21/02/2014
On va enfin savoir
....encore quelques semaines, ou petits mois, de patience, et nous saurons. Enfin. Nous saurons ce qu'est une formation de qualité dès que sera publié le décret qui doit nous révéler, après tant de vaines recherches, le grand secret. Gai, gai, réjouissons nous. Ou pas. Car il n'est pas impossible, et l'on pourrait même dire sans excès de pessimisme qu'il est probable, que les critères qui nous seront proposés seront de piètre qualité, notamment si l'on se fie au fait que toutes les tentatives, nombreuses, pour faire évoluer la définition de l'action de formation se sont heurtées à des murs d'incompréhension plus infranchissables que la mer rouge. Et il est à craindre que sous couvert de qualité on ne soit guère capable de produire autre chose qu'une bureaucratique normalisation.
C'est un vieux fantasme de tous les contrôleurs, centralisateurs, normalisateurs et autres rabougris de l'imagination que de penser qu'ils pourront réguler d'en haut, par décret (mais après consultation de toutes les parties, cela va de soi...), la qualité de la formation. Pourtant, le marché de la formation est un marché de professionnels. Les entreprises, les OPCA, POLE EMPLOI, les conseils régionaux...autant d'acheteurs de formation dont c'est le métier. Et l'achat de formation par les particuliers représente péniblement 6 % du marché, avec un droit protecteur spécifique, ce qui est normal. Faut-il donc qu'ils soient maladroits, incompétents, étourdis, hébétés, drogués ou endormis ces acheteurs professionnels pour acheter n'importe quoi. Mais grâce aux sénateurs qui, hélas, ne se sont pas endormis et ont poursuivi leurs travaux tardivement, ils sauront enfin ce qu'est la qualité et pourront cocher satisfaits les cases de la conformité pour acheter en toute tranquillité. Allez, tous en route vers l'innovation garantie par décret !
22:20 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : qualité, formation, sénat, loi, assemblée, the wall, pink floyd
11/02/2014
Un petit détail
Le diable s'y niche, c'est bien connu. Mais les détails sont souvent fascinants. Par ce qu'ils cachent et qu'il faut aller chercher, par ce qu'ils révèlent sans vraiment le montrer. Le tableau que vous voyez est un détail. Quelques centimètres carrés d'une toile qui fait plusieurs mètres de surface. Un tableau dans le tableau, une explosion dans la composition, un condensé d'énergie libre dans une peinture maîtrisée. La toile est à Nice, dans le musée Chagall, et dans les détails, Chagall est un merveilleux poète de l'abstraction.
Il est un alinéa dans le projet de loi sur la formation professionnelle qui n'attire que peu l'attention. Niché dans un texte qui ne manque pas de nouveautés, il pourrait passer inaperçu, comme un simple amendement rédactionnel. La modification de l'article L. 6231-8 paraît mineure : elle supprime pourtant toute référence à la formation hors-temps de travail et impose aux employeurs de prendre des engagements de reconnaissance des efforts du salarié (mais on ne sait plus lesquels puisqu'il peut s'agir d'une formation pendant le temps de travail) et des compétences acquises par un accès prioritaire aux fonctions correspondantes, lorsque le salarié suit une formation de développement des compétences. Ces formations sont celles qui apportent aux salariés des compétences non utilisables dans le cadre de leur fonctions. Il s'agit donc d'un développement de la qualification personnelle et non contractuelle. Dans le cadre du plan de formation, cela correspond aux formations de catégorie 2. Si dorénavant, à partir du mois prochain en fait dès que la loi est applicable, il faut prendre des engagements particuliers pour tout ce qui ne concerne pas l'emploi occupé, on ne connaît pas meilleur frein au développement de l'employabilité. Ce qui s'appelle se tirer une balle dans le pied.
00:40 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : formation, réforme, travail, emploi, loi, droit, peinture, chagall, détail
31/01/2014
Un cadeau empoisonné ?
Pour trouver un compromis entre les organisations syndicales qui souhaitaient une contribution de 1 % pour la formation et les organisations patronales qui militaient pour s'en tenir à 0,8 %, fut imaginé le principe d'une contribution de 0,2 % au titre du Compte Personnel de Formation dont les entreprises pourraient s'exonérer en cas de conclusion d'un accord prévoyant un financement direct pour un montant équivalent de formations relevant du CPF. Nombre de commentateurs ont estimé que c'était un cadeau fait aux grandes entreprises qui allaient s'empresser de s'exonérer de cette obligation et réduire ainsi le montant de leur contribution. Il pourrait bien s'avérer que cette possibilité ait des allures de cadeau empoisonné pour ces entreprises.
