22/01/2011
Chronique du week-end : l'énigme de Rambouillet
Des rires festifs vous parviennent depuis l'embarcation, mais le vent qui agite les grands arbres les rend confus, lointains, effacés, et pourtant tellement présents. Vous souriez à la scène et l'envie vous prend d'être parmi ceux qui se rient du mouvement de l'eau. Mouvement ? n'est-il pas étrange que l'eau du lac soit si agitée ? cette infime question pourrait être écartée sans y prendre garde : le vent bien sûr, le vent. Mais l'angoisse a pris appui sur le questionnement et gagne du terrain. Vous remarquez l'arbre mort au milieu de la nature généreuse, vous distinguez une lumière dont la source est à la fois devant vous, au dessus de vous et à l'est, derrière les arbres. Cette lumière ne peut exister. Et soudain les arbres prennent la figure de colosses prédateurs dont l'immobilité dissimule mal la promptitude. Au devant de quelles catastrophes s'avancent les inconscients navigateurs ?
Jean-Honoré Fragonard - La fête à Rambouillet - 1780
Et ces ombres dans les sous-bois qui ont forme humaine ne sont-elles que des statues ayant investi des abris naturels, s'agit-il d'une végétation anthropomorphe ou bien quoi ? Le tableau est un défi à la nature. L'innocence, la gaité, la joie, le plaisir vous seront les meilleurs atouts pour l'affronter le moment venu. Si l'énigme avait une clé, peut être pourrions nous la chercher dans cette déclaration de Fragonard : "Tire toi d'affaires comme tu pourras m'a dit la nature en me poussant à la vie". La nature vous éjecte dans les flots tumultueux de la vie, avant de vous ingérer sans coup férir. Entre les deux ? la volonté de parcourir l'espace ainsi offert, d'y goûter les plaisirs que vous jugerez loisible de vous autoriser et le jeu comme une volonté de bonheur. Ne réfléchissez pas, votre place n'est pas à réserver, il vous suffit juste d'embarquer...ah c'est déjà fait...alors bon vent !
Et si vous voulez une autre version de l'énigme, essayez Nougaro :
13:23 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END, TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fragonard, rambouillet, peinture, énigme, week-end, nougaro
04/01/2011
Déverouiller ? plutôt tirer le verrou
Pour se faire entendre au milieu de la neige, des trains perdus de la SNCF, des voitures un peu moins brûlées mais peut être pas et des faits divers qui constituent l’essentiel de l’actualité qui doit bien être meublée par ces temps de chômage galopant, bref si vous voulez émerger du brouhaha médiatique, une seule recette : les 35 heures.
Gérard Longuet fut le premier à s’y essayer sous l’effet de la mauvaise conseillère qu’est la colère de n’avoir pas été nommé ministre. Frappant le premier, il n’a pas lésiné : l’euro ou les 35 heures il faut choisir. Jean-François Coppé s’est dit que sa nomination à la tête de l’UMP ne suffirait pas à faire le buzz et il a pris le relais un œil rivé sur l’audimat : avec l’air sérieux d’un futur candidat et le sourcil légèrement froncé il assure qu’il faudra bien y revenir. Et le dernier à s’y coller est Manuel Valls, qui veut déverouiller les 35 heures au nom de la compétitivité. Si l’horizon à atteindre est le coût du travail chinois, ce ne sont pas les deux à trois heures évoquées qui y suffiront. Mais sa proposition est si peu compréhensible (travailler plus au même prix pour augmenter le pouvoir d’achat : je dois avoir des lenteurs d’après réveillon, mais cela reste bien mystérieux en pratique) qu’elle masque mal que l’essentiel n’est pas là mais de faire la une des gazettes puisque jusque-là, et peut être même après, tout le monde se fichait de sa candidature à la candidature. Ne reste plus qu’à attendre la reprise du sujet par Sarkozy au prétexte stratégique que c’est clivant avec la gauche (entendez : ça fout le b…au PS).
