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31/12/2012

Avant de partir

Dernier jour de l'année. Comme en musique, une pause. Celle qui permet aux notes d'avant, et d'après, de s'assembler. Si en peinture une couleur n'est-elle même qu'en fonction des couleurs qui l'entourent, en musique les notes sonnent au sein des espaces de silence dans lesquels elles s'insèrent. Temps de pause donc, la tête sourit au corps qui goûte au repos des muscles et prend plaisir au relâchement. Retour de la pleine conscience, signe que bientôt, il faudra partir.

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Tu es plus belle que le ciel et la mer


Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir

Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises

II y a l’air il y a le vent
Les montagnes l’eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre

Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends

Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir manger boire
Siffler
Et apprendre à travailler

Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t’en

Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l’œil
Je prends mon bain et je regarde

Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes
Je sors de la pharmacie
Je descends juste de la bascule
Je pèse mes 80 kilos
Je t’aime

Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1924

30/12/2012

C'était mieux avant

Pour tous les nostalgiques du XXème siècle, voici des jouets de Noël qui les raviront. Tous les petits plaisantins qui ont contribué à faire du siècle précédent l'un des plus meurtriers qui soit sont là réunis : Staline, Pinochet, Mussolini, Franco, Hitler ont l'air plutôt satisfaits. On ne peut s'empêcher de considérer que Fidel est un intrus au milieu d'une telle brochette, mais l'éditeur ne semble encombré ni par les scrupules ni par l'histoire.

Sans doute qu'il ne sera pas possible, au début du XXIIème siècle, de trouver dans une vitrine des figurines de Rajoy, Merkel, Hollande, Cameron, Monti ni  même d'Obama. Et c'est sans doute une très bonne nouvelle.

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29/12/2012

Premières fleurs

Les journées ont commencé à rallonger, le soleil est réapparu, le ciel a mis son uniforme bleu, c'est le week-end et les parcs ont conservé ces parfums du monde d'avant qui se font rares.

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Pour un peu, on se surprendrait à cueillir les premières fleurs. Tiens, il suffit d'y penser et nous voilà au milieu d'étranges jonquilles, est-ce le rêve qui nous a saisi sur le banc ensoleillé ? au cas où, merci de lire à voix basse, je voudrai prolonger un peu. Et bon week-end !

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28/12/2012

Génération

 

Dans les démocraties,

chaque génération est un peuple nouveau


Tocqueville

 

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27/12/2012

Luz !

Lorsque la France connaissait un boom économique (mais si, souvenez vous la fin des années 2000 ou plus récemment la baisse continue du chômage avant la crise financière, puis de la dette, puis économique, puis des trois à la fois), on disait que la natalité allait bien parce que les français avaient le moral et croyaient en l'avenir. Et puis les difficultés venant, et la natalité ne fléchissant pas, on nous expliqua qu'il s'agissait en période de crise d'un repli sur le privé et sur la famille. Ah bon. En Espagne, lorsque les villes éclataient des lumières de fêtes, on disait que c'était le miracle espagnol, sorte de prolongement naturel de la movida.

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Et puis, comme souvent dans le Sud ou l'excès est une seconde nature, la crise frappa plus qu'ailleurs. Mais les lumières persistent. Alors certains avancent que c'est pour oublier les difficultés, s'étourdir de lumière et faire, pendant quelques jours, comme si rien n'avait changé. On peut dire ça, où autre chose. Il est facile d'avoir des explications sur tout, sauf que pour la natalité et les lumières, et quelques autres choses, il vaudrait mieux reconnaître que l'on en sait rien, et se réjouir du spectacle. Lumières !

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26/12/2012

Mejores no hay !

Le 26 décembre 1891, il y a 121 ans, naissait Henry Miller qui comme Picasso savait que le plus difficile est de retrouver l'instantanéité de l'enfant lorsque l'on peint.

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Henry Miller - Sans titre - 1944

En 1953, Miller traverse l'Espagne Franquiste avec un couple d'amis et la photographe Denise Bellon. Un livre récemment paru témoigne de ce voyage. Il porte le titre "Mejores, no hay !", autrement dit : "Y a pas mieux !". L'incroyable avec Miller, c'est qu'il n'y a jamais mieux que ce qu'il est en train de faire. Qu'il soit en Grèce, à Big Sur, à Paris, en Espagne ou dans les rues de New-York, qu'il soit à l'aise ou sans un sou, qu'il soit en train d'écrire, de peindre, de manger ou de lire dans les lieux d'aisance : "Y a pas mieux !". Miller aimait la vie, et la rue : "Les journaux peuvent bien mentir, les magazines affabuler et les politiciens truquer la réalité, la rue, elle, est hurlante de vérité.". Il est toujours temps d'aller vérifier.

