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30/10/2012

Vider les chaises

On en a désormais la certitude, c'est une entreprise d'éradication de certaines organisations syndicales qui est à l'oeuvre, et la Cour de cassation vient y prêter la main d'une curieuse manière. La loi du 20 août 2008 qui a profondément modifié les règles de représentativité des organisations syndicales, repose sur le principe que c'est lors des élections professionnelles que se mesure la représentativité, tant dans l'entreprise qu'au niveau des branches ou de l'interpofession. Les résultats globaux de représentativité sur ces deux derniers niveaux seront connus de manière officielle en 2013. Et au niveau de l'entreprise, les résultats de l'élection déterminent le poids de chaque organisations syndicale, rompant avec le principe d'égalité qui a prévalu pendant des décennies. Le législateur a également fait le choix de réserver aux organisations ayant deux élus au comité d'entreprise la possibilité d'y désigner un représentant syndical. La Cour de cassation, après le Conseil constitutionnel, vient de confirmer que cette règle ne portait pas atteinte au pluralisme syndical. C'est sur ce sujet que la Cour de cassation en rajoute une couche.

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Dans une décision du 24 Octobre 2012, les juges de la Cour suprême décident en effet qu'un accord ne peut prévoir qu'une organisation syndicale ayant moins de deux élus au CE conserve la possibilité d'y désigner un représentant. Selon les magistrats, la condition de disposer de deux élus est d'ordre public absolu. Rappelons que le rôle du représentant syndical est assez passif : il participe au CE sans voix délibérative. Mais il permet à son organisation d'être au courant des débats, ce qui est toujours utile lorsque ladite organisation n'a pas d'élus au CE, et ce qui est parfaitement inutile lorsqu'elle en a, deux a fortiori. La Cour de cassation a donc privilégié la solution qui ne sert à rien. Ou plutôt à une chose. A donner toujours plus de moyens aux organisations majoritaires et toujours moins aux autres. Cela s'appelle une volonté de vider les chaises et de réduire par tous les moyens le nombre d'organisations et le nombre d'élus. Le dialogue social s'en portera mieux paraît-il. On demande à voir.

Cass. Soc. 24 Octobre 2012.pdf

27/10/2012

PUB !

Les vacances de la Toussaint sont originellement les "vacances patates", celles que l'on prenait pour ramasser les pommes de terre. Mais savez-vous que la pomme de terre fut ramenée des Andes, où elle était cultivée par les Incas, et introduite en Europe comme un légume exotique qui suscita de prime abord la méfiance. Assimilée aux herbes des sorcières, la pomme de terre fut réhabilitée par Parmentier à qui elle avait sauvé la vie pendant sa captivité en Prusse.

Mais pourquoi s'étendre sur les patates ? ne peut-on s'étendre sur matière plus agréable, comme les participants à ce goûteux déjeuner sur l'herbe ?

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Ju Duoqi - Le musée du légume - 20

Si ce blog fait une place aux cucurbitacées, c'est pour célébrer la sortie du dernier livre d'Hélène Mugnier "Quand la nature inspire les peintres". Hélène Mugnier a consacré un précédent ouvrage à l'Art et le Management. Elle anime des formations manageriales dans lesquelles elle fait travailler les participants à partir d'oeuvres d'art. Et elle vous offre à présent un superbe travail sur la représentation de la nature et de ses fruits par les peintres à travers les siècles.  Vous cherchez déjà un cadeau pour Noêl ? vous voulez faire plaisir à un gourmand gourmet ? vous souhaitez mieux connaître la jacinthe, l'oeillet, l'asperge, le peuplier ou encore la figue, la cerise, le chardon, le citron ou le mimosa ? plongez vous dans le magnifique ouvrage illustré de plus de 200 tableaux. Pour 35 euros vous ferez mieux qu'un repas, un festin. Et les toulousains (re)découvriront que la violette associe le bleu céleste et aérien (le bleu pastel de Toulouse) et le rouge terrestre et sanguin (celui de la terre argileuse, de la révolte et du vin). Et en plus, Hélène, elle est charmante. Vous hésitez encore ?

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26/10/2012

Sécurité ?

Les négociations sur la sécurisation de l'emploi se déroulent difficilement. Lot de toute négociation véritable certes, car lorsque l'on se met d'accord sans délai, c'est que l'on ne négocie point mais que l'on constate une communauté de positions. Le point d'achoppement de la semaine est constitué par la réforme des licenciements économiques. Le texte patronal soumis aux organisations syndicales voudrait rendre plus facile la reconnaissance d'un motif économique, moins importantes les obligations de reclassement et moins susceptibles de recours les décisions de licenciement. Au nom de la flexibilité et de la sécurité juridique. Les organisations syndicales font remarquer que la seule sécurité traitée par le texte est celle de l'entreprise, et que la sécurisation de l'emploi n'est guère présente. On constate surtout que derrière les mêmes mots, s'abritent des intérêts et des intentions différentes.

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Ce qui surprend, c'est cette volonté des organisations patronales de vouloir à tout prix sécuriser les licenciements économiques. Il s'en pratique environ 260 000 chaque année, chiffre quasiment constant. Et seuls 2,5 % de ces licenciements donnent lieu à contentieux. Pourquoi ? parce que les sommes perçues par les salariés lors du départ, au moins dans les grandes entreprises, sont supérieures à ce que le juge accorderait en cas de contentieux. Il ne faut pas s'étonner que les conflits à l'occasion de PSE portent sur le montant des indemnités de départ. C'est moins de la résignation que du pragmatisme. En effet, si le licenciement n'est pas fondé en droit, le juge accordera au salarié 6 mois de salaires, voire un peu plus. Jamais la réintégration. Moyennant quoi, en gonflant un peu les indemnités, une entreprise tue l'intérêt à agir. D'où la faiblesse du contentieux. Du coup, c'est moins la sécurité juridique que visent les organisations patronales que la baisse du coût des licenciements. Il suffisait de le dire.