Fragonard - Le verrou - 1777
Tout le monde aura remarqué que ceux qui pourraient éventuellement se saisir du dossier, le Ministre du travail ou les partenaires sociaux, ont soit évité de relayer ce qui ne le mérite pas, soit répondu de manière technique, et clos le débat. En effet, les 35 heures c’est soit une question de droit du travail, et on voit mal comment la loi seule remettrait en cause les milliers d’accords collectifs conclus sur le sujet dont elle ne peut modifier de manière unilatérale une partie des dispositions sans allumer un gigantesque incendie social, soit une question d’exonérations de charges, et cela fait belle lurette que les exonérations ne sont plus liées à la réduction du temps de travail mais au niveau des salaires. Bref, beaucoup de bruit pour rien. Le problème est que nous ne sommes que le 4 janvier et que si le débat électoral de 2012, dont vous n’aurez pas la faiblesse de penser qu’il n’a pas déjà commencé, se poursuit sur ces bases, il ne restera qu’à prendre conseil auprès de Fragonard, à tirer le verrou plutôt qu’à déverouiller, et ouvrir le rideau de la vie privée pour éviter le débat public. Bonne nuit !
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : 35 heures, coppé, sarkozy, longuet, valls, parti socialiste, droit du travail, fragonard, présidentielle, primaires
03/01/2011
2011, première !
2011 est un nombre premier. Le prochain sera 2017. Six ans, c’est long. Alors 2011 année des premières ?
Que ferez-vous pour la première fois en 2011 ? contrairement aux bonnes résolutions, pas nécessaire, et pas souhaitable, d’en dresser la liste a priori. Il suffit juste de se rappeler que c’est en faisant ce que l’on a jamais fait que l’on apprend et que la volonté n’est ni suffisante ni toujours nécessaire, en tous les cas moins que de rester disponible pour les heureux hasards.
Fragonard - Les hasards heureux de l'escarpolette - 1767
Que l'année 2011 soit donc riche pour vous en premières fois et en heureux hasards.
Bonne année à toutes et à tous.
00:05 Publié dans DES IDEES COMME CA, PEDAGOGIES, TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bonne année, 2011, escarpolette, peinture, fragonard, hasard, pédagogie, apprendre, éducation
20/12/2010
Rupture conventionnelle et transaction : halte au bluff !
Il se trouvera bien quelques avocats pour dire : "On vous l'avait bien dit !" et proclamer qu'il faut éviter la rupture conventionnelle et préférer la bonne transaction qui règle toutes vos affaires. Pourquoi ? parce que la Cour de cassation vient de juger le 15 décembre dernier qu'une rupture conventionnelle ne peut interdire au salarié d'intenter une action en justice contre son employeur. Ce dernier avait pourtant pris la précaution d'indiquer dans la convention que le salarié "renonce à toute contestation des conditions et de la rupture de son contrat de travail". Sur cette base, la Cour d'appel avait débouté le salarié de sa demande de rappel de salaires. A tort dit la Cour de cassation, la phrase n'est que bluff et ne peut priver le salarié du droit d'aller en justice.
Fragonard - Blind man's bluff (colin-maillard) - 1751
Le problème est que le bluff est identique lorsqu'une telle phrase figure dans une transaction. De manière régulière, les juges acceptent des demandes de salariés qui ont conclu des transactions comportant une clause qui précise que "revêtue de l'autorité de la chose jugée, la présente transaction interdit au salarié de saisir les tribunaux pour tout différend né ou à naître relatif à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail". Comme dirait Jacques Chirac, ces clauses juridiquement tournées n'engagent que ceux qui y croient. Bluff ou droit psychologique, au choix, et dans tous les cas ignorance, on y croit pas trop, ou mauvaise foi du rédacteur. En effet, la Cour de cassation juge de manière constante que la transaction et ses effets sont limités au règlement des litiges qu'ils listent. De ce fait, un salarié peut saisir le juge pour faire valoir ses droits relatifs à des souscriptions d'action même s'il a signé une transaction comportant la mention "les parties renoncent de la manière la plus expresse à formuler toute réclamation que ce soit pour quelque cause que ce soit" (Cass. soc., 8 décembre 2009). Raté. Ou encore, la Cour suprême a permis à un salarié ayant transigé sur la rupture de son contrat en reconnaissant dans la transaction n'avoir plus aucun litige d'aucune nature lié à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail, de réclamer un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement (Cass. soc., 2 décembre 2009). Encore raté. Et l'on pourrait multiplier les exemples.
