09/10/2014
La zone !
Comment se fier aux juges, comme dirait un homme politique ? pas facile lorsque le juge varie plus souvent que le vent ne tourne. Car non content de jouer les démiurges et de créer de toute pièce des règles nouvelles, le juge a la fantaisie d'appliquer ces règles au cas d'espèce, ce qui lui permet donc de les interpréter au gré des circonstances. La surprise et la créativité y gagnent ce que le justiciable perd en sécurité juridique car bien malin qui pourra dire ce que le juge va décider.
En matière sociale, il en est ainsi notamment à propos des mutations géographiques. Les juges ont, en la matière, commencé par innover en jugeant que tout salarié n'était pas recruté pour un lieu exclusif mais pour une "zone géographique" dans laquelle l'employeur peut le muter sans que cela ne constitue une modification de son contrat de travail. La solution a l'avantage du pragmatisme en imposant à un salarié de suivre une modification d'adresse sans grande conséquence sur ses contraintes de transport, tout en fixant une limite à ce pouvoir de l'employeur, je veux parler de la "zone".
Derniers mots de la "Zone" d'Apollinaire
Reste à définir ladite "zone". Est-ce un bassin d'emploi ? un bassin de vie ? une frontière administrative (commune, agglomération, pays, département, région....) ? une zone à géométrie qu'il convient de mesurer en temps plus qu'en kilomètres ? on avoue la difficulté car suivant les entreprises, les caractéristiques de la zone peuvent largement varier. Chez les juges aussi donc qui avaient décidé, en 2009, que deux villes distantes de 50 kms étaient dans la même zone, et qui a au contraire jugé le 12 juin 2014 (Cass. soc., 12 juin 2014, n° 13-15.139 F-D) qu'une mutation entre deux villes distantes de 30 kms ne peut être imposée car, du fait de difficultés de circulation constatées l'hiver sur la route qui les relie, le temps de trajet s'en trouve rallongé, ce qui conduit, par le constat de l'aggravement des conditions de travail, à refuser à l'employeur de pouvoir appliquer la mutation d'office. Reste que tous ces changements de jurisprudence, c'est tout de même un peu "la zone".
00:23 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : droit, travail, mobilité, clause, mutation, économie, politique, peinture
05/11/2010
Immobiles en mutation
Il est de bon ton de colporter l’image d’une France frileuse, repliée sur elle-même, régulièrement paralysée par des grèves catégorielles (entendez corporatistes), rétive à tout changement, crispée sur ses petits avantages sociaux et de français nostalgique d’une France de la sécurité sociale, de la carrière à l’ancienneté, de la promotion sociale générationnelle, du développement de la consommation et des temps de loisirs et n’aspirant qu’à l’emploi public protégé. Bref, le cliché d'une France immobile dans un monde qui bouge. Bien évidemment, ceux qui tiennent pareil discours s’excluent de ce tableau peu flatteur qui brosse le portrait d’un pays profondément conservateur.
L’observation, serait-ce avec une petite lorgnette personnelle, suscite rapidement le doute sur la réalité d’un tel diagnostic. Si l’on prend comme point de départ le droit, et pas seulement du travail, le rythme de changement des règles n’a jamais été aussi élevé que depuis vingt ans. Si l’on considère les technologies et leur utilisation dans la vie professionnelle ou même la vie courante, les évolutions sont considérables et toujours plus rapides.
The Mutation - Skwak - 2010
Si l’on regarde du côté des entreprises, les organisations matricielles et autres martingales manageriales viennent s’ajouter aux rachats, restructurations, réorganisations qui font que les secteurs stables font exception. Et l’entrée thématique n’est pas moins révélatrice : qui n’a pu observer des évolutions stupéfiantes ne serait-ce que dans les vingt dernières années, dans le domaine de l’agriculture, de la santé, de la production industrielle, de la grande distribution, etc. Et même le marché du travail, que l’on nous décrit si rigide, connait tous les ans 800 000 licenciements, 180 000 ruptures conventionnelles, sans compter les fins de CDD ou de mission d'intérim, tous mouvements qui se traduisent par des changements d'employeur et parfois d'emploi. Selon l'INSEE, 13 % des actifs changent de profession chaque année.
Pour l’immobilisme, on repassera et tout ceci sent le mauvais procès. La question n’est pas celle d’une impossibilité de réformer mais de savoir quelle réforme, pour quel profit et pour quoi faire. Si l’on oublie la question du sens, on peut toujours considérer qu’en choisissant de gagner Londres pour organiser la résistance en 1940, le Général de Gaulle était résistant…au changement.
André Masson - Résistance - 1943
00:23 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mobilité, mutation, résistance, de gaulle, masson, skwak, réforme, corporatisme
10/02/2010
Mobile fixe
Dans un arrêt du 3 février 2010, la Cour de cassation revient sur le régime de la mobilité temporaire du salarié. Reprenons dans l'ordre : la Cour de cassation a établi un premier périmètre de mobilité obligatoire pour le salarié qui est le secteur géographique. Ce secteur, dont les critères ne sont pas précisément définis mais qui se délimite le plus souvent en fonction des zones de transports, d'emploi et de vie, est celui dans lequel une entreprise peut imposer une mobilité à un salarié sans besoin d'une clause de mobilité. Au-delà du secteur géographique, une clause de mobilité est nécessaire, qui ne doit pas être abusive mais correspondre à un intérêt véritable de l'entreprise. En dehors de ces deux cas, la mobilité suppose l'accord du salarié puisqu'elle constitue une modification de son contrat de travail. Toutefois, la Cour de cassation a inventé une troisième catégorie, celle de la mutation temporaire provisoire. A priori il s'agit d'une modification du contrat qui doit rencontrer l'accord du salarié. Pas du tout nous dit la Cour, ce qu'elle confirme et précise dans l'arrêt du 3 février 2010 : si la mutation est temporaire, due à des raisons exceptionnelles et que le salarié est précisément informé à l'avance de la destination et de la durée de la mutation temporaire, elle s'impose à lui. Comme les mobiles de Calder, le salarié est donc mobile à partir d'un point fixe.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mobilité, clause, jurisprudence, mutation, géographique, miro, calder
29/10/2008
Clause de mobilité et mutation discrétionnaire
La tentation peut être grande d'inclure dans le contrat de travail des clauses qui imposent par avance des obligations aux salariés. Par exemple, la clause de variation d'horaires ou la clause de mobilité. Dans deux décisions récentes, la Cour de cassation rappelle que de telles clauses ne constituent pas un blanc seing pour l'employeur. Dans la première affaire, une salariée travaille à Marseille. Elle a dans son contrat une clause prévoyant la possibilité de déplacements de longue durée. Au cours d'un congé parental à temps partiel, son employeur lui demande de venir effectuer une mission de longue durée sur Paris. Suite au refus de la salariée, il la licencie. Licenciement injustifié dit la Cour de cassation. Les juges doivent vérifier si la mise en oeuvre de la clause contractuelle ne portait pas une atteinte au droit de la salariée à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché (Cass. soc., 14 octobre 2008, Stéphanie M. c/ Pricewaterhouse Coopers Développement SA). Une clause de mobilité, de même, ne confère pas à l'employeur un droit de mutation discrétionnaire : l'entreprise doit justifier l'intérêt de la mesure prise.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : clause de mobilité, mutation, contrat de travail, licenciement