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11/03/2013

Equilibre

Laurence Parisot en fait injonction au Gouvernement et au Parlement : impossible de toucher à l'ANI qui a été signé le 11 janvier 2013 sans en bouleverser l'équilibre. Les parlementaires devront s'en tenir à reprendre le texte, tout le texte et rien que le texte. Les amendements intempestifs qui viendraient le modifier seraient une marque de défiance envers la démocratie sociale, que le Président Hollande souhaite par ailleurs conforter. Une telle injonction a peu de sens, pour deux raisons.

La première tient au processus de production des lois organisé par l'article 1 du Code du travail : sur les sujets relevant de leur compétence, les partenaires sociaux sont appelés à négocier en amont de tout projet de loi d'origine gouvernementale. Mais ce n'est bien évidemment que la première étape du processus, et le Parlement doit ensuite faire son oeuvre.

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La seconde raison est plus fondamentale : la démocratie politique et la démocratie sociale ont toutes deux leur légitimité. La question n'est pas de savoir laquelle doit primer, mais bien au  contraire comment leurs actions peuvent intelligemment se combiner. La recherche de l'équilibre entre les deux démocraties est sans doute un exercice difficile, mais il ne relève en tout état de cause ni du diktat politique (nous sommes élus par le peuple, pas vous), ni de l'impératif social (nous avons négocié, reprenez en l'état sinon c'est un déni). Le Professeur Despax, qui était par ailleurs d'un grand calme et un fervent défenseur de la négociation collective, s'emportait déjà dans les années 80 lorsque les partenaires sociaux, coutumiers du fait donc, intimaient au Parlement de s'en tenir à la retranscription des accords conclus. L'examen du projet de loi de sécurisation de l'emploi par le Parlement sera l'occasion pour les députés de démontrer où se situe, pour ce qui les concerne, le point d'équilibre.

20/01/2011

C'était bien avant le déluge !

Avant le déluge, l'humanité vivait dans le plaisir et la licence, ce qui ne fut pas du goût des Dieux qui décidèrent de déclencher de catastrophiques pluies qui faillirent bien mettre un terme à la présence de l'homme sur Terre.

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Cornelis Cornelisz - L'humanité avant le déluge - 1615 

Musée des Augustins - Toulouse

Depuis, tout bon gaulois craint que le ciel ne lui tombe sur la tête et les déluges sont mal vus. Mais qu'est-ce qu'un déluge ? c'est une production de quantité anormale qui menace l'homme. Aussi peut-on parler de déluge de lois lorsqu'il est constaté que le Parlement vote 59 lois en une session qui exigent 615 mesures règlementaires pour entrer en application. Et le pire, c'est lorsque le déluge faiblit : seuls 20 % des textes règlementaires nécessaires à la mise en oeuvre des lois ont été adoptés trois mois après la fin de la session parlementaire.

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Quentin Bertoux - Photo extraite de la série "D'après moi, le déluge"

Cet emballement de la production législative cumule les inconvénients : texte examinés trop rapidement et de mauvaise qualité, inflation règlementaire pour l'entrée en application, délais démesurés entre le vote et l'effectivité de la loi, maquis des textes déjà modifiés à peine que promulgués,...si l'exercice n'est pas facile, il prend néanmoins souvent l'allure de fiasco. Après moi le déluge semblent penser les députés qui ensevelissent le bon peuple sous des tonnes de textes dont il n'a que faire. La loi ne peut pas tout et l'action politique ne saurait, et ne devrait, s'y résumer. A l'heure où le Président de la République fustige le toujours plus quantitatif et recommande le toujours mieux qualitatif, on ne saurait trop lui conseiller d'appliquer ce précepte en matière législative. Parions tout de même que ce n'est pas pour demain ! Gare au déluge donc.

28/05/2009

Le silence des lois

Le Parlement vient d'annoncer que le projet de loi sur l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie ne serait pas examiné au mois de juin comme prévu mais au mieux en juillet et sans doute fin septembre. La loi annoncée pour le début d'année 2009 est donc bien partie pour n'être adoptée qu'en fin d'année. La faute à l'encombrement du calendrier parlementaire nous dit-on. Il est vrai qu'à faire une loi après chaque fait divers, on génère chez les députés un épuisement professionnel qui le dispute à l'insatisfaction du travail bâclé. Nietzsche remarquait déjà que la quantité d'informations que l'on demande à l'étudiant d'ingurgiter ne lui laisse guère le temps de penser.

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Toyen - A l'instant du silence des lois - 1969

Et nous reviennent les écrits du Marquis de Sade, dans l'Histoire de Juliette : "Que l'on compare les siècles d'anarchie avec ceux où les lois ont été le plus en vigueur, dans tel gouvernement que l'on voudra : on se convaincra facilement que ce n'est que dans cet instant du silence des lois, qu'ont éclaté les grandes actions".  Moins de lois, moins longues, donc plus travaillées car la synthèse est un art, moins de bavardages, du silence, de la pensée et de l'action. D'ici là, la réforme attendra.

06/05/2009

Proust au Parlement !

Une bande cagoulée et armée pénètre dans un collège : on fera une loi contre la cagoule, les bandes armées et les participants non armés aux bandes armées. Des étudiants bloquent des universités : on fera une loi contre le blocage des universités par les étudiants. Ainsi va la production Parlementaire dans notre pays : à chaque évènement sa loi, signe de l'étroitesse des temps. Pour redonner du coeur à l'ouvrage à nos députés, un petit détour par Proust : "Pourtant les plus vieux auraient pu se dire qu'au cours de leur vie ils avaient vu, au fur et à mesure que les années les en éloignaient, la distance infranchissable entre ce qu'ils jugeaient un chef d'oeuvre d'Ingres et ce qu'ils croyaient devoir rester à jamais une horreur (par exemple l'Olympia de Manet) diminuer jusqu'à ce que les deux toiles eussent l'air jumelles.

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Ingres - La Grande Odalisque - 1814
Mais on ne profite d'aucune leçon parce qu'on ne sait pas descendre jusqu'au général et qu'on se figure toujours se trouver en présence d'une expérience qui n'a pas de précédents dans le passé". Proust, Du côté de Guermantes.
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Manet - Olympia - 1863
La formule peut étonner : descendre jusqu'au général. Notre enseignement sait descendre du général au particulier et nos députés de la loi générale au cas particulier. Mais descendre du particulier jusqu'au général, partir de la situation pour en déduire le concept, voilà qui est moins naturel. Observer puis réfléchir n'est pourtant pas une méthode compliquée, c'est ce que fit Proust pour écrire A la recherche du temps perdu. Et avoir l'humilité de penser que le cas particulier a déjà existé, sous d'autres formes peut être, mais sans aucun doute, ce n'est pas seulement expérimenter l'éternel retour de Nietzsche, c'est constater que la connaissance historique est nécessaire pour donner du sens à l'expérience. Remise en perspective et conceptualisation : nous sommes bien plus près que l'on peut le penser des bandes cagoulées et des blocages d'université. Vite, Proust au Parlement !