Le principe est pourtant simple : il n'existe pas de clause valide qui sécurise totalement l'entreprise contre un recours du salarié. Après une rupture conventionnelle, le salarié peut saisir le juge pour des heures supplémentaires ou du harcèlement, mais il peut également le faire après une transaction indemnisant la rupture du contrat de travail. Le désistement total d'instance est trop chose trop grave pour qu'on l'accepte sans modération, et puis manifestement les juges n'aiment pas le bluff. Peut être, par contre, aimeraient-ils jouer à colin-maillard chez Fragonard, et en l'espèce ils le méritent bien.
23:42 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : colin-maillard, bluff, fragonard, peinture, rupture conventionnelle, transaction, droit du travail, jurisprudence, autorité de la chose jugée
24/06/2010
Légal n'est pas moral
A première vue, le tableau est tout à fait licencieux, délicieusement érotique. Le lit est ouvert, le rideau rouge déborde de sensualité, les mollets du jeune homme sont bien tendus et galbés, la belle ne résiste guère que pour rajouter du piment à la situation. La morale n'a pas sa place ici. Pourtant, un détail attire l'oeil. La pomme rouge sur la table n'est pas que le fruit de l'amour, elle renvoie également au pêché originel. Et le verrou qui se ferme clos le paradis dont les amoureux sont chassés. Voici un rappel à l'ordre bien moral.
00:44 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christine boutin, mission parlementaire, immoral, morale, fragonard, le verrou, droit
26/03/2010
Jardins à la française
Le représentant de l'Etat a l'image qui porte : "Notre intention ce n'est pas le jardin à la française dans sa version caricaturale où tout est au carré et identique. Regardez bien les jardins de Versailles, de grandes allées pour voir et comprendre, et des bosquets qui sont tous différents. Il peut y avoir organisation d'ensemble et diversité dans le détail". Ainsi présenté, l'affaire est séduisante : des principes structurants, les allées, et des différences qui s'épanouissent dans les bosquets. Les jardins à la française ne m'ont jamais séduit mais peut être étais-je bloqué sur leur caricature. Allons y voir donc.
00:05 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réforme, opca, etat, administration, jardin, buissonnier, fragonard, bosch, peinture, art
13/11/2009
Des français à New York
On rencontre à New York beaucoup de français, et pas que des touristes ou des expatriés. Trois rencontres au hasard des pas aujourd'hui. La première à la New York Public Library. En lien avec la chronique d'hier, étaient présentées plusieurs éditions rares du "Candide ou l'Optimisme" de Voltaire. Preuve que l'optimisme n'est pas qu'américain. Il est vrai que l'ouvrage a deux siècles ! Quand à la NYPL, elle s'ouvre sur les mots de Toni Morrison :"L'accès au savoir est le superbe et suprême acte d'une véritable grande civilisation. La NYPL est à cet égard à la fois le symbole et la concrétisation de ce que la civilisation a de meilleur à offrir".
05:44 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, fragonard, porzamparc, new york, identité nationale, citoyen du monde
22/05/2009
Comment vous formez-vous ?