25/10/2012

Le fait du prince

C'est ce qu'invoquait la société Air France pour se séparer d'un salarié qui venait de se voir retirer son habilitation péfectorale de travailler en zone aéroportuaire. Le fait du prince, autrement dit la force majeure. Celle qui s'impose aux parties et conduit donc l'entreprise à licencier le salarié qui ne peut plus exercer l'emploi pour lequel il a été recruté. Mais voilà, les juges font du droit. Et la Cour d'appel, suivie en cela par la Cour de cassation, rappelle à l'entreprise que la force majeure est un évènement irrésistible, condition acquise ici puisqu'il est impossible de passer outre le défaut d'habilitation, extérieur aux parties, ce qui est le cas de la décision préfectorale, mais également imprévisible. Or, pour qui occupe un emploi soumis à habilitation, la perte de cette habilitation n'est pas imprévisible et peut faire partie des évènements qui affectent la vie du contrat. Pas de force majeure donc ici, le fait du prince n'était qu'un rêve, l'occasion de saluer Odilon Redon, véritable prince du rêve selon le titre de l'exposition qui lui fût consacrée l'an dernier au Grand Palais.

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Odilon Redon - Centaure

Dans son argumentaire, Air France faisait valoir que si elle avait l'obligation d'adapter les salariés à l'évolution de leur emploi, elle n'avait pas d'obligation de reclassement suite à la perte de l'habilitation. Mauvais raisonnement selon les juges. L'entreprise devait rechercher si elle ne pouvait pas permettre au salarié d'exercer ses fonctions, ou des fonctions comparables, en dehors des zones soumises à autorisation. Faute d'avoir procédé à une telle recheche, le licenciement se trouve injustifié. Nouvelle jurisprudence qui vise à favoriser la survie du contrat plutôt que sa rupture et impose à l'entreprise une obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat plutôt que de sauter un peu trop rapidement sur l'occasion.

Cour_de_cassation_civile_Chambre_sociale_12_septembre_201...

24/10/2012

A en pleurer

Il est parfois désespérant de se heurter à des murs, surtout lorsqu'ils sont bâtis d'incompréhension, de mauvaise volonté et cimentés par la position de pouvoir de ceux qui les érigent. Que l'on en juge : un salarié est licencié avec un droit à DIF portable de 1052 euros. Il intègre une autre entreprise qu'il quitte quelques mois plus tard avec 118 euros de DIF supplémentaires. Admis à l'assurance chômage, il demande à bénéficier de son DIF portable, cumulé, auprès de l'OPCA. Refus de celui-ci qui lui oppose que le DIF "n'est portable qu'une fois" puisque c'est l'OPCA de la dernière entreprise qui est compétent pour payer la somme. Le droit portable de 1052 euros est donc perdu. Appel de la DGEFP qui, apparemment, confirme cette position : le DIF n'est portable qu'une seule fois.

Et voilà comment ceux qui sont chargés de mettre en oeuvre la sécurisation des parcours des salariés prennent plaisir à inventer à coup d'interprétations hasardeuses et au minimum mal maîtrisées, des règles qui de ce fait ont l'effet exactement inverse à celui recherché.

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Picasso - La femme qui pleure - 1937

Si l'on voulait avoir un nouvel exemple de la mise en oeuvre de manière absurde de règles en perdant tout sens et toute finalité, on serait servi. Voilà donc qu'un salarié qui a acquis des droits pendant six ans, les perdrait parce qu'il a, dans son parcours, intégré un nouvel emploi. Que n'est-il resté au chômage pour profiter de son DIF portable ! ou pourquoi ne l'a-t-il pas utilisé chez ce nouvel employeur alors que c'était inutile !

D'autant que rien dans les textes n'impose une telle lecture. Au contraire, les partenaires sociaux s'étaient interrogés lors de la création de la portabilité, sur l'utilisation du DIF portable lors de parcours faits de périodes alternées d'emploi et de chômage. Ils en avaient conclu que le risque existait (ce qui justifie sans doute in fine la position de l'OPCA) qu'un bénéficiaire puisse utiliser deux fois le droit portable faute de traçabilité entre OPCA. Certains avaient même envisagé de créer une carte à puce pour tracer la portabilité. Et puis la raison l'emporta et l'on considéra que si quelques salariés bénéficiaient deux fois du même droit, c'était moindre mal par rapport au fait d'en priver plusieurs dizaines d'un droit acquis. Il faut croire que ce message n'a pas été intégré par tous. Au final,  voilà comment on fait supporter à l'individu, les insuffisances d'un système qui est censé être à son service.

Quant à une autre interprétation des règles de la portabilité, voir ci-dessous.

LA MISE EN ŒUVRE DE LA PORTABILITE DU DIF APRES LA FIN DU CONTRAT DE TRAVAIL.pdf

23/10/2012

Faire bouger les statuts

Par un arrêté en date du 17 septembre 2012, l'AGEFOS-PME a été agréé en qualité de Fonds d'Assurance Formation de non salariés pour la gestion de la formation des travailleurs indépendants et chefs d'entreprise de la pêche maritime. Par cet arrêté, l'AGEFOS-PME devient le seul des vingt OPCA subsistant à l'issue de la réforme lancée en 2009, à pouvoir gérer à la fois des salariés et des non salariés.

