestement pas discutable. Et il importe encore moins de constater que plus de 800 000 licenciements sont réalisés tous les ans, dont les 3/4 ne donnent pas lieu à contentieux, et de continuer d'affirmer que licencier en France est très difficile pour ne pas dire impossible.

A partir de là, personne ne devrait s'étonner de voir une bicyclette se promener le long des fils électriques.

Proposition patronale Securation de l'emploi.pdf

17/11/2012

Soutenir les cochons

Les manifestations se multiplient, non pas en France où il ne s'agit ce jour que d'un aéroport à la campagne ou du mariage pour tous (il suffirait au lieu de manifester de retenir la proposition de Jérôme Leroy du mariage avec tous, voir ici), mais dans le Sud. Chez ces cochons de sudistes, selon l'humour anglo-saxon qui ne voit que PIGS (Portugal, Italy, Greece, Spain) au sud de la City. En passant, retenir le mot cochon comme une insulte confirme le peu d'aptitude à la gastronomie et à la contemplation de la nature chez certaines populations. Manifestations au Sud donc et particulièrement en Grèce. Les voyages en train étant propices à la lecture, la rencontre d'un déplacement et de l'actualité mit dans mes mains "Premiers regards sur la Grèce" d'Henry Miller, qui ressemble sur la couverture à Giscard d'Estaing matiné de singe chinois.

 

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La lecture de ces courtes notes de voyage (en nos temps stressés, il est toujours utile de rappeler qu'un livre est court si on souhaite le faire partager) rappelle ce que l'on pressentait. A savoir que si la Grèce rentre dans le rang, c’est toute l’Europe qui basculera à l’Ouest Atlantique et le Sud sera à jamais un paradis perdu. L’homme ne sera de passage sur cette  terre que pour revêtir son costume de consommateur addicté et d’agent économique à l'irrationalité contrôlée par les potions délétères (publicité, pharmacopée, discours d’experts, …) qui achèveront de tuer en lui toute imagination.

"Le jour où ils accepteront le harnais, les Grecs cesseront d'être Grecs. Mais seuls les Anglais, totalement insensibles à ce qui est autre, à ce qui est différent, pourraient croire pareille absurdité" écrit Miller.

Car comment vivre sans projeter sur ce qui nous entoure une vision fantasmatique qui permet de faire émerger la poésie du réel aussi sûrement que le vin du Sud apporte le bien-être, la joie et la conversation comme le dit Miller.

En Grèce « tout est légendaire, fabuleux, incroyable, merveilleux et pourtant vrai. Tout commence et s’achève ici ». On dirait un télégramme reçu ce jour des alentours d'Epidaure "l'endroit le plus parfait de tous ceux que j'ai contemplé jusqu'ici". Il s'agit juste d'un rappel rédigé pour nous en Novembre 1939.

16/11/2012

Franchir le seuil

Les obligations sociales des entreprises sont assujetties à des effets de seuil. L'employeur de moins de 10 salariés n'a pas les mêmes obligations que celui qui en compte plus de 50 ou plus de 300 ou plus de 1000 pour ne retenir que les principaux seuils sociaux. Dans le cadre de la négociation sur la sécurisation de l'emploi, les organisations patronales souhaitent réduire les effets liés aux seuils. Elles proposent pour cela de différer l'application des obligations nouvelles et de réduire ces obligations en dessous de certains seuils. C'est reproduire en pire ce que l'on souhaite éviter, car si les obligations sont réduites, elles inciteront d'autant moins à franchir le seuil, serait-ce avec un effet différé.

Il est pourtant vrai que les seuils ont de quoi faire peur, notamment celui de 50 salariés qui est, de loin, celui qui est le plus coûteux pour l’entreprise, dans des proportions qui peuvent s’avérer exorbitantes. Ainsi, le passage à plus de 50 salariés entraîne la mise en place d’un Comité d’entreprise (0,2 % masse salariale pour le fonctionnement, plus temps de réunion, plus temps de délégation, plus le financement des activités sociales…), mais également de la participation obligatoire, soit  le reversement d’une partie du résultat aux salariés, la possibilité d’avoir jusqu’à 5 organisations syndicales, la mise en place d’un CHSCT, le recours à un PSE en cas de licenciement économique, etc.  A dissuader effectivement le mieux disposé des chefs d’entreprise, et ce qui aboutit à une surreprésentation des entreprises de moins de 50 salariés et au final à priver les salariés de certains droits. Au final, personne n'est véritablement gagnant.

