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02/01/2014

Un bleu qui pétille

On peut être face à la méditerranée et se souvenir de ce poème de Cendrars :

L'Océan est d'un bleu noir le ciel bleu est pâle à côté

La mer se renfle tout autour de l'horizon

On dirait que l'Atlantique va déborder sur le ciel

Tout autour du paquebot c'est une cuve d'outremer pur

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Il suffit de se mettre en situation, et même les tableaux de Nicolas de Staël se présentent au sein du grand bleu.

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A partir de là, on sait que tout ba bien, le rêve a repris sa place, le corps est sorti du trou, ça pétille de nouveau, c'est la nouvelle année !

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17/05/2013

De la main

De tradition et par nature, l'Etat en France, a rarement la main amie, au sens où l'amitié établit de fait une égalité entre ceux qui se l'accordent  mutuellement. L'Etat, autrement dit ceux qui agissent en son nom, a toujours conservé, nonobstant la République, une main royale qui peut à l'occasion être une main bienveillante, mais qui n'est jamais une main amie car elle se refuse à connaître l'égalité. L'Etat, comme le Roi, se pense et se veut d'une nature unique et primordiale.

Il ne fait pas de doute que la Conférence sociale qui se tiendra les 20 et 21 juin est une main tendue aux partenaires sociaux. Certains esprits critiques croient y reconnaître la main du noyé sous le poids du chômage qui guette la corde que voudront bien lui tendre les acteurs sociaux. Fausse impression, comme toujours l'Etat organise un dialogue au cours duquel sa main indiquera bien plus le chemin à suivre qu'elle ne s'ouvrira amicalement pour une invitation  où tout peut se dire et tout est envisageable, faute de quoi il n'est point d'amitié.

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Main de Blaise Cendrars

Dans le domaine de la formation professionnelle, en effet, les dés sont apparemment jetés. Comme l'a encore répété  Hollande lors de sa conférence de presse, après que Sapin ait annoncé la couleur, il s'agira de réorienter les fonds de la formation vers ceux qui sont considérés comme prioritaires : les salariés les moins qualifiés et les demandeurs d'emploi. Pour ce faire, il suffit de rappeler aux partenaires sociaux que l'obligation légale de financement de la formation est une taxe fiscale et qu'il revient donc à l'Etat de décider de son affectation de principe, les modalités de mise en oeuvre pouvant être déléguées. Car l'Etat aime bien la délégation qui voit le délégataire faire ce qu'on lui dit, voire dicte. Dans ces conditions, l'enjeu de la Conférence sociale se réduira à choisir entre  embrasser la main à laquelle on va obéir ou bien refuser de le faire et se préparer à la gifle qui en résultera.

Blaise Cendrars, dont les oeuvres autobiographiques viennent de paraître en Pléiade accompagnées d'un très bel Album, écrivait beaucoup. Il inscrivait parfois en bas de ses lettres "avec ma main amie", la seule qui lui restait et qu'il offrait sans partage, car il avait lui, le sens de l'égalité.

13/01/2013

Manif !

Jour de manif aujourd'hui. La CGT  et FO contre l'accord sur la sécurisation de l'emploi ? l'ensemble des organisations syndicales pour réaffirmer, en ces périodes de chômage de masse, qu'il ne suffit pas de dire que l'emploi est prioritaire mais qu'il faut en tirer les conséquences ? les acteurs de l'économie réelle qui protestent contre les conséquences de la financiarisation de l'économie ? mais non, juste une manif pour que le mariage ne soit pas possible entre personnes du même sexe. Gageons que l'on ne lira pas sur les pancartes cette proclamation de Picabia : " Dieu a créé le concubinage, Satan le mariage".

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Picabia et Cendrars - Tremblay sur Mauldre - 1923

31/12/2012

Avant de partir

Dernier jour de l'année. Comme en musique, une pause. Celle qui permet aux notes d'avant, et d'après, de s'assembler. Si en peinture une couleur n'est-elle même qu'en fonction des couleurs qui l'entourent, en musique les notes sonnent au sein des espaces de silence dans lesquels elles s'insèrent. Temps de pause donc, la tête sourit au corps qui goûte au repos des muscles et prend plaisir au relâchement. Retour de la pleine conscience, signe que bientôt, il faudra partir.

