Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/11/2012

On n'est pas des machines !

Le langage informatique s’est emparé du vocabulaire courant, au point de transformer les individus en computers plus ou moins performants. Lorsque l’on ne comprend pas, on n’imprime pas, lorsque l’on doit se souvenir d’un information importante, il faut la graver sur le disque dur de sa mémoire, lorsqu’on est confronté à un interlocuteur aux références un peu datées, on lui demande d’actualiser son logiciel, ou carrément de le changer lorsque le mode de raisonnement n’est plus adapté à la situation. Quant à celui qui pète un plomb, version Olivier Mazerolles qui tout d’un coup nous lâche qu’il en a ras le bol de commenter des inepties et que Copé n’a qu’à se garder son UMP pourrie, il ne s’agit pas d’un bug, mais d’un phénomène qu’un petit gros barbu a décrit au début du 20ème siècle comme le retour du refoulé, soit un mécanisme psychique et non mécanique. Ces analogies paraissent pourtant naturelles : la mémoire stocke, la pensée traite, la parole restitue, stockage, traitement, impression, la belle machine humaine.

222.jpg

Ces rapidités et facilités gomment un léger détail : les machines sont inertes, l’individu est vivant. La mémoire vivante de l’homme n’est pas la mémoire vive de l’ordinateur. Aucun souvenir n’est conservé en l’état et n’est donc stocké. Il vit, évolue, se transforme, s’interprète et se revisite. La mémoire n’est pas une boîte à archives dans laquelle les souvenirs jaunissent un peu mais gardent tout de même leur forme initiale. Le souvenir se transforme avec le regard que l’on porte sur lui. L’intelligence, la pensée et plus globalement le fonctionnement de notre cerveau ne peuvent pas plus être ramenés à des opérations logicielles, c'est-à-dire des séquences logiques aux enchaînements programmés. L’interaction avec l’environnement, les émotions, l'ensemble du psychisme consitutent autant de perturbations aléatoires de ce qui pourrait ressembler à de la programmation. Qu'une part de notre individualité relève de la probabilité ou plus certainement encore de l'improbabilité, voilà qui nous distingue de la machine. Il se pourrait même que cette improbabilité et les formes qu'elle revêt soit la source même de ce qui nous différencie de nos semblables. Car contrairement aux machines, si les hommes se ressemblent, il n'en est pas deux semblables. Il va vraiment falloir revoir le logiciel du vocabulaire !

30/09/2010

Tristesse du garde à vous

De Gaulle avait voulu supprimer cette chambre de notables à la moyenne d'âge élevée et à la très faible féminisation. Le Sénat n'a pas toujours eu bonne presse mais il s'est toujours remis des critiques qui lui ont été adressées, à tel point qu'il paraît aujourd'hui en excellente forme. Jugez-en : il fut le monument le plus visité, avant l'Elysée, lors des journées du patrimoine, il est sis dans un des plus beaux parcs parisiens, son musée (fermé en 2010) s'enorgueillit d'expositions somptueuses, son restaurant est une des plus fameuses tables de la République, bref le Sénat porte beau. D'autant plus beau que l'Assemblée ne porte plus grand chose : travaux de piètre qualité, débats baclés, président hué qui commet un lapsus moins drôle que celui de Rachida Dati, et surtout position de garde à vous des députés qui oublient de jouer leur rôle pour s'en tenir au desiderata de l'exécutif. Tout le monde sait pourtant que la position de garde à vous est triste. Même l'ours.

triste.jpg

Marie Moulin - Ours au garde à vous

Point de tout cela chez nos vaillants sénateurs, qui n'aiment rien tant que jouer aux gardiens de la République. Peut être faut-il voir l'influence de Gérard Larcher, qui fut un Ministre du Travail apprécié des partenaires sociaux. Toujours est-il que c'est au Sénat que se discuteront véritablement les modalités de la réforme de la retraite. Et c'est le Sénat qui vient de proposer que la loi sur la représentation des salariés dans les TPE ne soit pas vidée de son sens comme l'a fait voter Jean-François Copé. Taxés d'être ruraux et conservateurs, voici les sénateurs moins frileux devant le dialogue social et la reconnaissance du fait syndical, que les députés quasiment nés avec Mai 68 mais qui pourtant persistent à voir dans l'organisation syndicale un ennemi qu'il faut tenir aux lisières de l'entreprise. Qui eût cru que l'on en serait rendu un jour à rendre justice au Sénat pour sa volonté de promouvoir la démocratie sociale ? on en est là, et l'Ours qui sommeille en chacun de nous à quelques raisons d'être triste.