Il serait pertinent qu'au-delà de cette exception, le Ministère du travail aille plus loin et confie aux OPCA le soin de gérer la formation des artisans, commerçants, chefs d'entreprises et autres travailleurs non salariés. Au nom de quoi ? de la sécurisation des parcours et de l'efficacité. Concernant la sécurisation des parcours, il est fréquent qu'un salarié d'une TPE franchisse le pas et devienne lui même entrepreneur, tandis que certains chefs d'entreprise font le choix de redevenir salarié. Ces aller-retours pénalisent leurs auteurs, puisqu'il vaut mieux cumuler des droits dans un même régime que d'en acquérir dans plusieurs. Confier la gestion de la formation à un organisme unique, permettrait au moins de mieux gérer la professionnalisation des actifs ayant une mobilité statutaire. On entend déjà les représentants patronaux objecter qu'un organisme paritaire n'a rien à voir dans la gestion de la formation d'employeurs. On peut considérer que la qualité de chef d'entreprise est un état, transitoire parfois, et non une qualité naturelle. Si l'on veut véritablement donner du sens à la notion de parcours, il va falloir se résoudre à faire bouger les statuts.

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Les statues bougent-elles après la fermeture des musées ?

Le second argument est d'efficacité. Aujourd'hui, ni l'AGEFICE ni le FIF-PL ni le FAFCEA ne rendent de véritables services aux travailleurs non salariés et leur équilibre économique est chaque jour plus précaire. Alors qu'il y aurait une véritable dynamique si un même OPCA pouvait former à la fois le chef d'entreprise et ses salariés. Et seuls les OPCA disposent de véritables services de proximité pour ce faire.

Si l'on veut cesser de se payer de mots et faire que le parcours de formation, et sa sécurisation, acquièrent une réalité concrète, il va bien falloir faire bouger les statuts. Quoi de plus tentant, d'ailleurs, que de voir bouger les statues ?

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22/10/2012

Le retour des contre-lettres

Après les lettres festives, voici le retour annoncé de missives beaucoup moins ludiques. Il s'agit des contre-lettres, ces contrats occultes par lesquels on s'engage mutuellement sur une opération en général illégale à laquelle on donnera une apparence légale et autre que la véritable intention des parties. Un exemple :  il s'agira de se mettre d'accord sur une rupture amiable d'un contrat de travail, tout en lui donnant l'apparence d'un licenciement, assorti d'une transaction dans laquelle chacun recevra ce que la contre-lettre a prévu. Si ces pratiques n'avaient pas totalement disparu depuis la création de la rupture conventionnelle en 2008, leur nombre s'en était trouvé considérablement diminué. Il faut dire qu'il n'était plus besoin d'escroquerie, car c'est bien de cela qu'il s'agissait avec la contre-lettre qui visait à contourner le fisc et l'URSSAF, puisque les mêmes droits (indemnité exonérée et assurance chômage) étaient attachés à la rupture conventionnelle et au licenciement. Plus d'intérêt donc à passer par des pratiques illégales, on pouvait aller au but en terrain découvert.

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Gaston Chaissac - Lettre

Mais voila que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 se propose d'instaurer un forfait social (entendez une cotisation supplémentaire) d'un montant de 20 % sur les indemnités versées à l'occasion d'une rupture conventionnelle. Si cette ample ponction avait également porté sur les indemnités de licenciement, on aurait compris que l'on se trouvait face à une mesure destinée à la fois à freiner les ruptures de contrat et à combler le déficit des finances non pas de la belle-mère mais de l'Etat. Mais que non. Il ne s'agit que de taxer les ruptures conventionnelles que certains aimeraient bien interdire car dans leur représentation elle ne sert qu'aux employeurs qui abusent à volonté de la volonté des salariés. Suggérons à tous  ceux-la d'aller faire un tour sur le terrain social et de demander leur avis aux principaux concernés. Mais le fait est là : la rupture conventionnelle sera taxée mais pas le licenciement. De ce fait, nous verrons ressurgir les petits arrangements à l'amiable, les accords secrets, les comportements délinquants (appelons les choses par leur nom pénal, c'est toujours plaisant) et autres occulteries de grand chemin. Dans cette affaire, il y aura au moins une catégorie sociale qui trouvera son bonheur : les avocats qui n'étaient guère sollicités pour les ruptures conventionnelles dont la simplicité garantissait l'autonomie de chacun, vont retrouver de l'activité avec les contre-lettres, les procédures de licenciement et les transactions.Il leur sera aisé d'expliquer que le montant de leurs honoraires est moins élevé que le coût du forfait social. Quant aux autres, ils devront soit payer le prix de leur accord, soit revenir à l'illégalité. Et voila comment une fois de plus en voulant faire le bonheur des gens malgré eux, on en revient à leur compliquer la vie.

18/10/2012

Lettres festives

Les lettres dites "festives" sont des lettres qui diffusent une encre bleue lorsqu'elles sont ouvertes. La Poste a utilisé ce procédé pour démasquer une salariée qui ouvrait régulièrement des lettres transitant par un centre de tri. La Poste invoquait deux bonnes raisons d'utiliser ce subterfuge : d'une part elle ne pouvait tolérer une pratique qui constitue un délit pénal et d'autre part en tant que service public elle agissait pour protéger les intérêts des usagers et pas seulement les siens propres. Il n'empêche qu'elle ne s'est pas contenté de porter plainte ou de mettre fin aux agissements de la salariée, elle a procédé à son licenciement. Ce que la Cour d'appel de Chambéry avait validé. Pas la Cour de cassation qui persiste à refuser les techniques qui permettent de piéger un salarié, serait-ce avec les meilleurs arguments du monde. Le licenciement sera donc jugé sans cause réelle et sérieuse et la salariée indemnisée. Nouvelle illustration que droit et morale occupent deux champs distincts, sauf à considérer que la postière en désamour était en recherche de missives lascives.

