24/11/2011
Pas de RTT proratisée pour les forfaits jours
J'ai tenté à plusieurs reprises, sans grand succès, d'expliquer aux responsables ressources humaines que la logique du forfait jours ne permet pas de proratiser les jours non travaillés par les salariés en forfait jours en cas d'absence, car cela reviendrait à faire de la récupération. Peine perdue, la quasi-totalité des entreprises continuait à pratiquer avec les salariés en forfait jours comme pour les salariés en heures : toute absence conduit à proratiser le nombre de jours de RTT. Pourtant la logique est radicalement différente : alors que les salariés en heures acquièrent des RTT par leur travail, pour les salariés en forfait en jours, les RTT ne proviennent pas du travail mais de l'impossibilité légale d'aller au-delà de 218 jours comme durée de base du forfait. Les 7 jours de RTT (ou plus suivant le calendrier des jours fériés) proviennent de la limite légale de la durée du forfait et non du travail pendant les 218 jours. A la nouveauté des forfaits jours devait donc correspondre une solution nouvelle et non la duplication d'une solution inadaptée. Encore fallait-il accepter la nouveauté conceptuelle qu'est le forfait en jours.
Yves Tanguy - Les jeux nouveaux - 1940
La décision rendue le 3 novembre dernier par la Cour de cassation tranche la question : en cas d'absence du salarié, ici pour maladie, les jours d'absence doivent s'imputer exclusivement sur les jours travaillés et non sur les jours de RTT. Impossible donc de réduire le nombre de jours de RTT du fait de l'absence. La solution est transposable à toutes les absences : maternité, congé parental, etc. Il ne peut y avoir d'absence, c'est logique que pendant les jours travaillés, sans impact sur les jours non travaillés. Toute pratique inverse revient à procéder à une récupération illicite condamnée par les juges.
Toutes les proratisations réalisées par les entreprises sont donc illicites et les salariés concernés peuvent d'une part demander à ce qu'il y soit mis fin et d'autre part exiger de récupérer les journées qui ont été proratisées.
Si cela risque de faire beaucoup, on ne pourra pas dire que ce n'était pas prévisible.
00:26 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rtt, forfait jours, 35 heures, droit du travail, ressources humaines, droit, économie, emploi
17/11/2011
Une main protectrice
Avant que ne soit ouverte la compétition pour savoir quel Président a le profil le plus protecteur, force est de constater que la main protectrice est plutôt celle du juge. Après la Cour d'appel de Paris le 12 mai dernier, (voir ici), c'est le TGI de Nanterre, dans une décision du 21 octobre 2011, qui affirme la nullité d'une procédure de licenciement dès lors que le motif économique permettant la mise en oeuvre du licenciement est nul. Pour étendre cette main protectrice sur les salariés, le juge force un peu les textes qui ne prévoient de nullité qu'en cas de Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) nul et non de motif économique nul. Le juge écarte l'argument d'un revers de manche : en l'absence de motif économique, le PSE ne peut être régulier et la nullité entache donc l'ensemble de la procédure ce qui revient à interdire à l'entreprise de procéder à tout licenciement.
Comme la Cour d'Appel de Paris, le Tribunal de Nanterre est sans doute un peu excédé par un Code du travail qui frappe de nullité un licenciement économique si le PSE est nul mais pas si le motif économique est nul. Ce qui conduit au paradoxe qu'un salarié licencié sans motif ne pourra demander sa réintégration, alors qu'un salarié licencié avec un motif peut imposer son retour dans l'entreprise si le PSE s'est avéré insuffisant. Reste aux salariés qui contestent le motif du licenciement à tenter leur chance devant les tribunaux, si d'ici là le législateur n'est pas intervenu pour faire échec à une jurisprudence que certains pourraient trouver trop novatrice voire trop protectrice des salariés. Mais ce ne sera pas, bien évidemment, l'argument invoqué par les thuriféraires de la liberté de gestion, trop souvent confondue avec la capacité de prendre des décisions arbitraires ou discrétionnaires : il faudra dorénavant, et tant que la Cour de cassation n'a pas dit la messe, prendre le réflexe de solliciter la main du juge lorsque manifestement le licenciement n'est fondé sur aucun des motifs que la loi énonce en matière de licenciement pour motif économique. Et souhaiter que le juge ait la main protectrice.
01:42 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : licenciement, jurisprudence, droit du travail, droit, travail
10/11/2011
Rangez les laisses !
Votre portable, votre carte bleue, votre pass navigo, les caméras dans la rue, les cookies sur internet...la technologie permet de suivre à la trace vos déambulations physiques et électroniques. A croire qu'il ne reste que la rêverie qui échappe à la traçabilité, mais il paraîtrait que des neurobiologistes ne désespèrent pas de voir vos rêves livrés par l'imagerie magnétique. La technologie ? plutôt l'usage que l'on en fait car si la technique peut beaucoup, elle ne fait jamais que ce qu'on lui demande. Et on lui demande parfois de géolocaliser de manière permanente les salariés en incrustant un de ces mouchards qui contribuent à la relation de confiance entre l'entreprise et ses collaborateurs. La CNIL a posé les premiers garde-fous en 2006 avec quelques règles de principe : pas de géolocalisation permanente, obligation d'information des salariés, usage réservé aux cas qui le nécessitent absolument, etc. La Cour de cassation, dont on apprécie toujours la concision et la précision des décisions, fait plus qu'ajouter sa pierre dans une décision du 3 novembre 2011 : la géolocalisation ne permet de contrôler la durée du travail que lorsque tout autre moyen est impossible, voici pour la pierre, et surtout elle ne peut être mise en oeuvre pour un salarié qui dispose de la liberté d'organisation de son travail, voilà pour le mur que le juge dresse entre l'autonomie et la géolocalisation. Un sacré coup de ciseau dans la laisse électronique que les entreprises tentent de passer au cou des salariés.
