09/11/2010
Au Loup !
L'affaire Baby Loup revient à la une des medias avec, hier, l'audience devant le Conseil des Prud'hommes de Mantes-La-Jolie. Rappelons l'affaire : au retour d'un congé parental, une salariée d'une crèche se présente voilée. La directrice lui rappelle le principe de neutralité religieuse inscrit dans le règlement intérieur et lui demande de travailler sans voile. La salariée refuse, elle est licenciée. La Halde est saisie, les prud'hommes également et l'affaire s'emballe. Et cet emballement, comme souvent, nous plonge dans l'idéologie et nous éloigne du droit. S'indignent à l'unission des tenants de la laïcité, des féministes, des xénophobes qui n'acceptent les voiles que pour les femmes dans les Eglises ou devant le Pape, des racistes de tout poil, etc. Curieux assemblage a priori, mais devant la confusion des arguments il ne faut pas s'étonner de la confusion des genres. Et la nouvelle présidente de la Halde, loin de remettre de la rationnalité dans le débat, ce qui est après tout sa fonction, d'encourager le délire argumentaire en invoquant pour justifier son avis sa propre histoire personnelle. A force de crier au loup, on finit par ne plus s'entendre et par ne plus rien y comprendre.
Annabelle Guetatra - Sans titre - 2009
Mais revenons au droit. Que disait l'avis si critiqué de la Halde qui considérait le licenciement illégitime ? trois choses. La première est qu'une entreprise privée n'est soumise à aucune principe de neutralité religieuse. La deuxième est que tout salarié jouit d'une liberté religieuse à condition de ne pas faire de prosélytisme et de ne pas se soustraire à ses obligations contractuelles pour des raisons religieuses. Depuis longtemps, il est admis que le seul port d'un insigne ou vêtement religieux n'est pas en soi du prosélytisme. Et la troisième que tout employeur a la possibilité d'apporter des restrictions aux libertés individuelles pour des raisons objectives et par des décisions proportionnelles. En l'occurence, la crèche Baby Loup n'avait pas à faire figurer la neutralité religieuse dans son règlement intérieur ni à licencier au motif du non respect de cette neutralité que seule la loi pourrait consacrer. Elle devait règler la seule question qui vaille : le port du voile est-il incompatible avec la fonction de directrice adjointe d'une crèche compte tenu de la nature des fonctions correspondantes ? des questions de cette nature, les tribunaux en ont déjà tranché plusieurs : l'opératrice sur un plateau téléphonique ne peut être licenciée pour cause de port du voile, mais la salariée qui s'occupe d'enfants autistes et refuse de se déshabiller pour les surveiller pendant la baignade si. Ce que nous dit le droit, c'est que le problème ne doit pas être posé en terme de religion. Raté. Et le pire est encore peut être à venir quand on entend la présidente de la Halde dire qu'il y a un vide juridique, ce qui n'existe pas, et Manuel Valls proposer une loi pour interdire le voile dans les crèches. A mal poser les questions, il ne faut pas s'étonner que l'on donne de mauvaises réponses et qu'au final on aboutisse à exactement l'inverse que l'objectif recherché.
Pour qui préfère savoir de quoi il est question avant de s'indigner, l'avis de la Halde sur ce sujet :
AvisHalde-ReligionetTravail.pdf
Et un exemple de courrier adressé à un employeur sur une affaire similaire :
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : halde, baby loup, licenciement, discrimination, religion, voile, droit du travail