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31/03/2013

Vienne, ville rétrospective

Séjour à Vienne pendant le week-end pascal, attiré par la rétrospective Max Ernst, 180 oeuvres présentées à l'Albertina. Mais avant d'aller voir les toiles, la moindre des politesses est de partir se perdre dans les rues de la ville, de marcher, marcher, marcher et de regarder, sentir, humer, renifler, zyeuter, baguenauder, traîner et se laisser surprendre. Et ça n'a pas raté. Au détour d'un carrefour, sur une colonne Morris, tentant de confondre son gris avec celui des pavés, mais cela ne suffit pas pour passer inaperçue, une affiche annonçant une rétrospective, décidément, de Saul Leiter. Vienne, ville rétrospective.

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L'exposition se tient à la Kunsthaus, oeuvre de l'architecte, peintre, dessinateur, philosophe, marin, poète et diverses autres choses, Hundertwasser (dont je reparlerai). Les photos sont merveilleuses, avec quelques pépites que je ne connaissais pas, et sont accompagnées de gouaches dont certaines sont d'une extraordinaire qualité. Décidément, voici des gens fort sympathiques qui ne se laissent pas enfermer dans une catégorie. Dans l'exposition, même si tout est splendide, je cherche une photo, LA photo. Mais je ne trouve que ses cousines, tirées de la série intitulée Lanesville (1958).

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Ces photos de Dorothy Weaver, ce nom qui évoque la vague (wave) et le rêve (dream), sont magnifiques mais elles trouvent leur aboutissement dans ce que je tiens pour une des plus belles photos qui existe.

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Cette photo est un film, une peinture, un dessin, une photo, la vie. Elle raconte plus d'histoires que la Bible ou les Mille et une nuits. Celle de la mer, qui offre de son bleu d'éternité des couleurs de Sud à cet univers insituable.  Celle de cette voiture dont on ne sait si elle arrive, se prépare à partir, somnole comme la jeune femme, est abandonnée ou prépare soigneusement sa prochaine virée. Celle d'une herbe qui s'est donnée partiellement au soleil et à ses brûlures de hasard. Celle de cette jeune femme qui dort, ou qui rêve, peut être rêve-t-elle qu'elle dort, peut être s'est-elle assoupie dans l'attente, peut être son corps fait-il repos après s'être énivré d'un autre corps, ou bien se plaît-il à s'offrir, comme la nature, à l'astre solaire chargé de lustrer la peau moirée livrée à ses caresses. Et tout cela ne dit encore rien des secrets de l'image. Saul Leiter lui même disait : "Il me semble que des choses mystérieuses peuvent prendre place dans des lieux familiers". Saul Leiter fête cette année ses 90 ans.

29/03/2013

Indémodable club des cinq

Comme la série était publiée dans la bibliothèque rose, j'ai longtemps considéré que le Club des cinq, c'était pour les filles. Et je m'en tenais aux romans d'aventure de la bibliothèque verte (James Oliver Curwood, Jules Verne, etc.). Et puis ce Club des cinq qui ne sont que quatre, c'est le chien Dagobert qui fait le cinquième, cela entre mal dans la rationalité des jeunes garçons. Mais un jour, j'ai quand même ouvert un des titres, et j'ai commencé à lire. Par défaut d'autre lecture ? pour aller y voir par moi-même ? parce que la petite gitane sur la couverture était piquante ? je n'en ai strictement aucun souvenir, juste que j'ai ensuite englouti tous les titres. Et reste le souvenir qu'à dix ans on est plus malin que les adultes, ce qui est toujours vrai tant les adultes ont souvent le chic de s'alourdir au fil des ans, et que les filles, c'est tout de même plus intéressant que les garçons. Surtout les petites gitanes malines.

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Le Club des cinq et les gitans est paru en 1966. Un an avant que le Ministère du Travail n'accorde une présomption de représentativité aux 5 Confédérations Syndicales : CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC et CFE-CGC. Celles là même dont la représentativité est régulièrement contestée par ceux qui connaissent peu la chose syndicale, ou qui feignent de ne pas la connaître. Car la représentativité, comme nous le rappelle la loi du 20 août 2008, est basée non pas sur le nombre d'adhérents (sinon les partis politiques seraient moins représentatifs que les syndicats), mais sur l'audience électorale. Et celle-ci vient d'être mesurée au cours des quatre dernières années. Plus de 5 millions de salariés se sont exprimés et l'audience ainsi calculée donne les résultats suivants :

ORGANISATION

AUDIENCE ELECTORALE

CGT

CFDT

CGT-FO

CFE-CGC

CFTC

UNSA

SUD

26,77

26

15,94

9,43

9,30

4,26

3,47

Soit une représentativité maintenue pour le Club des cinq (puisqu'il fallait obtenir au moins 8 % des voix au niveau interprofessionnel) et quelques efforts encore à faier pour les deux autres confédérations. Et à ceux qui seraient tentés par le "tout ça pour ça", les 5 mêmes organisations restant représentatives, on fera juste remarque qu'elles viennent de passer d'une représentativité octroyée à une représentativité obtenue par le vote, ce qui disqualifie le procès en légitimité. Ce souci étant réglé, vous pouvez profiter du week-end pascal pour vous replonger dans les aventures de Claudine et de ses amis.