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Mimi Parent

En s'obstinant à refuser à l'employeur de pouver la réalité par tout moyen, la Cour de cassation dresse une barrière protectrice du  salarié et considère que les droits de la défense sont supérieurs à ceux de la vérité. Une telle position peut susciter quelques incompréhensions : après tout les faits sont avérés et la faute établie. Pourtant il faut se féliciter de cette décision qui maintient fermement  la digue de la protection du salarié, y compris délinquant, contre des pratiques intrusives de l'employeur. Les moralistes se consoleront en constatant que privée de son emploi, la postière ne peut plus s'adonner au plaisir de la lecture à la dérobée.

Cour de cassation civile Chambre sociale 4 juillet 2012.pdf

17/10/2012

Ouvrir les portes du parcours

Sur l'excellent site de Bruno Callens consacré au DIF (voir ici), un internaute présente son parcours : salarié de 1985 à 2003 dans une même entreprise, puis deux ans de chômage consacrés à passer un CAP suite à quoi une activité d'artisan pendant 5 ans, puis un CDI dont il démissionne après 5 mois pour enchaîner un CDD de 6 mois, 4 mois d'intérim puis de nouveau 6 mois de CDD. Soit 17 ans d'activités dont deux années en formation dans le cadre de l'assurance-chômage. Et cette question : quels sont mes droits au DIF au terme de ce parcours. Et bien 0 avant 2004, 0 pendant la période de chômage, 0 pendant l'activité indépendante, 10 h portables pour les 6 mois de CDD, 0 pour les 4 mois d'intérim et 10 heures portables pour le dernier CDD. Soit 20 heures x 9,15 euros = 183 euros pour aller en formation.

Depuis le temps qu'il est question de sécurisation des parcours professionnels, l'exemple de ce parcours tellement typique durant lequel on enchaîne les statuts et les activités est édifiant : au final la personne qui a travaillé quasiment sans discontinuité est  exclue du droit à la formation. Preuve s'il en fallait, que nos systèmes sont avant tout conçus en référence à un modèle théorique de l'emploi permanent et qu'ils ne prennent guère en compte ce qui est pourtant la réalité quotidienne pour une grande partie de la population active, qui n'est sans doute pas celle qui a le moins besoin de formation. Mais les portes ouvertes pour certains se referment bien vite devant les autres.

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A lier les droits à l'ancienneté, on est encore dans le modèle des trente glorieuses de l'emploi de longue durée qui permet d'accumuler des droits à condition que rien ne bouge. Le meilleur moyen de priver de tout ceux qui sautent d'un emploi à l'autre pour parvenir à une continuité de revenu et témoignent au passage d'une capacité d'adaptation permanente. Mais ils seront pénalisés au niveau de la rémunération, de la protection sociale et de l'accès à la formation. Tant que l'on ne réfléchira pas en terme de droits liés à l'activité, quel que soit le statut, et garantis par des systèmes de mutualisation et que l'on continuera à cloisonner, segmenter et faire dépendre le statut social de la durée de l'emploi, on sacrifiera sciemment près d'un quart de la population active. Ce n'est pas la majorité objectera donc. C'est peut être exactement là que se situe le problème.

16/10/2012

Variabilité

Les étoiles variables, ce sont celles dont la luminosité n'est pas constante. Elles brillent avec plus d'éclat selon des intermittences moins prévisibles que la chute des feuilles à l'entrée de l'automne. Les étoiles variables sont des exceptions du ciel. Si l'on redescend sur Terre, on découvre que la variabilité est au coeur de débats récurrents. Et qu'à propos du coût du travail, il est fortement question de la variabilité de la masse salariale et donc de l'effectif. Le salarié  seule variable d'ajustement de la compétitivité ? c'est ce qu'affirme le MEDEF, qui propose pour relancer l'économie que l'on réduise le coût des charges sociales, que l'on allonge la durée des périodes d'essai, que l'on facilite le recours aux CDD et que l'on réduise les obligations des entreprises en matière de licenciement. Tout ceci faisant frein à l'emploi. Les arguments varient peu, ils étaient les mêmes dans les débats sur les 35 heures il y a 10 ans et les mêmes encore à la fin des années 70 pour lutter contre la crise qui s'installait.

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Eta Carinae - Etoile variable

Je me souviens de la mise en place des 35 heures : pour certaines entreprises, un véritable casse-tête car les coûts de main d'oeuvre représentaient la majorité de leurs coûts de production. Mais je me souviens aussi de ces entreprises où les coûts de main d'oeuvre représententaient 10 % des coûts de production, et la réduction du temps de travail 1% de ce coût. La tension n'était manifestement pas la même. Je me souviens aussi que si Pechiney a fermé des usines, ce n'était pas parce que les salariés coûtaient trop cher mais à cause du prix de l'aluminium sur le marché international. Faudra-t-il redécouvrir que le salarié n'est pas la seule composante des coûts de productions et que par conséquent coût de production n'est pas synonyme  de coût du travail contrairement à ce qu'indiquait ce matin Laurence Parisot ? faut-il rappeler que 80 % des embauches en 2011 ont été réalisées en CDD : que signifierait un assouplissement des règles ? que 100 % des embauches doivent être faites dans ce cadre ? faut-il rappeler qu'il y a eu 800 000 licenciements et 250 000 ruptures conventionnelles, soit plus d'un million de ruptures de CDI sur 18 millions de salariés. Faut-il en conclure qu'il est impossible de se séparer d'un salarié lorsque la conjoncture est difficile ? Enfin on rappellera que la loi a fixé à 8 mois la durée maximale des périodes d'essai pour les cadres et à 4 et 6 mois cette durée pour les non-cadres. Est-ce insuffisant pour apprécier la capacité de travail d'un salarié ? bref, ne peut-on constater que le salarié est déjà une variable d'ajustement et qu'il faudrait peut être profiter des scintillements alternatifs des étoiles pour porter de temps en temps ailleurs son regard lorsqu'il est question de coût du travail ?

