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14/11/2013

Eau et gaz à tous les étages

La loi de finances pour 2014 prévoit une réforme de la taxe d'apprentissage, et notamment un versement à hauteur de 55 % du quota rénové de la taxe d'apprentissage  (égal à l'ancien quota apprentissage + contribution supplémentaire pour le développement de l'apprentissage) aux conseils régionaux. Les Chambres de commerce et les grandes écoles contestent cette règle nouvelle, aux motifs notamment que les entreprises perdront de la liberté d'affectation de la taxe et que les régions financeront principalement des formations de premier niveau. Sur la liberté de versement, l'apprentissage n'étant pas un marché mais un service d'intérêt général, l'argumentaire est faible. Il demande un peu plus d'attention sur la répartition des financements entre formations de premier niveau et formations supérieures. L'hypothèse de départ étant de fonctionner à ressources constantes, il est en effet difficile d'avoir l'eau et le gaz à tous les étages : renforcer les priorités d'un côté c'est forcément réduire les financements de l'autre.


Mettons nous en situation. Si je suis conseiller régional, dans une région où le chômage des jeunes est important et le nombre de jeunes sortis sans qualification du système éducatif également, que vais-je prioriser : l'apprentissage sur les premiers niveaux de qualification pour offrir une solution à ces jeunes en situation difficile, ou bien le financement de l'apprentissage dans le supérieur pour valoriser la filière apprentissage et montrer qu'il ne s'agit pas d'un dispositif de sélection par l'échec ? si je vais un peu sur le terrain et que je rencontre les jeunes et les parents, le choix sera vite fait. Et si l'on veut inverser la tendance et développer l'apprentissage dans le supérieur, alors il faudrait ouvrir ces places d'apprentissage non pas à des étudiants qui y trouveront un effet d'aubaine, mais en faire une filière d'accès à l'enseignement supérieur pour ceux qui ont interrompu précocement leurs études pour intégrer le monde du travail, serait-ce par l'apprentissage. C'est ainsi que l'on augmenterait le ratio d'espoir que notre système de formation peut offrir aux jeunes et que l'on constituerait de véritables filières de promotion par l'apprentissage. Peut être la seule manière, au final, d'avoir vraiment l'eau et le gaz à tous les étages.

13/06/2013

173 nuances de gris

Tout praticien des ressources humaines, et sans doute de quelques autres métiers, sait que la condition de l'efficacité est souvent, pour ne pas dire toujours, la simplicité. Et que si l'on veut "que cela marche", la technique doit s'effacer, se faire discrète, ne pas s'étaler et si possible se faire oublier. Dès qu'elle reprend le dessus, en général c'est foutu. Les artistes le savent bien, après les périodes de virtuosité, d'exploration de toutes les techniques, d'acrobaties expérimentales et autres prouesses talentueuses, vient le temps de l'art maîtrisé, de la sobriété élégante et du condensé sublime. L'art de la synthèse en quelque sorte.

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Paris la nuit - Nicolas de Staël - 1954

En matière sociale, on citait souvent la deuxième loi Aubry (la première, limitée à 18 articles, cela allait), ses 50 décrets d'application et sa circulaire de 120 pages, comme le parfait exemple de ce qu'il ne fallait pas faire. On ne parle pas de la réduction du temps de travail, mais de la technocratisation des textes qui contribuent à éloigner chaque jour un peu plus du droit ceux qui sont censés s'en servir. On pourra dorénavant préférer un exemple plus récent, puisque la circulaire consacrée au contrat de génération compte 173 pages, rédigées dans ce style inimitable du techno qui fait de la pédagogie pour ceux qui seraient incapables de saisir immédiatement la quintessence de l'admirable dispositif conçu pour eux. Personnellement, lorsqu'il faut 173 pages pour m'expliquer pourquoi je dois être heureux, j'ai comme un doute et je préfère la lumineuse grisaille du Paris de Nicolas de Staêl à la sombre clarté du texte trop appliqué. Sinon, c'est censé relancer l'emploi.

Circulaire 15.05.13 Contrat de Génération.pdf

23/01/2013

Petit à petit...

...l'oiseau fait son nid, ou plutôt les pièces du Compte personnel de formation se mettent en place. Après l'ANI du 11 janvier 2013, c'est le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (quand on a un Ministère du redressement productif, l'étonnement n'est plus de mise quant à l'emphase des intitulés) qui apporte sa pierre à l'édifice. Le texte prévoit que tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme, bénéficie d'une durée complémentaire de formation qualifiante qu'il pourra utiliser selon des modalités à fixer par décret. Comme le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) en a émis le souhait,  ces heures de formation complémentaires pourraient être portées au crédit du jeune dans son compte personnel de formation. Quant à son financement, il relève à l'évidence de l'Etat puisqu'il s'agit d'un droit à la formation différé.

