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06/07/2010

Jeu de mains...

La main de Thierry Henry qui avait qualifié abusivement la France pour la Coupe du monde a été qualifiée de tricherie et de scandale. La main de Luis Suarez, qui à la dernière seconde du match Ghana-Uruguay sauve son équipe d'un but tout fait a également suscité la polémique. Une différence de taille existe pourtant entre les deux. La première est illégale et n'a pas été sanctionnée et la seconde est légale puisqu'elle a été sanctionnée selon les règles : expulsion du fautif et penalty. Sauf que le penalty fut raté et que l'Uruguay se qualifia sur une faute d'antijeu qui n'a rien à envier à celle de Thierry Henry. Une illustration supplémentaire que légal et moral ne font pas toujours bon ménage.

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Israel Galvan dansant avec les mains
Que faire alors ?  on pourrait se référer au rugby : lorsqu'une faute volontaire empêche un essai tout fait, un essai de pénalité est accordé. Faut-il alors créer le but de pénalité ? le plus simple serait que les footballeurs se mettent au rugby, dans lequel on le sait le jeu de mains est un jeu...de toulousains. La qualité de toulousain sera volontiers conférée à Israel Galvan, et le fait qu'il soit né à Séville importe peu : on peut être à la fois sévillan et toulousain, et des tas d'autres choses encore, lorsque l'on sait ainsi jouer avec ses mains.
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Comme nombre de sportifs, Galvan sait que l'esthétique va de pair avec l'efficacité. Le geste le plus beau est souvent le plus efficace. Oublions donc les mains des footballeurs au profit de la beauté du geste.

05/07/2010

De l'art de la démission

Le communiqué est sobre, lapidaire : "Les secrétaires d'Etat Alain Joyandet et Christian Blanc ont présenté leur démission du Gouvernement. Le Président de la République et le Premier Ministre ont accepté ces démissions." Il suscite toutefois une double surprise. Non pas celle du départ des secrétaires d'Etat qui, comme d'autres, ont cédé aux facilités du pouvoir. La surprise tient dans les termes du communiqué. Pour tout juriste, ou tout simplement pour qui est soucieux du sens des mots, une démission est un acte unilatéral. Elle ne se présente pas, elle se donne. Et par conséquent, elle n'a pas plus à être accepté que refusée. On en prend acte. Nul ne peut empêcher celui qui veut véritablement démissionner de le faire. Comme le disait Jacques Rigaut, poète dadaiste suicidé en 1929 : "Essayez, si vous le pouvez, d'arrêter un homme qui voyage avec son suicide à la boutonnière". Ainsi, la liberté de démissionner n'est et ne peut être limitée par l'acceptation de l'autre partie car elle deviendrait contractuelle et ne serait plus une démission.

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Mathilde Tixier - Jacques Rigaut
En tant qu'acte unilatéral, la démission est valide dès lors qu'elle a été signifiée et ne peut être reprise. On ne revient pas sur une démission, sauf à conclure un nouvel accord. Ainsi, l'employeur ne peut refuser une démission ni le salarié se rétracter. Et l'on conseille à l'entreprise qui reçoit une démission de ne pas se précipiter pour en accuser réception. Outre que cet accusé n'ajoute rien à l'acte, une réponse hâtive pourrait laisser suggérer que la démission ne résulte pas d'une volonté unilatérale mais a été suscitée par l'employeur. De ce point de vue, le communiqué de l'Elysée a le mérite d'être explicite. Jacques Rigaut aussi aimait bien jouer avec des petits personnages.
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Jacques Rigaut - Photo Man Ray

03/07/2010

Terzieff

Les textes étaient magnifiques : Hoelderlin, Cendrars, Adamov, Rilke...Toutefois, leur densité et leur enchaînement ne permettait pas de les habiter totalement. L'émotion n'avait pas toute la place pour se répandre. Le spectacle était prenant, mais une légère insatisfaction subsistait. Et puis le dernier mot du dernier texte fut dit. Et Laurent Terzieff, qui était seul en scène et récitait des textes choisis par lui pour la représentation intitulée "Florilège" et présentée au Lucernaire, se tut. Il s'avança sur scène et se figea. La tête haute. Le regard très loin au devant de tout. Avec nous pourtant. Et cela dura. Cela dura un temps long, infini qui dure encore. La présence de Laurent Terzieff à  cet instant illumina la salle obscure comme jamais lumière n'avait défié le temps, l'espace, la vie. S'il est dans la vie des instants de grâce, il en est de plus rares où l'indicible plénitude de l'instant s'accomplit dans un silence sacré. Ainsi paraissait Laurent Terzieff qui ne paraîtra plus.

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Laurent Terzieff était le tragique de la vie incarnée avec la légèreté de l'enfant. Voici ce qu'il déclarait pour présenter Florilège :
La poésie fait parole de ce qui, avant elle, ne l'était pas, et qui par elle le devient. Parole de ce qui avant elle et sans elle, ne saurait être dit. Elle constitue une ouverture vers cette face invisible du monde qui existe en dehors de nos représentations, et qui nous relie à tout et à tous, qui réconcilie toute chose, même les contraires, jusqu'à nous faire entendre le silence des mots, jusqu'à réconcilier nos rêves de la nuit et le rêve éveillé de nos journées. En visitant le monde à l'intérieur de chacun de nous, elle abolit la coupure originelle entre l'objet perçu et la conscience qui perçoit. Dans mon travail, en grande partie solitaire, il m'est souvent venu à l'esprit cette exhortation de Saint Benoît : "Soyons présents à la psalmodie, de telle façon que notre homme intérieur s'accorde avec notre voix." Laurent Terzieff.