15/10/2012

Vacance ?

Dans une de ces formules que les politiques adorent parce qu'ils pensent que ça fait malin, mais qui rappellent furieusement la réthorique de l'enseignement de bon aloi, Guillaume Peltier attirait cet été notre attention sur le fait qu'il n'y a pas loin du pouvoir en vacances à la vacance du pouvoir. La rentrée n'y a rien changé : le procès en immobilisme du pouvoir se poursuit, aggravé par le fait que cet immobilisme ne serait rompu que par de brusques réveils destinés à créer toujours plus de taxation. Pendant ce temps, les plans sociaux continuent, merci. Le piège du temps politique se referme sur l'exécutif. Car le temps politique, mais aussi le temps économique, sont des temps courts, et de plus en plus courts. Le temps social lui, est un temps long, et il n'y a guère de probabilité qu'il cesse de l'être.C'est ce décalage que nous vivons actuellement et qui laisse planer ce sentiment de vacance.

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Thomas Lévy-Lasne - Vacance

La Conférence sociale du mois de juillet a lancé un cycle de négociations qui devront être conclues avant la fin de l'année. Ensuite, s'enclenchera le processus législatif qui n'aboutira sans doute pas avant le printemps. Résultat, la future réforme annoncée du marché de l'emploi, de la flexi-sécurité, de la régulation de la précarité et des licenciements, ce n'est pas avant un an pour les premiers effets. Trop long ? le seul moyen d'aller plus vite aurait été que les partenaires sociaux ne négocient pas, que le Parlement intervienne sans délai et que la loi impose et contraigne. Le choix de faire vivre la démocratie sociale, de laisser aux interlocuteurs sociaux le temps de construire eux-mêmes des solutions est un pari risqué par le décalage qu'il crée avec l'urgence d'une situation sociale dégradée. Mais c'est le pari qu'une réforme n'est efficace que si les principaux acteurs sont parties prenantes à son élaboration. Et la conviction que la loi seule ne peut pas tout, comme il est constant que l'on ne change pas une société par décret. Reste donc dans l'attente à payer le prix politique de cette méthode d'action qui consiste, comme dirait l'autre, à laisser du temps au temps.

13/10/2012

Enigme du week-end : le bacchus moderne

En ce week-end automnal, voici une scène printanière. Mais que  fait donc ce Bacchus sur son banc entouré de jeunes filles ? et quel est cet enfant qui se cache dans la vigne et que l'on distingue difficilement ? allons y voir de plus près.

La grande détrempe fait de la toile un palimpseste. Les couleurs des temps anciens ont été lavées, épongées, noyées sous les flots déversés sur la peinture. Leur trace colorée s'est effacée mais leur souvenir demeure qui habite les personnages tirés de ce naufrage. Que faire après le déluge ? quelle attitude adopter ? l'enfant, comme à l'accoutumée, ne se pose guère de questions. Déjà, il a bondi dans la vigne qui le soustrait au regard et à la scène. Curieux de tout, il poursuit l'observation et ce faisant persiste en son état d'embryon attentif. L'oeil est vif, le geste assuré, la prise ferme. Le rouge aux joues est amour de la vie et plaisir de la contempler.

Bacchus, après le déluge, embrasse les siècles et s'amuse de celui qui s'offre à lui. Aux temps modernes, le corps est souple et disponible. C'est appréciable et apprécié. Le temps qui défile brouille le regard du Dieu lascif : en toutes époques il y a place pour la lassitude. Eve lui est familière. Jeune fille aux jambes fermes et légères, elle offre la coupe divine que Bacchus boira. Le paradis est loin, le plaisir à saisir, le temps n'est plus un ennemi : il n'est pas question de résister à l'invitation qui va être lancée. Bacchus songe en apercevant Eve qu'il faudra bien un jour écrire un Traité de la cheville, consacré à l'art de poser le pied à terre. Plus efficace que la psychanalyse.

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Martial Raysse - Heureux rivages - 2007

Accourues des collines, voici les belles cavales. Succubes en devenir, comme les Dieux elles veulent du sang. Mais elles ne feront rien pour qu'il coule. Le défi qu'elles lancent à la scène se suffit : elles n'interviendront pas, mais leur présence dit le scandale que constitue le véritable plaisir d'abandon en ce siècle. Mais d'ailleurs ces jeunes filles  sont-elles vraiment présentes ? êtes-vous certain que vos démons sont réels ? elles connaissent la puissance des jeunes filles en fleurs, matinées ici de feu et de fer, et l'affichent en toute crudité.

Bacchus est un Dieu que la modernité réduit au chômage. L'oisiveté et la solitude sont devenues des compagnes faciles. La troupe des pisseuses l'est un peu moins. Bacchus n'en a cure. Eve va bientôt lui tendre la coupe. Il boira le vin et s'établira dans la scène qui perdra peu à peu ses mauvaises spectatrices. Eve, la seule qui reste, aura droit au chapitre. Dans la vigne, un sourire éclaire le visage de l'enfant.

12/10/2012

Contextualisation

Le collage est une technique dont la poésie repose en grande partie sur la décontextualisation des images qui le composent. Arrachées à leur environnement, qui souvent contribue à leur lisibilité et leur cohérence, les images du collage créent un univers unique, résultat d'un improbable assemblage. Ces rencontres inattendues contribuent à l'éducation de notre regard et par delà le mystère qu'elles peuvent revêtir constituent parfois le plus court chemin vers la compréhension du monde qui nous entoure.

