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23/11/2013

Des failles

C’est une peinture qui vous parle du 21ème siècle. Pas une peinture contemporaine, une peinture qui vous raconte l’histoire de son époque à travers l’histoire. Sur fond de couleurs fadasses, d’éclairage aux néons sans goût, de lignes aussi diffuses que les flous idéologiques du temps, se déroule une scène de série télé. Parce que sur l’écran rectangulaire de la toile télévisée, la banalité du sordide au quotidien ne nous est pas simplement montrée, elle est  mise sous nos  yeux sans recul, sans pensée, sans émotion mais avec la ferme intention de l’effroi. Froid comme les couleurs, froid comme l’inanité du commentaire, froid comme l’absurdité de la vie tragique. C’est ce flot d’images sans intérêt du début du siècle qui vient se cristalliser sous la lumière blafarde du tableau.

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Marie Rauzy - Il ne faut pas faire la guerre - 2013

Qui n’en peut plus et s’ouvre en son milieu. De  cette faille de l’espace et du temps surgit le minotaure. Enfant des jeux de l’amour et du pouvoir, tragique et dérisoire, il se pare des atours publicitaires pour se fondre dans le décor. Mais son œil le trahit. C’est l’œil de l’âne du Gilles de Watteau. C’est l’œil des soldats qui sont revenus des tranchées du siècle dernier. C’est l’œil des millions d’animaux qui entrent dans les abattoirs. C’est l’œil de la conscience qui ne peut plus parler, suffoquée. C’est l’œil d’épouvante du Minotaure qui comprend que même au sein du labyrinthe, les hommes ne le laisseront pas en paix. C’est pourquoi, au-dessus de cet œil sont plantées les ailes des chauves-souris baudelairiennes qui, comme l’Espérance, s’en vont battre contre  les murs humides du cachot dans lequel nous enferme le siècle, 21ème du nom. Il y a longtemps que la vie s’est réfugiée dans les failles, c’est là que la peinture vous donne rendez-vous.

08/08/2011

L'unilatéral, c'est bon pour les saumons

Sans doute un temps que les moins de vingt ne peuvent pas connaître, et c'est heureux. Le temps de l'unilatéral. Celui du maître qui parle et que l'on écoute. Celui du professeur qui enseigne et que l'on écoute. Celui de la radio qui pénètre dans les foyers pour délivrer une parole extérieure et qui, avec elle, introduit le silence dans les maisons, pour écouter. La radio, et plus encore avec la télévision, c'est la limitation de la parole du groupe familial, donc interne, au profit de la parole externe. Une information, certes, mais aussi une double désappropriation : la perte du rôle d'acteur pour celui de spectateur et la perte de la maîtrise du discours.

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Hokusai - Saumon et souris

Le temps de l'unilatéral a duré longtemps. Trop longtemps. Il a correspondu au temps de celui qui commande et de celui qui obéit. De l'ordre descendant et de la légitimité institutionnelle. Et puis vint internet. Premier media généralisé à ne pas reposer sur l'unilatéral mais tout au contraire sur l'implication, la participation, le libre choix, la libre navigation, l'horizontalité, la pluralité. Le premier media qui inverse la pyramide : c'est d'en bas que ça part et que ça se diffuse. Cette culture bouscule l'unilatéral. Elle n'est pas, encore, celle de nos élites. Il faudrait que cela vienne vite car si l'unilatéral est parfait pour les saumons, entre humains cela fait des ravages.

16/01/2011

Voilà ce que l'on pouvait dire

La formule est rituelle : « Voilà ce que l’on pouvait dire ce soir sur le sujet… ». Essayez de regarder un journal télévisé (n’en abusez pas) et d'échapper à la rituelle phrase de clôture. Impossible. Manière pour le journaliste de fermer la porte ou de remettre le couvercle puisque tout a été dit. N'essayez pas de réfléchir, de penser ou de rajouter quoi que ce soit, on vous dit que tout ce qu'il y avait à dire a été dit. Bonne nuit les petits.

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Et pourtant, il aurait été possible de dire au moins les choses autrement, voire de n’en rien dire. Car le premier choix est celui des sujets, le second choix est celui de l’angle de traitement et le troisième choix est dans le commentaire. C'est-à-dire le travail du journaliste. Faut-il qu’il soit mal à l’aise avec lui-même, sa légitimité, son professionnalisme pour sempiternellement s’excuser de n’avoir fait autrement et prévenir toute opposition : j’ai dit ce qu’il était possible de dire, j’ai fait mon métier. En l’occurrence son métier serait de faire  exactement l’inverse.

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Ce qu'il est possible de dire du Red Rose

 Ce désengagement journalistique, cette grande couverture ou grand parapluie brandi à tout bout de champ ressemble furieusement à une recherche de l’irresponsabilité. Si le droit nous apprend que l'on peut être reconnu irresponsable, il nous apprend également que l’on est libre à hauteur de ce que l’on est responsable. Considérer que l’on ne pouvait faire autrement que ce que l’on a fait, c’est refuser d’engager sa responsabilité professionnelle et au final nier son professionnalisme qui consiste au contraire à justifier ses choix.

Voilà ce que l’on pouvait  dire ce soir sur cette étrange manie des journalistes.