En premier lieu, négocier qu'au moins 0,2 % sera consacré au CPF, cela risque d'être bien souvent l'engagement de faire davantage, puisque 0,2 % est la base minimale de négociation : quel intérêt pour les salariés alors que le financement par l'OPCA n'est pas plafonné et pourrait permettre, si les salariés sont demandeurs, de bénéficier de financements plus importants. Car l'entreprise qui s'exonèrera de cotiser ne pourra par là même plus prétendre à la mutualisation. Ensuite, il faut tenir compte du fait que le CPF comprend des droits opposables à l'employeur, hors temps de travail (toutes les formations éligibles) et sur le temps de travail (le socle de connaissances et compétences). Soit le risque pour l'employeur de gérer directement l'organisation de formations sans intérêt pour lui, plutôt que de voir l'OPCA s'en occuper. Enfin, opter pour la déductibilité directe c'est réintroduire pour ces sommes l'imputabilité, la déclaration fiscale et le contrôle de l'administration que la réforme supprime. Et comme la loi ne reconnaît pas à l'entreprise qui signe un tel accord le pouvoir de fixer elle-même les priorités du CPF, qui demeureront fixées à l'extérieur de l'entreprise, on ne voit guère de configuration qui permette de garantir que, du point de vue de l'entreprise, une telle négociation soit judicieuse. Vraiment tout du cadeau empoisonné.
17:35 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : entreprise, négociation, formation, cpf, blanche-neige, cadeau, loi, travail, emploi
20/01/2014
Les irresponsables ne sont pas ceux que l'on croit
C'était il y a bien longtemps. On m'avait rasé la tête, mis un béret rouge, enfermé pour un an et plongé dans un univers crapuleux, au sens premier du terme. Pour en sortir au plus vite, j'avais opté pour le refus frontal, le seul possible en certaines circonstances. Et je m'étais retrouvé un soir dans une froide nuit de décembre à hurler non, alors que deux cent poitrines gueulaient oui, à la question de savoir si j'étais fier d'être là et d'aller sauter depuis les avions. A partir de là, l'affrontement fût effectivement un peu plus frontal. Et je me retrouvai notamment convoqué par un capitaine, qui après les traditionnelles insultes (de chien rouge à intellectuel en passant par lavette et autres joyeusetés), m'expliqua qu'ici il n'était pas question de liberté individuelle, que sous l'uniforme j'appartenais à la Nation et devait abdiquer toute volonté propre de la même manière, je l'entends encore, que le ventre des femmes enceintes ne leur appartenait pas. C'était il y a quasiment 30 ans mais c'est manifestement reparti.
Alors que l'Assemblée nationale examine des dispositions qui garantissent et reconnaissent l'avortement comme le droit de celles qui portent le processus de création de la vie, de l'interrompre si les conditions d'une survenance dans de bonnes conditions ne sont pas remplies, voilà que l'on vient nous expliquer que la liberté individuelle n'a nulle place ici et que Dieu, la nature ou l'enfant à naître doivent s'imposer à la liberté de conscience, et donc à la responsabilité, de la femme. Mais la vraie liberté, est une responsabilité, et celle de donner la vie, une des plus grandes, ne peut que résulter d'un choix. Qu'une société veuille enlever ce droit de choisir, comme en Espagne, revient en fait et en droit à vouloir une société d'irresponsables.
Et le rapport avec la formation ? dans une société d'irresponsables, la formation n'est plus éducation mais uniquement prescription. Alors que dans une société d'individus libres, elle est un apprentissage de la responsabilité.
23:39 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : droit, avortement, assemblée, loi, espagne, france, politique, société, armée, liberté
12/01/2014
Faire simple, c'est compliqué (le CPF 1)
Picasso, Matisse, Cézanne, les danseurs aussi, et les musiciens et d'autres sans doute, dont les écrivains à qui l'on conseille toujours de reprendre leur page et de dire la même chose en supprimant tous les mots inutiles, tous n'ont eu de cesse que de déstructurer, déconstruire, faire éclater les représentations habituelles pour aller vers l'épure, l'essentiel, le sujet même, ramené à quelques traits, quels mots ou quelques notes. Le Graal, c'est d'aller au plus simple pour dire l'indicible. En matière juridique il n'en est pas autrement, et tout l'art consiste à synthétiser, en quelques règles générales, tout le flot de l'inépuisable diversité de la réalité que l'on se propose de régir. Dans le projet de loi sur la formation, tout lecteur aura constaté que l'art fait défaut, et particulièrement en ce qui concerne les modalités d'acquisition du compte personnel de formation.
Femme nue couchée, la dormeuse - Picasso - 1932
Concentrons nous sur deux dispositions. La première sur les acquisitions : 20 heures pendant 6 ans puis 10 heures pendant trois ans. Soit neuf années à des taux différents, ce qui ouvre bien inutilement des tas de questions pratiques : 2015 est-elle la première année pour tout le monde ? faut-il partir de l'entrée sur le marché du travail ? comment compter les années de retrait de l'activité ? et les années de travail non salarié entre des années de travail salarié ? et une année complète de chômage vient-elle amputer les neufs ans ? autant de casse-têtes pour le gestionnaire du CPF alors qu'il aurait été plus simple de s'en tenir à 20 h par an plafonnées, et mieux encore, le compte étant personnel et non lié au statut selon la loi, à considérer que tout actif acquérait 20 heures quelle que soit sa situation, jusqu'à atteindre le plafond.