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Mais voyons les choses autrement. Plutôt que de remonter les seuils ou différencier encore plus les obligations, ne serait-il pas possible de les lisser en instaurant soit des règles communes à toutes les entreprises (par exemple la participation dès le premier salarié), des instances de représentation simplifiées pour toutes les entreprises et des  moyens proportionnels à la taille (par exemple des crédits d’heures augmentant proportionnellement au nombre de salariés plutôt que fixes à partir de seuils…). S'il est effectivement urgent de mettre en chantier la question des seuils sociaux, il est peut être encore plus important de faire simple et intelligent, c’est une tentation à laquelle ni les négociateurs ni le législateur ne devraient normalement résister, même si on constate qu'ils persistent souvent à faire l'inverse.

Et pour tous ceux qui trouveraient ces histoires de seuil un peu arides, vous pouvez avec le week-end qui s'annonce franchir le seuil du jardin avec André Hardellet, la réalité prendra tout de suite une autre dimension.

15/11/2012

Encore des lyonnaises !

On se souvient de Florence, Céline et Sandrine, les trois juges du TGI de Lyon qui ont condamné la Caisse d'Epargne pour un système de management générateur de stress (voir ici). Voici maintenant un nouveau trio lyonnais, ou plutôt un nouveau trio de lyonnaises, magistrates à la Cour d'Appel de Lyon : Nicole, Hélène et Marie-Claude. Les prénoms laissent deviner une moyenne d'âge un peu supérieure aux précédentes, mais quant aux décisions, ça décoiffe tout autant. Pour la première fois, une faute inexcusable est reconnue à l'encontre d'une entreprise de travaux publics en raison du décès, suite à un cancer, d'un salarié chargé de la pose d'enrobés (bitume). La société a, un peu maladroitement, essayé de se défendre par un discours assez général sur les conditions de travail dans les travaux publics et le fait que finalement pour poser du bitume il faut nécessairement l'approcher et être exposé au soleil puisque ces activités se réalisent essentiellement pendant les périodes d'été. Le trio de magistrate n'a guère entendu ces arguments, renvoyant l'entreprise à ses obligations.

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Lucas Cranach - Les trois Grâces

Voilà dix ans que toute entreprise doit élaborer un document unique d'évaluation des risques professionnels. Lequel consiste en un diagnostic exhaustif des risques auxquels sont exposés les salariés du fait de leur activité. Le point clé du jugement est le refus de l'entreprise de produire ce document en justice, ce que les trois magistrates ont traduit comme une absence totale de travail d'évaluation, d'où l'inexorable faute inexcusable. Les motivations des juges constituent à ce titre un rouleau compresseur qui n'a rien à envier à ceux qui aplanissent les enrobés. Voilà des années que j'attends, et ces décisions ne font qu'attiser mon impatience, qu'un sociologue se penche sur les évolutions de jurisprudence depuis que les femmes ont remplacé les hommes sous les robes noires. Après la justice de classe, on découvrirait peut être une justice de sexe.

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14/11/2012

Il est interdit d'interdire (l'alcool)

En ces temps où la plus triviale pornographie cohabite sans difficulté avec la morale la plus plate, où l'on mettra bientôt des photos de foies cirrhosés sur les bouteilles de vin après avoir habillé les paquets de cigarette de reproduction de poumons cyanosés, bref en une période où il ne manque pas de prétendants à décréter ce qui est bon pour vous, l'employeur pensait sans doute que sa décision ferait l'unanimité. Il avait en effet inscrit dans le règlement intérieur que toute consommation d'alcool était interdite dans les locaux de l'entreprise, y compris à la cantine. L'inspecteur du travail, soucieux des libertés des salariés, refusa qu'une clause aussi générale soit introduite dans le règlement intérieur. Saisi d'un recours, le Directeur régional du travail, tout empreint du sens du bien public, conforta l'employeur. Mais le juge veillait et la Cour administrative d'appel puis le Conseil d'Etat donnent raison à l'inspecteur du travail : il est interdit d'interdire totalement. Ce n'est donc pas demain que l'on videra la dernière bouteille.