28/03/2013

Trop plein de vide

Que des approximatifs ou des incompétents répètent à tout va que le droit n'est qu'un immense gruyère plein de vides, on commence à s'y habituer. Mais voilà que la petite musique s'étend et gagne les plus hauts sommets de l'Etat. Manuel Valls, tout d'abord, qui déclare mardi à l'Assemblée à propos de l'affaire Baby Loup que s'il y a un vide juridique, il faudra une initiative législative. François Fillon ensuite, qui dans une tribune publiée dans Le Monde mercredi (voir ici) appelle à combler le vide législatif et juridique. Il est curieux d'avoir à rappeler la loi à ceux qui ont, ou ont eu, en charge de l'élaborer ou de la faire respecter. Dans le meilleur des cas, il s'agit d'une méconnaissance. Sinon, il s'agirait soit de mauvaise foi soit de calcul politicien.

Rappelons donc la règle à nos gouvernants et à ceux qui aspirent à l'être : elle figure à l'article L. 1121-1 du Code du travail et postule que l'on ne peut apporter aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché. En application de ce texte, il ne peut être édicté un principe général de neutralité par rapport à la religion, mais uniquement si c'est incompatible avec l'activité exercée. Faute d'avoir dit en quoi porter un foulard empêche de travailler dans une crèche, la décision de la Cour d'appel ne pouvait être que censurée par la Cour de cassation (pour un rappel plus complet du droit existant, voir ici).

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Cet épisode m'a rappelé deux bons souvenirs. Le premier est la naissance du fiston à la maternité Sainte-Félicité. Il y avait des soeurs infirmières dans cette clinique privée qui gère ce qui peut être assimilé sinon à un service public du moins à un service de santé d'intérêt général. Faudra-t-il imposer le retrait du voile aux religieuses qui participent à des activités privées ou leur demander de cesser d'y participer ? Le second bon souvenir est celui d'un déplacement à la Réunion à la demande d'une banque. Devra-t-elle interdire à ses guichetiers et conseillers de s'habiller comme leurs clients ? Dans une société largement multiconfessionnelle et où la diversité n'est pas qu'un mot ou un étendard, la question pourra paraître saugrenue.

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Et tant que l'on est à la Réunion, anecdote de voyage. Comme c'était la journée du Patrimoine, je me suis rendu à la Grande Mosquée qui est au centre de Saint-Denis. Il y avait des panneaux d'interdiction de photographier partout. Passant outre, je pris quelques photos, quand je vis deux barbus accourir vers moi. Je m'attendais à un rappel à l'ordre, quand le plus petit me dit : "Viens avec moi, je vais te montrer le meilleur endroit pour prendre une photo du minaret". Du coup, il fût photographié lui aussi, presque aussi raide que le minaret mais avec plus de rondeurs, ce qui le fît rigoler.

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Conseillons donc à Valls et Fillon un petit détour par les provinces françaises, ils s'apercevront que les vides qui les effraient tant sont comblés depuis longtemps. Et s'ils trouvent le temps, ils pourront réfléchir à la seule question qui se pose en droit aujourd'hui : en quoi porter un foulard est un problème pour s'occuper des enfants ou exercer d'autres activités.

27/03/2013

Arroseur arrosé

Licencié pour faute grave, pour cause de harcèlement de ses collaborateurs, un manager conteste son licenciement au motif qu'il était lui-même harcelé. La Cour de cassation reconnaît le double harcèlement et en tire une double conclusion : le licenciement du harceleur est justifié, les faits de harcèlement des collaborateurs étant établis, mais étant lui même harcelé il ne peut être considéré comme ayant commis une faute grave. Il bénéficiera donc d'une indemnité de licenciement et de préavis. Si le salarié se trouve protégé par la faute initiale de l'employeur, il n'en est pas moins mouillé par son comportement, ce qui arrive lorsque la vague est plus haute que la protection.

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Cette version moderne de la première comédie cinématographique, le film l'arroseur arrosé de Louis Lumière, est malheureusement moins comique. Mais elle nous livre deux enseignements. La première est que l'entreprise qui envisage de reprocher une faute à un salarié doit toujours balayer devant sa porte et se demander si elle-même est au dessus de tout soupçon. La seconde est qu'un salarié, même subordonné, demeure responsable de ses actes, surtout lorsqu'ils constituent des délits, le harcèlement faisant l'objet de sanctions pénales.  Les juges évitent ainsi de justifier le harcèlement en cascade tout en démontrant qu'il n'est pas impossible d'être à la fois coupable et victime.

Cour_de_cassation Chambre_sociale 29_janvier_2013.pdf

26/03/2013

Regarder la mer

Le nombre de bénéficiaires d’un CIF a continué, en 2011, de décroître. Après une chute de 10 % en 2010, le nombre de bénéficiaires a encore diminué de plus de 5 %. Les FONGECIF, et autres organismes chargés de financer le congé individuel de formation, ont financé 33 000 CIF-CDI et 7 000 CIF-CDD. Soit 40 000 bénéficiaires. Le taux de satisfaction des demandes s’établit à 54 %, soit à peine plus d’un CIF financé sur 2.

A travers ces quelques  chiffres, on  perçoit toutes les limites d’un système qui voit son impact se réduire et qui se transforme peu à peu en machine à générer de la frustration. Alors on fait quoi ? On considère que c’est le bout du chemin, que c’est là que le ponton nous menait et qu’il nous reste à regarder la mer en constatant que le flux et le reflux sont de l’ordre de l’inexorable et de la nature des choses ?

