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26/09/2013

La beauté du geste

Délibération mardi soir du jury des Trophées du Responsable Formation, organisés par DEMOS, dont les résultats seront présentés le 10 octobre. Parmi les critères, la beauté du geste, celui du professionnel. Ce qui donne l'occasion de laisser la parole  à Tchouang-Tseu :

Le cuisinier Ting dépeçait un beuf pour le prince Wen-houei.

On entendait des « houa » quand il empoignait de la main l’animal, qu’il retenait sa masse de l’épaule et que, la jambe arqueboutée, du genou l’immobilisait un instant.

On entendait des « houo » quand son couteau frappait en cadence, comme s’il eût exécuté l’antique danse du Bosquet ou le vieux rythme de la Tête de lynx.

-C’est admirable ! s’exclama le prince, je n’aurais jamais imaginé pareille technique !

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Alain Garrigue - Taureau

Le cuisinier posa son couteau et répondit :

Ce qui intéresse votre serviteur, c’est le fonctionnement des choses, non la simple technique. Quand j’ai commencé à pratiquer mon métier, je voyais tout le boeuf devant moi. Trois ans plus tard, je n’en voyais plus que des parties. Aujourd’hui, je le trouve par l’esprit sans plus le voir de mes yeux. Mes sens n’interviennent plus, mon esprit agit comme il l’entend et suit de lui-même les linéaments du boeuf. Lorsque ma lame tranche et disjoint, elle suit les failles et les fentes qui s’offrent à elle. Elle ne touche ni aux veines, ni aux tendons, ni à l’enveloppe des os, ni bien sûr à l’os même. (…)Quand je rencontre une articulation, je repère le point difficile, je le fixe du regard et, agissant avec une prudence extrême, lentement je découpe. Sous l’action délicate de la lame, les parties se séparent avec un « houo » léger comme celui d’un peu de terre que l’on pose sur le sol. Mon couteau à la main, je me redresse, je regarde autour de moi, amusé et satisfait, et après avoir nettoyé la lame, je le remets dans le fourreau. (…)

Tous les sportifs le savent, le geste le plus juste est également le plus beau et le plus efficace. Ainsi en va-t-il également pour le boucher et pour le responsable formation.

05/09/2013

DISTRIBUTEUR (2)

Le 10 Octobre prochain DEMOS  organise les premiers Trophées du Responsable Formation (Ici). Les candidats seront invités à un séminaire consacré aux compétences durables, puisque seront récompensées principalement les responsables formation qui ont contribué à développer des compétences durables. Mais qu'est-ce qu'une compétence durable ? encore un effet de mode qui surfe sur les bonnes intentions ou tente d'habiller de formules nouvelles de vieilles idées ? peut être pas. Juste la conviction qu'il ne suffit pas d'être passé par le distributeur de compétences, la formation par exemple, pour disposer de compétences durables.

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La compétence non durable, c'est celle qui se limite à des capacités d'exécution, de mise en oeuvre, de reproduction et qui finalement est la négation même de l'autonomie professionnelle. C'est celle qui est faite de normalisation, de prescription, de conformité, de contrôle et de standardisation des comportements. La compétence durable c'est celle qui structure l'activité, augmente l'autonomie, libère les capacités créatives, permet de faire face à l'inattendu, inclut la capacité à apprendre de ses expériences, donne des outils tout terrain qui permettent de structurer une démarche, une réflexion, une action. Ce sont des compétences de la confiance, par opposition aux compétences de la défiance que sont ces recettes que l'on souhaite inculquer et que l'on vérifier à coup de quizzs déshumanisants. Et avec tout ça, je ne sais même pas si le créateur ou la créatrice de Kumamon avait des compétences durables.

09/06/2010

Silence et parole verbale

Je me souviens que l'on donnait à l'Université, l'exemple des questions posées au concours d'entrée à l'ENA : "Combien pèse une traverse de chemin de fer ?". Et que l'on attendait du candidat non pas qu'il donne un poids, mais qu'il produise un raisonnement démontrant qu'il était capable de répondre de manière ordonnée, logique, cohérente et avec culture, à n'importe quelle question. Le raisonnement pouvait porter sur la nature de la poutrelle, sur le nombre d'hommes nécessaires pour la porter, sur la longueur raisonnable d'une unité de voie de chemin de fer, tout cela importait peu, l'important était de répondre. S'il est bien une chose que le jury ne supporte pas d'entendre, c'est le silence. Conseillons aux jurys des grandes écoles de contempler les toiles d'Olivier Debré qui, lui, sait peindre le silence.