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Studio Manasse - La dernière bouteille - 1930

Pour fonder leur jugement, les magistrats constatent tout d'abord que le Code du travail n'interdit que les boissons autres que le vin, la bière, le cidre, le poiré et l'hydromel (R. 4228-20). Ce qui permet de satisfaire quelques goûts. Ensuite que l'employeur ne peut, par le règlement intérieur, apporter de restrictions aux libertés individuelles que proportionnées au but recherché. Or, l'interdiction totale est excessive pour la protection de la santé des salariés. Car s'il existe un tabagisme passif qui justifie que fumer soit interdit en tout lieu de l'entreprise, on peine à imaginer un alcoolisme passif. Si des interdictions partielles peuvent être justifiées, pas de raison donc de mettre toute la restauration d'entreprise au régime aquatique forcé. Et puisque le produire français est à l'honneur, voici réaffirmée l'occasion de faire réviser leur géographie aux salariés en leur proposant de découvrir les différents vignobles parmi lesquels, bien évidemment, ceux du Sud-Ouest tiennent une place éminente. Et non, nous n'en sommes décidément pas à la dernière bouteille. Santé !

CE 12 Novembre 2012 - Caterpillar.pdf

13/11/2012

Inatteignable vs inexcusable

Après avoir fait le tour de l'entreprise, entendu des salariés et leurs représentants, debreifing avec le DRH :

- Vous aurez à répondre à la question des objectifs. Quelle crédibilité pour le management par objectifs lorsque les salariés les plus performants ne parviennent qu'à 60 % de ce qui leur est demandé ?

- Oh mais j'ai la réponse si la question vient en comité d'entreprise. Les primes sur objectif ne sont pas liées à l'atteinte de 100 % et l'enveloppe sera totalement distribuée. Et aucun salarié, bien évidemment, ne sera sanctionné pour défaut d'atteinte des objectifs.

- Je ne doute pas que vous ayez des réponses pour toutes les questions. Simplement pourquoi fixer des objectifs inatteignables qui discréditent votre manière de manager la performance ?

- Vous savez bien comment c'est : si l'on veut obtenir 60, il faut demander 100. Si je demandais 60 je n'aurai que 40.

- Réfléchissez quand même aux effets d'une prescription impossible, d'objectifs aussi fuyants que l'horizon et d'un système basé sur la défiance qui est un véritable boomerang. Le sentiment est très fort chez les salariés d'une barre mise trop haut.

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Peut être que la décision de la Cour de cassation du 8 novembre dernier aidera le DRH dans sa réflexion. Un salarié victime d'un infarctus demande à ce que soit reconnue une faute inexcusable de son employeur qui l'a soumis à une surchage de travail. L'entreprise répond que le salarié était apte médicalement et qu'aucune alerte sur un risque d'infarctus ne lui a été signalée. Ce faisant elle commet une erreur totale : ce n'est pas la santé du salarié qu'elle doit gérer, mais son travail et l'impact de celui-ci sur la santé. Ce qui est radicalement différent. En l'occurence, les juges ont retenu qu'en fixant des objectifs inatteignables, en surchargeant le salarié et en le faisant travailler dans un climat de pression permanente, l'entreprise a bien généré sciemment un risque qu'elle n'a pas prévenu, ce qui caractérise la faute inexcusable. Le DRH pourra toujours considérer qu'à exiger que l'on demande 60 lorsque le possible est de 60, les juges feraient de piètres managers. Ce qui risque de ne pas changer grand chose s'il devait avoir à faire à eux.

Cass Soc 8 novembre 2012 - Faute inexcusable.pdf

12/11/2012

Une tarte bien crémeuse

Stanley Kubrick n'a finalement pas intégré à son film Dr Folamour, la gigantesque bataille de tartes à la crème entre les russes et les américains comme scène finale. Il a préféré substituer au comique des images de véritables essais nucléaires, comme pour rappeler qu'il ne venait pas simplement de tourner le dernier film burlesque depuis Buster Keaton.