Félicien Rops - Le Pornocrates
Dans l'affaire jugée le 3 novembre, il s'agissait d'un vendeur salarié dont le véhicule était équipé d'un système de géolocalisation pour analyser et optimiser son activité. Le salarié en était informé ainsi que la CNIL. Constatant que la durée du travail n'étais pas respectée, l'employeur a réduit la rémunération du salarié qui a pris acte de la rupture de son contrat et a saisi les prud'hommes. Les juges donnent raison au salarié, la Cour de cassation confirme. Le salarié étant libre d'organiser son travail, il ne pouvait faire l'objet d'un contrôle des temps par géolocalisation. Ce principe très clairement affirmé pour un salarié dont la durée du travail était fixée en heures, a pour conséquence de rendre impossible toute géolocalisation pour les salariés en forfait en jours. En effet, l'autonomie et la liberté d'organisation du travail étant une condition de validité du forfait en jours, elle rend impossible un contrôle de la durée du travail par géolocalisation. Cette impossibilité est une question de cohérence : on ne peut affirmer à la fois qu'un salarié est autonome pour gérer son temps de travail et mettre en place un système permanent de contrôle de ce temps. Et plus largement, dès lors que le salarié fixe librement les frontières entre vie personnelle et professionnelle, un système de contrôle permanent conduirait l'employeur à contrôler des temps de vie personnelle.
Par cet important arrêt qui sera publié au bulletin, la Cour de cassation limite donc la possibiltié de géolocalisation aux salariés dont la durée du travail est fixé en heures et dont les horaires sont prescrits, la géolocalisation ne pouvant s'exercer que pendant ces horaires.
Voilà une belle leçon donnée par le juge, et dont pourrait s'inspirer le législateur : comment en peu de lignes et peu de mots, on peut préserver des libertés fondamentales.
00:00 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géolocalisation, forfait en jours, travail, durée du travail, droit du travail, droit, cnil, licenciement, contrôle, ressources humaines
28/10/2011
Pas d'exception culturelle pour l'injure
Les français sont attachés, paraît-il, à l'exception culturelle. Celle qui protège les arts, les traditions, les manières d'être. Celle qui préfère les fromages non pasteurisés, le vin non parkerisé, le film non américanisé, et plus globalement tout ce qui ressemble à ce que l'on a déjà vu. L'exception culturelle serait pour certains une forme de résistance à la mondialisation, pour d'autres une franchouillardise ringarde. L'exception culturelle a été illustrée par Nougaro chantant qu'à Toulouse "On se traite de con à peine qu'on se traite", ce qui confère à l'insulte un caractère chaleureux et familier qu'elle perd irrémédiablement lorsque l'on s'éloigne des bords de Garonne.
Remixito
Mais les juges n'aiment pas l'exception culturelle. A de multiples reprises, ils ont estimé que l'ambiance de chantiers ou de l'atelier ne justifiaient ni l'insulte ni l'injure raciste ni toute autre forme d'agression verbale. Confirmation dans une décision du 20 octobre 2011 (texte complet ici). Pour le salarié, qui se plaignait de harcèlement moral, il s'agissait d'injures répétées. Pour le présumé harceleur, suivi par les juges du fond, il s 'agissait tout au plus de quelques écarts de langage qui pouvaient s'expliquer par le contexte linguistique et culturel de la Start-up. La Cour de cassation censure le raisonnement et l'appréciation. Aucun contexte ne peut justifier l'insulte ou l'injure qui est nécessairement fautive et qui, ajoutée à d'autres faits, constitue bien lorsqu'elle est répétée une forme de harcèlement. Toujours pas d'exception culturelle pour l'injure. Cela ne chagrinera pas Nougaro qui chantait également que l'on insulte l'arbre lorsque l'on parle de langue de bois à propos des discours creux qui ne valent pas mieux que les insultes directes.
01:03 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : licenciement, insulte, injure, cass toi pauv con, droit, droit du travail, culture
26/10/2011
La lettre, le mail et le sms
Nul ne percera jamais le mystère du billet que la servante remet à sa maîtresse. Toutes les conjectures n'y feront rien, tous les possibles se briseront sur la mince feuille de papier pliée. Peut être Vermeer lui-même n'en sait-il pas plus que nous. Il a sans doute tenté de déchiffrer ces visages qu'il peignait avec cette application tenace qui caractérise les flamands. Je parierai volontiers sur l'échec de sa tentative, qui consacre la réussite du tableau. Jamais la lettre remise ne livrera son secret. Ainsi, la vie privée méritait-elle son nom avant que ne surgisse la technologie.
