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02/10/2014

Pas des pantins

La Cour de cassation poursuit son oeuvre humaniste, celle qui consiste à rappeler que la subordination n'est pas la soumission et qu'elle ne saurait créer, comme le pensent certains, un rapport de nature à priver le salarié de toute volonté, ce qui fait bien rigoler ceux qui ont eu un tantinet l'occasion de manager. Revenant sur des positions antérieures plus restrictives, les juges viennent en effet de décider que dès lors qu'il n'y avait pas de fraude ou vice du consentement, il est possible de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié qui est en arrêt pour accident du travail. 

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Les juges actent ainsi la liberté de chacun, sauf à démontrer que l'employeur aurait usé de moyens déloyaux. On peut se réjouir de voir consacrer ce principe d'égalité des volontés à priori et de contrôle d'une fraude éventuelle, plutôt que de penser à l'inverse que le salarié est un pantin manipulé sauf si l'on démontre qu'il est exceptionnellement libre de décider ce qu'il veut. Par contre, on conseillera comme toujours aux individus ainsi dotés de l'autonomie de la volonté de prendre la mesure de la liberté qui leur est reconnue et partant de la responsabilité qui va avec. 

Cour cassation Rupture conventionnelle.pdf

 

29/10/2010

Réappropriation du temps

Le pouvoir rétractile du froid s'est encore vérifié, la chute des températures correspondant à la fonte des cortèges de manifestants. La mobilisation collective touche à sa fin. Tout rentre donc dans l'ordre. Nous travaillerons plus longtemps et nous serons bientôt livrés en essence pour pouvoir le faire.

Que faire pour se prérarer à prendre sa retraite plus vieux ?  passer à l'action individuelle. Faire de la réappropriation du temps, du rythme, de son travail, de sa vie, de sa manière de corporer, un objectif en soi. Ne pas subir. Pour ne pas être contraint par les temps sociaux imposés, il faut créer, ou recréer, un temps personnel habitable. Cela commence tout de suite.

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C'est à la portée de tous, nous sommes en  ce domaine nos pires ennemis. Votre corps et votre esprit vous appartiennent. Il ne tient qu'à vous. Et pour vous entraîner, quelle meilleure période qu'un week-end de trois jours avec une heure de plus volée à la grande horloge du temps. Profitez, vivez l'instant. Par définition, nous avons toute la vie devant nous. Et le meilleur est toujours à venir.

02/07/2010

ZUT !

On connaît les TAZ (Temporary Autonomy Zone : zones temporaires autonomes) popularisées à la fin des années 90 par Hakim Bey. Les TAZ sont des espaces de liberté qui apparaissent et disparaissent, selon la formule de leur inventeur, dès qu'elles sont répertoriées par les Arpenteurs de l'Etat. Les TAZ peuvent exister sur un territoire, dans l'espace, dans le temps ou dans l'imaginaire. Il ne peut s'agir des apéros géants, les participants étant trop consommateurs et trop peu acteurs, et autres formules de rassemblements provisoires festifs mais paradoxalement passifs. Il s'agit  plutôt d'espaces de résistance à tout ce qui est normé, encadré, labellisé, répertorié, géré, identifié, intégré ou digéré. Les TAZ ont inspiré les ZUT : zones d'utopie temporaire.

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ZigZag - Utopie
Les ZUT ont été créés par des artistes qui refusent les espaces publics concédés, subventionnés et balisés. Ils revendiquent la liberté de création en des lieux improbables, fugaces, temporaires. Loin de la muséification permanente. La vie, ce n'est pas le Panthéon. En ces temps de normalisation des activités professionnelles, de centralisation galopante, de small is not beautiful, de contraintes de tous ordres, il est peut être temps de s'approprier les ZUT dans son cadre quotidien et de pratiquer la tactique de Lawrence d'Arabie pour vaincre un ennemi plus nombreux et mieux armé : l'action soudaine, imprévue, innatendue, disparue aussitôt qu'apparue, ressurgissant où on ne l'attend pas sous des formes inconnues. La ZUT individuelle est finalement un outil de résistance, donc un outil de combat, lorsqu'elle est collective elle devient subversive. Mais dieu que c'est bon ! que cent mille ZUT fleurissent !