 

02/07/2010

ZUT !

On connaît les TAZ (Temporary Autonomy Zone : zones temporaires autonomes) popularisées à la fin des années 90 par Hakim Bey. Les TAZ sont des espaces de liberté qui apparaissent et disparaissent, selon la formule de leur inventeur, dès qu'elles sont répertoriées par les Arpenteurs de l'Etat. Les TAZ peuvent exister sur un territoire, dans l'espace, dans le temps ou dans l'imaginaire. Il ne peut s'agir des apéros géants, les participants étant trop consommateurs et trop peu acteurs, et autres formules de rassemblements provisoires festifs mais paradoxalement passifs. Il s'agit  plutôt d'espaces de résistance à tout ce qui est normé, encadré, labellisé, répertorié, géré, identifié, intégré ou digéré. Les TAZ ont inspiré les ZUT : zones d'utopie temporaire.

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ZigZag - Utopie
Les ZUT ont été créés par des artistes qui refusent les espaces publics concédés, subventionnés et balisés. Ils revendiquent la liberté de création en des lieux improbables, fugaces, temporaires. Loin de la muséification permanente. La vie, ce n'est pas le Panthéon. En ces temps de normalisation des activités professionnelles, de centralisation galopante, de small is not beautiful, de contraintes de tous ordres, il est peut être temps de s'approprier les ZUT dans son cadre quotidien et de pratiquer la tactique de Lawrence d'Arabie pour vaincre un ennemi plus nombreux et mieux armé : l'action soudaine, imprévue, innatendue, disparue aussitôt qu'apparue, ressurgissant où on ne l'attend pas sous des formes inconnues. La ZUT individuelle est finalement un outil de résistance, donc un outil de combat, lorsqu'elle est collective elle devient subversive. Mais dieu que c'est bon ! que cent mille ZUT fleurissent !

 

01/07/2010

Plus = moins

Dans la bible, il y a la pêche miraculeuse ou encore la multiplication des pains. Dans les deux cas, la ressource devient miraculeusement infinie et permet à chacun de rassasier sa faim. Même aux grands mangeurs. Dans l'époque qui est la notre, les ressources tendent à se raréfier, paradoxe d'un monde d'abondance. La réforme de la formation professionnelle nous fournit l'occasion de le vérifier. Alors que globalement les OPCA auront collecté plus de fonds que jamais en 2010, les ressources manquent pour les dispositifs de formation, et notamment pour le congé individuel de formation. Un élément est conjoncturel et devrait se lisser avec le temps : le prélèvement de 13 % pour le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Mais un élément est à la fois nouveau et structurel, il concerne les règles de prise en charge des demandes de CIF présentées par les salariés qui, comme chacun sait, sont des grands mangeurs de financements.

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Frantz Zephirin - Grands mangeurs
L'Etat ayant menacé de ne plus agréer les FONGECIF régionaux du fait des inégalités de financement des salariés selon les régions, les partenaires sociaux ont adopté, en février dernier, des règles qui s'imposent à tous les FONGECIF. Ces règles fixent les taux de prise en charge des salaires et des coûts pédagogiques. Elles revoient les montants à la hausse par rapport à ce qui existait précédemment. Ainsi, tout salarié est assuré d'être financé entre 90 % et 100 % si sa demande est acceptée,  tant au niveau du salaire que du coût pédagogique qui est plafonné à 18 500 euros. Le choix a donc été fait de privilégier un financement important d'un petit nombre de bénéficiaires, plutôt que d'accorder des financements inférieurs à un plus grand nombre de salariés. On trouvera ci-dessous les minimas auxquels peut prétendre un salarié en fonction de son niveau de rémunération. Si les FONGECIF s'en tiennent à ces règles, le nombre de CIF financés baissera mécaniquement. Mais rien ne dit que la mesure sera efficace car chaque FONGECIF peut encore décider de financer tout ou partie des heures demandées, et les taux ne s'appliqueront que sur les heures prises en charge. Les grands mangeurs risquent donc d'être déçus !

Financements FONGECIF.ppt

 

30/06/2010

Le juge et la formation

Kouzen o
Siw pa metem lekòl
Ma fè jandam aretew

Ce chant Vaudou Haïtien signifie à peu près ceci : Kouzen (dieu de l'agriculture) si la culture du sol t'empêches de me  mettre à l'école, je te ferai traduire en justice. Ce chant, de tradition orale, est rapporté par Claude Dauphin. L'illettrisme ne fait donc pas obstacle à la conscience du droit à l'éducation pour tous et de la possibilité de recourir au juge pour le faire reconnaître.

