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20/11/2012

La Cour enfonce le clou

Chaque décision de la Cour de cassation en matière de forfait en jours, est un clou supplémentaire sur le cercueil des espérances de ceux qui voyaient dans ce dispositif un forfait tous horaires permettant de s'affranchir de toute règle légale et de gérer la durée du travail comme bon leur semble.

Dans une décision du 31 octobre dernier, les magistrats rapellent une nouvelle fois que la loi a posé quatre conditions légales à la validité du forfait en jours : un accord collectif, un accord individuel, une réelle autonomie dans l'organisation du temps de travail et un dispositif de suivi et de régulation de la charge de travail, dont un entretien annuel spécifique. Tous ces points donnent lieu à litige mais, le management en France étant ce qu'il est, c'est bien souvent le motif de défaut d'autonomie qui est invoqué. Après la jurisprudence Décathlon, la Cour de cassation confirme son contrôle sur la réalité de l'autonomie du salarié et estime que lorsque l'entreprise fixe le planning de travail, elle ne peut prétendre que le salarié est autonome, même si elle ne prescrit pas ses horaires. Aïe, le clou.

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Amie Dicke

Dans une deuxième décision, la Cour de cassation devait se prononcer sur le cacul du forfait en jours lorsque le salarié bénéficie de jours de congés conventionnels. Faut-il déduire les congés conventionnels du forfait fixé à 217 jours comme le prétendait l'organisation syndicale à l'origine du recours, ou bien simplement les déduire du nombre de jours de travail théorique, comme le prévoit la convention de la métallurgie ? pour les tribunaux, qui suivent l'argumentation du syndicat, les congés conventionnels doivent être déduits du nombre de jours inclus dans le forfait, sinon cela reviendrait à priver le salarié de cet avantage supplémentaire. Ce qui confirme que les jours d'absence, comme les jours de maladie, ne doivent être déduits que des jours travaillés et sont sans incidence sur les jours non travaillés (en clair, les jours appelés à tort de RTT ne doivent pas être proratisés et sont fixés de manière définitives - voir ici). Beaucoup d'entreprises ont encore du mal à intégrer ces logiques de décompte des absences des jours travaillés, mais on peut faire confiance à la Cour de cassation pour continuer à enfoncer le clou.

Cass. soc. 31 octobre 2012 Forfait jours - Absence d'autonomie.pdf

Cass. soc., 11 juillet 2012, Forfaits en jours - Jours conventionnels de congés.pdf

23/01/2012

Cachez cette RTT...

Le sommet social, ou pour l'emploi, ou contre la crise, a érigé le chômage partiel en recette miracle pour préserver l'emploi. La possibilité d'y recourir  sera donc facilitée et des crédits seront dégagés pour l'encourager :

- Mais le chômage partiel concrètement c'est quoi ?

- Une réduction du temps de travail, négociée si possible, avec une baisse de salaire et une aide de l'Etat pour favoriser l'emploi.

- Vous pouvez répéter ?

- Une réduction du temps de travail, puisque l'on chôme, mise en oeuvre par la négociation lorsqu'elle est possible, avec une baisse de salaire partiellement compensée par l'intervention de l'Etat. Et en plus la possibilité de faire des formations pendant le temps non travaillé. C'est compris cette fois ?

- Oui, mais ça me rappelle quelque chose...

- Ah bon, quoi ?

- Les 35 heures.

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- Comment ça les 35 heures ?

- Une réduction du temps de travail, négociée autant que faire se peut, aidée par l'Etat, pour favoriser l'emploi et compenser le maintien de salaire

- Mais ce n'est pas du tout la même chose ?

- Quasiment. Dans les deux cas il s'agit de mieux répartir le temps travaillé en faveur de l'emploi. Les 35 h c'était aussi l'aménagement du temps de travail, qui a d'ailleurs souvent mis les salariés sous pression.

- Mais les 35 h c'était pour tout le monde, pas le chômage partiel !

- La durée légale est la même pour tout le monde, pas la durée réelle. L'entreprise qui souhaitait rester à 39 heures en avait la possibilité. Cela représentait d'ailleurs pour elle un surcoût de 2,5 % du coût du travail, contre 11,4 % pour celle qui réduisait le temps sans réduire le salaire. Le chômage partiel, c'est aussi un surcoût pour l'entreprise puisque son coût n'a pas de contrepartie dans le travail.

- Et la formation pendant le chômage partiel ?

- C'est bien suite aux 35 heures que l'on a ouvert, puis généralisé la possibilité de faire de la formation hors-temps de travail.

- En somme, sous des techniques différentes, la recette est la même ?

- En somme oui. Sur ce, bon lundi.