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Arno Bouchard - Le nid de l'Engoulevent

Le projet de loi reconnaît donc la responsabilité de l'Etat dans l'accès à un premier niveau de qualification. Si le système éducatif n'a pu y pourvoir, un crédit est ouvert pour y accéder par d'autres moyens. Le lien avec le compte personnel de formation permettrait, notamment, de ne pas simplement remettre le jeune dans le système au sein duquel il a échoué (vous n'avez pas aimé la chantilly ? reprenez en un peu pour voir !) mais également de pouvoir différer l'utilisation de ce crédit, toutes les périodes n'étant pas favorables à une reprise d'étude : en ce domaine, l'horloge personnelle et le calendrier des moyens mis à disposition, doivent s'accorder.

Prochain rendez-vous pour le compte personnel : le projet de loi de transposition de l'ANI début mars, sans doute éclairé par les travaux du CNFPTLV. Peut être que le nid sera prêt pour le printemps !

29/09/2012

Adultes en voie de disparition

Les députés vont bientôt discuter du contrat de génération. Mesure phare, en matière sociale, du nouveau Gouvernement, le contrat de Génération se propose de favoriser l'embauche des jeunes et le maintien des seniors dans l'emploi. Confomément au Code du travail, avant qu'un projet ne soit présenté à l'Assemblée, les partenaires sociaux sont consultés. Et FO fait savoir qu'elle souhaite que la limite d'âge pour les jeunes soit fixée à 30 ans et pour les seniors à 55 ans. Jusqu'à présent, les jeunes en France ce sont les actifs de moins de 26 ans, quant aux seniors la loi renvoie à la négociation collective la fixation d'une limite d'âge que certains font commencer à 45 ans, d'autres à 50 ans et d'autres encore à 55 ans. Si la proposition de FO était retenue, nous serions donc jeunes pendant 30 ans, adultes pendant 25 ans puis seniors pendant également 25 ans si l'on considère que l'espérance de vie moyenne tourne autour de 80 ans. Voilà une nouvelle approche des trois âges de l'homme.

Le Titien Les 3 âges de l'homme 1512.jpg

Le Titien - Les trois âges de l'homme - 1512

Jusqu'à présent, tous les pays d'Europe arrêtent la jeunesse à 25 ans révolus. Tous sauf un. L'influence conjuguée du soleil, de l'insouciance, d'un rapport compliqué à la règle chiffrée et des mamas a conduit les italiens à considérer que l'on était jeune jusqu'à 30 ans. La proposition de FO nous permettrait donc de devenir le second pays d'Europe à bénéficier de cette jeunesse prolongée.

On proposerait volontiers d'aller plus loin. Si l'on poussait la jeunesse jusqu'à 45 ans et que l'on faisait débuter un peu plus tôt l'entrée dans la catégorie des seniors, à 45 ans par exemple, on aurait inventé avec le Contrat de Génération un dispositif qui concerne tout le monde. Et on éviterait tous les inconvénients liés aux effets de seuil. Alors bien sur il n'y aurait plus d'adultes, mais c'est vraiment un problème ça ?

28/05/2012

Petite poucette

Michel Serres, à 80 ans passés, est-il retombé en enfance ? gageons plutôt qu'il n'en soit jamais totalement sorti et que cette survivance de l'enfant en lui l'a préservé de bien des aigreurs, ressentiments, rancoeurs et autres joyeusetés qui habitent celles et ceux qui pensent systématiquement que c'était mieux avant. Les déclinistes de tout poil, les oiseaux de mauvaise augure, ceux qui confondent leur lente disparition annoncée avec celle du monde dans lequel ils vivent, ceux qui n'ont de cesse de peindre à leur image décrépite leur environnement, tout ceux là n'aimeront pas le dernier livre de Michel Serres rédigé sous forme de lettre à Petite Poucette. Pourquoi ce nom ? pour la dextérité avec laquelle la jeune fille se sert de ses pouces sur son smartphone, mais également parce qu'il appartient à cette jeune génération d'inventer elle-même les moyens de trouver son chemin dans ce monde nouveau que la technologie bouleverse à chaque instant. Pas question de crier "Pouce" pour Petite Poucette qui devra faire son chemin.