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Tu es plus belle que le ciel et la mer


Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir

Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises

II y a l’air il y a le vent
Les montagnes l’eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre

Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends

Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir manger boire
Siffler
Et apprendre à travailler

Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t’en

Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l’œil
Je prends mon bain et je regarde

Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes
Je sors de la pharmacie
Je descends juste de la bascule
Je pèse mes 80 kilos
Je t’aime

Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1924

03/07/2010

Terzieff

Les textes étaient magnifiques : Hoelderlin, Cendrars, Adamov, Rilke...Toutefois, leur densité et leur enchaînement ne permettait pas de les habiter totalement. L'émotion n'avait pas toute la place pour se répandre. Le spectacle était prenant, mais une légère insatisfaction subsistait. Et puis le dernier mot du dernier texte fut dit. Et Laurent Terzieff, qui était seul en scène et récitait des textes choisis par lui pour la représentation intitulée "Florilège" et présentée au Lucernaire, se tut. Il s'avança sur scène et se figea. La tête haute. Le regard très loin au devant de tout. Avec nous pourtant. Et cela dura. Cela dura un temps long, infini qui dure encore. La présence de Laurent Terzieff à  cet instant illumina la salle obscure comme jamais lumière n'avait défié le temps, l'espace, la vie. S'il est dans la vie des instants de grâce, il en est de plus rares où l'indicible plénitude de l'instant s'accomplit dans un silence sacré. Ainsi paraissait Laurent Terzieff qui ne paraîtra plus.

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Laurent Terzieff était le tragique de la vie incarnée avec la légèreté de l'enfant. Voici ce qu'il déclarait pour présenter Florilège :
La poésie fait parole de ce qui, avant elle, ne l'était pas, et qui par elle le devient. Parole de ce qui avant elle et sans elle, ne saurait être dit. Elle constitue une ouverture vers cette face invisible du monde qui existe en dehors de nos représentations, et qui nous relie à tout et à tous, qui réconcilie toute chose, même les contraires, jusqu'à nous faire entendre le silence des mots, jusqu'à réconcilier nos rêves de la nuit et le rêve éveillé de nos journées. En visitant le monde à l'intérieur de chacun de nous, elle abolit la coupure originelle entre l'objet perçu et la conscience qui perçoit. Dans mon travail, en grande partie solitaire, il m'est souvent venu à l'esprit cette exhortation de Saint Benoît : "Soyons présents à la psalmodie, de telle façon que notre homme intérieur s'accorde avec notre voix." Laurent Terzieff.

 

13/04/2009

L'apprentissage de l'autonomie

En 1912, Blaise Cendrars a 25 ans. Il est à New-York. Il est malade, sans le sou. Il marche dans la ville, le jour, la nuit, il marche. Dans sa chambre au terme d'une nuit d'errance il écrit Les Pâques à New-York. Il signe pour la première fois de son nouveau nom : Blaise Cendrars, la braise et la cendre, "Ecrire c'est bruler vif, mais c'est aussi renaître de ses cendres". Au bout du désespoir, Cendrars récuse Dieu et en se nommant s'institue lui-même. L'accès à l'autonomie est douloureux, mais il est un acte de volonté nécessaire : le propre de la condition humaine.

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Béatrice Nourrissier - La foi me manque
(d'après Les Pâques à New-York)

Il faut sans doute avoir  beaucoup désespéré pour être véritablement optimiste. En cette nuit de 1912, dans sa totale solitude et détresse, Cendrars comprend qu'il ne peut compter que sur lui même et qu'il doit aller à la rencontre de tous les autres. Le chemin même de l'éducation.
En ce jour de Pâques, bonne lecture.

02/02/2009

Primum vivere, deinde philosophari

Par deux décisions sans lien apparent entre elles rendues le même jour, la Cour de cassation fait un peu de pédagogie sur l’application du droit. Dans une première affaire, elle considère qu’un cadre dirigeant ne peut avoir cette qualité du seul fait qu’il est désigné comme tel par un accord collectif : il faut vérifier si ses conditions réelles d’emploi remplissent les conditions de la définition légale du cadre dirigeant à savoir un large pouvoir, une rémunération parmi les plus élevées et une liberté quasi-totale d’organisation de son temps (Cass. soc., 13 janv. 2009, n° 06-46.208). Dans la deuxième affaire, un administrateur de société avait conclu un contrat de travail avec cette même entreprise. Contrat nul dit la Cour d’appel car conclu avant la création de la société. Erreur répond la Cour de cassation, l’existence d’un contrat de travail dépend uniquement des conditions dans lesquelles se réalise la prestation et non de la dénomination donnée à la convention ou de la date de signature du contrat (Cass. soc., 13 janv. 2009, n° 07-40.077). On pourrait appeler cela un retour à la réalité. Dans les deux cas, la Cour de cassation nous rappelle que le fait prime et que faire du droit c’est d’abord observer la réalité avant d’aller se perdre dans les règles.

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Sonia Delaunay - Blaise Cendrars - Prose du Transsibérien


Blaise Cendrars aimait la réalité, et c’est en elle qu’il allait se perdre avant d’écrire livres et poèmes. Etre capable de côtoyer toutes les classes sociales avec le même plaisir, de voyager en cabine de luxe sur un transatlantique ou de bourlinguer en fond de cale sur un cargo, être à la fois un gentlemen et un voyou, un poète et un engagé de la première heure dans la première guerre mondiale…bref éprouver le plaisir total de la vie n’a jamais empêché la pensée de se développer, bien au contraire. Vivre c’est penser à condition, comme le rappelle la Cour de cassation, de le faire dans le bon ordre : primum vivere, deinde philosophari.