24/11/2011

Pas de RTT proratisée pour les forfaits jours

J'ai tenté à plusieurs reprises, sans grand succès, d'expliquer aux responsables ressources humaines que la logique du forfait jours ne permet pas de proratiser les jours non travaillés par les salariés en forfait jours en cas d'absence, car cela reviendrait à faire de la récupération. Peine perdue, la quasi-totalité des entreprises continuait à pratiquer avec les salariés en forfait jours comme pour les salariés en heures : toute absence conduit à proratiser le nombre de jours de RTT. Pourtant la logique est radicalement différente : alors que les salariés en heures acquièrent des RTT par leur travail, pour les salariés en forfait en jours, les RTT ne proviennent pas du travail mais de l'impossibilité légale d'aller au-delà de 218 jours comme durée de base du forfait. Les 7 jours de RTT (ou plus suivant le calendrier des jours fériés) proviennent de la limite légale de la durée  du forfait et non du travail pendant les 218 jours. A la nouveauté des forfaits jours devait donc correspondre une solution nouvelle et non la duplication d'une solution inadaptée. Encore fallait-il accepter la nouveauté conceptuelle qu'est le forfait en jours.

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Yves Tanguy - Les jeux nouveaux - 1940

La décision rendue le 3 novembre dernier par la Cour de cassation tranche la question : en cas d'absence du salarié, ici pour maladie, les jours d'absence doivent s'imputer exclusivement sur les jours travaillés et non sur les jours de RTT. Impossible donc de réduire le nombre de jours de RTT du fait de l'absence. La solution est transposable à toutes les absences : maternité, congé parental, etc. Il ne peut y avoir d'absence, c'est logique que pendant les jours travaillés, sans impact sur les jours non travaillés. Toute pratique inverse revient à procéder à une récupération illicite condamnée par les juges.

Toutes les proratisations réalisées par les entreprises sont donc illicites et les salariés concernés peuvent d'une part demander à ce qu'il y soit mis fin et d'autre part exiger de récupérer les journées qui ont été proratisées.

Si cela risque de faire beaucoup, on ne pourra pas dire que ce n'était pas prévisible.

Cassation 3 novembre 2011 forfait jours.pdf

10/08/2010

Bénévolat

Il arrive fréquemment que le mot "travail" soit utilisé en lieu et place de l'expression "travail salarié" tant le salariat est devenu la représentation dominante de l'activité professionnelle tout au long du XXème siècle. Mais pendant une période bien plus longue il en fut autrement : ne pas travailler était la moindre des choses, tant chez les athéniens que dans l'aristocratie ante-révolutionnaire, et s'il fallait s'y résoudre le travail indépendant était un moindre mal. Il y aurait matière à faire sans aucun doute des liens entre cette mutation, que Robert Castel a mis en évidence, et les caractéristiques de la société française. Mais il demeure, fort heureusement, une place à côté des activités professionnelles pour les activités bénévoles.

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Malgré la double journée des femmes, malgré la montée de l'individualisme, malgré la perte du sens civique, malgré tous les maux dont la société est accablée et dont on nous rebat les oreilles quotidiennement pour nous rappeler de prendre notre camomille et nos pilules, en silence si possible, malgré tout cela le bénévolat trouve toujours à s'exercer en tout temps et en tout lieu : animation sportive, culturelle, locale, régionale, de quartier, pour les langues, la fête, les traditions, la bienveillance envers autrui, l'éducation, le soin, l'amitié, la musique, la danse, les boules, les maquettes de petits trains,...dans le domaine associatif le français est souvent pluriactif. Que cette richesse là ait été nourrie par la réduction du temps de travail ne figure dans aucun bilan, pas plus que la valeur ajoutée du bénévolat n'a droit à un pourcentage de PIB. Et comme chacun sait, ce qui n'est pas mesurable n'existe pas. Heureusement que de temps en temps, le bénévolat s'affiche.

05/01/2010

Alice et la RTT

Alice ayant basculé au pays des merveilles, elle y rencontra un Lapin blanc toujours pressé nommé bazar et dont l'agitation le conduisait à perdre ce qu'il avait de plus précieux : le temps. La course frénétique et angoissée du lapin le menait donc à l'exact opposé de son désir.

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Mark Ryden - Jessica Hope

Nos dirigeants tiennent peut être du lapin blanc : on conviendra que le Gouvernement actuel n'est pas un fervent de la réduction du temps de travail, mais par son action frénétique et angoissée, il a contribué à fortement réduire le temps de travail en 2009. On veut parler bien sur du temps passé par les entreprises à mettre en place des Plans de continuation d'activité, aux Préfectures à organiser des réunions avec les hopitaux, les services publics, les sociétés de transports, les hypermarchés et autres distributeurs d'alimentation, etc. L'auteur même de ce blog dut répondre à ses clients que son plan d'action était de ne pas être malade, s'il devait l'être de choisir si possible un week-end et si cela devait tomber en semaine de bousculer légèrement le calendrier des actions prévues. A l'heure où le Gouvernement s'efforce de revendre le surplus de vaccins (100 % de stock avant la première vente, 5 % de ventes avant les soldes : une affaire rondement menée !) se pose la question : comment revendre le temps passé à d'aussi improbables qu'inutiles réunions ? à qui fourguer les lots de masque avant le délai de péremption...aïe trop tard !
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Alice Liddell - Photo Lewis Carroll

Et dire que nous aurions pu prendre ce temps pour nous intéresser à Alice, faire un bout de chemin en sa compagnie, partager quelques rêves et pensées...Non vraiment, que voilà RTT mal employée !