Peut être aurait-il fallu, à l'inverse, quelques dernières pages burlesques au rapport Gallois pour finir de persuader le lecteur que tout ceci n'est pas très sérieux. On se contentera de reprendre ici les propositions qui touchent à la formation professionnelle.

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La première propose de rapprocher le système éducatif et l'entreprise en faisant entrer des chefs d'entreprises dans les établissements car, nous dit le rapport, l'offre de l'Education Nationale n'est pas adaptée aux souhaits des entreprises qui ne trouvent pas le personnel dont elles ont besoin. Cette première tarte à la crème nous présente l'Education nationale exclusivement comme un fournisseur de main d'oeuvre clé en main à l'économie. Rappelons que la mission de l'Education nationale, comme son nom l'indique, est de former des citoyens avant de former des agents productifs ou des consommateurs, et qu'ensuite il appartient peut être aux entreprises de former elles mêmes à leurs métiers et de veiller à la qualification de la main d'oeuvre. Et puis si l'on veut rapprocher l'école et l'entreprise, il ne faut pas uniquement mettre des chefs d'entreprises dans les établissements, il faut aussi mettre des enseignants dans les conseils d'administration.

La deuxième proposition consiste à doubler le nombre d'alternants en cinq ans (soit passer de 400 000 apprentis et 100 000 jeunes en contrat de professionnalisation à 1 million au total). Parfait, l'alternance est une excellente filière. Mais qui paie la différence ? on augmente la taxe d'apprentissage ? la taxe formation continue ? les impôts locaux pour que les régions puissent financer les CFA ? on chercherait en vain un début de solution opérationnelle dans le rapport qui par ailleurs s'élève contre les taux de charges.

La troisième proposition vise à la mise en place d'un compte individuel de formation, sujet d'actualité. La seule proposition concrète pour aller en ce sens est de fusionner le DIF (crédit d'heures bénéficiant à 17 millions de salariés) et le CIF (disponibilités financières bénéficiant à 40 000 salariés). Nul doute que si l'on affectait les 800 millions d'euros du CIF à 17 millions de salariés, chacun en aurait pour son argent avec 47 euros en poche pour se former.

Trois propositions tartes à la crème version Dr Folamour, sur la formation, j'espère que pour les autres propositions, sur lesquelles je décline toute compétence, Gallois lui l'était, compétent.

Rapport-Gallois-PACTE-POUR-LA-COMPETITIVITE-DE-L’INDUSTRI...

11/11/2012

Le temps retrouvé

Les tribunaux français ont toujours validé la règle du "pas pris, perdu" en matière de congés payés. Selon ce principe, une entreprise est autorisée à supprimer les congés payés non utilisés par le salarié à la fin de la période de prise. Encore faut-il que le salarié ait eu la possibilité d'exercer ses demandes et que l'employeur n'y ait pas fait obstacle.

Ce principe français a déjà subi les assauts de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) soucieuse de garantir à chaque travailleur salarié de l'Union les 4 semaines de congés payés que le droit européen considère comme intangibles (voir ici). Sans doute agacée de devoir toujours appliquer avec un temps de retard des jurisprudence européennes garantissant les droits des salariés, la Cour de cassation semble, cette fois-ci, avoir pris les devants. Avec la décision adoptée le 31 octobre dernier, la recherche du temps perdu se transforme un peu plus en temps retrouvé.

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La Cour de cassation était saisie d'une demande d'une salarié qui reprochait à son entreprise de n'avoir pu bénéficier de ses congés payés. La société avait obtenu gain de cause devant les prud'hommes au motif que la salarié n'avait pas présenté de demande et qu'elle ne pouvait justifier de refus de la part de l'employeur. La Cour de cassation inverse le jugement : se référant expressément à la directive européenne du 4 novembre 2003, elle considère que l'employeur doit permettre aux salariés de bénéficier effectivement de leurs congés payés et qu'en cas de contestation il lui appartient de démontrer les diligences accomplies en ce sens. Impossible donc de rester passif et d'attendre que s'applique le fameux "pas pris, perdu".