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Olivier Debré - Sans titre

Si les grandes écoles vivaient dans le mythe de l'encyclopédisme et de l'homme pluridisciplinaire qui associe des connaissances multiples pour produire du nouveau, on applaudirait. Mais il ne s'agit que de la vérification de la capacité à produire un discours sur tout sujet, une réthorique qui diffusel l'illusion qu'il est possible d'avoir un avis sur tout chose, que la nécessité d'avoir réfléchi à une question n'est rien au regard de la capacité à en dire quelque chose. Nos sondeurs reproduisent le paradigme en considérant que tout avis se vaut et s'additionne quel que soit le degré de maturation de la question posée. Remercions ici ceux qui déclinent de répondre à des questions auxquelles ils n'ont pas réfléchi, qui refusent de colporter du prêt à penser (ah cet ouvrage sur l'art contemporain feuilleté récemment qui se propose de vous initier à l'art avec des rubriques du style : ce que l'on peut voir, ce que l'on peut en penser, ce que l'on peut en dire...) et qui osent le "je ne sais pas" sans culpabilité et avec naturel. Comme l'on dit dans le Sud-Ouest, la compétence passe parfois par moins de parole verbale et un peu plus de silence.

12/01/2010

Les pieds dans le Tapie

Plusieurs lecteurs de ce blog m'ont signalé que la chronique intitulée "ordre et des ordres" était tronquée et peu lisible. Dans cette chronique il était question de Pierre Tapie et de ses considérables propos sur la sélection à l'entrée des grandes écoles. La chronique est reproduite ci-dessous. Pourquoi revenir sur Pierre Tapie ? parce qu'à l'occasion du discours prononcé par Nicolas Sarkozy a Supelec, il a bravement déclaré : "Je partage tout ce qu'à dit le Président de la République, tout son discours". S'il ne l'a déjà, cet homme mérite la Légion d'Honneur. Et enfonçant le clou de la rébellion, le même poursuit : "Il n'y a aucun tabou sur les concours, mais pour entrer dans une école de grammaire, il faut être bon en grammaire". En l'occurence, plutôt en Maths s'agissant des grandes écoles françaises. Cette remarque, qui pourrait fleurer le bon sens, est pourtant terrible. Elle symbolise le confort des grandes écoles qui par la sélection se protègent et s'évitent d'innover pour faire progresser ceux qui ont le plus besoin de l'école, elle justifie que la sélection par les maths soit le mode de production des hauts dirigeants qui n'auront jamais que du management à accomplir et elle acte que les grandes écoles entérinent une hiérarchie déjà établie et qu'elle ne se donne aucunement les moyens de bousculer. Comme les Ambassadeurs d'Holbein, Pierre Tapie engoncé dans la vérité de son statut ne voit pas qu'il appartient à un monde ancien dont la disparition s'affiche pourtant sous ses yeux.

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Hans Holbein - Les Ambassadeurs

A l'opposé de ce monde clos et fermé proné par Pierre Tapie, une nouvelle citation de Michel Serres, dangereux révolutionnaire  et grand subversif comme on le sait, extraite de son dernier opus : "Temps des crises" : "...toute hiérarchie se fondait sur la rétention de l'information, sur le verrouilage d'une rareté : sacrements, règles de droit, généalogie des familles, maniement des armes, expertis et tour de main, ....La hiérarchie, c'est ce vol. Tout au contraire, la démocratie advient dès la révélation des mystères, d'abord ; dès la divulgation des secrets par la suite ; enfin dès une vulgarisation universelle...La liberté c'est l'accès, non seulement l'accès possible, mais l'intervention active". Comment mieux définir la finalité de l'éducation et le sens même du métier de formateur ?
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Ordre et des ordres