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Au regard des divinités

Si décontextualiser est le propre du collage, cela ne peut l'être de l'évaluation professionnelle. Les compétences et aptitudes d'un candidat à un emploi ou d'un salarié ne peuvent être appréciés que par rapport à l'exercice d'une activité professionnelle nous rappelle l'article 1221-6 du Code du travail. La Cour d'appel de Versailles vient de débouter deux organisations syndicales qui reprochaient à l'employeur d'évaluer le comportement, et non le travail, des salariés. Selon les juges, le comportement fait partie des compétences professionnelles dès lors qu'il s'agit d'un comportement au travail ou dans le travail. Un employeur n'évalue pas une personne, il évalue son travail à travers sa performance ou ses manières de faire. Dès lors que les comportements évalués par l'employeur sont bien corrélés à des activités relevant de l'emploi occupé, cette évaluation est licite. Pas question donc d'évaluer le comportement du salarié en général, mais tout à fait licite d'évaluer son comportement au travail ou dans le travail. D'une manière plus générale d'ailleurs, tant que l'entreprise ne perd pas de vue le travail elle a des chances tout à la fois d'avoir des pratiques pertinentes et d'éviter de subir les foudres du juge.

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11/10/2012

Le monde à l'envers

Les pratiques d'évaluation mises en place par les entreprises n'ont pas toujours bonne presse chez les salariés et encore moins chez leurs représentants. Il n'est pas rare qu'une organisation syndicale appelle à ne pas participer activement aux entretiens annuels (ne pas s'exprimer, ne pas signer) voire carrément à les refuser. Il n'est pas non plus toujours bien vu que le manager demande régulièrement des comptes à ses équipes et suive de près leur activité : contrôle, flicage ou harcèlement sont rapidement dégainés. Plus largement, tout l'arsenal managerial déployé par l'entreprise souffre d'une suspicion de principe, d'une contestation des pratiques et au final d'un manque de crédibilité. Mais si l'on tourne son regard vers le juge et que l'on se demande comment il perçoit tout ceci, surprise : pour les tribunaux, l'évaluation et le fait d'être managé sont des droits du salarié. Le monde à l'envers.

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Georg Baselitz - The Gleaner - 1978

La Cour de cassation a souvent reproché à l'entreprise de n'avoir pas fait bénéficier le salarié d'un entretien annuel, ou de n'avoir pas tenu compte des propos du salarié ou de ses propres conclusions lors de cet entretien. Erigé en droit du salarié, l'entretien annuel devient dans les prétoires l'obligation pour l'entreprise d'avoir de la transparence sur l'appéciation qu'elle porte du travail du salarié, les attentes qu'elle manifeste à son endroit et la manière dont elle envisage l'avenir. Il en est de même pour toute activité manageriale : ne pas s'occuper d'un salarié et ne pas faire d'actes manageriaux  c'est ouvrir la porte de l'illicite placard dans lequel on voudrait faire entrer le salarié. Pour les juges, l'employeur ne peut renoncer à jouer son rôle d'employeur et le salarié peut revendiquer que cette fonction soit assumée. Le monde à l'envers c'est donc tout simplement pour le juge une remise à l'endroit.

10/10/2012

Le juge Hercule

On doit au philosophe américain Ronald Dworkin la métaphore du juge Hercule. Selon Dworkin, pour bien juger, le juge devrait parfaitement connaître le droit positif, mais également sa sociologie et la manière dont il s'insère dans une culture, il devrait en dégager la philosophie et les principes et faire preuve d'imagination  créatrice en interprétant les lois au regard de cet ensemble pour donner de la cohérence aux solutions pratiques qu'il adopte. Travail véritablement Herculéen il faut bien en convenir, et pas seulement par son volume, mais également par la diversité des compétences qu'il sollicite, tant il est vrai qu'Hercule savait à la fois se comporter en héros, en guerrier, en intellectuel avisé et même en esclave d'Omphale, chacune de ces postures n'étant que l'adaptation des mêmes valeurs et principes aux circonstances.

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François Boucher - Hercule et Omphale - 1730

On serait bien tenté de considérer que le travail accompli par les juges en matière de droit de la formation depuis plus de 30 ans est digne d'Hercule. Car c'est en s'appuyant sur un petit nombre de principes, qu'il a su faire vivre en des circonstances disparates au moyen d'une imagination créatrice, que le juge a faconné de la fin des années 80 à aujourd'hui un droit de l'employabilité du salarié d'une grande cohérence et d'une extrême puissance tant sont solides les principes qui le fondent.

La chronique rédigée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF présente une synthèse de ce travail herculéen et explique pourquoi les partenaires sociaux, dans les négociations qu'ils ont ouvertes sur la sécurisation des parcours professionnels, feraient bien de s'inspirer de ce travail d'Hercule et s'attacher à construire un droit de principes plutôt que de persister à accumuler du droit de procédure.

CONTRIBUTION_DES_JUGES_A_LA_SECURISATION_DES_PARCOURS_PRO...

09/10/2012

L'étau se resserre

Au mois de juin 2011, après un suspens tout relatif et une grande frayeur bien orchestrée, les DRH soufflaient à la lecture de la décision de la Cour de cassation validant le forfait jours. Nous annoncions pourtant déjà qu'il ne fallait peut être pas tant se réjouir du côté des services RH et qu'un train pouvait en cacher un autre  (voir ici). Ce train n'a pas manqué de passer et son souffle risque de décoiffer quelques habitudes. Honneur au Sud : la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a décidé le 23 mars 2012 qu'un chef de rayon de chez Décathlon, bombardé cadre et assujetti à un forfait jours, devait percevoir des heures supplémentaires car le forfait était nul. En effet, le chef de rayon était soumis à des horaires imposés et à des jours de présence le samedi et parfois le dimanche choisis par l'entreprise. Rien du cadre autonome donc. D'autre part, son salaire était fixé au tout premier niveau de rémunération des cadres. Rien qui soit en rapport avec les sujétions liées à sa fonction. Le forfait étant nul, le salarié aura droit à 11 h supplémentaires par semaine sur 2 ans, soit un total de plus de 16 000 euros. Et comme les corps de Martina Abramovic et son acolyte se resserrent sur le visiteur de musée qui doit choisir de passer ou pas, de frotter ou non et de faire face à l'homme ou à la femme, l'étau du juge se resserre sur les entreprises qui pensaient trouver dans le forfait un outil permettant d'habiller à bon compte des pratiques qui n'en relèvent manifestement pas, comme c'est le cas pour les chefs de rayon de la grande distribution.