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En ces périodes de vide ministériel, il n’est pas exclu que soit relancé le concours Lépine des bonnes idées pour faire mieux. Si l’on exclut la proposition de doubler ou tripler les cotisations affectées au CIF, il faut alors réfléchir tout à la fois à la mission des FONGECIF et à l’utilisation de leurs ressources. Sur les missions, il serait pertinent que la loi de sécurisation, transposant en cela l’ANI du 11 janvier 2013, inscrive dans les missions des FONGECIF la fonction de conseil en évolution professionnelle. Car si le nombre de CIF financés baisse, le nombre de personnes accueillies, orientées ou accompagnées vers un bilan de compétences augmente (170 000 en 2011). Et corrélativement, il serait nécessaire de prévoir qu’une partie des ressources est consacrée à cette mission d’intérêt général, ce qui permettrait d’enfin constater que les frais de fonctionnement des OPCA c’est aussi du service rendu. Et pour le reste, on pourrait appliquer au CIF les recettes du DIF pour faire plus avec un budget constant : mettre en place des actions collectives accessibles en CIF, car le droit individuel ne s’oppose pas à sa mise en œuvre collective, ou réduire les durées de formation permettraient d’augmenter significativement les volumes. Reste un dernier point plus polémique : le fait que si le subventionnement se justifie pour les plus bas salaires ou l’accès à un premier niveau de qualification, il ne va pas de soi lorsque la démarche professionnelle vise une évolution qui entraînera une revalorisation de situation. Dans ce cas, la prise en charge pourrait être partielle et s’accompagner d’un prêt pour le complément, de la même manière que l’on fait des prêts étudiants, serait-il à taux zéro. Le CIF est sans doute à un point où il faut accepter de remettre en question certaines représentations, pratiques ou habitudes. Après tout, la mer se renouvelle en permanence mais elle est toujours la mer.

25/03/2013

Flaubert et la formation

 Si l'on s'en tient à sa définition, une idée reçue est une opinion située entre le stéréotype, le cliché et le lieu commun. L'idée reçue a comme caractéristique : d'être très répandue, d'être tenue pour évidence qui n'a plus besoin d'être démontrée, de permettre d'éviter de se poser des questions gênantes et au final de ne plus nécessiter de réfléchir. D'où son succès.

Lorsque Flaubert écrivit son Dictionnaire des idées reçues, il n'y fit pas figurer la formation, ni l'enseignement ou l'éducation. Peut être l'époque n'y associait-elle pas d'idées reçues.

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René Thomsen - La maison de Flaubert - 1897

Elle s'est bien rattrapée depuis car les diagnostics portés à la va vite sur notre système de formation professionnelle ne manquent pas, encore la semaine dernière par l'Institut Montaigne, récidiviste en matière de colportage d'idées reçues. En voici dix rassemblées dans une chronique écrite pour l'AEF, avec Jean-Marie Luttringer, qui prend la peine d'expliquer pourquoi il serait bon que toute réforme éventuelle de la formation commence par écarter les idées trop facilement reçues.

Flaubert en formation ou le dictionnaire des idées reçues sur la formation.pdf

Et pour ceux qui seraient curieux de la beauté de la Fornarina, un bonus :

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Raphael - Portrait d'une jeune femme (La Fornarina)

22/03/2013

A qui sociaux ?

Cela fait partie de ces phrases, tellement entendues qu'elles paraissent proférer des évidences et ne méritent plus guère qu'on s'y attarde. A chaque manifestation, chaque mouvement social, il est question des acquis sociaux chèrement acquis par la lutte et qu'il s'agit de défendre. Et toute l'histoire du travail se trouve revisitée par cette antienne : les avancées sociales sont le fruit de luttes qui créent des rapports de force favorables. Sauf que l'on est plus souvent dans le mythe que dans la réalité. Pour s'en tenir au dernier siècle, les acquis sociaux majeurs datent de 1936 (congés payés, semaine de 40 heures), de 1945 (sécurité sociale, comités d'entreprise), de 1968 (augmentation du SMIC, reconnaissance des syndicats dans l'entreprise), de 1982 (39 heures, retraite à 60 ans, lois Auroux) et de 1998 (35 heures). 

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Si le Front Populaire s'est appuyé sur les grèves et occupations d'usine et les accords Matignon de 36 (et encore, les congés payés ne faisaient pas partie des revendications syndicales prioritaires), ce n'est véritablement qu'en Mai 68 qu'il y eût un vrai rapport de force  exclusivement dû à un mouvement social qui aboutit à l'obtention d'acquis sociaux actés par les accords de Grenelle.Dans tous les autres cas, ce que l'on peut désigner comme acquis sociaux résulte soit d'un contexte historique, avec le Gouvernement d'union nationale présidé par le Général de Gaulle en 1945 qui mit en oeuvre le programme du Conseil National de la Résistance, soit de l'arrivée de la gauche au pouvoir. Enfin, jusqu'en 1998 parce qu'il y a peu de chances que 2012, ou 2013, soit à rajouter aux grandes dates de l'histoire sociale.