 

07/07/2009

La racine de la leçon

Dialogue entendu dans un magasin : "Et ta fille, ça marche l'école ?  oh en ce moment pas trop, surtout en maths...je l'ai envoyée voir son père, moi les racines carrées je suis nulle, je peux pas l'aider". En une phrase, deux hérésies. La première est de considérer que l'on ne peut s'intéresser à l'apprentissage de l'enfant que si l'on sait soi même. Depuis  Philippe Jacottot qui enseigna le français à des flamands sans connaître leur langue, on sait qu'il n'en est rien et que l'on peut aider autrui à apprendre ce que l'on ne sait pas par le jeu de questions.

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Johannes Vermeer - La leçon de musique - 1664

Cette mère aurait pu demander à sa fille de lui raconter l'histoire des racines carrées, comment elles fonctionnent, de quoi elles parlent, pourquoi elles sont carrées, que veut dire racine, etc. Et la seconde hérésie découle de la première : enseigner ce n'est pas s'intéresser à la matière enseignée ou pire à soi même,  c'est d'abord s'intéresser à celui qui apprend . Mais le schéma selon lequel donner la leçon est transmettre, ou plutôt "dire", un savoir est encore largement pregnante. Pour enseigner, mieux vaut le jeu, la joie, l'intérêt associés à la rigueur et à la méthode sans lesquelles tout ceci ne tient pas ensemble.
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Balthus - La leçon de musique - 1934

Il n'y a pas qu'une manière d'enseigner. Il serait temps, en ce domaine comme d'autres, de se débarasser des anciens modèles pour gambader dans des champs de liberté dépoussiérés.

13/05/2009

Vite et bien

L’artisan qui lira le titre de cette chronique pourra être choqué : vite et bien ne vont pas ensemble, le travailleur honnête associe depuis Lafontaine patience et longueur de temps. Le vite fait bien fait sent le petit malin qui bâcle, plus ou moins habilement, mais qui ne travaille pas vraiment. Le véritable labeur requiert du temps, dont la patine est la marque de la conscience et de la peine.

Et pourtant, Picasso, Masson, Pollock, Yves Klein, Matisse, Van Gogh,…

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Schroeder-Sonnenstern - La déesse de la hâte

Le rapport au travail est depuis l’origine du salariat un rapport au temps, et demeure fondamentalement un contrôle du temps. Combien d’entreprises ont conclu avec leur encadrement des conventions de forfaits en jours, censées reposer sur l’autonomie des salariés dans l’organisation de leur  temps de travail, sans rien changer à leurs pratiques manageriales de gestion des temps, des présences, et de mesure de l’investissement personnel par le temps passé. Le management par objectif n’est souvent qu’une cautère sur la jambe de bois du manager demeuré ancré dans le modèle industriel et taylorisé de la gestion des temps. Et l’on voit les comptes rendus d’activité, les fiches de temps, les outils de planification, etc. envahir l’espace, et le temps, des salariés. Ce paradoxe pourrait traduire l’impossibilité de dépasser l’oxymore du salarié subordonné et autonome. Il suffirait pourtant d’identifier les champs respectifs de la subordination et de l’autonomie. Le pouvoir de direction peut s'exercer sur la finalité et les moyens à utiliser (manières de faire) et laisser au salarié la liberté, et donc la responsabilité, de son temps. Tiens ? Liberté ? et si le véritable problème était dans l'insupportable que constitue la liberté d'autrui ? vite, des salariés libres et responsables.