On en prenait lentement mais sûrement le chemin, cet arrêt est une étape de plus : au moins pour ce qui concerne le congé principal (4 semaines), l'employeur a l'obligation d'être pro-actif et de fixer des dates de congés pour le salarié ou de lui rappeler qu'il doit fixer de telles dates. A défaut, il ne sera plus possible de passer un coup d'éponge sur les compteurs. Puisse ce temps retrouvé être favorable aux jeunes filles en fleur. Bon lundi à tous.

Cour de Cassation - Congés payés - 31 Octobre 2012.pdf

09/11/2012

Un parcours à étapes

Certes rien ne presse, vous avez jusqu'au 17 mars, mais ne manquez surtout pas l'exposition consacrée à Van Gogh et Hiroshige à la Pinacothèque. Les peintures de Van Gogh sont, comme toujours, flamboyantes et inspirées, mais en l'occurence elles constituent une excellente mise en bouche avant d'admirer les estampes d'Hiroshige. Peintre du voyage, Hiroshige a notamment peint les 50 étapes du parcours qui relie Tokyo (Edo à l'époque) à Kyoto. Le parcours comme un carnet de voyage, une carte routière, une oeuvre d'art, un temps de contemplation où le chemin est plus important que l'arrivée. Car un voyage a une unité, sa vérité propre, inscrite dans le temps de sa réalisation. Et celui qui parvient au terme du voyage n'est jamais exactement celui qui fit le premier pas.

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Dans les estampes d'Hiroshige, chaque étape ne prend sens qu'en ce qu'elle est un moment du parcours. Et c'est en embrassant l'ensemble de la marche que l'on peut prendre conscience des transformations que le cheminement opère sur le marcheur.

Si les partenaires sociaux et les pouvoirs publics souhaitent que les parcours professionnels, et leur sécurisation, ne restent pas que des mots, alors il devient urgent de donner au parcours une réalité tangible, d'en reconnaître l'unité et de ne pas se contenter d'en gérer les étapes. C'est dans son ensemble que le parcours doit pouvoir être appréhendé, géré, financé, accompagné. Tel est le sens de la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF qui invite les partenaires sociaux à franchir le Rubicon à l'occasion des négociations en cours sur la sécurisation de l'emploi. Parce que là, il y a urgence.

À LA RECHERCHE DU PARCOURS.pdf

08/11/2012

Petits bricolages

L'entreprise est installée sur un Causse, soit un haut-plateau du Sud-Ouest. Elle emploie des gens du cru. C'est plutôt familial. Et les affaires vont correctement. La production pour l'aéronautique a gonflé les carnets de commande. Et le volume de travail se maintient à un haut niveau. L'embauche est difficile dans ce coin de terroir. Alors il y a souvent des heures supplémentaires. Il y en avait déjà avant la loi TEPA et les exonérations. Il y en aura encore après leur abrogation. Mais on s'habitue à payer en exonération. Alors le dirigeant a imaginé un petit bricolage. Il forme ses salariés. Dorénavant au lieu de les former pendant le temps de travail et de les faire travailler en plus en dehors de l'horaire de travail, il fera l'inverse. Et pendant les heures de formation réalisée en DIF, il versera l'allocation formation (50 % du salaire net exonéré de charges) plus 75 % du salaire habituel, soit au total 125 % pour le salarié. Mais plutôt qu'une heure supplémentaire à 125 % + 50 % de charges, soit 187,50 il se retrouve avec un coût de 75 + 50 % de charges + 50 exonérés soit un total de 162,5. Et voilà comment on économise 25 % de coût salarial en toute légalité. Mieux que TEPA, sans TEPA.

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Certains objecteront que l'on ne va pas loin avec de tels petits bricolages. Ils devraient suivre les pérégrinations de l'auteur de ce vélo-bateau-avion-chauve-souris. Sa trapadelle lui permet de voyager dans les rues, dans l'imaginaire et dans la poésie. Il ne faut jamais sous-estimer les petits bricoleurs qui eux au moins n'hésitent pas à mettre l'imagination au pouvoir.