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24/12/2012

JOYEUX NOEL !

Venu d'Afrique, présent au Brésil, trouvé ici dans les Caraïbes, Babalu-Aye a construit sa connaissance en parcourant le monde. Il se joint à moi pour vous souhaiter un joyeux Noël !

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22/12/2012

Cette année là

 

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Voilà,  cette année là, cela devait à peu près ressembler à ça. La neige, la Garonne, l'hiver, un peu de brume. J'ai rien vu mais on m'a raconté. Il y a quand même des trucs dont je me souviens, mais c'était un peu plus tard. Bref, j'ai cinquante ans.

JE ME SOUVIENS.pdf

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20/12/2012

BUGARACH !

C’est donc à Bugarach qu’il faudra être demain, si l’on souhaite échapper à  la fin du monde, ou plutôt si l’on est curieux de savoir ce qui se passera après. Bugarach, que toute la France connaît, et bien au-delà d’ailleurs puisque des journalistes américains et chinois, autant dire nos maîtres à tous,  sont venus s’égarer dans les rues du bourg. Bugarach c’est un village lent et silencieux, planté sur les contreforts d’un pic qui domine les vallées environnantes. Curieuse montagne que ce Pic de Bugarach, point culminant des Corbières sans être rattaché directement à la chaîne montagneuse,  dont la partie sommitale est dix fois plus ancienne que la base. Charmes de la géologie qui nous fait voyager dans le temps.

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Cochongliers ou Sanglochons attendant sereinement

la fin du monde en faisant la sieste

La seule bonne raison d’être à Bugarach demain, je l’ai expérimenté il y a quelques années et elle vaut pour demain comme pour les jours qui suivront. Parti tôt et peu nombreux, nous étions deux, de Toulouse, nous arrivâmes à Bugarach alors que la matinée était peu avancée. Le brouillard faisant obstacle à la montée au sommet, nous trouvâmes refuge dans un restaurant qui, à cette heure là, accepta de nous servir pain, beurre et café. Nous attendions au chaud, la cheminée n’ayant manifestement pas refroidi de la nuit, que la brume daigne libérer la place pour nous ouvrir le chemin de la montagne. Dans la cheminée, un chaudron noir, placé sur la droite du foyer, attira notre attention et nous questionnâmes l’hôtesse. C’était un civet de sanglier qui mijotait depuis la veille, une autre marmite étant dédiée aux haricots et au lard. La concertation dura moins longtemps qu’une négociation sur la flexisécurité ou qu’un débat pour un contre Depardieu. Il ne fût pas nécessaire d’échanger trois mots pour oublier le Pic, son sentier, ses hauteurs et son point de vue et se concentrer sur le choix du vin qui accompagnerait le civet. Une fois le Madiran commandé, il ne restait qu’à attendre midi, cruelle épreuve. Au sortir de la table, civet, haricots, lard et Madiran consommés, il n’était plus question d’ascension mais plutôt de trouver une herbe accueillante au soleil exposé. Et pendant la sieste il fût bien temps de philosopher que pour le sanglier, cela avait véritablement été la fin du monde.

19/12/2012

Eloignez-vous !

On habite où l'on veut, ou bien où l'on peut. Etre salarié ne change rien à l'affaire. Les tribunaux ont toujours garanti la liberté du salarié de fixer son domicile où il l'entend, limitant les clauses de résidence à l'existence de conditions objectives et impératives. De ce fait, un salarié peut s'éloigner de son lieu de travail, et puis s'en éloigner encore. Le temps de trajet, conséquence de son choix, est son problème. Mais pas le coût du trajet, qui est aussi celui de l'entreprise.  En effet, depuis la loi du 20 décembre 2008, l'article L 3261-2 du Code du travail oblige l'employeur à prendre en charge 50 % du coût de l'abonnement aux transports publics. L'éloignement du salarié entraîne donc un surcoût pour l'employeur, jugé trop élevé pour une entreprise qui refusa de prendre en charge les 50 % règlementaires au motif que c'était par convenance personnelle que le salarié s'était éloigné. Comme si les convenances personnelles ne devaient pas intervenir dans le choix d'un domicile personnel. Le juge ne pouvait que censurer, et c'est ce qu'il fît.