Johannes Vermeer - Maîtresse et servante - 1667
On ne compte plus les salariés licenciés pour avoir manqué de la plus élémentaire conscience de leur époque en oubliant que tout l'internet était traçable et que les mails, présumés professionnels, n'étaient pas des billets relevant de la vie privée mais des écrits de la sphère professionnelle qui n'échappent pas au contrôle de l'employeur. Un salarié vient de constater à ses dépens qu'il en est de même des SMS envoyés depuis son téléphone professionnel qui, faute d'avoir été effacés sitôt qu'envoyés, ont révélé à l'employeur les intentions coupables du salarié, en l'occurence "faire couler la boîte". Les juges, dans une décision du 28 septembre 2011, voir ici, ont rappelé au salarié victime de la fracture technologique, toute la différence qu'il y avait entre un SMS envoyé à un collègue depuis un téléphone professionnel, et les billets remis en main propre sans mention de l'expéditeur. Le salarié aura ainsi appris à ses dépens que le secret d'un SMS est de bien courte durée, alors qu'il y a près de trois siècles et demi que le mystère du billet de Vermeer demeure.
00:22 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sms, internet, mail, droit, droit du travail, vermeer, peinture, secret, licenciement
23/10/2011
Coup de chaud sur les forfaits jours
Difficile parfois de résister à la tentation, n'est pas Saint-Antoine qui veut. Icare lui, ne résista pas et partit défier le soleil avec ses ailes aux jointures de cire. Le soleil fut au rendez-vous, la cire fondit et Icare chuta. Quelques uns en conclure que les hommes ne devaient pas défier les lois naturelles et que la science devait apprendre l'humilité. Ce n'est ni une loi naturelle ni l'humilité que le Conseil des Prud'hommes de Limoges a voulu rappeler aux dirigeants d'un hypermarché qui avaient cru pouvoir conclure des forfaits en jour avec leurs responsables de rayon. Mais plus simplement que l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2011 (voir ici) avait validé les forfaits en jours sous réserve d'un strict respect des conditions légales et conventionnelles, et que lorsque tel n'est pas le cas, le forfait doit être annulé et les heures supplémentaires effectuées par le salarié indemnisées. Dans l'affaire jugé le 6 septembre dernier, les juges ont estimé qu'en l'absence de preuve précise par le salarié du volume de ces heures supplémentaires, une indemnité de 30 000 euros devait lui être allouée, soit l'équivalent en l'espèce de plus d'une année de salaire brut.
Herbert James Draper - Le chagrin d'Icare
On relèvera que les juges ont systématiquement passé en revue les conditions de validité du forfait en jours. La première est légale, il s'agit de l'autonomie du salarié. Difficile de considérer qu'un responsable de rayon qui doit faire valider ses départs de l'entreprise par le cadre de permanence est autonome. La seconde est également légale, il s'agit de l'entretien annuel obligatoire pour les salariés en forfait en jours, qui doit aborder la charge de travail, l'organisation du travail, l'impact de la vie professionnelle sur la vie personnelle et la rémunération. En l'espèce l'entreprise faisait bien un entretien annuel mais il ne portait que sur la performance et les compétences. Insuffisant pour les salariés en forfait jours. Enfin troisième condition le respect des obligations conventionnelles de suivi de la charge du travail des salariés en forfait jours. Pas plus de suivi collectif que de suivi individuel. Si toutes ces conditions ne sont pas réunies cumulativement, le forfait en jours doit donc être annulé et des heures supplémentaires payées. Les entreprises qui risquent de se brûler les ailes se reconnaîtront.
20:40 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : forfait jours, durée du travail, droit du travail, travail, ressources humaines, droit, social, icare
14/10/2011
La belle europe
Mais quelle mouche a donc piqué les juges du fond ? après le Tribunal d'Orléans qui vient de considérer que le Code du travail ne respectait pas les textes européens et ne devait pas s'appliquer en matière de désignation des représentants syndicaux (c'est ici), voilà le tribunal de Marseille qui donne tort au Conseil Constitutionnel. Celui-ci avait jugé que l'exclusion des contrats liés à la politique de l'emploi (contrat d'apprentissage, contrat de professionnalisation, contrat unique d'insertion...) pour le calcul des seuils d'effectif était conforme à la Constitution. Les juges marseillais eux considèrent que cette exclusion prive les salariés du bénéfice de directives européennes qui doivent profiter à tous les travailleurs et que par conséquent elle ne peut trouver application. Plutôt que l'Europe libérale régulièrement stipendiée, le juge sait aller chercher la belle europe sociale garante des droits des salariés. Martial Raysse apprécierait.
Martial Raysse - L'enlèvement d'Europe - 1936
L'argument des juges est solide : dans l'association en cause dans le litige, il y a plus de 100 salariés, mais sans les contraits aidés, le chiffre retombe en dessous de 50, ce qui les prive de Comité d'entreprise, des garanties en matière d'information et de consultation, des garanties en cas de licenciement, etc. Or des directives européennes garantissent les droits des salariés en ce domaine. Il n'est donc pas possible, serait-ce dans l'objectif de favoriser l'emploi, d'adopter des mesures dérogatoires qui aboutissent à priver les salariés des garanties offertes par le droit social européen.
Les juristes français connaissent en général assez mal le droit européen, en tous les cas insuffisamment, l'auteur de ce blog en premier lieu. Mais cette lacune semble se combler puisque, de plus en plus fréquemment, la norme européenne est sollicitée pour écarter une loi française moins favorable. L'Europe garantirait donc des droits sociaux supérieurs à ceux qui existent en France ? ce n'est pas ce que l'on nous dit, mais c'est pourtant ce que les juges, jour après jour, s'efforcent de démontrer. Nous ne sommes sans doute pas, dans ce domaine, au bout de nos suprises.
00:00 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : effectif, droit du travail, europe, droit, ressources humaines, martial raysse, droit européen, marseille
01/10/2011
Oubliez le DIF, vive le DIM !