22/04/2009

RTC

L'entreprise a connu une grève récemment. Pas du fait des délocalisations, l'activité n'est pas délocalisable. Au contraire, elle reçoit du travail de l'étranger. Le sujet était les salaires. Selon le niveau de rémunération, les augmentations proposées allaeint de 3,2 %, à 1,2 % pour les salaires les plus élevés. Pas assez. Ce qui permet de constater que la référence en matière sociale n'est pas ce qui se passe ailleurs : 3,2 % pour les plus bas salaires aurait pu paraître comme un très bon résultat alors que nombre d'entreprises ont des politiques salariales en 2009 comprises entre 0 et 1. Oui mais voilà, ce n'est pas aux salaires des autres que l'on compare le sien, mais aux résultats de l'entreprise, en l'occurence excellents. Dès lors, revient la question de la bonne hauteur du partage.

Mais à l'occasion de ce conflit classique, une autre demande a émergé : l'octroi d'un temps de RTC. Tête du consultant qui connait la RTT ou éventuellement le RC (repos compensateur) mais pas la RTC. Il s'agit de la "Récupération du temps cigarette".

 

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Théophile Gauthier - Le fumeur

La demande visait à rétablir l'équité : les salariés non-fumeurs s'estimaient pénalisés par la tolérance consistant à permettre aux fumeurs de prendre une pause pour s'adonner aux charmes de la fumée. Et eux ? la RTC devait donc leur permettre de bénéficier d'une pause pour "ne pas fumer" et surtout ne pas être moins bien traités que les fumeurs. La conclusion fut évidemment la fin de la tolérance pour les fumeurs et le retour à la règle. Et c'est ainsi que  volutes partent en fumée et que vos luttes partent en fumée (merci Bashung).

26/06/2008

Tyrannie du court terme

Le projet de loi présenté par le Gouvernement cette semaine sur l'intéressement (20 % de crédit d'impôt sur les sommes distribuées par les entreprises qui concluent un premier accord d'intéressement ou 20 % de crédit d'impôt sur les augmentations de versement d'intéressement pour les entreprises qui ont déjà un accord) vient s'ajouter à différentes mesures destinées à soutenir le pouvoir d'achat : possibilité de déblocage anticipé de la participation, exonération sur les heures supplémentaires, bonus de 1 000 euros, rachat de jours de RTT.

Ces différentes mesures ont deux points communs : en premier lieu,  elles permettent aux entreprises de distribuer des sommes exonérées socialement et fiscalement aux salariés. En ces périodes de déficit budgétaire et des comptes sociaux, cela signifie que ce qui est donné aujourd'hui devra être payé demain : comment et par qui ? en second lieu, elles ramènent des dispositifs qui ont pour fonction la gestion des rémunérations et du temps à de simples modalités techniques de versement d'un revenu supplémentaire immédiat.

 

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Exemple d'art immédiat
B.Montpied, L'Ange chauve va tirer sa flèche, assemblage, 2007 (oeuvre détruite)
 

Comme l'a rappelé le patron d'Auchan, Gérard Mulliez, au Gouvernement, la participation a pour objectif de consolider le lien entre l'entreprise et les salariés, l'intéressement, quant à lui, est un outil de gestion et de pilotage de la motivation et de la performance ( et un des rares outils dans ce domaine a avoir une dimension collective), les jours de RTT permettent une gestion lissée du temps et les heures supplémentaires ont fondamentalement pour fonction la gestion des variations d'activité. En aucun cas ces différents outils n'ont vocation à n'être que des moyens d'augmenter le revenu des salariés. 

 Pour les entreprises, et les services de ressources humaines, le risque est grand d'avoir un brouillage des cartes et une confusion regrettable entre différents outils de la politique RH, qui seraient dorénavant perçus exclusivement comme des machines à distribuer de la ressource immédiate. Le temps du politique n'est décidément pas le temps du social. Ajoutons pour terminer que si le pouvoir d'achat ainsi distribué ne trouve pas d'autre usage que l'absorption du prix de l'essence et l'achat massif de jouet chinois à Noël, le fiasco sera à peu près total.