Et pour finir, Malcolm de Chazal : "La pensée voyage à la vitesse du désir"

13/04/2009

L'apprentissage de l'autonomie

En 1912, Blaise Cendrars a 25 ans. Il est à New-York. Il est malade, sans le sou. Il marche dans la ville, le jour, la nuit, il marche. Dans sa chambre au terme d'une nuit d'errance il écrit Les Pâques à New-York. Il signe pour la première fois de son nouveau nom : Blaise Cendrars, la braise et la cendre, "Ecrire c'est bruler vif, mais c'est aussi renaître de ses cendres". Au bout du désespoir, Cendrars récuse Dieu et en se nommant s'institue lui-même. L'accès à l'autonomie est douloureux, mais il est un acte de volonté nécessaire : le propre de la condition humaine.

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Béatrice Nourrissier - La foi me manque
(d'après Les Pâques à New-York)

Il faut sans doute avoir  beaucoup désespéré pour être véritablement optimiste. En cette nuit de 1912, dans sa totale solitude et détresse, Cendrars comprend qu'il ne peut compter que sur lui même et qu'il doit aller à la rencontre de tous les autres. Le chemin même de l'éducation.
En ce jour de Pâques, bonne lecture.

04/12/2008

Parler ou être parlé

Il est de bon ton de se plaindre de l’excès d’individualisme de notre époque et de la perte des solidarités et repères collectifs. Et si nous souffrions moins d’un excès que d’un manque d’individualisme, ici défini non pas comme le comportement qui fait systématiquement primer l’individu sur le collectif mais comme l’individuation véritable de chacun, c’est-à-dire l’autonomie qui permet à chacun d’être totalement personnel au sens de singulier.

Cette question peut se ramener à une autre : parler ou être parlé. Lorsque j’exprime une pensée ou une émotion que j’ai créé, je parle. Lorsque je répète des émotions, des phrases, des idées sans appropriation et personnalisation, je suis parlé.

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Sans parole


Toute l’éducation et la formation ont pour finalité l’autonomie de l’individu, l’accès à sa parole propre. On comprendra aisément la différence entre l’éducation qui conduit les étudiants à être parlés parce qu’il est exigé d’eux une restitution conforme de l’enseignement reçu, et l’éducation qui conduit les étudiants à construire et à exprimer une parole singulière, non pas qu’elle recherche l’originalité pour elle-même mais parce qu’elle procède d’un travail personnel de pensée. Encore un effort d’individualisme pour véritablement parler.

12/11/2008

Autonome et dépendant

La compétence c’est l’accès à l’autonomie, à la maîtrise des situations professionnelles. Cette autonomie ne doit pas être confondue avec l’indépendance. On est rarement, pour ne pas dire jamais, compétent seul. Subsiste de manière permanente une dépendance à l’environnement, aux conditions de production de l’activité et…aux autres. De ce fait, le travail sur la compétence individuelle devient à un moment donné une impasse, car il repose sur l’idée que l’individu peut être indépendant alors qu’il s’agit de le rendre avant tout autonome, c’est-à-dire à la fois certain de son savoir et de ses capacités et conscient de la nécessité de la coopération. Le travail sur la compétence collective et les interdépendances est donc une étape indispensable de la construction de la compétence individuelle, c’est-à-dire de la véritable autonomie.

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Ingres - Raphaël et la Fornarina -
L'interdépendance du peintre et du modèle

Le peintre est autonome dans sa technique, dans la maîtrise de son œuvre, dans la production du tableau. Il est pourtant dans une dépendance mure, choisie et mesurée, pour peu que la passion ne s'en mêle, vis-à-vis du modèle. Cette interdépendance assumée est une véritable source de créativité, de la même manière que Picasso travaille longuement à partir d’Ingres, de Velazquez ou de Poussin pour produire des chefs d’œuvre uniques. Picasso n’est pas indépendant, il est sacrément autonome et a construit son autonomie dans une interdépendance librement choisie. Si personne ne doute de la compétence individuelle de Picasso, il est bon de se souvenir qu’elle a été construite et s’est exercée dans un dialogue permanent avec d’autres compétences.

