29/10/2014
Le savoir-faire du rat
Pourquoi parle-t-on de rat de bibliothèque ? parce que le rat dévore tout ce qu'il trouve, sans discernement, comme le bibliomane lit tout ce qui lui tombe sous l'oeil ? aimant les bibliothèques et lisant absolument tout ce qui passe à ma portée, j'ai toutefois tendance à prendre l'appellation pour un compliment. Au demeurant, l'avantage du comportement ratier, à savoir de tout dévorer, c'est que l'on fait parfois de belles surprises. Ainsi aujourd'hui, cherchant quelques définitions terminologiques, je compulse la norme AFNOR X50-150 (cela pourrait être le nom d'un robot de la guerre des étoiles) et tombe soudain sur la définition du Savoir-être ! persuadé depuis toujours que le savoir-être n'existe pas, qu'il est une supercherie conceptuelle et que la compétence n'est jamais que du faire, je salive d'avance (mon côté rat...) à la lecture de la définition.
Exemple de savoir-faire relationnel
Et voici ce que les normalisateurs osent écrire : "Savoir-être : savoir-faire relationnel". Redevenons un instant cartésien (le rat est impulsif de nature et calculateur par culture) : si le savoir-être est un savoir-faire, pourquoi avoir créé le savoir-être si le savoir-faire suffisait ? et pourquoi démontrer par l'absurde l'incapacité qu'il y a à définir en tant que tel le savoir-être si on ne le ramène pas au savoir-faire ? Conforté dans l'idée que l'être relève de la métaphysique et non de la gestion des ressources humaines et que le faire est le royaume de la compétence, je peux retourner à ma bibliothèque, tel un bon rat alléché par tout ce qu'il reste à découvrir.
01:10 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : rat, bibliothèque, lecture, savoir-faire, savoir-être, norme, afnor, formation, terminologie, éducation, lichtenstein, peinture
16/11/2010
Le bagage lent de l'esprit
C'est ainsi que Michel Leiris, dans "Glossaire, j'y serre mes gloses", définit le langage. La première publication du "Glossaire..." est accompagnée d'une explication : "le sens usuel et étymologique d'un mot ne peuvent rien nous apprendre sur nous mêmes, puisqu'ils représentent la fraction collective du langage, celle qui a été faite pour tous et non pour chacun de nous. En disséquant les mots que nous aimons sans nous soucier de suivre ni l'étymologie, ni la signification admise, nous découvrons leurs vertus les plus cachées et les ramifications secrètes qui se propagent à travers tout le langage(...) alors le langage se transforme en oracle et nous avons là (si ténu qu'il soit) un fil pour nous guider, dans la Babel de notre esprit".
J.W Godward - Oracle de Delphes - 1899
Parmi les définitions des mots donnés par Leiris, relevons :
SAVEUR - C'est la douceur des laves ; LEVRES - On les lit comme des livres ; UNITE - Nudité : nid de l'éternité ; EMMERDANT - Le mal de mer et le mal de dent ; AVENTURE - Les mâtures aveugles sont avides de vent ; et pour nos amis juristes CLOISON - Le cloître ou la prison, une loi ; UNIFORMITE - Inutile monotonie de la norme figée.
Alice dirait qu'il n'est pas en notre pouvoir de faire dire aux mots autre chose que ce qu'ils veulent dire. Et pourtant si. Quelques exemples pour montrer que l'usage courant n'est pas l'usage juridique et que cette dissociation peut être source d'incompréhension.
REPOS : en langage usuel, immobilité, sommeil, quiétude. En droit du travail, temps pendant lequel on ne travaille pas (mais qui peut être un temps actif, éveillé ou de stress...ou de formation). Ainsi est on en repos pendant les deux heures de transports qui nous ramènent à domicile.
TEMPS DE TRAVAIL EFFECTIF : en langage usuel, temps pendant lequel on travaille effectivement. En droit du travail, temps pendant lequel on se tient à la disposition de l'employeur. Ainsi peut-on être au placard en travail effectif ou dormir pendant du travail effectif (veilleur de nuit).
PLANS DE DEPART VOLONTAIRES : en langage usuel il s'agit d'un oxymore. Comment programmer des départs s'ils sont volontaires ? en droit du travail, proposition de départs négociés excluant les licenciements.
Il n' est pas étonnant dès lors que le droit soit incompréhensible à qui l'aborde avec les définitions usuelles. Pas étonnant non plus que le débat juridique porte souvent sur ce que les mots veulent dire. Et comme le sens des mots n'est jamais qu'une synthèse de signification multiples et évolutives, la discussion demeure non seulement possible mais également souhaitable. Car les pays dans lesquels les mots ont le même sens pour tous est inévitablement une dictature.
Pour terminer sur une note plus légère : FIANCEE - Au fil des ans défi lancé.
Elle fait au miroir de l'abîme sa toilette étrange de fiancée
00:01 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : droit, travail, delphes, leiris, terminologie, dictionnaire, glossaire, méthodologie, repos, travail effectif, plan de départs volontaires