La formation professionnelle ne sera pas absente de la prochaine campagne présidentielle. A cette occasion, chacun ira de son analyse critique et de ses préconisations concernant le DIF : faut-il en faire un droit de consommation opposable à l'employeur ? faut-il le faire évoluer vers un compte-épargne formation ? faut-il le transformer en un droit de créance qui obligerait les entreprises à provisionner ? faut-il l'abandonner purement et simplement ses résultats n'étant pas suffisamment probants ? tous les arguments peuvent être entendus et donner une coloration très différente à ce droit novateur qui peine à installer la négociation dans les rapports individuels de travail.
Anticipant sur ces débats, une autre proposition peut être formulée, basée sur le constat que ce n'est pas par la formation que vous avons acquis l'essentiel de nos compétences. Chacun pourra vérifier que l'exercice d'activité ou la participation à des activités collectivités, constituent des modes d'apprentissage plus répandus que la formation formelle. D'après l'Université de Princeton, le rapport serait de 70/20/10, soit 70 % de compétences acquises par l'activité, 20 % par la collaboration et 10 % par la formation formelle. Laissons donc un peu la formation, et le DIF, et concourront à la promotion du DIM.
Le DIM, c'est le Droit Individuel à la Mission. Certaines entreprises le pratiquent sur une base volontaire, comme certaines partageaient la décision de formation avant que le DIF n'existe. Celles qui le font, demandent aux managers d'introduire chaque année, au moins une activité nouvelle dans les missions des collaborateurs, et d'en supprimer une également. Cette exigence permet d'assurer le renouvellement du contenu du travail, de développer des compétences nouvelles, de se prémunir de la routine et de poser régulièrement la question du contenu du travail. Le DIM, ce serait le droit pour le salarié de partager la décision sur cette mission nouvelle, ce qui permettrait juridiquement de la situer soit au sein de la qualification du salarié (pour accompagner une évolution d'emploi par exemple), soit en dehors de ce champ pour préparer une mobilité professionnelle, un reclassement ou une reconversion. Le DIM permettrait de travailler sur ce qui compte véritablement, le contenu de l'activité, et non sur un moyen, la formation, qui est trop souvent sans effet sur les pratiques professionnelles réelles. En tant que Droit Unilatéral et Personnel, le DIM pourrait même être le DIM UP, autrement plus excitant que le DIF, convenez en ! Bonne semaines à toutes et à tous.
23:39 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dif, dim, présidentielle, formation, droit, ressources humaines, droit du travail
22/09/2011
Vous ferez votre bonheur vous même
Il est parfois nécessaire que la loi protège l'individu contre lui-même. Mais il s'agit d'un chemin dangereux car fixer des interdits pose toujours la question des libertés individuelles. Lorsque l'on oblige au port du casque ou de la ceinture de sécurité, la protection des personnes peut aisément justifier la contrainte, légère, imposée. Mais lorsque l'on interdit le lancer de nain au nom de l'ordre public et de la dignité humaine, la restriction ne va pas de soi qui fit il y a quelques années d'un nain qui se faisait payer pour être lancé, un chômeur supplémentaire.
Lorsque les partenaires sociaux ont crée, en 2008, la rupture conventionnelle que la loi consacra la même année, il s'agissait de permettre l'exercice d'une liberté individuelle, la possibilité de négocier avec son employeur la fin de son contrat de travail, en contrôlant que cette volonté n'était pas contrainte. On la soumis ainsi à l'homologation de la DIRECCTE. S'agissant d'une rupture d'un contrat de travail, le contentieux de l'homologation fut confié aux Conseils de Prud'hommes et non aux tribunaux administratifs. Il en résulta une question non tranchée à ce jour : le Conseil des Prud'hommes doit-il se prononcer sur l'homologation elle-même ou bien doit-il renvoyer vers l'administration s'il annule une première décision d'homologation ou de non-homologation ? est-il garant de la liberté des parties ou bien contrôle-t-il uniquement l'administration qui conserve sa capacité de décision ? la Cour d'appel de Versailles a choisi la liberté.
JJ LEBEL - Essai de figuration de l'idée de liberté - 1961
La DIRECCTE s'appuyait sur une circulaire de la DGT (Ministère du Travail) du 17 mars 2009 qui a tout le charme des normes arbitraires autoproduites. Selon ce texte, seule l'administration et non le juge, peut se prononcer sur l'homologation elle-même. Balivernes selon le juge versaillais. En l'occurence, c'est ici le salarié qui a saisi le juge, en référé, car il souhaitait mettre en oeuvre un projet personnel et contestait le refus d'homologation au motif que l'entreprise devait mettre en place un PSE. Les tribunaux constatent la volonté réelle du salarié, déboutent l'administration et valident la rupture conventionnelle. Espérons que par cette décision les juges conduiront l'administration au contrôle du libre consentement du salarié sans substituer leur appréciation à celle des parties sur l'opportunité de la rupture. Et félicitons le juge d'être en l'espèce celui des libertés.
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rupture conventionnelle, liberté, prud'hommes, homologation, droit, droit du travail, licenciement
19/09/2011
Le juriste et le météorologue
Quel rapport entre le droit et la météo ? entre le juriste et le météorologue ? beaucoup de points communs qui permettent de mieux comprendre ces deux métiers. Les points communs : la masse d'information à traiter, la finesse du raisonnement masquée par la brutalité de la décision et l'exercice d'une activité qui n'est pas une science exacte, du moins sous nos climats. Et peut être un dernier : le fait d'être pris à tort pour des Oracles.