21/03/2013

Un train de sénateur

Audition mercredi par le rapporteur de la loi de sécurisation de l'emploi au Sénat, sur son volet formation. Je plaide pour une retranscription complète de l'ANI, actant le principe de codécision, définissant les premières priorités du compte et  officialisant sa substitution au DIF. Le rapporteur, qui connaît bien la formation professionnelle,  écoute, entend, paraît manifester quelque intérêt, mais au final, on sent bien l'hésitation et la tentation bien plus grande de considérer que la traduction minimale et sans portée opérationnelle sera la bienvenue. Certes, il paraît possible de donner une première traduction, mais des travaux sont lancés par ailleurs, le sujet est complexe, il n'y a pas de pression de la part des partenaires sociaux sur le volet formation de l'accord, d'autres dimensions du texte vont mobiliser beaucoup d'énergie, le Ministre de la Formation n'est plus là et personne ne porte véritablement ce projet de Compte personnel sur lequel il y a autant d'idées que d'interlocuteurs, bref, il n'y a que des coups à prendre et il est sans doute, en toute sagesse sénatoriale, urgent d'attendre.

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Pourtant, il y avait un beau wagon qui aurait pu être inclus dans le train des dispositions que la loi de sécurisation va tenter de mettre en oeuvre sans délai. Mais il y a de fortes chances pour qu'il reste sur cale. Le renvoi à la loi future sur la réforme de la formation nous porte en effet assez loin. La Conférence sociale de Juillet, puis une négociation interprofessionnelle, puis un projet de loi, puis un processus parlementaire, il y a fort à parier qu'aucun texte positif ne sera adopté avant au moins un an. Et si ensuite on rajoute les délais d'opérationnalisation, cela nous renvoie au mieux au 1er janvier 2016. Peut-être après tout est-ce un rythme politique : tous les maires savent que les travaux doivent être terminés quelques mois avant les élections suivantes pour être actés au bilan. Mais j'avais cru comprendre qu'il y avait urgence et que la formation était une priorité. Avec le non-remplacement de Repentin et l'attentisme qui semble s'instaurer, j'avais manifestement mal compris.

20/03/2013

Le loup n'y était pas

On le voyait venir de loin (voir ici) : lorsque l'on mélange le droit, la morale, la religion, la laïcité et divers autres ingrédients, dont les fantasmes ou obsessions pour ceux qui n'ont de vision que raciale ou ethnique de la société, on va droit dans le mur. C'est ce que la Cour de cassation vient de rappeler en tranchant le conflit de la crèche Baby-Loup. Pour les magistrats, une entreprise privée ne peut imposer de manière générale à ses salariés un principe général de laïcité. Elle doit s'en tenir aux dispositions du Code du travail qui permettent de restreindre les libertés individuelles, dont la liberté religieuse fait partie, uniquement pour des raisons liées à la nature de l'activité. Soulignons que le juge ne répond pas à la question de savoir si le travail avec des enfants justifie ou non une telle interdiction. Il  constate que la clause du règlement intérieur en vertu de laquelle la salariée a été licenciée était formulée de manière générale et imprécise et donc nulle, d'où la nullité corrélative du licenciement.

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Jean-Louis Forain - Femme au loup

Et déjà l'on voit Manuel Valls regretter la décision de la Cour de cassation au nom de la laïcité et l'extrême droite vilipender ces juges de gauche qui se couchent devant l'islamisme symbolisé par le voile. Si jamais les uns et les autres venaient à retrouver un peu de sérénité, ils pourraient peut être constater que le jugement rendu par la Cour de cassation a propos du voile est de même nature que ceux déjà rendus à propos de piercings, de moustaches ou de boucles d'oreille. Mais pour cela, il faudrait juste faire du droit.

Cass. Soc. 19 mars 2013.pdf

Communiqué Cour de cassation.pdf

19/03/2013

Chauve ou Souris

C'est intéressant la chauve-souris. Voyez mes ailes, je suis oiseau, voyez mon poil, je suis souris. Elle n'a pas à choisir la Chauve-Souris. Elle cumule les qualités : une ouïe de sonar, une vision nocturne hors-pair (et non, elles ne sont pas aveugles) et un odorat de compétition. Agaçant les gens qui cumulent comme cela des aptitudes à tout. C'est peut être pour cette raison qu'elles ont longtemps été persécutées et qu'elles continuent à effrayer.

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Albert Penot - La Chauve-Souris - 1880

Elle a agacé ses confères syndicaux à vouloir cumuler les qualités la CGC. En tant qu'unique confédération syndicale catégorielle, elle bénéficie d'un mode de calcul de représentativité qui ne porte que sur le second collège (ou le second et le troisième lorsqu'il en existe trois). Mais pas sur le premier qui regroupe les ouvriers et les employés. Forte d'une représentativité de 35 % calculée sur l'ensemble de l'entreprise, le syndicat CGC d'une société entendait pouvoir signer seule un accord d'entreprise non catégoriel. Saisi par la CGT, le juge s'y oppose : quand bien même son score serait supérieur à 30 % au niveau de l'entreprise, en ayant fait le choix d'être catégorielle, la CGC ne peut signer seule un accord d'entreprise. Pas question de faire sa Chauve-Souris et de calculer des représentativités variables selon les circonstances. Catégorielle tu es, catégorielle tu resteras. Si la décision de la Cour d'appel de Versailles est limpide (CA Versailles), reste à savoir ce que la Cour de cassation dira sur la question.

18/03/2013

Gelé

Pas un pas qui ferait crisser la neige. Pas un engin à moteur à l'horizon. Pas de pépiements d'oiseaux, toujours blottis dans leurs abris. Pas encore de lent goutte à goutte des premières fontes. Rien. De nouveaux paysages dessinés au crayon blanc, un silence inattendu, un temps à l'unisson qui devient immobile tant il ne se passe plus rien. S'il n'y avait certaines situations dramatiques, on en viendrait à souhaiter ces périodes qui bousculent tous les rythmes et toutes les habitudes. Qui nous encouragent à d'autres perceptions. Qui nous laissent dans un temps figé, gelé.

