A première vue, le tableau est tout à fait licencieux, délicieusement érotique. Le lit est ouvert, le rideau rouge déborde de sensualité, les mollets du jeune homme sont bien tendus et galbés, la belle ne résiste guère que pour rajouter du piment à la situation. La morale n'a pas sa place ici. Pourtant, un détail attire l'oeil. La pomme rouge sur la table n'est pas que le fruit de l'amour, elle renvoie également au pêché originel. Et le verrou qui se ferme clos le paradis dont les amoureux sont chassés. Voici un rappel à l'ordre bien moral.
Fragonard - Le verrou - 1778
Ainsi la morale peut se nicher où on ne l'attend pas. A l'inverse, elle peut s'absenter de là où l'on pourrait s'attendre à la trouver. La déclaration de Christine Boutin renonçant à ses 9500 euros mensuels pour réfléchir aux conséquences de la mondialisation nous en livre un exemple. Elle déclare en substance : "Cette rémunération est légale, mais j'y renonce parce que les gens peu payés ont été troublés" (en substance vraiment car le personnel politique ne parle jamais de gens peu payés, il est question de revenus modestes pour des personnes modestes auxquelles bien évidemment le qualificatif vaut injonction d'humilité : quand on est modeste on ne revendique pas, ce qui n'est pas toujours le cas lorsque l'on est peu payé). Cette déclaration nous livre deux informations : peu importe que la rémunération soit immorale, elle peut être légale. Et ce n'est pas à l'immoralité que l'on se réfère pour y renoncer (impossible car elle avait d'abord été acceptée) mais au calcul : l'électeur ne l'acceptera pas. Si certains doutaient encore que le droit et la morale ne sont pas synonymes, la déclaration de Christine Boutin pourra leur donner matière à réflexion. Mais sans doute Christine Boutin trouverait-elle Le verrou immoral.
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