Il y a quelques années, lors d'un colloque organisé à Toulouse et consacré à l'insertion professionnelle, un prestigieux intervenant, directeur de la prestigieuse école d'ingénieurs de Purpan, avait doctement énoncé qu'il était vain que des africains viennent faire des études longues et des thèses en France alors que leur pays manquait de techniciens. Et à ceux qui étaient ébahis de tels propos, il avança cet argument scientifique : il avait lui-même pris, en Afrique, un taxi conduit par un thésard qui n'avait pas trouvé d'autre emploi. Quelques années plus tard, le prestigieux personnage occupe un poste encore plus prestigieux puisqu'il est président de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE) et qu'il se bat mordicus pour maintenir les concours, ne pas galvauder le niveau en accueillant plus de boursiers et, filant la métaphore et démontrant sa vision fine de la société française il déclare : "Imaginerait-on un quota de CSP++ dans l'équipe de France de foot ?  Ou un quota de boursiers dans l'équipe équestre de sauts d'obstacle ?". Voilà quelqu'un qui a manifestement intégré la notion de classe sociale. Pierre Tapie, puisque c'est de lui qu'il s'agit, aurait sans doute apprécié l'exposition qui se tient à la Pinacothèque de Paris consacré à l'âge d'or de la peinture hollandaise.

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Vermeer - La lettre d'amour

Ce n'est pas tant les peintures qui portent à croire que Pierre Tapie trouverait son plaisir chez les peintres hollandais, mais les textes empesés et pompeux qui accompagnent l'exposition et veulent voir dans toute trace de lumière présente sur la toile une manifestation divine, et non de la lumière, tout en proclamant de manière absurde que Rembrandt est le plus grand peintre de l'histoire. Ce goût de la hiérarchie plaira à Pierre Tapie et à ses correligionaires, et il me revient en mémoire cette DRH d'HEC expliquant que dans une grande école la VAE n'avait aucun sens. Et c'est chez ces humanistes proclamés que sont formées les élites de demain. Pour terminer, on peut estimer que Pierre Tapie n'aimerait pas la peinture de Clovis Trouille et le mélange des genres, raison suffisante pour vous offrir cette illustration. Une dernière chose : ne dites pas à Pierre Tapie qu'Albert Camus aimait le football, ni que Villepreux est un intellectuel, cela ferait désordre pour quelqu'un qui préfère les ordres.

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Clovis Trouille - Chez la princesse et le tzigane - 1962

09/01/2010

Ordre et des ordres

Il y a quelques années, lors d'un colloque organisé à Toulouse et consacré à l'insertion professionnelle, un prestigieux intervenant, directeur de la prestigieuse école d'ingénieurs de Purpan, avait doctement énoncé qu'il était vain que des africains viennent faire des études longues et des thèses en France alors que leur pays manquait de techniciens. Et à ceux qui étaient ébahis de tels propos, il avança cet argument scientifique : il avait lui-même pris, en Afrique, un taxi conduit par un thésard qui n'avait pas trouvé d'autre emploi. Quelques années plus tard, le prestigieux personnage occupe un poste encore plus prestigieux puisqu'il est président de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE) et qu'il se bat mordicus pour maintenir les concours, ne pas galvauder le niveau en accueillant plus de boursiers et, filant la métaphore et démontrant sa vision fine de la société française il déclare : "Imaginerait-on un quota de CSP++ dans l'équipe de France de foot ?  Ou un quota de boursiers dans l'équipe équestre de sauts d'obstacle ?". Voilà quelqu'un qui a manifestement intégré la notion de classe sociale. Pierre Tapie, puisque c'est de lui qu'il s'agit, aurait sans doute apprécié l'exposition qui se tient à la Pinacothèque de Paris consacré à l'âge d'or de la peinture hollandaise.

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Johannes Vermeer - La lettre d'amour - 1669-1670

Ce n'est pas tant les peintures qui portent à croire que Pierre Tapie trouverait son plaisir chez les peintres hollandais, mais les textes empesés et pompeux qui accompagnent l'exposition et veulent voir dans toute trace de lumière présente sur la toile une manifestation divine, et non de la lumière, tout en proclamant de manière absurde que Rembrandt est le plus grand peintre de l'histoire. Ce goût de la hiérarchie plaira à Pierre Tapie et à ses correligionaires, et il me revient en mémoire cette DRH d'HEC expliquant que dans une grande école la VAE n'avait aucun sens. Et c'est chez ces humanistes proclamés que sont formées les élites de demain. Pour terminer, on peut estimer que Pierre Tapie n'aimerait pas la peinture de Clovis Trouille et le mélange des genres, raison suffisante pour vous offrir cette illustration. Une dernière chose : ne dites pas à Pierre Tapie qu'Albert Camus aimait le football, ni que Villepreux est un intellectuel, cela ferait désordre pour quelqu'un qui préfère les ordres.

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Clovis Trouille - Chez la princesse - 1962