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En effet, les dispositions du code du travail visent le coût du déplacement entre la résidence habituelle et le lieu de travail, sans fixer aucune condition relative à la distance géographique. Dès lors, quel que soit le lieu choisi par le salarié, le coût de 50 % du transport collectif s'impose à l'employeur (Cass. Soc, 12 décembre 2012). Voilà qui encouragera peut être quelques salariés à aller voir ailleur si l'herbe est plus verte, car l'éloignement des métropoles est encore le meilleur levier pour faire baisser le coût de l'immobilier, et si en plus l'entreprise participe aux coûts supplémentaires de trajet, il est possible au final d'être gagnant dans l'affaire. A vos indicateurs de chemins de fer !

Cass Soc 12 décembre 2012 Frais de transport.pdf

18/12/2012

Des syndicats plus représentatifs que les partis

Dans l'indifférence générale, ou presque, se sont tenues du 28 novembre au 12 décembre les élections professionnelles dans les Très Petites Entreprises (TPE, moins de onze salariés). Plus de 4,6 millions de salariés ont eu la possibilité de voter par internet ou par correspondance pour l'organisation syndicale de leur choix. Ce vote doit permettre de mesurer l'audience des organisations syndicales dans l'ensemble des entreprises et s'ajoutera aux résultats des élections professionnelles qui se tiennent dans les entreprises de 11 salariés et plus pour élire des délégués du personnel ou, à partir de 50 salariés, un comité d'entreprise. Avant que ne soient proclamés les résultats, on sait déjà que la participation devrait au final s'établir à environ 11 %. Soit un chiffre très faible, qui ressemble à un fiasco annoncé.

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Il ne manquera pas de journalistes ou responsables politiques pour faire remarquer, en tentant de prendre l'air de le regretter sans tromper personne, que ce taux de participation ne fait que refléter l'absence de représentativité des syndicats dans notre pays. Ce qui, au moins de la part d'un politique, sera un commentaire déplacé. Que l'on en juge : l'UMP revendique 300 000 adhérents et le PS 200 000. La CGT en compte 500 000 , la CFDT 400 000 et F0 300 000. Il y a bien plus de militants syndicaux que de militants politiques. Et si l'on regarde les élections, le taux de participation aux élections professionnelles est de 65 % en moyenne, soit un score qui n'est devancé que par l'élection présidentielle mais qui est au-dessus de la moyenne de la participation aux législatives, aux municipales, aux européennes ou aux cantonnales. Soit moins d'adhérents pour un parti, et moins de votants, que pour un syndicat. Mais les politiques persistent à dénoncer la non-représentativité des organisations syndicales, fidèlement relayés par des journalistes qui, paraît-il, ne s'intéressent qu'aux faits. A tous, encore un effort pour sortir du déni de réalité.

17/12/2012

Courageux découragement

Il y en a eu un. Mais comme c'était le premier, il pouvait s'agir d'un cas isolé. Et puis il y en eût un second. Et un troisième. Et quelques autres encore. Pas un raz de marée. Pas un mouvement profond. Non, juste une somme de cas individuels qui sont peut être le signe que quelque chose se passe. Quels cas ? des salariés dont le statut, la rémunération et les fonctions sont plutôt enviables. Et qui décident de quitter leur entreprise alors que personne ne les y pousse, encourage ou contraint. Ils n'ont pas d'autre job en vue. Ils sont conscients de la difficulté du marché du travail, et pourtant ils choisissent de partir, non sans appréhension mais avec une pleine détermination. 

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Félix Labisse - Société de découragement - 1969

Pourquoi partir ? parce qu'il n'est plus possible de cautionner ce que propose l'organisation. Parce que les logiques de fonctionnement qui se mettent en place conduisent inévitablement à perdre le sens de l'activité, parce que la gouvernance créé les conditions de la perte d'efficacité au nom de la rationnalité, parce que le contrôle central, les reporting sans fin, les indicateurs dignes du gossplan et l'absence totale de considération de l'individu deviennent insupportables. Parce qu'il ne s'agit pas de se poser en  contestataire d'un système mais de mettre dans la balance ses valeurs personnelles et de dire "plus pour moi". Parce que l'on refuse de faire semblant encore et encore et que l'on ne souhaite pas s'installer dans un placard, fût-il pourvu de quelques dorures.  Parce qu'au final, et paradoxalement, on se sent mieux sans la sécurité, même si tout cela n'est pas toujours évident à vivre, et que l'on prend plaisir à la liberté. Et constater que même en période de difficultsé, avec les risques que cela comporte, il y a encore beaucoup de choix qui sont faits en faveur de la liberté contre la sécurité, c'est une sacrée bonne nouvelle.