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Frantz Zephirin - Tambour Rada
On ignore si les juges se livrent, dans le secret des alcoves de délibéré, à des cultes vaudou. Mais si l'on doutait qu'ils ont eux aussi conscience que la formation pour tous est un droit qui ne saurait être mis en échec par l'illettrisme,  la décision de la Cour de cassation du 2 mars 2010 pourrait nous rassurer. Pour mieux apprécier la portée de cet arrêt, la Chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF met en perspective 25 ans de jurisprudence en matière de formation professionnelle et de contrat de travail, ou comment le juge après s'être occupé de la formation de ceux qui ont une carrière commence à s'intéresser à la formation de ceux qui n'en ont pas.

29/06/2010

Village gaulois

L'article 1er de la loi du 27 décembre 1968 l'affirme sans ambage : "L'exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution de la République, en particulier de la liberté individuelle du travail". Pour tous ceux qui ont baigné dans les aventures d'Astérix, la formule ne peut que susciter l'interrogation : "Toute la Gaule est occupée...", "Toute ? non car un petit village Gaulois résiste encore et toujours à l'envahisseur". Le remake des Gaulois et César se rejouera à partir du 7 juillet à l'Assemblée nationale lors de l'examen de la loi relative au dialogue social dans les TPE. Le naturel, que l'on croyait disparu, est bien vite revenu : politiciens et représentants patronaux (pas tous heureusement) ont fait entendre leurs voix pour dire leur désaccord avec l'idée de faire entrer les syndicats dans les petites entreprises. Jean-François Copé l'a clairement affirmé : pour la première fois il ne votera pas un texte du Gouvernement. Le Village doit rester Gaulois et l'envahisseur syndical aux portes de l'entreprise.

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La négociation à l'époque du Village Gaulois
Deux générations n'y auront donc pas suffi. Syndicat est toujours synonyme d'ennemi et dialogue social de conflit. L'inévitable crispation qui résulte de l'absence de dialogue ne pourra d'ailleurs que renforcer et justifier cette approche conflictuelle. Mais, nous dit-on, il faut laisser les patrons de PME et leurs salariés vivrent tranquillement leurs relations cordiales qui ne pourront être que perturbées par les trublions syndicaux. Voilà un argument de poids. Laissons donc le Village Gaulois vivre sa vie et les bienheureux penser que tout finit toujours par un banquet.
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28/06/2010

La portabilité du DIF en dix questions

C'est en portant Jésus que Christophe fit ses premiesr pas  sur le chemin de la sanctification. Le porteur, qui est aussi un passeur, ne se contente pas de relier une rive à l'autre et de devenir à ce titre le patron des voyageurs, il créé également une relation entre deux mondes. Le monde terrestre et le monde spirituel. On constatera avec plaisir que l'un des plus beaux Saint-Christophe, dont l'iconographie est riche, fut peint par José de Ribera. Le peintre connut pour sa petite taille n'eut donc pas peur d'affronter le géant qui porta le Christ, d'où son nom de Saint.

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José de Ribera - Saint-Christophe - 1637
En récompense de son portage, et pour transformer son doute en foi, Jésus demanda à Saint-Christophe de planter son bâton en terre. Ce dernier s'exécuta et eut la surprise de voir le bout d'arbre sec fleurir. Peut être un tel prodige serait-il nécessaire aujourd'hui pour démêler l'écheveau des questions qui se posent à propos du  DIF et, notamment, de sa portabilité. Pour progresser un peu sur le chemin, non de la sanctification ni du miracle mais plus prosaïquement de l'opérationnalisation de ce droit nouveau, voici livrées pour vous dix questions (et surtout réponses) à propos de la portabilité du DIF. Certaines font débat, ne vous privez pas !

Dix questions sur la portabilité du DIF.pdf

24/06/2010

Légal n'est pas moral

A première vue, le tableau est tout à fait licencieux, délicieusement érotique. Le lit est ouvert, le rideau rouge déborde de sensualité, les mollets du jeune homme sont bien tendus et galbés, la belle ne résiste guère que pour rajouter du piment à la situation. La morale n'a pas sa place ici. Pourtant, un détail attire l'oeil. La pomme rouge sur la table n'est pas que le fruit de l'amour, elle renvoie également au pêché originel. Et le verrou qui se ferme clos le paradis dont les amoureux sont chassés. Voici un rappel à l'ordre bien moral.

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Fragonard - Le verrou - 1778
Ainsi la morale peut se nicher où on ne l'attend pas. A l'inverse, elle peut s'absenter de là où l'on pourrait s'attendre à la trouver. La déclaration de Christine Boutin renonçant à ses 9500 euros mensuels pour réfléchir aux conséquences de la mondialisation nous en livre un exemple. Elle déclare en substance : "Cette rémunération est légale, mais j'y renonce parce que les gens peu payés ont été troublés" (en substance vraiment car le personnel politique ne parle jamais de gens peu payés, il est question de revenus modestes pour des personnes modestes auxquelles bien évidemment le qualificatif vaut injonction d'humilité : quand on est modeste on ne revendique pas, ce qui n'est pas toujours le cas lorsque l'on est peu payé). Cette déclaration nous livre deux informations : peu importe que la rémunération soit immorale, elle peut être légale. Et ce n'est pas à l'immoralité que l'on se réfère pour y renoncer (impossible car elle avait d'abord été acceptée) mais au calcul : l'électeur ne l'acceptera pas. Si certains doutaient encore que le droit et la morale ne sont pas synonymes, la déclaration de Christine Boutin pourra leur donner matière à réflexion. Mais sans doute Christine Boutin trouverait-elle Le verrou immoral.

