26/02/2013
Le retour
Le retour a ses ambivalences. Il peut être madeleine de Proust, voyage vers les odeurs, les senteurs, les lieux, les couleurs qui nous ont marqués. Il peut être l'émotion de retrouver ceux que l'on ne devrait jamais quitter. Il peut vous saisir par tous les sens. Mais il y a des retours moins fringands, qui sonnent comme des défaites, de piteux replis sur des cases de départ dont on est plus sûr du tout qu'elles en connaîtront un nouveau. J'ai souvenir d'un pot de départ en l'honneur d'une responsable formation qui avait temporairement remplacé la titulaire, lors de son congé maternité. Le discours qu fit ce jour là le DRH signifiait clairement à la remplacée que ce que l'on appréciat le plus chez elle, c'était ses absences et que l'on regretterait bien fort la remplaçante. Le DRH attribua sans doute aux suites de la maternité, qui perturbe l'équilibre féminin c'est bien connu, les quelques larmes qu'il aperçut peut être sur les joues de la remplacée, ce qui n'est pas certain tant il n'avait d'yeux que pour la remplaçante.
Georges Mazilu - Le retour du fils prodigue
Dans l'affaire jugée le 12 février dernier (Cass soc, 12 février 2013, n° 11627.689), le retour des salariés n'avait rien d'une madeleine. L'entreprise avait en effet pour pratique de les convoquer systématiquement à un entretien de retour au cours duquel leur était expliqué les désastreuses conséquences de l'absence en terme d'organisation et surtout de désorganisation. Cet entretien concernant également les absences pour maladie, un salarié considéra qu'il était discriminatoire. A raison selon les juges. Ni le rappel moral, ni la culpabilisation ne sont admissibles dès lors que, comme nous l'avons constaté hier, le salarié ne peut être tenu pour responsable de son absence en l'absence de toute décision de sa part. L'entretien de recadrage, sensibilisation dans le langage de l'entreprise, constitue donc une discrimination. Nouvelle preuve que le droit et la morale font rarement bon ménage.
00:37 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maladie, absence, entretien, travail, droit, droit du travail, jurisprudence
25/02/2013
Allo docteur ?
Le Gouvernement souhaite supprimer la journée de carence dans la prise en charge des arrêts maladies des fonctionnaires. On saisit mal, en effet, pourquoi des personnes qui cotisent pour garantir leur revenu en cas de maladie devraient en être privés le premier jour. Par souci d'égalité avec le privé, rétorque-t-on le plus souvent, puisqu'un salarié est soumis à une carence de trois jours. Sauf que si l'entreprise a souscrit une prévoyance, ces trois jours sont souvent ramenés à zéro. Résultat, comme souvent, la ligne de partage n'est pas entre public et privé mais entre salariés des grandes entreprises et fonctionnaires et salariés des petites entreprises.
Au-delà de l'égalité, on a pu entendre des commentaires sur les abus des arrêts maladies et voir ressurgir la notion de "faux-arrêts maladie". C'est ici qu'il faut à la fois faire un peu de droit et appeller le docteur.
Van gogh - Le docteur Gachet
Car en droit, seul celui qui a la capacité de décider est coupable. Or, en matière d'arrêt maladie, le salarié ne décide rien. Seul le médecin peut prendre la décision d'arrêter un salarié pour cause de maladie. Du point de vue du salarié, la notion de "faux arrêt maladie" est donc absurde. Peut être l'est-elle moins du point de vue du toubib. Inutile donc de refaire le procès des salariés et ici, en l'occurence, des fonctionnaires. Si l'on considère qu'il y a des arrêts de complaisance, il faut appeler les docteurs.