29/06/2010

Village gaulois

L'article 1er de la loi du 27 décembre 1968 l'affirme sans ambage : "L'exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution de la République, en particulier de la liberté individuelle du travail". Pour tous ceux qui ont baigné dans les aventures d'Astérix, la formule ne peut que susciter l'interrogation : "Toute la Gaule est occupée...", "Toute ? non car un petit village Gaulois résiste encore et toujours à l'envahisseur". Le remake des Gaulois et César se rejouera à partir du 7 juillet à l'Assemblée nationale lors de l'examen de la loi relative au dialogue social dans les TPE. Le naturel, que l'on croyait disparu, est bien vite revenu : politiciens et représentants patronaux (pas tous heureusement) ont fait entendre leurs voix pour dire leur désaccord avec l'idée de faire entrer les syndicats dans les petites entreprises. Jean-François Copé l'a clairement affirmé : pour la première fois il ne votera pas un texte du Gouvernement. Le Village doit rester Gaulois et l'envahisseur syndical aux portes de l'entreprise.

VillageGaulois.jpg
La négociation à l'époque du Village Gaulois
Deux générations n'y auront donc pas suffi. Syndicat est toujours synonyme d'ennemi et dialogue social de conflit. L'inévitable crispation qui résulte de l'absence de dialogue ne pourra d'ailleurs que renforcer et justifier cette approche conflictuelle. Mais, nous dit-on, il faut laisser les patrons de PME et leurs salariés vivrent tranquillement leurs relations cordiales qui ne pourront être que perturbées par les trublions syndicaux. Voilà un argument de poids. Laissons donc le Village Gaulois vivre sa vie et les bienheureux penser que tout finit toujours par un banquet.
asterix1_m.jpg

21/12/2009

Mensonges

L'homme qui ment, si on lui prête la bonne foi, est un homme qui prend ses songes pour la réalité. A moins que ce ne soit l'idéologie qui l'aveugle. L'actualité met sur le devant de la scène la souffrance au travail. Jean-François Copé, président du parti majoritaire à l'Assemblée Nationale, s'est saisi de cette question et a réuni une commission parlementaire, sans l'opposition toutefois, pour conduire un travail d'enquête dont on trouvera ci-dessous les conclusions. Ce travail débute par une affirmation, non étayée : la France est un pays dans lequel on travaille moins qu'ailleurs. Ah bon ? comment peut-on l'affirmer ? toutes les enquêtes et études internationales sur ce sujet relèvent la difficulté d'une telle comparaison, en l'absence de durée légale dans tous les pays, de la diversité des durées conventionnelles et surtout de l'écart existant entre les durées réelles et les durées officielles. Copé lui même  indique que les nouvelles technologies rendent poreuses les frontières entre vie privée et vie professionnelle, qu'il n'est pas rare de traiter ses mails, de se connecter au système d'information de l'entreprise ou de prendre des appels professionnels sur ses temps personnels et  que le "présentéisme", qui conduit les salariés à être présents très tôt et partir tard, est un mode managerial qui sévit davantage en France qu'ailleurs. Sur ces bases, même la statistique selon laquelle la productivité horaire en France est plus élevée que dans les autres pays est sujette à caution. Par ailleurs, des dizaines de milliers de salariés travaillent dorénavant en France au forfait jour, ce qui rend les comparatifs en heures obsolètes. Mais ne doutons pas que d'éminents spécialistes (allons y au hasard : Jacques Marseille, Nicolas Baverez, Jean-Marc Sylvestre, Michel Godet et quelques autres) viendront relayer cette pseudo lapalissade qui n'est que mensonge : en France on travaille moins qu'ailleurs. Au mensonge, préférons la Rue des Songes d'Eddy Saint-Martin.

DSC02980.JPG
Eddy Saint-Martin - La rue des songes

Il est de bonne communication, paraît-il, de répéter sur le ton de l'évidence n'importe quoi en vue d'en faire une vérité. Le principe est simple : combien vérifieront ce qu'ils entendent ? tout est dans le ton, pas sur le fond, et le tour est joué. En ces périodes de fête, si l'on veut se prémunir contre la propagande, ce qui après tout n'est qu'un salubre réflexe d'autonomie de la conscience, on peut offrir, ou s'offrir, deux ouvrages qui occuperont avantageusement les attentes dans les voitures, trains ou aéroports si la neige veut bien s'en mêler. Le premier est l'oeuvre du Québecois Normand Baillargeon et s'intitule "Petit cours d'autodéfense intellectuelle", le second est écrit par Denis Grozdanovitch et porte le joli titre de "L'art difficile de ne presque rien faire". Donnez raison, au final, à nos dirigeants : travaillez moins, lisez plus, vous gagnerez en productivité et l'on réduira la souffrance au travail. Voilà une résolution du lundi matin qui vaut presque une résolution de début d'année.

Copé-Souffranceautravail.doc