23/06/2010

En Watteau !

Le blog est il un effet de mode auquel l'on cède par goût de l'auto-promotion ? par l'inépuisable désir de dire, qui jamais ne lasse l'ordinateur même lorsque la phrase est laborieuse ? par exhibitionnisme un tantinet jugulé, mais si peu ? par narcissisme affirmé voire revendiqué ?

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Le Caravage - Narcisse - 1595
Les arguments sont un peu simplistes. Le blog peut certes renvoyer plaisante image de soi (quoi que certains jours...) mais il est également, par sa régularité et l'exigence que l'on y met, source de discipline et par sa mise à disposition, offre de partage. Ainsi conçu, il ouvre une porte sur l'inconnu plus qu'il ne se referme sur lui-même. Moins le morbide Narcisse que le plaisant, joyeux et mystérieux Embarquement pour Cythère.
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Watteau - Embarquement pour Cythère - 1718
INFFO-FORMATION, revue du Centre INFFO, est consacré en ce mois de juin aux professionnels de la formation qui font oeuvre de blogger. Si vous voulez découvrir les motivations de l'auteur de ce blog, il ne vous reste plus qu'à vous embarquer...pour la lecture de l'interview.

22/06/2010

Faire acte de silence

Les heures supplémentaires toujours. L'entreprise avait pourtant pris les devants et explicitement indiqué qu'il ne saurait y avoir d'heures supplémentaires effectuées, sauf autorisation préalable de l'entreprise. Ce qui est son droit le plus strict. Mais voilà, un salarié rend des fiches de pointage nombreuses dans lesquelles apparaissent des heures supplémentaires. Et se prévaut du silence de l'employeur qui avait pris connaissance de ces fiches pour demander des heures supplémentaires. Bingo ! la Cour de Cassation (Cass. soc., 2 juin 2010, 08-40.628) fait droit au salarié et considère que le silence de l'entreprise vaut accord tacite.

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Noureddine EL HANI - Au fil du silence
Est ainsi franchie l'étape que l'on pressentait et que les juges avaient déjà franchi en matière de santé au travail : tout ce que l'employeur tolère, il est censé l'avoir demandé. Ainsi, il n'est pas suffisant de rappeler régulièrement aux salariés que le port de protections individuelles est une obligation. Faute d'imposer un tel port, c'est l'entreprise qui est responsable en cas d'accident. La Cour de cassation intime à l'employeur l'obligation d'exercer son pouvoir d'employeur. Et rappelle au passage que c'est moins la formalisation qui compte que la réalité. Dans ce domaine, il est bon de se souvenir que le silence peut être un acte.

21/06/2010

Dormeur éveilleur

Le Parc de Bomarzo se trouve à quelques kilomètres de Rome. Il est connu sous le nom de parc des monstres, car il abrite des statues de pierre aux formes étranges parmi lesquelles des chimères, des griffons ou encore des sirènes. Le Parc de Bomarzo est un lieu de poésie. Parmi les statues, se trouve la belle endormie. On peut s'asseoir et la regarder. Calme parmi le tumulte du chaos granitique et de la nature environnante. Qui ne porte en lui, ou en elle, le mythe de la Belle au bois dormant plongée dans un froid sommeil par un maléfice dont elle sera délivrée par un chaud baiser. Tout prince charmant qu'il soit, l'éveilleur n'est, dans le Conte de Perrault ou dans les autres versions notamment celles des frères Grimm, qu'un acteur accessoire. L'action est toute entière centrée sur la princesse endormie. Pourtant, la figure de l'éveilleur mérite réflexion. Celui qui ramène à la vie accomplit un acte Prométhéen : il ne connaît rien du sommeil dont il tire l'éveillée et a l'orgueil de croire que ce qu'il propose est meilleur. Tel l'éducateur, il impose sa vision du monde à un monde qu'il ne connaît guère.

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Bomarzo - Parc des monstres - La belle endormie

Faut-il l'en blâmer ? non pas. L'éveilleur prend le risque du mauvais réveil, rien ne garantit son entreprise, c'est pourquoi il prend soin de réveiller en douceur, comme le père de Montaigne exigeait que son fils soit réveillé en musique. Saisis par la beauté dès leur éveil, le corps et l'âme s'en trouveront bonifiés. Nous sommes tout à la fois dormeur et éveilleur. Dormeur lorsque nous ne voyons pas, ou plus. Lorsque nous ne percevons pas, ou plus. Lorsque nous ne savons pas, ou plus. Eveilleur nous le sommes lorsque nous ouvrons des voies, des portes et fenêtres, des regards et plus simplement réveillons un peu de vie ou un peu plus d'intensité dans la vie. Nous serons donc tout à tour dormeur pour les uns qui se proposeront peut être de nous éveiller, éveilleur pour d'autres  que nous prendrons le risque de sortir de leur repos.  Remercions les éveilleurs qui nous ont sorti du sommeil pour nous mener où nous n'aurions guère été sans eux, acceptons la part de sommeil qui nous habite comme une terrae incognitae et donc promesse de découverte, et veillons à de temps en temps jouer le rôle d'éveilleur, avec toute la douceur requise. Bonne semaine à toutes et à tous.