01:56 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fonctionnaires, maladie, carence, van gogh, docteur, médecin, gouvernement, social, économie, travail, droit
23/02/2013
Les otages et le bourreau
Seuls ceux qui ne l'ont jamais été utilisent à tort et à travers le mot "otage". Pas un mouvement social sans qu'un journaliste ne considère que les usagers, les clients ou les autres salariés sont pris en otage par les grévistes, qui s'en tiennent le plus souvent, à retenir un ou deux dirigeants dans leur bureau, lorsqu'ils vont jusque-là. L'affaire Spanghero nous a fait franchir une étape de plus dans l'allégorie. Selon le communiqué du personnel, le Gouvernement a condamné à mort 300 salariés en retirant l'agrément sanitaire à l'entreprise. Et voici maintenant les assureurs qui demandent au Parlement de ne pas permettre aux accords collectifs, dans le cadre de la généralisation de la couverture santé complémentaire, de désigner des organismes de prévoyance obligatoires mais de laisser la libre concurrence faute de détruire des emplois. Si l'on s'inscrit dans ces logiques, il faudrait rétablir la peine de mort pour ne pas laisser le bourreau au chômage.
Instrument pour la question - Collection personnelle du bourreau F. Meyssonnier
Cette manière de poser les questions n'est jamais que la traduction de la vie ramenée à sa dimension économique. Dans cette optique, tout ce qui créé de l'activité est positif et ce qui en détruit négatif. A cet égard, une catastrophe naturelle est souvent une opportunité économique : si le Japon a connu un recul de son PIB l'année de Fukushima, les gains à moyen terme sont bien supérieurs au recul constaté. On peut avoir cette vision là, il s'agit juste d'être conscient de la hiérarchie des valeurs qu'elle sous-tend.
12:14 Publié dans FRAGMENTS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : otage, emploi, bourreau, spanghero, fukushima, travail, économie
21/02/2013
En souvenir des travailleurs
Je ne parle pas aux cons, ça les instruits ! Arnaud Montebourg aurait du se souvenir de cette phrase de Michel Audiard avant de prendre sa plume pour répondre au patron de Goodyear. Pourquoi argumenter en réponse à un courrier dans lequel les ouvriers sont des feignants, les syndicalistes des fous et les politiques des incapables ? dans lequel seul l'entrepreneur fort de la valeur ajoutée produite, ne l'oublions pas, par quelques milliers de travailleurs, débite d'arrogantes certitudes ? lorsque le dialogue est impossible, il faut user d'autres moyens.
Montebourg aurait pu se contenter d'envoyer à ce patron qui tenait tant à nous démontrer que la lutte des classes n'est pas morte, ce tract clandestin espagnol des années Franco, qui nous rappelle que l'émancipation ouvrière reste un projet d'actualité, et que la vraie vie est au Sud. Pour le coup, c'eût été bien suffisant.
23:20 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : travailleurs, salariés, emploi, travail, taylor, montebourg, goodyear, lutte des classes, audiard
19/02/2013
Comme un accord
Dans le Sud, on se tape souvent dans la main pour marquer un accord, et cochon qui s'en dédit ! si la main tapée est insuffisante pour une rupture conventionnelle, pour les juges toulousains, le principe reste le même : dès lors que le consentement est donné librement, la rupture conventionnelle est valable. C'est ainsi que la Cour d'Appel de Toulouse a validé une rupture conventionnelle survenue pendant l'arrêt maladie d'un salarié. Rien en effet ne s'oppose à ce que la rupture intervienne lors d'une suspension du contrat de travail, à la seule exception des congés qui protègent le salarié d'un licenciement. Mais tel n'est pas le cas d'un arrêt maladie.
Thierry SIGG - D'un commun désaccord
Après coup, le salarié contestait la validité de la rupture conventionnelle, signée à son domicile pendant un arrêt maladie. Pour le juge, la circonstance est insuffisante, à elle seule, pour invalder l'accord de rupture (CA Toulouse, 16 novembre 2012). En l'absence de tout abus de l'employeur, la rupture est valide. Car c'est bien cela qu'il convient de vérifier au final : le consentement a-t-il été donné de manière libre et éclairée ou non ? et l'on rappellera en ce domaine que plus le salarié est censé se trouver en situation de faiblesse, plus il sera indispensable de lui demander d'être assisté, préférentiellement d'un représentant du personnel. Ce qui rendra l'accord très difficilement contestable. Remercions tout de même les juges de n'avoir pas suivi l'avis de ceux qui voient dans toute rupture conventionnelle la main du vilan employeur qui étrangle le gentil salarié.
