28/11/2013
Suivons le loup
La décision était attendue après les conclusions de l'avocat général, mais c'est évidemment la motivation qui retient l'attention. Dans un nouveau jugement sur l'affaire Baby-Loup, la Cour d'appel de renvoi, après l'annulation du licenciement par la Cour de cassation, valide la décision des Prud'hommes et confirme que la crèche pouvait licencier la salariée refusant de quitter le voile. Dans des commentaires un peu rapides, les journalistes en ont conclu que la Cour d'Appel s'opposait à la Cour de Cassation. Il se peut que ce soit l'inverse, et que les juges du fond aient au contraire suivi scrupuleusement les prescriptions de la Cour de Cassation. Celle-ci avait considéré qu'un règlement intérieur dans une crèche privée ne peut porter interdiction générale de signes religieux sans dire en quoi cette interdiction est liée à la nature de l'activité exercée.
Crédit Photo : Dandylan
Du coup, la Cour d'Appel de Paris a pris soin, cette fois-ci, d'argumenter en détail. Si le licenciement est justifié c'est pour deux raisons : parce que l'activité s'adresse à des enfants dont les représentations en construction peuvent être influencées et parce que le règlement intérieur ne vise que ces activités et n'édicte pas une interdiction générale. Moyennant quoi, la Cour d'Appel rejoint la Cour de cassation : il n'est pas possible d'interdire d'une manière générale le voile mais uniquement en fonction de la nature de l'activité exercée. Et dans leur motivation, les juges indiquent que l'interdiction ne peut s'appliquer aux activités de la crèche dirigées vers les adultes. Ce qui devrait, comme dans les précédents jugements, relativiser les jugements qui crient au triomphe de la laïcité ou à la défaite de la liberté, et qui devraient comme l'ont fait les juges, moins s'emporter et se pencher un peu plus sur la loi.
00:11 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : baby-loup, crèche, religion, droit, travail, licenciement, liberté, juge
Commentaires
Bonjour,
Je n'ai lu la décision de manière rapide (la lecture rapide , c'est de l'entraînement) mais on voit d'emblée que la Cour d'Appel fait appel (sans jeu de mot) à une notion jurisprudentielle d'origine européenne, curieuse d'ailleurs dans sa formulation et qui est celle "d'entreprise de conviction", notion dont on va reparler, un peu obscure quand même.
Maintenant, la Cour d'appel ne veut absolument pas faire appel (encore une fois sans jeu de mot) à la notion de service public se limitant à faire état d'une activité "d'intérêt général".
Or, beaucoup de crèches y compris dans le groupe Baby loup, sont sous le régime de la délégation de service public , ce qui implique nécessairement, pour la validité de ce contrat administratif, la reconnaissance préalable de l'existence d'une mission de service public par nature (CE, 30 juin 1999 SMITOM et loi Murcef)...Maintenant on ne connaît pas au juste l'origine et surtout l'importance du financement (notion de "substantialité" étant différente de "majoritaire".)
La Cour d'appel a, en quelque sorte élargi le débat. Bonne ou mauvaise chose ? Suite du feuilleton en 2014...
(commentaire fait "à la volée" en deux minutes après avoir à peine lu la décision...)
Écrit par : bcallens | 28/11/2013
J'ai été d'autant plus inspiré de faire état d'un commentaire rédigé "à la volée" que certaines formules doivent manifestement être corrigées (ce blog ne permettant pas de modifier le texte après l'avoir envoyé). Mais le fond y est..
Écrit par : bcallens | 28/11/2013
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