16/12/2012

Chronique démagogique

Il est rare que les architectes habitent les lieux qu'ils construisent. On aimerait parfois inclure une telle obligation dans le cahier des charges : vous résiderez pendant au moins un an dans les appartements que vous avez conçus. Peut être la conception s'en trouverait-elle modifiée. Bien sur, l'architecte n'est pas seul en  cause : celui qui impose le cahier des charges, qui valide les choix, qui économise sur les matériaux ou la façon pourrait se voir demandé le même effort. Lorsque son travail n'a d'effets que sur autrui, il faut une grande exigence personnelle pour agir en étant guidé par l'empathie.

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Jordi Colomer - Anarchitekton

Il faudrait peut être imposer aux experts qui formulent conseils et recommandations ayant des effets sur autrui, d'en subir également pendant quelques temps les effets. Peut être leur regard s'en trouverait modifié. On peut le suggérer aux membres du groupe d'experts qui se prononce invariablement pour ne pas revaloriser le SMIC ou pour modifier son calcul afin de limiter sa hausse. Ou aux rédacteurs du rapport de l'Institut Montaigne qui préconisent de réduire de 25 % puis de 50 % les allocations d'assurance chômage en ne garantissant au bout d'un an que 850 euros d'indemnisation. Et qui rêvent au détour d'une page, tout en constatant que bien sur ce n'est pas réalisable, que si on ne versait que 330 euros on économiserait 20 milliards par an. Et d'en conclure que notre système est vraiment généreux. Quant à ceux qui estiment que l'on peut vivre en France exclusivement de l'aide sociale, en général (c'est un euphémisme), ils n'ont jamais eu le bonheur de percevoir des minimas sociaux. Peut être devraient-ils tenter l'expérience. Mais il paraît que vouloir que chacun s'applique ce qu'il préconise, c'est démagogique voire populiste. Ce doit être vrai, ce sont  les experts qui le disent.

Institut Montaigne - Depense publique.pdf

14/12/2012

Froid

Une chose facile à avoir en Décembre, c'est du sang froid.

Alphonse Allais

 

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13/12/2012

Vie privée, vie publique

L'employeur ne peut s'intéresser à la vie privée de ses salariés. Cela constituerait une discrimination puisque la situation de famille fait partie de la liste des 18 discriminations prévues par le Code du travail (art. L. 1132-1). Mais la vie privée du salarié peut être opposée à l'employeur, qui la découvrira donc à cette occasion. Dans une affaire jugée le 12 octobre dernier, la Cour de Cassation a une fois de plus confirmé que la vie privée du salarié constituait un casse-tête pour les entreprises qui auront sans doute du mal à se repérer dans les règles à appliquer, notamment en matière de mobilité.

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Il s'agissait d'une salariée dont le contrat de travail comportait une clause de mobilité. Son entreprise la mute de la Rochelle à Niort en application de cette clause. La salariée refuse, invoquant notamment que son mari est entrepreneur à La Rochelle. La Cour d'appel valide le licenciement par l'entreprise pour non-respect de la clause de mobilité. Pas la Cour de cassation qui censure au motif que la mutation portait atteinte au droit de la salariée à une vie personnelle et familiale. Passons sur l'inégalité fondamentale, discriminatoire, qu'une telle décision porte en germe : la situation de famille d'un salarié permettra de justifier ou non une décision puisqu'ici une salarié célibataire n'aurait pu s'opposer à la clause de mobilité. Et constatons que ce que l'employeur n'a pas le droit de connaître ni de considérer, par principe, il doit le prendre en compte lorsque le salarié l'invoque. A multiplier ainsi les injonctions contradictoires à l'encontre des employeurs, il n'est pas certain que l'on contribue à l'atteinte de l'objectif recherché. Car qui pourra légitimement expliquer à un employeur qu'il ne doit pas tenir compte de la situation de famille d'un salarié et ne poser aucune question à ce sujet, si c'est cette situation qui détermine le champ de sa capacité de décision ? les juges sont-ils naïfs à ce point ? toujours est-il qu'ils viennent de se tirer une balle dans le pied et peut être, contrairement aux apparences, dans celui des salariés qui ont parfois déjà bien du mal à protéger leur vie privée.