01:10 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rupture conventionnelle, licenciement, droit, droit du travail, peinture, sigg
17/02/2013
Créer à partir de quoi ?
Fabienne Verdier est une occidentale. Elle a étudié aux Beaux-Arts à Toulouse. Puis elle est partie en Chine. Elle a mis longtemps à apprendre à voir, à sentir, à se détacher d'elle même pour intérioriser ce qu'elle se propose de peindre : un souffle, une pulsation, un instant. Fabienne Verdier est revenue en France. Elle a créé ses propres outils, à partir de l'étude et de l'utilisation des outils traditionnels, avec quelques principes industriels et une pratique artisanale. Elle s'est inscrite dans des histoires multiples pour créer une oeuvre profondément originale.
Le processus de création du compte individuel de formation est à l'oeuvre. Les éléments figurant dans l'ANI du 11 janvier 2013 sont presque suffisants pour en tracer les contours et modalités. Reste aux pouvoirs publics à se doter d'un projet en ce domaine qui puisse intégrer la volonté exprimée par les partenaires sociaux et si possible la prolonger. Une création aux sources multiples, qui s'appuie sur l'histoire, qui part de l'existant et qui amplifie des dynamiques. A ces conditions, il sera peut être fait oeuvre utile. Encore faudra-t-il résister à la tentation du Concorde : concevoir sur le papier un avion parfait avant de s'apercevoir qu'il est incapable de s'adapter à un environnement changeant (crise pétrolière, exigences environnementales, situation géopolitique, etc.). Souhaitons donc que le dispositif à venir soit perfectible, adaptable et évolutif et qu'il constitue un progrès par rapport à l'existant. Cela sera déjà un grand pas de fait.
23:40 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : compte, chine, concorde, avion, formation, social, fabienne verdier, peinture
15/02/2013
Minimal
Je n’aime pas l’art minimaliste. Pas parce que l’artiste n’en ferait qu’un minimum. Au contraire, il faut souvent beaucoup de travail pour une œuvre minimale. Pas non plus parce que certaines œuvres semblent destinées aux rayonnages d’Ikea et que la frontière entre designer et artiste s’en trouve brouillée. Après tout, Mondrian a été abondamment pillé par le design et Man Ray faisait de la photo publicitaire. Prônant la simplicité pour plus d’efficacité auprès de mes clients, l’art minimal aurait pu être une référence et un repère. Mais je n’aime pas l’art minimal.
Donald Judd - Vertical Progression Red
Je n’aime pas les transcriptions minimales dans la loi des textes conventionnels. Je n’aime pas les reprises sans souffle, sans dynamique et sans valeur ajoutée. Je n’aime pas l’absence d’engagement et de choix qui en résulte. Je n’aime pas attendre que le chemin soit entièrement balisé avant de me mettre en route. Je n’aime pas constater que le minimal est souvent un manque d’imagination. Je n’aime donc pas beaucoup la manière dont le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi a retraduit les dispositions formations de l’ANI du 11 janvier 2013. Si vous voulez savoir pourquoi, vous pouvez lire ci-dessous la chronique écrite pour l’AEF qui détaille les limites et impasses de ce service minimum et sans art.
14:02 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : loi, ani, négociation, formation, éducation, emploi, sécurisation, art, art minimal
14/02/2013
Planquez les clés !
Elle était restée connectée, et tout est là. Si elle avait été posée négligemment sur le bureau, même tout à côté de l'ordinateur voire en contact avec lui mais sans être connectée, le juge en aurait peut être décidé autrement. Mais voilà, elle était connectée. J'ai toujours été fasciné par la manière dont le droit est capable de modifier radicalement la nature des choses pour bien peu de choses. Ainsi, je trouve d'une grande poésie qu'une statue posée sur un socle soit un meuble, mais qu'elle devienne un immeuble par destination en cas de scellement ou d'insertion dans une niche créée pour elle. Pouvoir ainsi modifier sa nature profonde en fonction de sa destination est une douce invitation au voyage.