John Collier- L'Oracle de Delphes
La masse d'information : Codes, conventions, accords, contrats, usages matinés de droit européen et international d'un côté, milliers de relevés de toute sorte (vent, hydrométrie, relief, température, pression,...) de l'autre. Si le profane se noie irrémédiablement dans le flot d'informations, l'expert ne doit pas oublier de travailler son crawl.
La finesse du raisonnement : interpréter les textes, interpréter les chiffres. Savoir lire au-delà des signes, assembler, dépasser les contradictions, le juriste et le météorologue aspirent à devenir des logiciens avisés sans sombrer dans la casuistique ni la rigidité, qui guettent à tout instant. Souplesse du raisonnement et méfiance des effets mécaniques.
La brutalité de la décision : au-delà du raisonnement, la décision est souvent binaire. Au plan pénal, coupable ou relaxé, chaque solution est à 100 %. On est pas coupable à 35 % et innocent pour le reste. Pour le ciel, les nuages, la pluie et le soleil, difficile de faire état de doutes devant qui veut savoir s'il pleuvra ou non. La probabilité de pluie à 60 % laissera sceptique plus d'un qui vous demandera : "En clair, il pleut ou pas ?".
Se dépêtrer d'une masse d'informations pour arriver par un raisonnement que l'on espère subtil voire artistique, à une solution binaire, voilà tout le dilemme du juriste. Qu'il soit partagé par le météorologue ne le consolera pas mais l'invitera peut être à lever la tête pour vérifier la couleur du ciel. Si vous découvrez qu'il est à la fois bleu et noir, vous dites qu'il est aussi impossible de l'annoncer que d'expliquer que DSK est à la fois coupable et innocent.
22:31 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : droit, météo, juriste, droit du travail, temps, dsk, nuages
14/09/2011
Quand le juge fait la leçon
....le Parlement ferait bien d'en tirer profit. Le TGI d'Orléans vient de faire preuve de pédagogie en jugeant que l'article L. 2324-2 du Code du travail était contraire à la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH). De quoi s'agit-il ? L'article en question, issu de la loi du 20 août 2008, prévoit qu'une organisation syndicale ne peut désigner de représentants syndicaux au comité d'entreprise, dans les entreprises de plus de 300 salariés, que si cette organisation y compte au moins deux élus. Lors du vote de la loi, cet article paraissait absurde : la capacité de désigner des représentants syndicaux au comité d'entreprise appartenait jusque-là à toute organisation syndicale, pourquoi la limiter à celles qui ont des élus, et qui disposent déjà à ce titre de toute l'information du comité, alors qu'un syndicat peut désormais être représentatif (avec 10 % des voix aux élections) sans avoir d'élu au comité ? les parlementaires ont fait valoir qu'il s'agissait de légitimer la présence des représentants syndicaux en limitant la possibilité de désignation en fonction de la représentativité. Les juges de province, contrairement à la Cour de cassation, ne se sont pas laissés abuser par le raisonnement : ils connaissent la musique et administrent une leçon au législateur dont l'objectif était manifestement uniquement de diminuer le nombre de représentants du personnel.
Matisse - La leçon de piano
La leçon est en trois temps. En premier lieu, il est rappelé que la CEDSH garantit l'égalité de traitement des organisations syndicales. En second lieu, le législateur est placé devant ses contradictions : si la finalité est de conforter la représentativité, toutes les organisations représentatives, et pas seulement celles qui ont deux élus, doivent pouvoir désigner un représentant syndical. Troisièmement, compte tenu du rôle du représentant syndical, qui participe au CE pour que son organisation soit informée et avec uniquement voix consultative, il est logique que tout syndicat représentatif puisse désigner un représentant, y compris et même surtout, s'il n'a pas d'élu. Exit donc l'article L. 2324-2 qui constitue une discrimination syndicale, l'inégalité de traitement des organisations n'étant pas justifiée.
Et voici le législateur renvoyé à ses incohérences. On souhaite que la Cour d'Appel et la Cour de cassation, si elles sont saisies, apprécient la finesse du raisonnement du juge des bords de Loire et confortent sa position o combien justifiée et légitime. Envoyez la musique !
00:31 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : comité d'entreprise, représentativité syndicale, actualité sociale, irp, jurisprudence, droit, droit du travail
13/09/2011
Obéissance fautive
L'obéissance est souvent perçue comme l'aliénation de sa liberté au profit d'une sécurité : elle constitue une adhésion qui devrait trouver sa récompense. L'obéissance déresponsabilise. Elle fait porter sur le donneur d'ordre le poids de la décision dont se trouve libéré l'exécutant. Ceci est peut être une vision que l'on peut avoir de l'obéissance. Ce n'est pas celle du juge, pour qui obéir est une décision pleine et entière dont la responsabilité se trouve chez son auteur et non chez celui qui l'a suscitée. Obéir est un choix et il vaut mieux ne pas l'oublier.