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Est-ce que ces campagnes pétrifiées ont inspiré les magistrats de la Cour de cassation ? Il faut le croire car ils ont rendu le 13 février une décision qui créé un très proustien temps suspendu entre deux élections. Il s'agissait de déterminer si, dans les entreprises dotées de plusieurs établissements qui élisent leurs représentants à des dates différentes, il fallait calculer en continu la représentativité syndicale ou bien uniquement en début de cycle. C'est cette seconde option qu'ont retenu les juges. Ce n'est donc qu'au bout de quatre ans, que l'on reprocèdera au calcul de représentativité des organisations syndicales. Ce qui renforce d'autant l'enjeu du premier tour des élections, car leurs résultats figeront une situation pour 4 ans. Quelles que soient les évolutions ultérieures et les élections intermédiaires.

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Peu importe que la neige ait fondu, que les routes soient de nouveau praticables, que ce véhicule englouti par la mousse blanche retrouve sa conductrice, rien ne changera jusqu'à ce qu'un nouveau cycle électoral complet ne soit entamé. Les juges, maîtres du temps à défaut d'être maitres du temps.

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17/03/2013

Des mots pour le dire

Ce petit bonhomme d'à peine plus de deux ans prononce parfois des mots que je ne lui connais pas, que nous n'avons pas forcément prononcé devant lui, qui viennent d'on ne sait où, d'on ne sait qui. Lorsque je lui fais une demande qu'il ne comprend pas ou pour laquelle il n'a pas de réponse, il me regarde et dit : "Je sais pas" et espère que ces mots se transforment en question et lui apportent la réponse. Et lorsqu'un évènement ou une situation l'effraie, il vient tout aussi spontanément dire : "J'ai peur". Et commence à se rassurer en le disant. J'aime ces phrases qui vont de manière directe et simple à ce qui est pensé ou ressenti.

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Mais je me dis que ce que spontanément un enfant exprime pour faire face à des situations qu'il ne maîtrise pas, fait rarement partie du vocabulaire professionnel. J'ai peu de souvenirs de salariés rencontrés dans les organisations qui m'aient dit très librement qu'ils ne savaient pas et encore moins qui aient exprimé une peur face à une situation, une demande ou une activité. Est-ce à dire que l'ignorance et la crainte n'existent pas au travail ? il suffit de regarder autour de soi. Reste donc la censure personnelle, la perte de contact avec ses pensées et ses émotions, et la pièce de théâtre que l'on joue avec plus ou moins de bonheur. Il est vrai que pour pouvoir librement s'exprimer, il faut être en confiance. Souhaitons qu'elle ne vienne pas à manquer à  ce petit bonhomme, qu'il puisse ainsi préserver les mots pour le dire.

16/03/2013

Oh, c'est court !

Si l'on en croit Albert Cohen, il peut s'en passer des choses, le temps d'un baiser :

"Elle s’est approchée de la glace du petit salon, car elle a la manie des glaces comme moi, manie des tristes et des solitaires, et alors, seule et ne se sachant pas vue, elle s’est approchée de la glace et elle a baisé ses lèvres sur la glace. Ô ma sœur folle, aussitôt aimée, aussitôt aimée par ce baiser à elle-même donné. Ô élancée, ô ses longs cils recourbés dans la glace, et mon âme s’est accrochée à ses longs cils recourbés. Un battement de paupières, le temps d’un baiser sur une glace, et c’était elle, elle à jamais."

Le temps court peut aussi être celui des basculements, des points d'orgue, des révélations, des pierres d'achoppement, des murs qui soudain s'élèvent ou des portes qui s'ouvrent. Un éclair, un instant, un fragment qui engage à tout jamais.

Certes.

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Mais quand il s'agit de travail, d'activité, de revenu, d'autonomie, le temps court est tout de même problématique. C'est pour cette raison que le Code du travail pose en principe que l'embauche doit s'effectuer en CDI, qui est la règle. Le CDD et l'intérim sont, par principe, interdits. Et ne peuvent être pratiqués que dans les cas d'exception prévus par la loi. Tout ceci est très bien, sauf qu'au troisième trimestre 2012, 81,7 % des embauches ont eu lieu en CDD (sans compter l'intérim donc). Voici une drôle d'exception, devenu largement majoritaire. Et une nouvelle leçon pour nos gouvernants, si préoccupés d'élaborer de nouveaux textes, qu'il faudrait peut être mettre un peu de cette énergie à simplement se contenter de faire appliquer ceux qui existent. Car au contraire du baiser, la fin du contrat marque aussi la fin de ses effets.

14/03/2013

Souverain poncif

Habemus papam ! François 1er donc, directement venu de Buenos-Aires ! laissons s'installer le pontife et nous verrons bien s'il fait souffler un vent du Sud sur le Vatican. Et souhaitons lui de ne pas tomber, comme l'autre François, dans les premiers poncifs venus, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler au Quotidien de la formation du Centre INFFO qui me demandait mon avis sur le discours de Blois.

Dans son discours de Blois, François Hollande dénonce l’opacité et le manque d’efficacité du système de formation. Êtes-vous d’accord avec cette analyse ?