18/06/2010

Egalité équitable

L'égalité c'est quand la norme est la même pour tous. Par exemple, la retraite a 60 ans. Ou à 62 ans. Ce qui paraît relever du bon sens ne va pourtant pas de soi. L'égalité apparente de droit dissimule souvent une inégalité réelle de fait. Ainsi, en fixant un âge légal identique pour tous sans tenir compte du fait que l'entrée sur le marché du  travail se fait entre 16 et 26 ans, on pénalise ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt. Doublement. Celui qui travaille à 16 ans finance par son travail et ses impôts un système éducatif public dont il a été exclu, qui bénéficie à ceux qui y sont restés et il devra désormais cotiser pendant 46 ans avant de pouvoir bénéficier d'une retraite. La France aime bien l'égalité formelle, celle qui proclame une égalité de droit de façade. Certains ont trouvé la solution : remplacer l'égalité par l'équité. L'équité conduit à prendre en compte la situation de chacun pour aboutir à une égalité effective, ce qui conduit à des règles particulières. Le concept a parfois été utilisé pour remettre en cause l'idée même d'égalité et aboutir à une divisibilité des groupes sociaux excluant quasiment toute idée de solidarité sans laquelle la notion d'équité n'a pourtant aucun sens.

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Yves Tanguy - Divisibilité indéfinie - 1942
Il est en effet absurde d'opposer égalité et équité, car cela conduit inévitablement à buter sur les limites de chaque notion. L'exigence est d'articuler les deux afin les conforter et de les garantir. C'est en effet en étant équitable que l'égalité est réelle, et c'est par sa fin égalitaire que la différenciation au nom de l'équité se justifie. L'application de ces principes conduirait, en matière de retraite, à fixer une règle égalitaire qui impose à tous le même temps de travail (donc à raisonner en terme de temps cotisé et non de volume de cotisation -ce qui exclut le rachat par exemple-) et qui permet de faire valoir ses droits dès que le temps de cotisation est atteint. Ce qui fixe l'âge de la retraite à la durée exigée de cotisation + 16 ans. Soit, pour une durée de cotisation de 42 annuités par exemple, un âge de la retraite à 58 ans pour ceux qui ont travaillé le plus tôt, et de 67 ans pour ceux qui ont commencé à travailler à 25 ans. Et l'on comprend dès lors pourquoi c'est rarement sous cet angle que la question est abordée.

17/06/2010

La tentation de Napoléon

Le mouvement est de grande ampleur, il touche tous les domaines et s'inscrit dans une même logique. Je ne l'illustrerai que sur les champs d'activité qui sont les miens. De quoi s'agit-il ? d'un mouvement de centralisation, de concentration, sans précédent. Que l'on en juge : dans le cadre de la RGPP (révision générale des politiques publiques), l'Etat créé de grandes administrations qui seront pilotées depuis le niveau régional, qui devient le niveau opérationnel en lieu et place des échelons territoriaux. Sont ainsi créés les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) qui se substituent aux DRTEFP et DDTEFP. Cette évolution s'inscrit dans la voie de la réforme de 2004 qui a fait des Préfets de région les supérieurs de fait des Préfets de département. Dans le champ de la formation, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) concentre 1 milliards d'euros sur les 6 milliards gérés par les OPCA, voués eux-même à une concentration qui va diminuer leur nombre par 2 ou 3. Dans le champ de l'emploi, l'ANPE et l'UNEDIC ont généré POLE EMPLOI qui n'en finit plus de se mettre en place. Le Parlement finit de voter une réforme des Chambres de commerce qui créé des grandes chambres régionales qui récupèrent une grande partie des compétences des chambres territoriales. Les Universités s'agrègent, et parfois fusionnent, au sein des Poles de Recherche et d'Enseignement Supérieur (PRES) qui regroupent Universités, Grandes Ecoles et Centres de recherche.  Pourquoi ainsi regrouper, concentrer, fusionner, parfois à marche forcée ? pour faire des économies d'échelle entend-on le plus souvent. Peut être. Mais peut être aussi pour se rassurer quand tout nous échappe et se donner l'illusion de garder la maîtrise des évènements.

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Paul Delaroche - Napoléon abdiquant à Fontainebleau - 1845

Appelons cela la tentation de Napoléon. Faire remonter tous les pouvoirs vers le niveau central afin que celui-ci dispose de tous les leviers possibles pour agir. La tentation autoritaire est forte en période de crise. Celle de l'homme, ou de la femme, providentiel(le) également (mais si il y eut des femmes providentielles dans l'histoire de France, cherchez bien). Le fonds Jacobin français, que l'on trouve autant à droite qu'à gauche, fait le lit de ce centralisme à tout crin. Centraliser c'est pourtant fragiliser. C'est faire dépendre de quelques uns le sort du plus grand nombre. C'est n'avoir ni garde fous (belle expression) ni contre pouvoir. C'est prenre le risque du coup de fatigue de Napoléon. On pourrait penser que c'est exactement le contraire qu'il convient de faire en période de crise : décentraliser, déléguer, faire confiance, favoriser les initiatives, encourager l'action, favoriser les petits collectifs de proximité, promouvoir les expérimentations, donner de la souplesse, ....oui on pourrait le penser. Mais il faudrait surtout le faire. Or c'est exactement l'inverse qui sous nos yeux se met en place.