Obéissance - André Helluin - 2010
Un responsable commercial demande à une assistante commerciale de lui communiquer ses codes d'accès pour accéder aux fichiers clients. La charte informatique de l'entreprise proscrit toute transmission des codes personnels. L'assistante les communique pourtant, estimant qu'agir sur ordre est un impératif ou que le demandeur peut avoir accès aux informations. Double erreur que le juge sanctionne sévèrement d'une faute grave (Cass. soc., 5 juillet 2011). Le salarié ne peut se réfugier derrière l'excuse de hiérarchie : responsable de lui-même, il a le devoir et l'obligation de refuser la demande illicite. Pas facile ? sans doute mais le salarié ne peut ni refuser de choisir ni d'exercer sa responsabilité. On ne renonce pas par la soumission à son statut de sujet. Le juge paraît sévère, il est en l'occurence un grand humaniste.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : droit, droit du travail, licenciement, hiérarchie, faute
18/08/2011
Le juge perdu dans la nature
La question des rapports entre nature et culture peut encore appeler des développements qui rempliront les bibliothèques. Peut être ne sera-t-elle jamais tranchée. Pour autant, il importe de rester vigilant lorsque des thèses essentialistes sont proférées sur le ton de l'évidence. La Cour d'appel de Chambéry vient de juger qu'il n'est pas discriminatoire d'exiger, pour un poste de chef de service de traduction en français, que le candidat soit de langue maternelle française. L'argument des juges est ainsi tourné : " Or attendu que les termes native french speaker, qui se traduisent par de langue maternelle française, posent comme critère celui du langage parlé et transmis dès la naissance, lequel, réputé être de ce fait la langue la plus parfaitement assimilée par l'individu dans toutes ses composantes et subtilités, constitue une exigence professionnelle déterminante et essentielle en matière de recrutement d'un chef du service de traduction de l'agence en France d'une compagnie d'assurance anglo saxonne".
On conseillera aux juges de relire Casanova.
Anton Raphael Mengs - Portrait de Casanova - 1768
Et plus particulièrement les mémoires, écrites en français par celui qui était de langue maternelle italienne et qui demeure l'un des plus grands écrivains de langue française. Et si tout cela paraît bien loin au juge, il pourra aussi se plonger dans Becket, Semprun, Kundera ou Dai Sijie. Tous individus qui ont une parfaite maîtrise de la langue dans toutes ses composantes et subtilités. Au passage le juge s'apercevra que la compétence est un acquis et non un attribut.
Pour éviter d'aussi grossières erreurs, le juge peut toujours s'en remettre à Casanova : "L'homme qui veut s'instruire doit lire d'abord, puis voyager pour rectifier ce qu'il a appris" et si le juge lit, il pourra déccouvrir cette autre formule d'un écrivain de langue française d'élection : "Si le plaisir existe, et si on peut en jouir qu'en vie, alors la vie est un bonheur".
12:13 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : casanova, littérature, juge, jurisprudence, discrimination, langue maternelle, droit, droit du travail
03/08/2011
Flag
Aux Etats-Unis, on aime le drapeau. Et toute occasion de le montrer est bonne, et même lorsqu'il n'y a pas d'occasion, on le sort quand même.
Manhattan
On peut noter d'ailleurs, combien la Stars Banner est fréquemment accompagnée d'un autre drapeau. L'identité américaine est suffisamment forte et solide pour pouvoir être multiple sans que cela ne lui cause d'insupportables maux de têtes ou ne suscite de violentes poussées d'urticaires.
Brooklyn
Et si les américains sont fiers de leur drapeau, ils sont encore plus attaché à la liberté et admettent, en vertu de l'article 1er de leur constitution, qu'il puisse être brûlé par qui ne supporte ni les étoiles ni les raies horizontales (qui grossissent comme chacun sait).
En France, on a créé le délit d'outrage au drapeau par un décret du 21 juillet 2010, suite à la publication par la FNAC d'une photo jugée insupportable, au point que les deux salariés organisateurs du concours ont été licenciés pour faute grave. La photo en question était celle-ci :
Comme pour toute oeuvre artistique, elle peut être discutée pour son esthétique et pour son message. Mais au nom de la liberté d'expression, son existence même ne saurait poser problème. C'est ce que vient de rappeler le Conseil d'Etat, saisi par la Ligue des Droits de l'Homme, d'un recours en annulation du décret du 21 juillet. Si le décret n'est pas annulé, sa portée est largement réduite, pour le moins. Selon le Conseil d'Etat : "ce texte n'a pas pour objet de réprimer les actes de cette nature qui reposeraient sur la volonté de communiquer, par cet acte, des idées politiques ou philosophiques ou feraient oeuvre de création artistique, sauf à ce que ce mode d'expression ne puisse, sous le contrôle du juge pénal, être regardé comme une oeuvre de l'esprit ".
Voilà le pouvoir pris, une nouvelle fois, en flagrant délit d'usage du droit pour de mauvaises raisons, politiciennes, ce qui dessert à la fois la cause politique et la place du droit dans une société démocratique. Et par là même occasion de bons arguments pour les salariés de la FNAC si l'idée leur prenait de contester leur licenciement.
06:26 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : drapeau, outrage, conseil d'etat, politique, liberté, usa, new york, jurisprudence, licenciement, droit, droit du travail, droit d'expression
28/07/2011
Chapitre 6 Quand les organisations syndicales s'éveilleront
La question de la compétence est appréhendée par le droit quasi-exclusivement sous l’angle de la compétence individuelle et du rapport individuel de travail.
Or pour une organisation, la compétence individuelle n’est rien si elle ne contribue pas à une compétence collective. Cette dimension là n’est que peu prise en compte.
De la même manière, beaucoup d’organisations syndicales voient dans les compétences un cheval de Troie susceptible de remettre en cause le couple formation/qualification. Effectivement, la notion de compétence fait du travail le point de départ (principal moyen de développement de compétences) et le point d’arrivée (évaluation de la compétence) du processus de professionnalisation. Une rupture culturelle avec la qualification par la formation.