En laissant la clé connectée à son ordinateur, la salariée n'avait sans doute pas conscience que l'objet qu'elle considérait comme personnel, devenait du fait de son insertion dans un ordinateur professionnel, en quelque sorte "professionnelle par destination". Cette qualité autorisait donc l'employeur à ouvrir la clé et consulter les documents y figurant, comme il aurait pu le faire avec l'ordinateur de la salariée sans avoir à procéder à ce contrôle en sa présence. Et les copies qu'il y découvrit étant des documents confidentiels qui n'avaient rien à faire sur une clé personnelle à destination professionnelle (car comme la chauve-souris, la clé peut avoir une double nature), il était fondé à procéder au licenciement. Avis donc à tous les kleptomanes de la copie : planquez vos clés !
00:10 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : clé usb, travail, droit, licenciement, faute, clé, professionnel, personnel
13/02/2013
Cause toujours !
Nous avons la chance, en France, de disposer de hauts dirigeants, de hauts fonctionnaires, de grandes écoles qui les ont formés et au total d'élites remarquables agissant au sein d'institutions prestigieuses. La Cour des comptes en fait partie, qui n'accueille que la crème des énarques. Et la Cour des comptes s'est mis en tête, à la fois bien pleine et bien faite, cela va de soi, de s'intéresser à la formation professionnelle. En 2008, elle commit un premier rapport qui pointait l'ensemble des dysfonctionnements du système de formation, sans mettre en valeur les succès car les magistrats de la Cour ont appris et retenu que ce qui va bien ne présente aucun intérêt, comme dirait un médecin, contrairement à ce qui va mal qui doit retenir toute notre attention. Ainsi focalisée sur le bancal, la Cour avait préconisé de réduire le nombre d'OPCA car cela réduirait ainsi les coûts de fonctionnement du système. Ce qui fût fait par l'administration, d'une manière qui effraie aujourd'hui les magistrats : pure logique comptable, objectif unique de réduire les frais, invraisembable batterie de 153 indicateurs pour apprécier l'activité d'un OPCA,...la Cour constate aujourd'hui les désastres de ce qu'elle a préconisé et s'en émeut. Pour autant, elle préconise...de réduire encore le nombre d'OPCA et leurs frais de gestion.
Martial Raysse - Cause toujours !
Le fait que les frais de gestion aient augmenté avec la réforme et la réduction du nombre d'OPCA n'a ni perturbé la Cour ni suscité la moindre remise en question de son mécanique a priori selon lequel plus une organisation grandit plus elle fait des économies d'échelles. Et les magistrats ont oublié de relever qu'ils comparent des chiffres qui ne se rapportent pas à la même réalité puisque les missions des OPCA se sont considérablement élargies.
Pourtant, en matière de frais de gestion, le Conseil d'Etat, autre instance remarquable qui ne recrute également que la crème de l'ENA, avait posé un juste diagnostic : une partie seulement des frais se rattachent au fonctionnement proprement dit, la plus grande part des coûts exposés par un OPCA constitue des services en nature qui sont rendus aux entreprises et salariés. Additionner du fonctionnement et du service est un profond non-sens. Ce que l'on a déjà à maintes reprises soulevé ici. Mais comme la Cour des Comptes n'écoute déjà pas le Conseil d'Etat la probabilité qu'elle entende ce que j'écris est à peu près la même que celle de voir la belle indifférente tourner la tête vers le gnome hystérique qui n'en peut mais. Comme dirait l'autre, cause toujours !
00:08 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : opca, formation, cour des comptes, ena, emploi, raysse, peinture
12/02/2013
Prométhéen !
C'est peu de dire que la démission du Pape est un moment de pur bonheur. Non pas parce que Benoît XVI quitte la fonction, on ne peut souhaiter le départ d'un Pape qui écrit aussi bien sur l'eros, le corps et l'âme (c'est ici), mais parce que cet acte est une bouquet d'ambivalences et de subtilités. Tout d'abord, il est amusant de percevoir l'embarras de ceux qui pensent que le Pape doit se soumettre à Dieu et aliène sa personne à la fonction et en même temps font leur le dogme de l'infaillibilité pontificale. Pour eux, le geste est une contradiction insoluble. Ensuite, on peut sourire également de l'humilité contenue dans le geste, celui qui renonce aux honneurs et se retire, mais aussi le formidable orgueil dont il est porteur : j'ai regardé Dieu dans les yeux, et j'ai choisi de reprendre ma liberté !