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Marina Abramovic - Imponderabilia - 1977

Une deuxième couche vient d'être rajoutée par la Cour de cassation elle-même. Dans sa décision du 26 septembre dernier, elle annule le forfait jours d'un cadre qui consacrait un certain temps, et même un temps certain, à son activité professionnelle. La Cour de cassation rappelle que le forfait jours n'est ni un forfait jours et nuits, ni un forfait week-end, ni un forfait toute la journée. Et que l'accord collectif qui met en place le forfait jours doit prévoir des mesures de nature à faire respecter des temps de travail raisonnables. En l'espèce un entretien annuel et des rapports trimestriels de la hiérarchie sur la charge de travail, soit le minimum syndical qui n'existe pas dans toutes les entreprises, ne sont pas suffisants. Le forfait jours doit donc être annulé et des heures supplémentaires payées.

Lorsque l'étau commence à serrer à ce point, cela peut faire mal. Et nul doute que les juges ne s'arrêteront pas en si bon chemin. A tous ceux qui se félicitaient de la survie du forfait jours, il ne reste donc plus qu'à se mettre au travail pour en garantir la validité.

CA AIX 29 mars 2012.pdf

Cour Cass. 26 septembre 2012.pdf

08/10/2012

Les calculs de côté

Dès lors que l'on décide que des sommes qui sont versées à un salarié bénéficient d'une exonération sociale et/ou fiscale, on ouvre la porte à l'optimisation financière, sans garantie aucune pour la finalité poursuivie. Quatre exemples : l'intéressement était un outil de motivation qui devait permettre aux salariés de bénéficier d'une rémunération supplémentaire liée au résultat de leur travail. Il n'est le plus souvent qu'un outil de la politique de rémunération qui permet de distribuer un complément de revenu à moindre coût (d'où les formules d'intéressement où l'on gagne à tous les coups). Les heures supplémentaires devaient distribuer du pouvoir d'achat : leur défiscalisation a surtout conduit à recycler sous forme d'heures supplémentaires des éléments de salaire d'une autre nature. Amusant de constater que peu de temps auparavant, lorsque l'autorisation de l'inspecteur du travail était nécessaire pour dépasser le contingent, on faisait exactement le contraire, payant sous forme de primes diverses et variées ce qui était des heures supplémentaires. Résultat : on peut parier que l'exonération et maintenant sa suppression sont d'effet à peu près neutres sur l'emploi.

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Troisième exemple : les indemnités de rupture du contrat de travail (licenciement, rupture conventionnelle). Destinées initialement à compenser un préjudice, elles sont régulièrement utilisées pour défiscaliser les sommes versées à l'occasion du départ. Dernier exemple : les exonérations liées à un zonage (quartiers sensibles, zones rurales, etc.). Un dirigeant d'entreprise me faisait remarquer qu'il devait son résultat à un déménagement et à son installation dans la périmètre d'une zone à exonération, davantage qu'à son activité. Et il en concluait qu'avec les différents systèmes d'aide, son métier de chef d'entreprise s'en trouvait modifié. Il devait dorénavant composer avec les inévitables calculs de côté chers à Rimbaud. Le pire dans cette affaire est que ces calculs de côté amènent à construire des équilibres qui se trouvent inévitablement mis en péril lorsque l'on veut soudainement supprimer la niche artificiellement créé au départ mais qui ensuite se trouve largement habitée. Piège redoutable pour le créateur et pour l'utilisateur, qui laisse tout de même sceptique sur la pertinence de ce type d'outils en matière sociale. En ce lundi matin, on militerait bien pour la suppression totale des niches à calcul, ce que Rimbaud résumait ainsi :

Les calculs de côté, l'inévitable descente du ciel et la visite des souvenirs et la séance des rythmes, occupent la demeure, la tête et le monde de l'esprit.

07/10/2012

Ambivalence

Y aurait-il un art américain de l'ambivalence ? nous avions déjà eu l'occasion de relever l'ambiguïté d'un tableau de Burt Silvermann représentant une femme assise (voir ici). L'exposition consacrée à Edward Hooper au Grand Palais illustre de nouveau cette Amérique fascinante par ses contradictions et paradoxes. On peut, par exemple, prendre une autre femme assise de Hooper et entrer un peu dans le tableau. Comme souvent chez Hooper, les personnages lisent. Pied de nez à l'Europe littéraire et à cette Amérique réputée sans tradition ? désir d'évasion ? puissance de l'imagination dans un pays qui s'est auto-engendré ? il faudrait aller y voir de plus près, et notamment s'interroger sur ce que lisent ces figures solitaires. Ici, l'on sait par les notes d'Hooper qu'il s'agit d'un indicateur des chemins de fer.