Une des particularités historiques du système de formation professionnelle est d’être pluriacteur. Telle a été la volonté politique et la réalité juridique : la formation ne relève pas d’un décideur unique. Il peut en résulter une certaine complexité, des ajustements difficiles dans la gouvernance, voire certaines déperditions. De là à dire que le système est globalement inefficace, c’est une autre affaire.

Ce constat d’inefficacité ne repose d’ailleurs sur aucun diagnostic précis : c’est quand même un système qui a permis aux entreprises d’intégrer les nouvelles technologies, de développer de nouvelles organisations, à des salariés d’évoluer, de changer d’emploi, etc. Le diagnostic qualitatif n’est pas vraiment effectué. Et même si l’on s’en tient au quantitatif, peut-on considérer comme négligeable le million de salariés qui a suivi un CIF (congé individuel de formation) depuis 1982, les millions de jeunes formés en alternance, les millions de personnes formées dans le cadre du plan de formation chaque année ? En réalité, le constat d’inefficacité relève davantage du poncif et du préjugé que d’un véritable diagnostic qui reste à produire.

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Velazquez et Bacon - Le Pape

Le président de la République demande aux Régions et aux partenaires sociaux une participation accrue en faveur de la formation des demandeurs d’emploi. Cela constitue-t-il un risque pour la formation des salariés ?

Dès lors que l’on raisonne à ressources constantes, faire plus pour une catégorie c’est forcément faire moins pour d’autres. Par ailleurs, l’approche statutaire est un peu courte : entre le salariat et le chômage, il s’agit plutôt de comprendre les flux et de voir où et quand la formation peut être pertinente que de s’en tenir à une approche purement quantitative. Enfin, depuis la création du FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) des fonds destinés à la formation des salariés ont été massivement orientés vers la formation des demandeurs d’emploi.

Un peu plus de trois ans après la promulgation de la loi du 24 novembre 2009, est-il opportun de mener une nouvelle réforme de la formation ?

Il est toujours opportun de faire évoluer un système dont personne ne prétend qu’il est parfait. Encore faut-il le faire à un rythme et sur des bases qui ne rajoutent pas à ses difficultés de fonctionnement. De ce point de vue, la réforme des Opca, telle qu’elle a été menée, sur des bases exclusivement et excessivement quantitatives, financières et avec un mode de gestion très autoritaire de la part de l’Etat, n’est certainement pas à renouveler. Mais ce n’est pas, heureusement, la seule manière de réformer.

La mise en place d’un système d’évaluation et de certification de l’offre de formation a été évoquée. Comment celui-ci pourrait-il prendre forme ?

Si l’on veut vraiment aller vers de la certification, autant s’appuyer sur ce qui fonctionne. Soit des systèmes de certification génériques qui peuvent constituer des outils de sélection des organismes de formation (normes ISO, Afnor…), soit des systèmes spécifiques, tels que celui développé par la FFP (Fédération de la formation professionnelle), qui permette de qualifier les organismes sur certains domaines dans lesquels on a vérifié que les moyens dont dispose l’organisme sont en adéquation avec les résultats qu’il prétend atteindre.

Sécurisation des parcours, décentralisation, emplois d’avenir, future réforme de la formation… De nombreux textes de loi touchent, en 2013, à la formation professionnelle. Peut-on parler d’une remise à plat totale du système ? Craignez-vous des problèmes de coordination entre ces multiples textes ?

Non, il ne s’agit pas d’une remise à plat ni d’un grand soir de la formation. Quant au risque de perte de cohérence, il résulte moins du nombre de textes (on a vu des incohérences dans un texte unique…) que de l’absence de projet global et de ligne claire quant aux objectifs assignés à la formation professionnelle et à ses différents acteurs. On peut toutefois déceler deux lignes de force structurantes : d’une part, un pôle régional piloté par les Conseils régionaux autour des services publics régionaux de formation et, d’autre part, l’action des partenaires sociaux à partir des entreprises et des Opca. Reste à trouver une articulation claire entre ces deux pôles.

La négociation d’un Ani, comme cela est envisagé, est-elle nécessaire ?

Si l’on avait tiré toutes les conséquences de ce que les partenaires sociaux ont acté sur le compte personnel de formation dans l’Ani du 11 janvier 2013, sans doute pas. Mais le choix d’une reprise à minima de ces dispositions par le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi et le souci d’alimenter une nouvelle conférence sociale risque de le rendre indispensable.

13/03/2013

Travailler ne suffit pas

Certaines représentations sont tenaces, et qu'elles soient fausses ne paraît avoir aucune importance : elles sont tellement établies qu'elles sont tenues pour évidence et ne soulèvent guère de question. Ainsi de la formation en alternance : à l'école on se forme, en entreprise on travaille. En formation on acquiert la connaissance, la théorie, dans l'entreprise on met en oeuvre, on pratique. Sauf que cette représentation binaire des rapports entre école et entreprise est doublement erronnée. D'abord parce que se former c'est du travail, et si l'on veut se former, il vaut mieux travailler. Ensuite parce que le travail est formateur, dans certaines conditions, celles qui rendent possible l'apprentissage.