18/06/2008

La liberté est un combat

Le principe est pourtant consacré dans l'article 1 du nouveau code du travail : le Gouvernement s'impose avant toute réforme dans le champ des relations de travail, de l'emploi et de la formation professionnelle d'engager une concertation avec les partenaires sociaux. Ceux-ci font ensuite connaître au Gouvernement leur intention de négocier, ou pas, et en cas de négociation le délai nécessaire pour la mener à bien.

Jamais la démocratie sociale n'avait été affirmée avec autant de force. Priorité à la négociation, le Gouvernement et le Parlement conservant ensuite, bien évidemment leur rôle.

Mais ce scénario raisonnable n'est pas exactement celui qui se joue dans la négociation sur la réforme de la formation professionnelle, preuve que laisser la liberté de négociation aux partenaires sociaux est plus facile à écrire qu'à mettre en oeuvre. Pour ces derniers, l'autonomie de la négociation est un combat.

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Magritte - Au seuil de la liberté
 
 
Le contournement des textes a commencé avec la nomination d'un groupe quadripartite (Etat, Régions, Organisations patronales, Organisations syndicales) qui n'est pas exactement la concertation organisée par l'article 1 du Code du travail qui prévoit que le Gouvernement doit présenter un document d'orientation avec son diagnostic, ses objectifs et ses options. Comme l'a rappellé mardi 17 juin le représentant du MEDEF, un travail en groupe quadripartite ne saurait se substituer à une véritable négociation et aboutir à des conclusions ayant vocation à être reprises par ladite négociation.
 
Ce même jour, Laurent Wauquiez a déclaré réfléchir à une loi qui viendrait préalablement fixer le cadre de la négociation ou bien à la définition, toujours préalable, de ce qui relève de la loi et ce qui relève de la négociation. Or en matière de formation professionnelle, la compétence des partenaires sociaux n'est pas bordée par celle du législateur. Les champs de compétence sont les mêmes, ce n'est que la nature de la règle produite qui diffère.
 
Notre tradition jacobine a manifestement la vie dure. Nos gouvernants pourraient toutefois se souvenir que lorsque l'accord a précédé la loi (en 1970, en 1982-82, en 1991, en 2003), les résultats sur les dispositifs de formation ont été bien meilleurs que lorsque la loi est intervenue préalablement à la négociation (en 1993 par exemple).  
 
Le respect de l'autonomie des partenaires sociaux est décidément un exercice  périlleux et leur liberté se trouve bien surveillée. Conduire l'autre à l'autonomie, et s'en réjouir, n'est-ce pourtant pas l'ambition de la formation et plus largement de l'éducation ?

29/05/2008

Autonomiser

On connaît l'adage : "Si tu veux sauver le miséreux de la famine, ne lui donne pas du poisson, apprends lui à pêcher". Plutôt que de te substituer à autrui, donne lui son autonomie. Telle pourrait être la devise du formateur, qui le conduirait d'ailleurs à ne pas faire d'enseignement magistral mais à organiser des mises en situation qui permettent l'apprentissage progressif de l'autonomie. Car l'autonomie ne peut être que progressivement acquise et ne se décrète pas. Elle ne se transmet pas : elle s'incorpore à l'individu par le développement de sa capacité à agir et à penser son action.

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Picasso - Pêche de nuit à Antibes - 1939
 
Si l'autonomie est un objectif, accepter qu'elle ne se décrète pas c'est renvoyer au rayon des inepties l'adage "qui veut peut". La volonté est une composante de l'action, certainement pas la seule. A une époque ou l'assistance est devenu un mot péjoratif, il faut insister pour affirmer qu'apprendre à pêcher demeure bien évidemment l'objectif et la finalité, mais que pendant l'apprentissage de la pêche, si l'on veut éviter la famine il vaut mieux continuer à donner du poisson.