Je ne vais jamais en formation...sauf pour être formateur. Au cours du séminaire organisé jeudi 14 mai 2009 par Jean-Marie Luttringer sur l'apport de la jurisprudence au droit de la formation, je songeai soudainement que je n'allai jamais en formation. Mais que j'avais plaisir à avoir un échange avec Marie-Laure Morin, toulousaine et conseillère à la Cour de cassation (l'usage à la Cour est de dire conseiller même pour les femmes, mais bon, les usages en ce domaine...) et que cet échange excitait ma réflexion et mon désir de découverte, et qu'au final après quelques heures de débat, j'avais l'agréable sentiment d'avoir appris énormément et surtout de m'être ouvert de nouveaux champs de réflexion, avec de nouvelles et bien belles clés des champs. Echanges entre pairs, travail de réflexion, recherche et lecture des bons auteurs (ce qui est une autre manière d'échanger), travail de conceptualisation, mise en situation de production, analyse des productions réalisées....les manières de se former ne manquent pas et la conversation socratique comme mode pédagogique n'est pas vraiment une nouveauté. Ecire, ou peindre, c'est aussi une manière d'apprendre.
00:05 Publié dans PEDAGOGIES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, apprentissage, pédagogie, expérience, fragonard
03/02/2009
Le droit et la morale
Le droit est une technique, pas une morale. Il n'est bien évidemment pas dépourvu d'intention, mais son utilisation peut donner lieu à de telles variantes, que l'on cherchera plutôt la morale dans l'intention de l'utilisateur du droit que dans la règle elle-même. Ne pas confondre droit et morale c'est à la fois éviter de vouloir faire parler une règle qui souvent n'en peut mais, et s'obliger à prendre la responsabilité de son comportement sans se défausser sur la règle.
Le Conseil d'Etat vient de nous rappeler ce principe à l'occasion d'une décision adoptée le 17 décembre dernier : un salarié protégé rompt son contrat de travail en prenant acte de la rupture du contrat du fait de l'employeur. Il saisit ensuite les prud'hommes pour obtenir des dommages et intérêts pour faute de l'employeur (modification du contrat de travail sans l'accord du salarié). L'employeur saisit l'inspecteur du travail pour licencier le salarié : incompétent répond à juste titre celui-ci. Le contrat de travail est rompu par la prise d'acte, autoriser le licenciement n'aurait pas de sens. Le Conseil d'Etat confirme. Dès lors il est évident que les entreprises et salariés protégés qui veulent se séparer sans passer par l'inspecteur du travail pour valider un licenciement ou une rupture conventionnelle ont la marche à suivre : demande de résiliation judiciaire par le salarié ou prise d'acte, avec transaction à la clé....parfois signée avant la rupture du contrat de travail et antidatée. Le droit est une technique disions-nous, la morale l'affaire des parties.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : salarié protégé, représentant du personnel, inspecteur du travail, fragonard, morale, rupture conventionnelle
30/12/2008
Faute d'amour
On se souvient de l’affaire Gabrielle Russier, il y a tout juste quarante ans, cette enseignante condamnée à la prison pour avoir été amoureuse d’un de ses élèves, mineur, comme l’ont raconté le film d’André Cayatte avec Annie Girardot, les chansons de Charles Aznavour, Serge Reggiani et Anne Sylvestre. Jugement sans appel d’une société fermée que Mai 68 s’efforçait d’ouvrir ? temps révolu où le jugement moral pesait le plomb ? passé si lointain qu’il en paraît peu croyable ? voire. Sans doute cette affaire n’est-elle pas revenue en mémoire des juges de la Cour d’appel de Paris qui ont le 30 octobre 2007, mais la décision vient d’être publiée ce mois ci seulement par la Revue de Jurisprudence Sociale, approuvé le licenciement d’un professeur de danse coupable d’avoir écrit des lettres d’amour à une de ses élèves (CA Paris, 30 octobre 2007, n° 05-3486).
14:07 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gabrille russier, fragonard, amour, faute grave, licenciement, danse