Anne-Louis Girodet - Le sommeil d'Endymion - 1793
Certes, des classifications prennent déjà en compte la notion de contenu d’emploi et les compétences réellement exercées. Mais plus comme une conséquence, reconnaître le niveau de compétences, que comme un point de départ. Viendra peut être le jour où la négociation portera sur le contenu des emplois, leur enrichissement et la mise en place d’organisations du travail qualifiantes. Mais pour cela il faudrait sortir de l’opposition entre le vil travail et la noble éducation et considérer que la professionnalisation se situe dans l’articulation de différents moyens de développement des compétences, la formation n’étant que l’un d’entre eux. Désacraliser la formation serait, et cela paraîtra paradoxal pour beaucoup, rendre service aux salariés.
09:27 Publié dans DROIT DE LA FORMATION, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, éducation, travail, syndicats, droit, droit de la formation, droit du travail
27/07/2011
Chapitre 5 Dans lequel la compétence prend son temps
Le premier dispositif de coinvestissement (l’entreprise finance la formation, le salarié prend sur son temps personnel) a été introduit dans le code du travail en 1991. Il n’a guère fonctionné, tant est forte la culture de la formation pendant le temps de travail.
Mais le DIF a bousculé les limites du temps : depuis 2004 il est possible de convenir d’une formation se déroulant en dehors du temps de travail. La compétence se trouve découplée du rapport de travail et du contrat lui-même. Le temps personnel peut être mobilisé pour un objectif, l’acquisition de compétences, qui profite tant au salarié qu’à l’entreprise.
Charles Dauphin - Le temps dévoilant la vérité - 1655
Le champ ainsi ouvert sera étendu par la loi du 24 novembre 2009 au CIF : il est désormais possible d’effectuer un congé individuel de formation sans prendre de congé. Les organismes qui financent le CIF peuvent prendre en charge des formations réalisées intégralement en dehors du temps de travail.
Perturbant tous les repères traditionnels, le développement de la formation sur le temps personnel, qui ne peut s’effectuer que sur décision du salarié ou avec son accord, permet d’ouvrir un espace de négociation en dehors du temps de travail. Et dans ce domaine également, on voit la compétence remettre en cause la ligne de partage entre le personnel et le professionnel.
09:20 Publié dans DROIT DE LA FORMATION, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : compétence, formation, droit, droit du travail, droit de la formation, cif, temps
25/07/2011
Chapitre 3 Où il est prouvé que l'irresponsabilité est dans la nature du salarié
Dès 1988, et de manière explicite en 1992 avec l’arrêt Expovit, la Cour de cassation pose en principe que, tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, l’employeur a l’obligation d’adapter le salarié à l’évolution de son emploi. Cette obligation sera reprise par la loi Aubry de février 2000 sur les 35 heures et figure aujourd’hui à l’article L. 6321-1 du Code du travail.
Les juges reviennent à la source : le salariat se définit comme le travail subordonné, quelle que soit l’indépendance dont peut jouir le salarié au plan technique, voire organisationnel pour les salariés en forfaits jours.
Etant subordonné, le salarié ne peut porter la responsabilité de son employabilité. Il revient donc en premier lieu à l’employeur de réaliser un diagnostic sur les besoins de professionnalisation du salarié (entretien professionnel) puis de mettre en œuvre un plan d’action si nécessaire. Ce plan d’action ne se résume pas à la formation. L’employeur a l’obligation d’adapter et de veiller à la capacité du salarié à occuper un emploi, pas une obligation générale de formation. Il peut donc s’acquitter de son obligation par l’enrichissement des tâches, le développement de la polyvalence, le compagnonnage, le tutorat, la mise à disposition de ressources, etc.
Si l’entreprise n’a pas assumé ses responsabilités, impossible de mettre en cause celle du salarié : l’incompétence ou l’insuffisance professionnelle ne peuvent être reconnues que si l’entreprise a mis en œuvre tous les moyens qui sont à sa charge.
Par contre, dès lors qu’elle s’est acquittée de ses obligations, il appartient au salarié de faire tous les efforts pour acquérir les compétences requises et pour les mettre en œuvre. Le salarié n’est donc irresponsable qu’à hauteur du manquement de l’entreprise à ses obligations.
13:09 Publié dans DROIT DE LA FORMATION, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : compétence, formation, travail, subordination, esclavage, liberté, ressources humaines, droit, droit du travail
20/07/2011
Une histoire secrète du droit de la compétence
Dans le champ de la formation professionnelle, peu de concepts auront fait l’objet d’autant de travaux que la question de la compétence. Approches sociologique, gestionnaire, pédagogique, psychologique, psychanalytique, cognitive ou économique se sont multipliées sur le sujet. Par contre, très peu de travaux juridique sur la question.
C’est que la compétence du salarié n’est pas une question que le droit de la formation ou plus largement le droit du travail abordent directement : aucun article des 3 000 qui composent le Code du travail ne lui est expressément consacré, elle n’est définie nulle part, le Code du travail utilise compétence, connaissances, aptitudes et capacités de manière quasi-synonyme, les tribunaux se prononcent plus souvent sur l’incompétence (insuffisance professionnelle, défaut de résultats…) que sur la compétence,…au final la compétence paraît étrangère à la règle.
Comment faire ? comme les personnages de Manet, s'allonger sur l'herbe, prendre du bon temps, laisser aller et écouter, se laisser conter l'histoire du droit de la compétence, mieux que le roman de l'été.