Cass. soc., 17 octobre 2012.pdf

12/12/2012

Merci à vous

Il arrive que mes clients me remercient pour mon travail. Pour une note technique, pour une idée nouvelle, pour une information précieuse, pour une analyse pertinente, pour une recherche aboutie, pour une solution pratique à un situation délicate. Il peut également arriver que le client ne remercie pas et s'en tienne à l'échange contractuel : le paiement vaut merci. Il peut se trouver également qu'il n'ait pas envie de remercier. Tout ceci est assez récurrent. Mais cette année aura été marquée par une particularité. Des remerciements, à plusieurs reprises, pour un motif qui en 25 ans n'avait jamais été formulé ainsi. Des remerciements pour avoir apporté de la sérénité.

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Shen Zou - Paysage de Chine

A plusieurs reprises, et à mon étonnement renouvelé, les remerciements n'ont pas porté sur le contenu de mon intervention, sur ce qu'elle a permis, mais sur la sérénité retrouvée qu'elle a pu susciter. Ce peut être exprimé de différentes manières : faire retomber la pression, rassurer, permettre la prise de recul, désangoisser, déstresser, calmer, remettre les choses à leur place, mais au final les mots qui reviennent le plus souvent c'est bien d'avoir apporté de la sérénité. La peur aurait elle gagné du terrain ? l'affolement serait-il si présent ? les situations, et les personnes, si vulnérables qu'elles se sentiraient fragilisées à la moindre difficulté ? je n'ai guère d'explications sur la raison de ces remerciements d'une nature nouvelle. Par contre, je sais que l'on ne donne jamais que ce que l'on a, d'une manière ou d'une autre, reçu. Merci à vous.

10/12/2012

1000 et une familles

De 1996 à 2000, Uwe Ommer a parcouru le monde avec son appareil photo pour photographier des familles. Il en est résulté un livre et une exposition itinérante qui, à son tour, parcours le monde. Ici à Lisbonne en 2010.

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Si Uwe Ommer refaisait son tour du monde, et particulièrement en Europe, peut être trouverait-il des familles encore plus diversifiées. Parfois réduites, parfois nombreuses, avec des parents qui ne sont pas forcément les pères et mères, mais après tout, il y a bien longtemps Serge Lama chantait déjà que le père pour l'enfant c'est celui qui est là. La loi vient d'en prendre acte. A compter du 1er janvier 2013, le congé paternité, renommé congé paternité et d'accueil de l'enfant, sera ouvert au conjoint de la mère, à la personne liée à elle par un Pacs ou vivant maritalement avec elle. Le congé paternité sera donc accessible aux femmes ou aux hommes qui ne sont pas le père. Repères brouillés diront certains, les leurs sans doute, ceux de l'enfant, c'est une autre affaire.

09/12/2012

Transmission versus acquisition

En 1907, Picasso a 26 ans, il a déjà peint un des tableaux les plus importants de l'art moderne et de toute sa production, qui sera encore longue. En 1862, Ingres a 82 ans, il peint  5 ans avant sa mort un chef d'oeuvre qui est une synthèse de tout son art et dont la modernité est époustouflante. Si les deux hommes s'étaient rencontrés, qui aurait été le tuteur de l'autre ? aucun bien évidemment, mais ils auraient échangé ou plus surement encore, ils se seraient montré leurs productions et auraient bu des coups ensemble. Peut être auraient-ils commentés cette phrase de Picasso : "A dix ans, je peignais comme Raphaël, mais cela m'a pris toute ma vie de dessiner comme un enfant".

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Picasso - Les demoiselles d'Avignon - 1907

Les partenaires sociaux ont signé le 19 octobre 2012 un accord sur les contrats de génération. Dans ce texte, est abordée la question de la transmission des compétences. La modernité est ici présente dans le refus de la figure traditionnelle de l'ancien qui initie le plus jeune. Le texte invite à mettre en place des actions organisant la transmission des compétences, qui concerne sans hiérarchie préétablie les deux acteurs principaux du dispositif. Encore mieux, le texte invite à créer des situations de travail qualifiantes, car c'est bien là que se situe la véritable question : plutôt que de transmission linéaire, il s'agit de créer les conditions de nouvelles acquisitions, le plus souvent partagées. Apprendre ensemble plutôt qu'apprendre de l'autre. Faciliter l'acquisition sans transmission, c'est sans doute la condition d'une véritable qualification de tous. Pour en savoir plus, vous pouvez lire ci-dessous la chronique écrite avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF qui commente plus en détail l'ANI du 19 octobre 2012. Mais n'oubliez pas auparavant de passer par le bain turc. Bon lundi à tous.