Heinrich Fueger - Prométhée offrant le feu aux hommes
Et s'agissant de liberté, il est désormais impossible à quiconque d'expliquer que sa démission a été refusée. On pourra lui répondre en rigolant que même Dieu ne peut rien devant celui qui veut vraiment démissionner. Mais le plus important est sans doute la démonstration que la volonté peut faire son lit de la nature, ou de ce qui se prétend tel. Toute la tradition, sinon la règle canonique, s'opposeait à la démission du Pape. Et pourtant, son geste, celui qui met la liberté de l'homme avant l'ordre établi, s'impose. S'il avait voulu fournir un argument en faveur du mariage entre personne de même sexe, le Pape n'aurait pu trouver meilleure démonstration. Benoît XVI démissionnant, c'est Prométhée qui offre le feu aux hommes et sa bénédiction à tous les affranchis. Amen !
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pape, démission, vatican, droit canon, mariage, liberté, nature, tradition, prométhée, benoit xvi
11/02/2013
Rompez !
C'est écrit comme un publi-reportage, mais ce n'en est pas un. Le Monde, sous la plume de Louise Couvelaire, nous raconte comment les grandes écoles, et les entreprises, envoient leurs plus brillants étudiants ou managers passer quelques jours, parfois une année, dans des unités militaires, pour apprendre véritablement le management. Rien ne manque à l'hagiographie, pas même le DRH réticent qui résiste longtemps mais qui, une fois qu'il y a goûté, enverrait bien toute l'entreprise sous l'uniforme. Surtout que l'armée mène à tout : on peut apprendre à commander, à faire adhérer, à donner du sens, à prendre des décisions et on découvre le collectif. Après être passés entre les mains des militaires, les intellectuels individualistes dépourvus de la moindre capacité d'action osent enfin se prendre en main. Que serait-ce si nous étions en Chine !
Mais à aucun moment l'article n'aborde les trois supercheries qui gouvernent tout cela. La première est de laisser croire, comme le dit un colonel, que le management est la forme civile du commandement. A ce titre, les relations sociales constituent la forme civile de la guerre et la démission la forme civile de l'insoumission. La seconde est de ne jamais mettre en doute que des méthodes qui ont leur logique dans le contexte particulier du monde clos qu'est l'armée, dont toute l'organisation rappelons-le est tournée vers la capacité à faire la guerre, soient transposables dans le cadre d'une entreprise. Qu'il ne soit pas fait de différence entre un militaire et un salarié du point de vue du management laisse pantois. Mais le pire c'est que des grandes écoles confient à l'armée ce qu'elles se résignent à ne pouvoir enseigner. Plutôt que de découvrir le monde dans le cadre d'une année de césure, on s'enfermera dans l'uniforme et les casernes pour apprendre à faire travailler les autres. Peut être l'auteure de l'article aurait-elle pu interroger des (jeunes) retraités de l'armée qui après 20 ans passés sous l'uniforme ont tant de mal à s'intégrer au monde de l'entreprise et à y exercer une fonction de manager. Ce sera pour une autre fois (peut-être).
01:24 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : armée, le monde, couvelaire, journaliste, militaire, formation, manager, grandes écoles, entreprise
10/02/2013
Année du serpent, année des femmes ?
Nous voici donc entrés dans l'année du Serpent. Une année symbolique, puisque zodiacale. Il ne vous aura pas échappé que, à tout endroit du monde, le calendrier en vigueur est celui de Grégoire XIII, en accord avec le Soleil. Nous sommes donc rythmés par un temps papiste, et si vous en doutez, essayez de faire une transaction financière en n'importe quel endroit du monde sans qu'elle soit datée selon la norme pontificale. Vous aurez ainsi l'illustration que le temps est à la fois convention et argent. Mais laissons ces préoccupations temporelles et revenons au Serpent qui, en Occident, entretien une relation fascinée, et fascinante....avec les femmes.