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Edward Hooper - Chambre d'hôtel - 1934

Les valises au pied du mur, la chambre d'hôtel, tout nous signale le transitoire. Cette femme est de passage. Le dos voûté, le corps sans tonicité semblent souligner une fatigue que la nuit ne réparera pas. La consultation des horaires de chemin de fer, et surtout le fait de voyager avec un tel ouvrage, laisse penser que le voyage est une errance. Le tableau pourrait illustrer cette chanson des gardes suisses que Céline plaça en exergue du Voyage au bout de la nuit :

Notre vie est un voyage

Dans l'hiver et dans la nuit

Nous cherchons notre passage

Dans le ciel où rien ne luit

Hooper serait-il le peintre du désenchantement ? le contrepoint du rêve américain et le rappel à la réalité, souvent moins glorieuse que l'épopée des pionniers, des self-made men et de la terre de tous les possibles ? oui mais pas seulement. Car tout voyage est un nouveau départ, tout départ est une volonté, et la solitude est une manière de se rencontrer soi-même qui peut être un préalable à la rencontre d'autrui. Cette femme, manifestement, n'est pas une voyageuse, ses chaussures n'y résisteraient pas. Et pourtant elle a entrepris ce voyage, ses valises sont ordonnées, et elle s'apprête à choisir sa nouvelle destination. Derrière l'apparence de la désespérance, surgissent les marques d'une volonté. Les marques de notre ambivalence.

05/10/2012

Chômage, pas d'urgence

Un chômeur inscrit à POLE EMPLOI demande à être reçu régulièrement par l'agence chargée du placement des demandeurs d'emploi. Il aura trois rendez-vous en deux ans. A ces occasions, son Plan personnalisé d'accès à l'emploi n'a jamais été actualisé, aucune formation ne lui a été proposée. Malgré ses demandes. Il saisit le Tribunal Administratif, dans le cadre de la procédure de référé-liberté, lequel par une ordonnance du 11 septembre 2012 fait injonction à POLE EMPLOI de recevoir le demandeur dans les 8 jours  et de lui adresser des offres d'emploi et/ou de formation. POLE EMPLOI fait appel et porte l'affaire devant le Conseil d'Etat qui, sans se prononcer sur le fond à savoir le respect par POLE EMPLOI de ses obligations, juge que la procédure de référe-liberté ne peut être utilisée dans les relations entre un demandeur d'emploi et POLE EMPLOI. En d'autres termes, pour les juges du Palais-Royal, en matière de chômage il n'y a pas d'urgence. Du moins pour POLE EMPLOI.

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Car il serait malvenu de considérer que la carence peut être réciproque et que tout demandeur d'emploi peut déplier son  transat et regarder passer les bateaux en suçant des glaces à l'eau. En effet, qui ne défère pas à l'injonction de rendez-vous de POLE EMPLOI pourra être sanctionné par la radiation et la perte des indemnités d'assurance-chômage (en dépit des cotisations versées pour bénéficier du régime).

Quelles sont les conditions du référé-liberté ? qu'une liberté fondamentale soit en jeu et pas simplement un droit. Le Conseil d'Etat ne conteste pas que la liberté du travail et le droit à l'emploi, garantis par la Constitution, entrent dans cette catégorie. Qu'il soit porté atteinte de manière grave à cette liberté dans le cadre d'une illégalité. C'est ici que le Conseil d'Etat a considéré que, quelle que soit la situation du demandeur d'emploi, la relation de POLE EMPLOI avec les chômeurs ne relevait pas d'un manquement grave à une liberté publique. Ne pas bénéficier de services qui pourraient vous permettre de retrouver un emploi est donc une simple faute, qui peut engager la responsabilité de POLE EMPLOI mais ne saurait autoriser le juge à lui enjoindre d'exercer ses missions. Il ne reste plus au demandeur d'emploi qu'à s'adresser au Tribunal Administratif pour, dans trois ou quatre ans peut être, obtenir une indemnisation si la faute de POLE EMPLOI est établie. Mais après tout, il n'y a pas d'urgence.

Conseil d'Etat - 4 Octobre 2012 - POLE EMPLOI.pdf

03/10/2012

La séparation des amis

C'est bien connu, c'est lorsque tout va bien que l'on se sépare. Vous êtes heureux dans votre couple ? divorcez ! vous partagez une amitié d'enfance ? renoncez-y ! vous vous plaisez dans votre travail ? allez voir ailleurs ! Vous aurez la bénédiction des magistrats pour ce faire. Tout empêtrés qu'ils sont dans leur appréhension de la rupture conventionnelle, les juges de Cours d'Appel nous délivrent quasi-unanimement le message selon lequel toute situation de litige entre l'employeur et le salarié interdit de recourir à la rupture par accord mutuel. Vous n'en pouvez plus de votre travail ? ne négociez pas une rupture conventionnelle vous dit le juge, démissionnez. Votre manager vous harcèle ? ne proposez pas au DRH de mettre fin à cette situation par une rupture conventionnelle, elle serait nulle. Vous venez de recevoir deux avertissements et vous trouvez que c'est trop ? ne proposez pas une séparation amiable, la démission vous tend les bras. On se demande parfois à travers quel prisme les juges appréhendent les relations de travail si seuls les bons amis peuvent faire le choix de se séparer en bénéficiant des avantages de la rupture conventionnelle.

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Les bons amis

Dans une décision du 16 juin 2012, la Cour d'appel de Versailles a ainsi déclarée nulle une rupture conventionnelle intervenue après que le salarié ait reçu deux avertissements. La Cour d'appel de Reims (16 mai 2012) a estimé qu'un litige en cours devant les Prud'hommes interdisait de se mettre d'accord pour rompre le contrat de travail. Et ainsi de suite. Seule la Cour d'appel de Montpellier (16 novembre 2011) a posé en principe que le litige n'était pas un obstacle à la décision commune de séparation. Une fois de plus, la lumière vient du Sud.

Il n'en reste pas moins qu'il serait urgent que la Cour de cassation fixe une doctrine claire. Qu'elle considère comme nulle toute rupture intervenue dans un contexte de litige, et c'est la petite mort programmée de la rupture conventionnelle. Qu'elle n'en fasse pas un principe mais s'attache uniquement à vérifier la validité du consentement donné par le salarié et nous aurons fait un pas de plus vers la reconnaissance que le salarié n'est pas un incapable majeur.