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César - Pouce

Bien sur, il y a le soleil, l'envie du dehors, tant de choses à faire, bien sur. Mais si vous prenez le temps, oh peu de temps car s'adressant à Petite Poucette le livre est synthétique. Non pas de crainte que Poucette ne zappe ou qu'elle soit incapable de lire comme l'annoncent régulièrement ceux qui ont encore besoin d'affirmer qu'eux savent lire en pointant du doigt ceux qui prennent d'autres chemins (messieurs les censeurs, bonsoir !), non juste parce que Petite Poucette est soumise à mille sollicitations, mille tentations, mille envies et bien plus de désirs. Alors oubliez les grincheux, investissez 9,50 euros pour vous procurer l'ouvrage de Michel Serres et volez une heure à votre emploi du temps : il ne vous reste plus qu'à lire en dégustant.

Entretien Michel Serres.pdf

14/02/2011

A défaut d'imagination, reste la sanction

Une rue de Paris. Soleil de fin d’après-midi d’été. Torpeur, silence, banalité du quotidien. Que peut faire le peintre de ce tableau ? il peut introduire le mystère, l’étrangeté, le doute, l’interrogation. Son imagination ne fonctionne que pour mieux solliciter la votre. Voici une carriole lourdement chargée et son paquetage masqué. Voilà de hauts murs que l’on rêve de percer. Ajoutons des arbres témoins de la scène, trop correctement taillés pour être honnêtes. Et remarquez ces nuages qui n'ont d'autre objet que de perturber un ciel bien lisse. Il y a manifestement des zones d’ombre dans ce tableau qui pousse la porte de la banalité pour vous laisser entrer dans le mystère et l’aventure.

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Man Ray - Rue Férou - 1952

Nos gouvernants pourraient consacrer un peu de temps aux tableaux de Man Ray, ce ne serait pas temps perdu si cela pouvait remettre en mouvement leur imagination. Car la méthode de traitement des questions d’emploi et de formation est, depuis quelques années, uniforme : contraintes et sanctions s’associent invariablement dans un management d’un autre temps. Quelques exemples ?

Pour régler la complexe question de l’emploi des seniors, adoptez un plan emploi senior sinon pénalité. Pour égaliser les situations des femmes et des hommes, négociez sinon pénalité. Pour l’emploi des travailleurs handicapés, recrutez ou achetez sinon pénalité. Pour gérer la pénibilité, négociez sinon pénalité. Et voici que l’on nous annonce l’idée maîtresse du plan emploi des jeunes : un bonus-malus selon que les entreprises recrutent ou non. Dans un vigoureux effort de créativité, on rajoute la carotte au bâton.

Manifestement nos dirigeants ne voient d’autre source de motivation que l’argent. Pour susciter les comportements voulus, on sanctionne ou on  récompense au porte-monnaie. Voilà qui rend inutile toutes les théories de la motivation, hors l’argent point de salut. Constatons toutefois que l’emploi et la formation ne sont pas les seuls concernés puisque la sanction financière est la réponse choisie pour traiter l’absentéisme scolaire et que la sanction pénale est plus globalement la réponse proposée à toutes les questions de société.

Et voilà comment l’injonction « Obéissez ou payez »  est  devenue pour le citoyen l’invariable sanction du défaut d’imagination de ses dirigeants.    

18/11/2010

Les gitanes et l'alternance

Lorsque Goya peint la Maja nue, à la fin du XVIIIème siècle, il honore une commande. Il ne peint ni une allégorie, ni une image mythique et certainement pas LA femme. Il peint une femme, corporellement présente, dont la brosse rend tous les détails de la peau en lui ajoutant, puisque telle est la vocation de la peinture, de la lumière. La gitane est bien réelle et pourtant elle ne pèse guère sur le canapé qui la reçoit : elle est un rai lumineux incarné.

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Goya - La Maja nue - 1800

Lorsque Goya, toujours à l'initiative du même commanditaire, peint la Maja vêtue, il n'habille pas la Maja nue, il peint autrement sa nudité, qui n'est pas moins provocatrice pour ne plus l'être si directement. Les deux toiles étaient commandées pour aller ensemble. La Maja vêtue cachait la Maja nue avant que de s'exposer à ses côtés. On peut préférer l'une ou l'autre, il n'y a nulle hiérarchie entre elles, chaque tableau mettant en valeur l'autre et les deux s'en trouvant rehaussés.