15/06/2010

Un temple bien mal gardé

La concurrence n'a pas bonne réputation. Elle annoncerait la marchandisation, le règne de l'argent, la perte des valeurs, la recherche éperdue du profit et des individus sans foi ni loi qui en assurent la promotion dans leur seul intérêt. Peut être en est-il parfois ainsi. Sans doute aussi le marché n'est-il pas l'unique référence et mode de régulation de tous les rapports entre les individus. Ce blog a d'ailleurs déjà pointé les limites d'une approche client-fournisseur dans la relation salariale. Mais lorsqu'il existe un marché, le fait que la concurrence soit respectée n'est pas générateur de vice mais plutôt de vertu. Il n'est que de voir comment les entreprises n'ont pour objectif que d'échapper à la concurrence : par la concussion, par l'entente, par le réseau d'influence, etc. La véritable concurrence promeut un principe égalitaire suivant lequel tout le monde est admis à concourir sur la base des mêmes règles. Ce principe égalitaire est également celui des services publics. Egalité de traitement des usagers ou bénéficiaires de l'action publique. Dès lors, les tenants du service public ne devraient pas s'arc bouter sur l'opposition, souvent factice, entre service public et concurrence, mais au contraire rechercher leur complémentarité. C'est ce que vient de faire le tribunal administratif de Limoges en condamnant le Conseil régional du Limousin à revoir ses procédures d'attribution de subventions pour la mise en oeuvre de son service public régional de la formation. L'un des organismes bénéficiaires, n'y tenant plus, vit dans cette décision les marchands réinvestir le temple dont il n'aurait qu'un souhait, les chasser.

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Le Greco - Jesus chassant les marchands du temple

Le problème est que l'organisme en question n'est pas Jésus et ne poursuit les mêmes fins ni n'a les mêmes intérêts. Les siens étaient qu'on le laisse se faire subventionner en rond avec quelques autres  et que perdurent les rentes de situation. Le juge met le holà à ces pratiques. Lorqu'un Conseil régional met en oeuvre un service public régional de la formation, tout organisme doit pouvoir prétendre y participer dans les mêmes conditions dès lors qu'il accepte de se soumettre au cahier des charges spécifique de l'intervention au sein d'un service public. Et rien n'a jamais démontré que, par nature, un service public fonctionne mieux lorsqu'e ces opérateurs sont publics que lorsqu'ils sont privés (la proposition inverse étant tout aussi absurde). Prenons un exemple : si certains services d'eaux privés fonctionnent moins bien que des services publics municipaux ce n'est pas en raison d'une différence ontologique entre les deux modes d'organisations, mais tout simplement parce que cela fait longtemps que le marché de l'eau en France ne fonctionne plus de manière concurrentielle et que les relations de proximité entre élus et prestataires ont généré de bien douteuses pratiques. Un retour à une saine concurrence ferait sans doute à la fois baisser le prix de l'eau et gagner en qualité. Il en va de même en formation. Pour en savoir plus, la chronique rédigée pour l'AEF avec Jean-Marie Luttringer et consacrée au contentieux limougeaud ainsi qu'à un autre contentieux qui a opposé un organisme de formation au FAF Propreté, OPCA du secteur du nettoyage. Bonne lecture.

14/06/2010

Banalité du Football

Enfermé dans ses particularismes, réels ou supposés, chacun peut oublier que ce qui le relie à ses bien nommés semblables est plus important que ce qui l'en différencie. Et même si l'on considère que c'est cette particularité qui fait l'individu singulier. Appliqué au domaine du droit, ce comportement conduit à oublier le droit commun pour ne plus voir que la règle spéciale ou particulière. Or, lorsqu'il tente d'apporter réponse à une situation, le juriste doit d'abord s'interroger sur la règle générale avant de vérifier s'il n'existe pas une règle spéciale. Récapitulons : toute situation est singulière mais je commence par lui appliquer les principes et règles de droit commun, avant de chercher s'il existe une règle spéciale qui doit être prise en compte, auquel cas il faut également vérifier la validité de cette règle spéciale. C'est cette méthode que la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) vient de rappeler au monde du football. Comme beaucoup d'autres, le milieu du football est enclin à produire ses propres règles et à considérer qu'elles seules lui sont applicables. Mais nul ne saurait échapper à la règle commune, sinon ce ne serait pas très bon signe pour la démocratie qui s'est substituée, paraît-il, au régime des princes il y a quelques centaines d'années.