Chranach - Eve et le serpent
Eve bien sur, la première à avoir dialogué avec le Serpent qui, dans l'histoire, s'en tire plutôt bien puisque c'est sur la femme, et non son inspirateur, que repose le pêché originel. Mais Eve était-elle vraiment la première ? avant la Bible, les Egyptiens avaient déjà donné toute sa place au Serpent, comme en témoigne cet extraordinaire costume de Cléopâtre qui mourra d'une piqure au sein. Ambivalence des relations de pouvoir, de séduction et de sexe.
Theda Bara dans le rôle de Cléopâtre
S'il existe des charmeurs de Serpent, qui souvent entretiennent une relation de dressage mécanique avec l'animal ravalé au rang d'attraction ou de marionnette, il faut convenir que les charmeuses de Serpent nous font entrer dans une monde d'une autre dimension.
Henri Rousseau - La charmeuse de Serpents
Et là où l'homme établit une relation très monovalente, le mystère n'est jamais absent lorsque s'ouvre un dialogue entre femme et serpent.
Piero di Cosimo - Simoneta Vespucci
Et que dire de la Gorgone dont on peut se demander si c'est sa chevelure, son regard ou son cri qui stupéfie et pétrifie. Lorsque femme et serpent font cause commune, le regard en deviendrait ainsi insoutenable.
Le Caravage - Medusa
Qui est un peu féru de psychologie ferait sans doute remarquer que les peintres et écrivains qui ont ainsi exacerbé les relations entre les femmes et les serpents étaient des hommes, bien empêtrés dans le symbolique phallique que constitue le reptile. Et que finalement tout cela est bien occidental et judéo-chrétien, alors que le nouvel an est chinois. A ceux-là offrons ce masque chamanique, pendant masculin de la Gorgone où les cinq serpents surgissent d'un énigmatique sourire avant de vous regarder fixement. Bonne année serpentine !
14:54 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : serpent, nouvel an, chine, chinois, femme, peinture, eve, cinema, bible, pape, zodiaque
07/02/2013
Work in progress
J'aime les travaux en cours (comme toute personne qui est toujours en retard me direz-vous, syndrôme de la procrastination) et du coup j'aime les études, esquisses, dessins préparatoires, manuscrits gribouillés, bouts de feuillets noircis à la va vite, petits carnets de notes, cahiers de croquis, bref tout le fatras dans lequel apparaît toute la vie que l'on verra ensuite ordonnée dans l'oeuvre, du moins lorsque le peintre a du talent. Tel est le cas, par exemple, de Gustave Moreau ou d'Ingres, dont les dessins préparatoires fascinent tout autant que les toiles.
Gustave Moreau - Etude pour Salomé
JD Ingres - Etude pour le Bain Turc
Dans les six mois qui viennent, va s'élaborer le Compte Personnel de Formation, qui sera au DIF ce que le papillon est à la chenille. Lorsque je présente l'ANI du 11 janvier 2013 et les principes qui régiront le Compte, j'ai souvent des réactions de protestation : mais alors on ne sait pas comment ça va marcher, rien n'est calé, c'est incroyable de signer des textes sans savoir où l'on va. Ingres et Moreau savaient-ils où ils allaient lorsqu'ils travaillaient leurs dessins ? ou bien les choses se sont-elles mises en place petit à petit, ou par à coup, ou par rupture ? qui sait ? On dit parfois que le voyage compte plus que la destination. Dans l'élaboration des droits nouveaux, il ne faut pas oublier la beauté de la construction et considérer qu'elle conditionne souvent la beauté du résultat.
20:06 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, compte, ani, droit, social, marché du travail, ingres, moreau, dessin, économie, art
06/02/2013
Intérimaire permanent
Vous prenez une photo, puis une autre, puis un dessin, puis une photo, puis des dizaines d'autres, vous coupez, vous déchirez, vous morcellez, puis vous assemblez, morceau après morceau, élément par élément, et au final le résultat, pour peu que vous soyez dans un bon jour, vous paraît s'être imposé à vous. Chaque chose est à sa place, le disparate trouve sa cohérence, les éléments épars, sans lien apparent, ont recomposé une figure qui a soudain l'allure de l'évidence.