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Georges Mazilu - Le peintre et l'apprenti - 2004

Pour avoir oublié que dans l'apprentissage, l'entreprise est un lieu de formation, et pas simplement de travail, EDF a vu le juge requalifier un contrat d'apprentissage en CDI de droit commun. L'entreprise avait eu le tort de se contenter de mettre l'apprenti en situation de travail, sans l'organiser de telle manière que l'apprenti bénéficie d'une formation professionnelle complète, selon les termes du code du travail. Car tel est bien le coeur de la formation en alternance : être organisée à partir d'un travail dont le contenu et les modalités sont organisées de telle manière que le salarié bénéficie d'une réelle formation dans l'entreprise. Merci au juge de nous rappeler qu'en formation on travaille, et qu'en entreprise on se forme.

Cour de cassation - 12 Février 2013.pdf

12/03/2013

Réclame pour les tables rondes

La table ronde est symoble d'égalité, car il n'y a pas de préséance autour du rond, qui renvoie également à la fraternité. Les tables rondes, de ce fait, sont celles où la discussion est possible en toute liberté et sans parole statutaire. Du moins on peut le souhaiter. Si vous voulez en avoir le coeur net, deux occasions s'offrent à vous. Le jeudi 28 mars, à l'initiative de l'Université Paris Descartes et des responsables du Master "Cadres et consultants en formation continue", il sera question de réforme de la formation. Et le jeudi 4 avril (les tables doivent décidément être plus rondes les jeudis), il sera question de l'ANI du 11 janvier 2013 et de sa transposition législative. Dans les deux cas, l'occasion d'exprimer face à des contradicteurs que l'on espère pugnaces, ce qui est développé sur ce blog.

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Judy Chicago - Dinner Party

Pour ceux qui n'aiment guère les tables rondes, voici une assemblée triangulaire aux 39 places réservées à des femmes célèbres, parmi lesquelles les fascinantes Hildegarde de Bingen et Mary Wollstonecraft, dont la fille éponyme deviendra, sous le nom de Mary Shelley après avoir épousé le poète anglais, l'auteur de Frankenstein. Et l'on comprendrait fort bien que le lecteur absorbé par la lecture du roman gothique ne prenne le temps de se rendre aux différentes tables rondes, ou bien préfère encore s'inviter à la table triangulaire de Judy Chicago. Pour les autres, qui voudraient participer, toutes les informations utiles ci-dessous.

FORUM du 28 MARS - Présentation.pdf

Conférence Liaisons Sociales.pdf

11/03/2013

Equilibre

Laurence Parisot en fait injonction au Gouvernement et au Parlement : impossible de toucher à l'ANI qui a été signé le 11 janvier 2013 sans en bouleverser l'équilibre. Les parlementaires devront s'en tenir à reprendre le texte, tout le texte et rien que le texte. Les amendements intempestifs qui viendraient le modifier seraient une marque de défiance envers la démocratie sociale, que le Président Hollande souhaite par ailleurs conforter. Une telle injonction a peu de sens, pour deux raisons.

La première tient au processus de production des lois organisé par l'article 1 du Code du travail : sur les sujets relevant de leur compétence, les partenaires sociaux sont appelés à négocier en amont de tout projet de loi d'origine gouvernementale. Mais ce n'est bien évidemment que la première étape du processus, et le Parlement doit ensuite faire son oeuvre.

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La seconde raison est plus fondamentale : la démocratie politique et la démocratie sociale ont toutes deux leur légitimité. La question n'est pas de savoir laquelle doit primer, mais bien au  contraire comment leurs actions peuvent intelligemment se combiner. La recherche de l'équilibre entre les deux démocraties est sans doute un exercice difficile, mais il ne relève en tout état de cause ni du diktat politique (nous sommes élus par le peuple, pas vous), ni de l'impératif social (nous avons négocié, reprenez en l'état sinon c'est un déni). Le Professeur Despax, qui était par ailleurs d'un grand calme et un fervent défenseur de la négociation collective, s'emportait déjà dans les années 80 lorsque les partenaires sociaux, coutumiers du fait donc, intimaient au Parlement de s'en tenir à la retranscription des accords conclus. L'examen du projet de loi de sécurisation de l'emploi par le Parlement sera l'occasion pour les députés de démontrer où se situe, pour ce qui les concerne, le point d'équilibre.

09/03/2013

Economicus rex

Les enterrements sont rarement propices aux débats sereins. L'émotion aidant, la dithyrambe et son corrollaire d'acrimonie en réaction, saturent l'espace des idées. Les récentes disparitions d'Hugo Chavez et de Stéphane Hessel en témoignent. Le besoin de sanctification se confronte au rejet de l'unanimisme, le tout attisé par les medias qui ne trouvent plus guère leur compte que dans l'émotion sans préoccupation de l'objet sur lequel elle se porte (notez ces journalistes télés qui nous annoncent pathétiquement "restez avec nous il va y avoir de l'émotion" aussi bien pour un radio-crochet, que pour un match de football ou un procès d'assises). En ces périodes lacrimales, mieux vaut donc s'abstenir de surenchérir. Sauf lorsque l'on peut lire ceci sous la plume de Luc Rosenweig, paru sur Causeur : "Il n’est quand même pas courant ni banal de voir un pays disposant d’une rente pétrolière phénoménale se trouver à court de devises, en proie à une inflation galopante et produisant un déficit budgétaire annuel de 20% de son PIB.
Le « socialisme bolivarien » n’est rien d’autre qu’une forme de redistribution de la rente pétrolière vers des catégories de la population qui n’en voyaient pas la couleur avant la prise de pouvoir par Chavez en 1999 : ce dernier s’est constitué une clientèle électorale à coups de subventions aux produits de consommation courante, d’un gonflement inouï de la fonction publique, et de constructions de logements à bas prix dans des régions jusque là délaissées par le pouvoir central. Tout cela est fort sympathique, montre un réel souci des petites gens, mais transforme toute une partie de la population en une immense armée d’assistés."

