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09/01/2016

C comme...coaching

La vérité n’est pas dans un seul rêve, mais dans beaucoup de rêves

(Pier Paolo Pasolini)

Laissons les coachs à leurs débats pour savoir s’il est nécessaire ou non de psychanalyser le coaché pour faire un bon coaching. Faut-il entrer dans les rêves de la jeune fille, dans beaucoup de ses rêves, pour l’accompagner ? Laissons la question en suspens et remontons un peu le temps.

Nous sommes en 1818, Joseph Jacotot, révolutionnaire exilé devient lecteur à l'Université de Louvain, chargé d'enseigner la littérature française à des étudiants flamands. Il ne parle pas plus le flamand que ses étudiants n’entendent le français.

Pour dénouer la situation, Jacotot déniche une édition bilingue de Télémaque qu'il fait remettre aux étudiants, leur demandant d'apprendre le texte français en s'aidant de la traduction, puis de lire l'ensemble du livre pour être capable d’en faire le récit en français. Cette rédaction servit d’évaluation. Notons au passage qu’évaluer n’est pas refaire ce que l’on a appris mais peut prendre la forme d’une production jamais réalisée (ici, soupir désespéré et scandalisé des étudiants français : mais on ne peut pas avoir en évaluation quelque chose que l’on a jamais fait…).

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Le rêve de la jeune fille qui rêve qu'elle rêve

Le travail de rédaction se révéla d'un niveau comparable à celui d'étudiants français. Joseph Jacotot découvrit ainsi qu'il était possible d'enseigner sans donner d'explications, par un travail de questionnement, de mise en situation, de production. Là où le maître savant explique et déverse son savoir, le maître ignorant questionne et oblige l'élève à s'enseigner lui-même, postulant ainsi l’égalité des intelligences.

Pourquoi faire croire aux parents qu'ils ne peuvent accompagner leur enfant dans la préparation d’un examen s’ils ne connaissent pas eux-mêmes la discipline ? Il suffit de bien vouloir y consacrer du temps et de poser des questions. Il ne s’agira jamais que d’un renversement du « pourquoi ? » enfantin qui place les parents devant leur ignorance mais les pousse souvent à s’instruire pour apporter réponse. Le maître ignorant est celui qui rend l’autre savant en lui demandant de l’enseigner.

 Voilà pourquoi il est possible d’être un grand entraîneur sportif sans avoir été un grand sportif soi-même, ou un excellent coach pour permettre de développer des compétences que l’on ne possède guère.

Sur le sujet, on lira avec profit : Jacques Rancière, Le maître ignorant, 10/18, sept. 2004. 

17/11/2010

La formation contre la professionnalisation

Lorsque le système de formation continue s'est construit, au début des années 70, il s'agissait d'accompagner les salariés dans leur développement professionnel et de fournir aux entreprises les compétences dont elles avaient besoin. Des objectifs moins affichés, mais non moins importants, étaient également visés, dont celui de faire évoluer, grace au développement de la pédagogie pour adultes, les pratiques de formation initiale. Pédagogie par objectif, approche par les compétences, individualisation, formations modulaires, e-learning, autant de méthodes de formation qui démontrent que l'objectif a été en partie atteint. En partie seulement car la règlementation, fiscale notamment, a posé une définition de la formation qui certes est partie du stage en 1971 pour évoluer vers l'action de formation en 1986 et, timidement, vers le parcours de formation à compter de 2003/2004, mais qui fondamentalement n'a guère cassé le schéma de l'action de formation conçue, comme en formation initiale et au théâtre, sur l'unité de temps, de lieu et d'action. Combien de formations sont aujourd'hui produites en dehors de ce traditionnel schéma ?

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Guy Johnson - The Study - 1985

Comme le sait manifestement Guy Johnson,  il existe bien d'autres modes d'apprentissage : l'analyse de pratiques, le retour d'expériences, les communautés de pratiques, les réseaux d'experts, les colloques, le coaching, l'activité tutorée, la mise en situation, etc. Toutes ces actions entrent mal dans la définition formelle de l'action de formation et l'on ne peut pas dire que l'administration du travail ait véritablement encouragé l'innovation en se transformant trop souvent en administration fiscale soucieuse davantage du respect des règles que des résultats obtenus. Le reproche vaut pour la majorité des OPCA qui ne se sont que trop rarement autorisés à braconner pour de bonnes causes ou plutôt, puisqu'ils n'ont pas à être des pirates, à solliciter des lettres de mission pour devenir des corsaires.

De ce fait, la règlementation n'a pas constitué un outil d'innovation pédagogique, mais au contraire un frein au développement professionnel. Il est significatif à cet égard que l'on en soit encore à promouvoir les plans de formation dans les entreprises, alors qu'il faudrait plutôt gérer des plans de développement professionnel dans lesquels la formation ne serait qu'une modalité du développement. Mais la concentration des financements sur le moyen formation a bridé cette évolution qui aurait vu la disparition des services formation au profit de services du développement professionnel. Gageons que les premiers secteurs professionnels qui s'affranchiront du cadre règlementaire pour se doter des moyens de financer des actions non imputables mais d'un intérêt certain pour la professionnalisation des salariés, ouvriront une brèche dans laquelle on se bousculera pour s'engouffrer. Il ne sera que temps.