Ainsi en va-t-il du collage, où l'hétéroclite soudain trouve sens. Ainsi en ira-t-il peut être demain du travail intérimaire, lorsque les sociétés d'intérim pourront recruter les intérimaires en CDI et les affecter à des missions successives en leur garantissant un emploi permanent. Bonne nouvelle pour tous ? Pas forcément, les intérimaires enchaînant les missions avec indemnités de précarité et de congés payés (soit 20 % du salaire) pourraient considérer qu'ils sont perdants. Mais tout de même, pour beaucoup une embauche durable, un statut social mieux établi et une situation qui se rapproche du droit commun. Si le principe est acté, reste à négocier les modalités, c'est ce qui devrait être fait à partir du 1er mars prochain. Souhaitons que les partenaires sociaux aient le souci de préserver le sens d'un emploi composé d'une juxtaposition de missions, ce qui sera le lot des futurs intérimaires permanents.
23:49 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : intérim, emploi, travail, ressources humaines, collage, négociation, économie, peinture, photo
05/02/2013
Découverte
Elle a le sourire coquin et le visage mutin, ses courbes ne manquent pas de grace, et l'on se demande si ce n'est pas en l'honneur de sa nudité qu'elle fût placée au fronton du Palais de la Découverte, qui du coup s'en trouve bien nommé. Mais peut être les visiteurs, en quête de découvertes et non de découvertes, ne lèvent-ils pas suffisamment la tête et de fait se privent du riant visage. Ainsi ne voit-on pas, à l'instar de la lettre volée, ce qui ne demande qu'à s'offrir à nous.
Il en va de même avec le dispositif du congé de formation des jeunes travailleurs. Alors que la loi sur la refondation de l'Ecole Républicaine se propose de doter chaque jeune sorti du système scolaire d'un crédit formation (voir ici), il faudrait peut être signaler aux rédacteurs, que le dispositif existe depuis plus de 40 ans sous la forme du congé formation des jeunes travailleurs. Ce droit, tombé dans l'oubli et totalement inusité, figure aux articles L. 6322-59 et suivants du Code du travail. Il permet à tout jeune n'ayant aucun diplôme de bénéficier d'une absence payée par l'entreprise à hauteur de 200 heures par an pour suivre une formation qualifiante. Plutôt que de créer un nouveau droit, il suffirait de provoquer la (re)découverte de celui-ci pour permettre rapidement l'accès à la formation de milliers de jeunes qui ne manqueront pas d'aller saluer, en hommage à cette renaissance, la belle découverte.
23:46 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jeune, découverte, palais, formation, éducation, droit, congé, crédit, travail
04/02/2013
Le juge et le haschich
Je l'ai croisé dans les rues de Toulouse. J'ai un peu hésité, il avait un peu forci mais je n'allais pas lui jeter la pierre et son allure de géant débonnaire restait la même. Je l'ai donc interpellé. Ce n'était pas vraiment un ami, mais un copain de groupe de copains avec qui on a partagé des soirées plus longues que la nuit. Je me souviens de son petit appartement, sombre, en rez de chaussée, que je n'aimai pas, notamment parce qu'il était sempiternellement enfumé et pas que de tabac. Ni la fumée ni la fumette n'ont jamais été ma tasse de thé ou plutôt mon verre de vin. Chacun ses plaisirs. Pendant que nous échangions quelques propos assez convenus, je me souvenais qu'il avait réussi le concours de la magistrature, plus par sa culture générale, politique, son père était un élu local, que par ses connaissances juridiques. Ainsi vont les concours en France. Du coup je me fis plus direct.
Emile Bernard - La fumeuse de haschich
"Depuis que tu es juge, tu condamnes des gens à la prison ?
- Ben oui bien sûr, ça fait partie du métier. Mais jamais à la légère, je sais ce que c'est la prison on y va deux jours pendant l'école...
- Ah oui, tu connais. Et c'est qui le dernier que tu as condamné par exemple ?
- Un type qui cultivait du chanvre dans son garage...
- Tu lui as mis du ferme pour trois plants de hasch ?
- C'est qu'il n'y avait pas que trois plants, et puis il avait déjà été pris une première fois, il se foutait vraiment de notre gueule...