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Dans un bidonville au Brésil

En 2013, il paraît donc tout à fait normal à un journaliste économique de mettre en parallèle d'une part le taux d'inflation, le PIB et la dette, et de l'autre côté l'amélioration concrète et immédiate des conditions de vie, de logement, de santé et d'éducation de la plus grande partie de la population. On notera que les pauvres sont réduits à "une clientèle électorale", sur le modèle occidental, et que changer la vie quotidienne de milliers de personnes "est bien sympathique". Et tout ceci proféré sur le ton de l'évidence. Je me suis toujours spontanément méfié, c'est un euphémisme, de ceux qui étaient capables d'employer sans y voir malice l'expression "petites gens". Luc Rosenweig est sans doute un adepte du principe selon lequel il vaut mieux apprendre aux gens à pêcher que leur fournir du poisson. Hugo Chavez savait sans doute d'expérience qu'avant que tout le monde ne sache pêcher, il vaut mieux continuer à fournir du poisson.

08/03/2013

Eurêka !

Dans la série ne reculons devant rien pour alimenter en idées ceux qui n'en ont pas, voici comment raccourcir le calendrier de la énième réforme annoncée de la formation professionnelle tout en essayant de faire oeuvre utile et sans ignorer l'existant. Mazette, rien que ça !

Tout d'abord, plutôt que de ne rien mettre, ou quasiment, sur le compte personnel de formation dans le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, on peut y insérer ceci, directement inspiré de l'ANI du 11 janvier 2013. Le CPF prend la suite du DIF auquel il se substitue. Il est alimenté à hauteur de 20 heures par an pour tout actif. Ses priorités sont précisément définies par la loi (beaucoup plus que pour le DIF  ou les périodes de professionnalisation) et correspondent à des situations préidentifiées : personnes sorties tôt du système scolaire, en reconversion sur des bassins d'emploi sinistrés, en besoin de qualification avéré, en projet de création d'activité, etc. Faute d'entrer dans les priorités, le crédit n'est pas utilisable. Pour le financement, on utilise l'ensemble des crédits affectés aujourd'hui au DIF prioritaire, aux périodes de professionnalisation et à la formation dans le contrat de sécurisation professionnelle.

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Christian Bonnefoi - Eureka V - 1999

Il est donc possible de réaffecter très rapidement vers des priorités affirmées et assumées des crédits existant en résistant à l'idée d'une taxation nouvelle. Ensuite, dans le cadre de la Conférence Sociale de juillet, on aborde la question de l'élargissement de ce CPF première version pour voir comment on peut l'articuler avec les autres mécanismes existant pour l'accès à la formation : les services publics régionaux de la formation qui vont se mettre en place avec la décentralisation, les plans de formation des entreprises voire les financements individuels lorsque le projet de formation correspond à une trajectoire individuelle promotionnelle à un certain niveau qui ne relève plus du financement collectif. Ce qui peut donner lieu à une seconde loi avant la fin de l'année et une mise en oeuvre en 2014 pour les premières priorités et en 2015 pour l'élargissement. Voilà, c'est cadeau. Eurêka ?

07/03/2013

Regarder l'asperge

Lorsqu’il a visité le nouveau Louvres à Lens, manifestement François Hollande s’ennuyait. Pas de véritable regard sur les peintures, sourde oreille aux commentaires, hochements de tête se voulant polis, œil sur la montre et toutes ces sortes de choses. Personne n’est obligé d’aimer la peinture. Par contre, le défaut de curiosité, surtout pour ce que l’on ne connaît pas a priori, est pêché mortel. Ne pas savoir regarder, c’est se condamner à ne pas avoir d’imagination. Peu importe ce que l’on regarde, par exemple cette asperge de Manet. En saisir les couleurs, la texture, le goût, sentir la vie de la matière sous quelques touches de peinture, se dire qu’il y a là, dans l’asperge, un mystère à éclaircir, c’est une porte ouverte vers la nouveauté.

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Manet - Asperge

Lorsqu’on lui parle de formation professionnelle, je ne sais pas si François Hollande s’ennuie. Ce qui est certain, c’est qu’il ne s’y intéresse pas plus qu’aux asperges de Manet, qui lui soutireront peut être un bon mot, mais pas un vrai regard. Du coup, l’imagination lui fait défaut et il parle impersonnellement par poncifs : il faut envoyer massivement les chômeurs en formation. Ce qui était stupidité lorsque Sarkozy le déclamait sur tous les tons ne devient pas lucidité dans la bouche d’un autre. On en reste au degré zéro de l’analyse et à la confusion entre bon sens et bêtise. Peut être faudrait-il informer le Président sur un chiffre, un seul : 2 % des français seulement changent de région chaque année (et les français sont parmi les européens les plus mobiles). L’emploi ce n’est pas un rapprochement statistique entre des chômeurs et des emplois disponibles. C’est avant tout une réalité locale. Que l’on commence par disposer de diagnostics locaux des activités, des emplois et des besoins en compétences en se répétant tous les jours que la mobilité maximale pour la recherche d’emploi c’est 25 km en moyenne, et l’on verra ensuite s’il y a besoin de formation ou pas. Mais pour cela, il faut un peu travailler la question, s’y intéresser, et bien la regarder.