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Nicolas De Stael - Parc des Princes

On se souvient de l'arrêt Bosman qui, le 15 décembre 1995, mit fin à la limitation du nombre de joueurs communautaires par équipe au nom de la libre circulation des travailleurs, devenue depuis la libre circulation des citoyens. Une manière comme une autre, mais plutôt concrète, de faire l'Europe. Le rappel du droit commun intervient de nouveau dans une affaire jugée le 16 mars 2010 qui opposait l'Olympique Lyonnais à un jeune joueur parti à Newcastle après sa sortie du centre de formation. Dans un tel cas, la Charte du football prévoit le versement d'une indemnité au club formateur. La CJUE vient de rappeler l'application du droit commun des clauses de dédit formation à une telle situation. De ce fait, l'indemnité à verser doit être proportionnelle aux frais engagés par le club formateur et ne peut être uniquement une pénalité ou des dommages intérêts destinés à sanctionner un comportement. Mais déjà certains s'émeuvent, le juge lui-même n'ayant d'ailleurs pas été insensible à l'argument, qu'une telle décision n'encouragera pas les clubs à former mais plutôt à aller "piller" les centres de formation de clubs plus naïfs. Ceux-là découvrent que lorsqu'une entreprise forme ses salariés ce n'est jamais uniquement pour elle-même. Il leur reste à découvrir que pour conserver quelqu'un dans l'entreprise, il existe d'autres moyens que la sanction financière en cas de départ.

11/06/2010

Donner congé pendant un congé

Un salarié peut-il être licencié pendant un congé ? La réponse de principe est positive. Les congés ne constituent pas des périodes de protection et il est vain de tenter de se mettre à l'écart de l'entreprise lorsqu'elle tangue et que des salariés passent par dessus bord. Bien évidemment, tous les congés étant des droits, le motif du licenciement ne pourra pas être l'exercice du congé lui-même. Mais il pourra s'agir d'un licenciement pour faute, découverte à l'occasion de l'absence le plus souvent, ou d'un licenciement économique qui loge le salarié en congé à la même enseigne que ses collègues. Le droit du travail ne connaît que deux exceptions : le congé maternité et le congé pour accident du travail ou maladie professionnelle pendant lesquels tout licenciement est impossible. Question d'Aurélie aujourd'hui : "Et le congé paternité ?" Ah oui tiens, je ne m'étais jamais posé la question, et le congé paternité ? pris aujourd'hui par 75 % des pères, il a une durée de 11 à 18 jours (naissances multiples) et doit être pris dans les quatre mois suivant la naissance de l'enfant. Le père est-il, comme la mère protégé ? Peut-il prendre sereinement le temps, comme Odilon Redon, si c'est un garçon, ou Picasso, si c'est une fille, de peindre son enfant ?

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Odilon Redon - Arï au col marin
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Picasso - Maya à la poupée

Après vérification, le Code du travail ne prévoit aucune protection particulière pour le père pendant le congé paternité. Pourquoi ? sans doute parce qu'il est de courte durée et n'a pas vraiment d'effet sur la situation du salarié. Plus fondamentalement parce que si le congé maternité fait l'objet d'une protection c'est pour sécuriser totalement la période de naissance de l'enfant. Les progrès de la science étant ce qu'ils sont, les pères n'accouchent toujours pas et la protection ne se justifie pas. Les situations n'étant pas égales, il est compréhensible que les droits ne le soient pas non plus. Que cela n'empêche pas les pères de continuer à utiliser ce congé sexué, qui est réservé aux pères par la lettre du Code du travail et que la Cour de cassation de ce fait refuse aux demandeurs qui ne sont pas le père (le demandeur ne pouvant justifier de la qualité juridique de père n'a pas droit au congé, ainsi jugé pour un couple de femmes dont l'une venait d'être mère). A l'occasion d'une des décisions sur ce sujet, la Cour de cassation a rappelé que le juge fait du droit et non de la morale : en l'état des textes, le congé est réservé au père et il revient au législateur de modifier les textes s'il souhaite en faire bénéficier le conjoint de la mère en toutes circonstances et sans que la filiation ne soit établie. Le législateur n'ayant pas, contrairement à l'Espagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark, la Norvège ou la Suède, validé l'adoption par un couple de même sexe, on doute qu'il trouve le temps dans son agenda de placer un projet de loi sur l'extension du congé paternité à tous les conjoints, pacsés ou concubins. D'autant que le dernier rejet d'une proposition de loi sur l'adoption par les couples du même sexe par le Sénat date du 25 mars dernier. Seuls les pères pourront donc utiliser le congé et éventuellement pendant celui-ci se voir donner congé.

10/06/2010

Bon appétit !

La restauration est une affaire sérieuse, il s'agit ici de table et non de tableaux, qui n'admet pas l'approximation. La Cour de cassation a eu l'occasion de le rappeler dans une décision du 30 mars 2010 à propos d'un conflit opposant un comité d'entreprise à un employeur. L'affaire était la suivante : l'employeur gérait le restaurant d'entreprise depuis plusieurs années. Il lance un nouvel appel d'offres et sélectionne un prestataire qui lui fait réaliser une économie sur le coût des repas. Le comité d'entreprise, qui jouit d'un monopole de gestion des activités culturelles et sociales dont fait partie le restaurant d'entreprise, réclame à l'entreprise la différence, soit l'économie réalisée, estimant que l'employeur ne peut baisser sa contribution au financement des activités culturelles et sociales. La Cour d'appel déboute le comité au motif que seules les activités dont le comité assure la gestion sont concernées. La Cour de cassation infirme cette analyse : le montant des dépenses réalisées au titre des activités culturelles et sociales comprend les activités gérées par le comité d'entreprise plus celles gérées par l'employeur. Si l'employeur baisse sa participation, le comité a le droit de récupérer la différence. Festin donc pour les élus !