- Ce doit être ça."
Je ne l'ai invité ni à boire un coup, ni à s'en fumer un petit. Dommage, il aurait pu m'apprendre s'ils étaient nombreux comme lui derrière la robe.
23:31 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juge, justice, haschich, toulouse, étudiant, prison, peinture, fumer
03/02/2013
Forfait jour, la machine à sous
Ils sont cadres, ils font partie du comité de direction, ils sont positionnés à un niveau élevé dans la convention collective, ils correspondent aux catégories de salariés qui peuvent entrer dans le forfait en jours. A priori, pas de problème donc. Leur travail : suivre l'activité des machines à sous dans le Casino. Ces machines qui furent tantôt autorisées, tantôt interdites, que l'on appelle les Bandits manchots et qui furent parfois transformées, comme cette Gitane, en machine à prédire l'avenir lors de leur période de prohibition. Mais dans cette histoire, la véritable machine à sous ce fût le forfait en jours.
La Gitane - 1935 -
Si l'un des salariés avait consulté la Gitane, elle lui aurait peut être prédit une rentrée d'argent et que son jour de chance serait le 23 janvier 2013. Ce jour là, la Cour de cassation, infirmant une décision de la Cour d'Appel de Versailles, jugea que dès lors que l'on imposait aux salariés des plannings de présence obligatoire dans les salles de machines à sous, serait-ce en vertu de la règlementation particulière applicable aux jeux de casino, et même si toutes les conditions étaient réunies par ailleurs, il n'était pas possible de les rémunérer sur la base d'un forfait en jours. Pour les entreprises qui ne l'auraient pas compris, le rappel de la Cour de cassation, qui n'est pas le premier, est limpide : le forfait en jours est totalement incompatible avec une prescription d'horaires, des plannings obligatoires ou des obligations de présence. On aurait pu s'en douter, il suffisait de lire la définition de l'autonomie, première condition pour pouvoir conclure une convention de forfait en jours. Au suivant ?
12:02 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : durée du travail, temps de travail, travail, droit, casino, argent, jurisprudence, contentieux
01/02/2013
De l'exécution et de ses avantages
Il existe peut être des responsables ressources humaines naïfs, tout est possible, mais ce n'est clairement pas la majorité. D'ailleurs on vieillit souvent vite dans ce métier qui use. Il existe peut être des responsables ressources humaines qui pensent que lorsque la direction a décidé qu'ils avaient fait leur temps, il y avait toujours matière à discuter. Tout est possible. Mais la grande majorité des responsables ressources humaines savent que lorsque c'est terminé, il n'y a plus à discuter, sauf des conditions de départ. Ils ont en général pratiqué cela eux-mêmes, avec professionnalisme. Ils pourraient donc partir sans heurt, connaissant la règle du jeu. Et bien non, manifestement ce n'est pas suffisant et l'exécution est nécessaire.
Yue Minjun - L'exécution
Elle peut prendre des formes différentes : le bureau fermé et le matériel inaccessible, un rendez-vous hâtif, la signification de la décision et au revoir. Ou bien le sempiternel : "Bon vous savez comment cela se passe, pour vous c'est terminé, rentrez chez vous, aucun mail, aucun contact avec vos collaborateurs". Cela pour s'en tenir aux formes les plus convenables. Pourquoi s'acharner ainsi, avec ceux qui sont les mieux placés pour accepter la loi qu'ils ont fait régner ? Par mesquinerie pour briser l'individu avant son départ ? Pour lancer un avertissement à son successeur ? Pour montrer aux salariés que cela peut concerner n'importe qui, et donc tout le monde ? à titre d'exemple ? pourquoi vouer aux gémonies celle ou celui que hier encore on traitait quasiment comme un ami ? Par goût du pouvoir et plaisir de ses abus ? ou tout simplement pour l'exemplarité de la peine ? Tant pis pour celui qui part, en quelque sorte, il aura joué son rôle auprès de ceux qui restent. Une manière de rester en fonction jusqu'au bout après tout.
NB : les peintures de Yue Minjun sont actuellement visibles à la Fondation Cartier.
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