Manet - Le déjeuner sur l'herbe
Si l'on sort de l'étude linéaire du droit, si l'on se fie aux nuages, au vent, aux arbres, bref si l'on se met à l'écoute, alors peuvent venir les surgissements. C’est ainsi qu’il est possible de conter l’histoire du droit de la compétence en sept chapitres que l’on pourrait intituler ainsi :
Chapitre 1 : Dans lequel la santé professionnelle du salarié est un secret
Chapitre 2 : Qui illustre les méritoires efforts du droit pour préserver la possibilité de schizophrénie du salarié
Chapitre 3 : : Où il est prouvé que l’irresponsabilité est dans la nature du salarié
Chapitre 4 : Dans lequel l’incompétence est une mesure à quatre temps
Chapitre 5 : Dans lequel la compétence prend son temps
Chapitre 6 : Quand les organisations syndicales s’éveilleront
Chapitre 7 : Qui voit la médaille du travail devenir parchemin
Demain, le chapitre 1. D'ici là, profitez du temps, de l'herbe, des nuages, des arbres et des plus charmantes compagnies.
11:20 Publié dans DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, compétence, éducation, droit, droit du travail, manet, peinture
14/07/2011
Innocence d'Eve
Les fait sont simples et relativement fréquents : un salarié demande à être licencié pour réaliser un projet personnel, en l'occurence la création d'une entreprise. L'employeur qui est en difficultés procède au licenciement pour motif économique à la demande du salarié...et se retrouve devant le Conseil des Prud'hommes pour licenciement injustifié. Il fait valoir que le salarié était demandeur et ne peut contester ce qu'il souhaitait. La Cour de cassation ne retient pas l'argument : en droit peu importe qui demande, c'est celui qui a le pouvoir de décision qui est responsable. Voilà ainsi dédouanée, juridiquement, Eve qui propose et condamné sans réserve Adam qui dispose.
Claude-Marie Dubufe - Adam et Eve - 1827
De cette histoire, qui n'est pas une fable, on tirera deux morales. La première est que l'initiative n'est pas une catégorie pertinente en droit. Ce qui importe c'est la décision. L'acte juridique résulte d'une volonté, unilatérale ou conjointe, mais la demande est insuffisante à le caractériser. Ainsi, si le DIF comporte au profit du salarié un droit d'initiative qui rend légitime toute demande et ouvre un espace de négociation, ce qui caractérise le DIF est l'accord des parties pour sa mise en oeuvre et non le fait qu'il soit à l'initiative du salarié, qui d'ailleurs ne saurait être exclusive de celle de l'employeur. La deuxième morale est que la bonne ou la mauvaise foi du salarié importe peu : il revient à celui qui a le pouvoir de décision de porter seul la responsabilité de cette décision. Qu'Eve ait conseillé ou non de manger la pomme, c'est de la décision d'Adam de la croquer que résulte l'expulsion du paradis. Eve est innocente, on vous l'avait bien dit, la Cour de cassation confirme.
Claude-Marie Dubufe - Le paradis perdu - 1827
09:14 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eve, adam, peinture, paradis, dif, licenciement, droit, droit du travail, dubufe
10/07/2011
DIF et rupture du contrat de travail
Le droit étant de la littérature, le choix des mots est capital : "Ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément". Il faut bien constater que le législateur ne concevait qu'approximativement le DIF lorsqu'il a voté la loi de 2004 mais également celle de 2009. D'où quelques approximations qui ne facilitent guère sa mise en oeuvre. En matière de rupture du contrat de travail, les parlementaires ont fait le choix de donner la même appellation (portabilité) à l'utilisation du DIF avant la rupture du contrat et à son utilisation postérieurement à la rupture du contrat. C'est une erreur. Dans le premier cas il aurait fallu parler de solde des droits au DIF avant le départ du salarié, puisqu'il ne s'agit pas encore de portabilité mais de faire bénéficier le salarié de la possibilité d'user du DIF avant la fin du contrat. Dans le second cas, il s'agit véritablement de portabilité, que le législateur a fait le choix de préférer à la transférabilité (reprise du crédit par un nouvel employeur).
Gilbert Garcin - La rupture - 1999
De même, indiquer que le salarié a droit au DIF en cas de faute grave mais qu'il doit présenter sa demande pendant le préavis n'est pas faire preuve d'une grande logique. Enfin, laisser croire que les OPCA paieront systématiquement le DIF portable en même temps que l'on demande à POLE EMPLOI de donner un avis sur la demande laisse songeur.
Sur tous ces sujets, vous trouverez ci-dessous un document de synthèse qui fait le point sur l'utilisation du DIF avant la rupture du contrat de travail ou après celle-ci en fonction des différents cas de rupture. Est également précisé que les entreprises doivent remettre dans tous les cas un certificat mentionnant les heures de DIF portable, même quand le salarié n'a pas droit à la portabilité puisqu'il ne peut appartenir à l'employeur de juger de l'ouverture, ou non, du droit à portabilité. Logique, mais peu évident en pratique pour le salarié qui, non informé sur les conditions mais uniquement sur le crédit, peu penser que son droit est ouvert. Bref, pour tenter d'y voir plus clair, un tableau de synthèse sur la rupture du contrat de travail et le DIF. Bonne lecture.
23:25 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : dif, licenciement, rupture conventionnelle, contrat de travail, droit du travail, droit, démission, portabilité