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Goya - La Maja vêtue - 1802

Le Président de la République et le nouveau Ministre du Travail souhaitent développer la formation par alternance. On ne peut que se féliciter de l'initiative. L'alternance offre des situations pédagogiques diversifiées qui permettent de mieux assurer le développement de compétences. Le passage du milieu éducatif au milieu du travail ouvre de plus larges espaces d'apprentissage qu'un milieu endogène. Encore faut-il ne pas établir de hiérarchie. On s'inquiète un peu lorsque Xavier Bertrand déclare que l'alternance permet de mieux apprendre un métier ou qu'elle est le moyen prioritaire de lutte contre le chômage. Elle est avant tout un dialogue entre l'apprentissage en milieu éducatif et l'apprentissage au travail. Sans rapport de hiérarchie entre les deux. Il serait temps de mettre fin à la duplicité de certains qui ne voient pour les uns que temps perdu à se couper des réalités dans les enseignements scolaires et pour les autres que vil travail normé et abrutisssant dans l'entreprise. L'alternance, c'est le moyen de permettre à deux mondes qui vivent dans le confort de leur ignorance réciproque de dialoguer , à l'instar des Maja de Goya, pour le plus grand profit de ceux à qui elle est destinée.

13/07/2010

Du virtuel

La notion de virtuel est parfois opposée à celle de réel, notamment quand elle vise à stigmatiser des  jeunes (mais ne nous étonnons pas qu'une société vieillissante et vivant mal son vieillissement exprime diverses rancoeurs envers la jeunesse) qui seraient coupés du réel pour ne vivre qu'une no life sur second life. Ce qui renverrait la réalité virtuelle ou les mondes virtuels à des espaces n'ayant aucune espèce de réalité. Or, ni au plan sémantique, ni au plan philosophique ni dans l'informatique le terme de virtuel n'est défini comme le contraire de réel. Virtuel est davantage opposé à actuel. Selon Maurice Benayoun, le virtuel est le réel avant qu'il ne passe à l'acte. Antonin Artaud illustrait cela par la réalité virtuelle du théâtre. Le virtuel n'est donc qu'une extension de la réalité, dont il n'est pas déconnecté par les émotions qu'il procure, lesquelles peuvent également avoir une dimension corporelle. Opposer le virtuel au réel reviendrait donc à dénier que le rêve et l'imaginaire soit partie intégrante de la vie.

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Stefano di Stasio - A Sud del Tempo - 1999
En pédagogie, la création d'univers virtuels permet, à l'aide  de serious game ou de simulations, de développer des capacités cognitives. Il fut un temps où l'on tentait d'apprendre les langues étrangères en écoutant des cassettes la nuit. Voici venu le temps de la plongée dans des espaces oniriques dont on redoutera moins qu'ils nous éloignent de la réalité que de nos rêves.

17/10/2008

Quotas

On connait le quota d'emploi des travailleurs handicapés : 6 % de l'effectif à partir de 20 salariés, à défaut versement d'une pénalité à l'AGEFIPH. On connait également le quota d'emploi des jeunes en alternance : 3 % de l'effectif à partir de 300 salariés en contrat de professionnalisation et/ou d'apprentissage, à défaut majoration de 0,1 % de la taxe d'apprentissage. Il y aura désormais le quota des salariés âgés : toute entreprise de 50 salariés ou plus devra à compter du 1er janvier 2009 adopter un plan pour l'emploi des seniors prévoyant un objectif chiffré de maintien dans l'emploi ou de recrutement, des actions en faveur des salariés âgés et des modalités de suivi. Faute d'un tel plan, une pénalité égale à 1 % de la masse salariale devra être versée à la CNAV.

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Tyson Cosby - Quota


Les travailleurs handicapés, les jeunes, les seniors. A quand des quotas pour les femmes, les minorités visibles ou les syndicalistes si l'on poursuit dans les politiques proactives en faveur des discriminés potentiels ? lentement mais surement, la politique de discrimination positive se déploie et la GRH doit faire avec les quotas. Si l'on comprend la finalité, on peut aussi se souvenir que dans discrimination positive il y a discrimination et que les préretraites, qui constituaient une discrimination positive, ont fini par accréditer l'idée qu'au-delà de 50 ans se posait à l'évidence la question de la fin de carrière. Et le juriste regrettera toujours que l'on créé des droits particuliers là où il s'agirait plutôt de construire un droit commun qui puisse vraiment s'appliquer à tous.