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Le Bain Turc - Ingres - 1862

LA_TRANSMISSION_DES_SAVOIRS_ET_DES_COMPETENCES.pdf

07/12/2012

L'énigme de la dernière toile

La neige déforme les paysages et le temps. Voici donc avec un peu d'avance la chronique de week-end, en réponse à l'invitation d'Esteban de commenter "Les comédiens", dernière toile de Hopper peinte un an avant sa mort. Pour autant, quelle lecture avoir de cette toile saturée de symboles : le blanc, le théâtre, le rideau de scène, les costumes, les gestes. L’explication traditionnelle, de la dernière toile d’Hopper, le dernier salut ou l’artiste tirant sa révérence, est un peu courte. L’essentiel de la scène est tout de même la présentation de la dame blanche qui s’est toujours effacée derrière l’artiste, alors que lui n’a cessé de la mettre au devant de la scène dans ses peintures.

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Hopper - Deux comédiens - 1966

L’énigme de cette dernière peinture est de trop ressembler à une dernière peinture, dans  cet univers fantomatique qu’est celui d’Hopper. Si, lors de la scène finale est venu le temps du dévoilement, alors peut être que ce sont de véritables fantômes qui nous sont présentés. Ceux qui viennent vous saluer en cette année 2012 ne sont plus là depuis longtemps. Et c’est en pensant à ce futur que n’habiteront pas ceux qui vont se retirer du monde qu’Hopper a peint sa toile. Pas de public en face de cette improbable scène au rideau de verdure. Ce n’est pas un adieu au monde et à la peinture, c’est au contraire l’affirmation de sa permanence, au-delà de l’artiste. Le rire est celui du clown blanc : tragique, parce que la fin est là, et farceur, parce que ce n’est vraiment pas une raison d’en faire tout un plat. Voici la pirouette finale d’un peintre qui ne manquait pas d’humour : « Hé oui, ces personnages rigides qui hantent mes toiles et semblent faire partie du décor étaient bien vivants. Comme vous qui avez parfois la même rigidité qu’eux. Et nous, qui ne sommes plus là, sommes toujours bien vivants, par votre regard, sur la toile. Nous nous présentons grimés mais c’est tout le tableau qui est ainsi grimé. Sous couvert de blanc, de transparence, de déploiements de symboles trop évidents, nous ne dévoilons que nos masques de sourire. Vous pensez que nous vous saluons, mais nos mains se répondent et ne saluent que nous-mêmes. »

Tout cela, au fond, n’est qu’une histoire de couple. L’artiste est heureux de la présence éternelle de la peinture et surtout de sa dame blanche. Alors on se dit que ce tableau, et peut être quelques autres, n’a pas été peint pour nous, mais pour elle.

06/12/2012

Il va falloir s'y habituer

Il n'est pas rare que l'environnement se modifie sans que l'on en prenne véritablement conscience. Si notre propre quotidien n'évolue pas, ou peu, il est tentant de considérer que rien ne change non plus ailleurs. Manifestement les employeurs n'ont pas encore intégré la portée des positions prises par la Cour de cassation en matière de maintien de l'employabilité du salarié. Mais les décisions commencent à s'accumuler et à créer un paysage nouveau auquel il va bien falloir s'habituer, comme devront prochainement s'habituer au mariage gay même ceux qui ne souhaitent pas y recourir (rassurons les, il s'agira d'une liberté et non d'une obligation).

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New-York - 2011

Dans l'affaire jugée le 21 novembre dernier, un magasinier reprochait à son employeur de ne l'avoir formé que 5 jours en trente ans d'activité. La réponse de l'employeur tient en deux arguments : d'une part l'obligation d'adapter le salarié ne m'oblige pas à faire des formations inutiles et la formation de 5 jours était suffisante, et d'autre part le salarié ne fait état d'aucun préjudice résultant de l'absence d'autres formations. Perdu. Lorsqu'un emploi ne nécessite que très peu de formation et qu'il est tenu pendant une longue période, l'entreprise doit permettre au salarié cantonné à des tâches répétitives de préserver une employabilité plus large (C. trav., art. L. 6321-1). Et d'autre part, le fait de ne pas avoir été formé constitue en lui-même un préjudice. On pourra trouver la jurisprudence rigoureuse, elle n'est que la conséquence d'un contenu d'emploi restreint et non évolutif. Et il va falloir que les entreprises s'y habituent car, dans ce domaine comme d'autres, il n'y aura pas de retour en arrière.

Cass. soc. 21 novembre 2012 - Obligation d'adaptation.pdf