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Jan Van Biljvert - Le Festin des Dieux - 1630

Les articles du Code du travail ont beau avoir été réécrits en 2008, ils datent sur le fond de 1945. Ils sont toutefois souvent peu ou mal appliqués. Le principe, rappelé par la Cour de cassation est pourtant simple : l'entreprise doit consacrer au financement des activités culturelles et sociales une somme qui ne peut varier à la baisse que si la masse salariale elle-même baisse. Ce principe concerne aussi bien les sommes versées au comité d'entreprise pour les activités qu'il gère directement que celles gérées par l'employeur dont ce dernier doit rendre compte au comité pour qu'il puisse exercer son contrôle budgétaire. Un comité d'entreprise est donc légitime à demander à l'employeur le coût de la restauration et à veiller à ce que les dépenses soient maintenues, à défaut à percevoir la différence entre les dépenses de l'année et le montant le plus élevé des trois années précédentes. Le comité d'entreprise peut également, s'il le souhaite, demander à l'entreprise de lui verser l'intégralité des fonds consacrés à la restauration et lancer les appels d'offres lui-même...ou mettre en place des tickets-restaurants. Dans tous les cas : "Bon appétit !".

09/06/2010

Silence et parole verbale

Je me souviens que l'on donnait à l'Université, l'exemple des questions posées au concours d'entrée à l'ENA : "Combien pèse une traverse de chemin de fer ?". Et que l'on attendait du candidat non pas qu'il donne un poids, mais qu'il produise un raisonnement démontrant qu'il était capable de répondre de manière ordonnée, logique, cohérente et avec culture, à n'importe quelle question. Le raisonnement pouvait porter sur la nature de la poutrelle, sur le nombre d'hommes nécessaires pour la porter, sur la longueur raisonnable d'une unité de voie de chemin de fer, tout cela importait peu, l'important était de répondre. S'il est bien une chose que le jury ne supporte pas d'entendre, c'est le silence. Conseillons aux jurys des grandes écoles de contempler les toiles d'Olivier Debré qui, lui, sait peindre le silence.

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Olivier Debré - Sans titre

Si les grandes écoles vivaient dans le mythe de l'encyclopédisme et de l'homme pluridisciplinaire qui associe des connaissances multiples pour produire du nouveau, on applaudirait. Mais il ne s'agit que de la vérification de la capacité à produire un discours sur tout sujet, une réthorique qui diffusel l'illusion qu'il est possible d'avoir un avis sur tout chose, que la nécessité d'avoir réfléchi à une question n'est rien au regard de la capacité à en dire quelque chose. Nos sondeurs reproduisent le paradigme en considérant que tout avis se vaut et s'additionne quel que soit le degré de maturation de la question posée. Remercions ici ceux qui déclinent de répondre à des questions auxquelles ils n'ont pas réfléchi, qui refusent de colporter du prêt à penser (ah cet ouvrage sur l'art contemporain feuilleté récemment qui se propose de vous initier à l'art avec des rubriques du style : ce que l'on peut voir, ce que l'on peut en penser, ce que l'on peut en dire...) et qui osent le "je ne sais pas" sans culpabilité et avec naturel. Comme l'on dit dans le Sud-Ouest, la compétence passe parfois par moins de parole verbale et un peu plus de silence.

08/06/2010

Champagne !

Les soirées étaient peut être ennuyeuses. La répétition n'a pas été vécue dans le plaisir. Ou bien les cocktails dinatoires ont-ils désavantageusement arrondis la silouhette du salarié. Il est vrai que manger debout n'est pas conseillé et que les appétizers rivalisaient de sauce et ce crème. On ne sait d'où vint le mécontentement du visiteur médical qui consacrait ses soirées à des réunions scientifiques organisées sous forme de cocktails mondains et professionnels. Toujours est-il qu'il réclama des heures supplémentaires pour le temps passé à dévorer petits fours et tenir conversation. L'employeur refusa au motif que le salarié était libre de ses mouvements, sans que l'on sache au juste quelle ampleur il accordait au mouvement. Sans surprise la Cour de cassation a donné raison au salarié : le cocktail était une obligation professionnelle, il devait entrer dans le calcul du temps de travail (Cass. soc., 19 mai 2010).

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Max Ernst - Cocktail Drinker - 1945

Le critère du temps de travail n'est pas à titre principal la liberté de mouvement. Il réside dans la prescription, ou non, de l'activité. Le salarié qui déjeune, ou dîne, avec les clients, ne travaille que si le déjeuner est une obligation imposée par l'entreprise. Pas s'il répond de lui même à une invitation du client, et pas même s'il invite librement le client, l'entreprise remboursant les frais de repas. La prise en charge des frais professionnels est en effet d'une nature différente de la mise à la charge du salarié d'une obligation professionnelle. Ce critère peut être appliqué aux activités ludiques organisées par l'entreprise (repas de fin d'année, fêtes, sorties, etc.). Soit l'activité est obligatoire et il s'agit de travail qui doit être compté et rémunéré, soit il s'agit d'une activité facultative mais alors elle entre dans le champ des activités culturelles et sociales et le comité d'entreprise peut en revendiquer le budget. Dans tous les cas, champagne !