Et en passant, notons que si la loi se fait désormais fort de reprendre les ANI, elle devrait quand même prendre en compte le fait que lorsque la négociation se conclue par une séance de 26 heures, la qualité rédactionnelle ne peut être au rendez-vous et qu'il est sans doute préférable de transposer l'esprit plutôt que la lettre.
La deuxième disposition concerne la précision légale que les congés de maternité, paternité, adoption, parental ou de soutien familial sont pris en compte pour le CPF. Les non juristes, ou les juristes peu rigoureux, en concluront que tous les congés cités ne sont pas pris en compte dans le calcul. Et ils auront tort car le principe est que le CPF est alimenté à hauteur de 20h par année de travail à temps complet, ce qui exige la prise en compte de tous les congés assimilés au travail et créé une incertitude, compte tenu de la formule, sur les absences non assimilées à du temps de travail effectif. Moyennant quoi, on reproduit pour le CPF une des difficultés déjà identifiée pour le DIF. Là encore, établir le droit en fonction de la personne, et non du temps de travail, était logique, cohérent et simple. Mais apparemment, faire simple c'est vraiment compliqué.
16:00 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : compte, personnel, formation, réforme, éducation, travail, emploi, loi, droit
06/01/2014
Changement de lumière ou de décor ?
Tous les blasés, les cyniques, les "à qui on ne la fait pas", aiment bien rappeler que plus ça change moins ça change, que la révolution c'est étymologiquement le retour à la case départ, que la réforme ce n'est jamais que de nouveaux mots pour dire de vieilles choses, bref, embourbés nous sommes, embourbés nous resterons.
Il est vrai qu'avec les 69 pages du projet de loi sur la formation professionnelle, l'emploi et la démocratie sociale, et les innombrables renvois à d'innombrables décrets, on se dit que décidément l'art de légiférer se perd, comme depuis à peu près deux siècles. Qui se plonge sans prévenir dans le texte, risque clairement de ne pas y voir jaillir la lumière.
Alors nous allons tenter de mettre sur ce texte un peu de jour et d'aller voir de plus près ce qu'il recèle. Les sujets ne manquent pas : nouvel entretien individuel, nouvelles contributions financières, nouveau compte personnel de formation et fin du DIF, conseil en évolution professionnelle, service public régional de la formation, disparition de l'imputabilité et de la déclaration fiscale pour les entreprises, obligations de négociation et de consultation renforcées, engagements plus nombreux vis-à-vis des salariés qui se forment mais aussi de ceux que l'on ne forme pas, fin du financement des organisations patronales et syndicales par les OPCA, création d'un financement transparent et obligation de rendre des comptes, mode de calcul de la représentativité patronale qui échappe à l'élection, ...vraiment les sujets ne manquent pas qui nous promettent des jours nouveaux sinon meilleurs.
Alors, la même chose sous un emballage différent ? le jour et la nuit ? comme à chaque jour suffit sa peine, à partir de demain sur ce blog, chaque jour un commentaire d'une des thématiques de la loi. Pour tenter d'y voir plus clair et de savoir si c'est juste une variation de la lumière ou si le décor a vraiment changé.
23:02 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : loi, réforme, changement, décor, lumière, photo, sicile, formation, emploi, démocratie, social
14/11/2013
Eau et gaz à tous les étages
La loi de finances pour 2014 prévoit une réforme de la taxe d'apprentissage, et notamment un versement à hauteur de 55 % du quota rénové de la taxe d'apprentissage (égal à l'ancien quota apprentissage + contribution supplémentaire pour le développement de l'apprentissage) aux conseils régionaux. Les Chambres de commerce et les grandes écoles contestent cette règle nouvelle, aux motifs notamment que les entreprises perdront de la liberté d'affectation de la taxe et que les régions financeront principalement des formations de premier niveau. Sur la liberté de versement, l'apprentissage n'étant pas un marché mais un service d'intérêt général, l'argumentaire est faible. Il demande un peu plus d'attention sur la répartition des financements entre formations de premier niveau et formations supérieures. L'hypothèse de départ étant de fonctionner à ressources constantes, il est en effet difficile d'avoir l'eau et le gaz à tous les étages : renforcer les priorités d'un côté c'est forcément réduire les financements de l'autre.
Mettons nous en situation. Si je suis conseiller régional, dans une région où le chômage des jeunes est important et le nombre de jeunes sortis sans qualification du système éducatif également, que vais-je prioriser : l'apprentissage sur les premiers niveaux de qualification pour offrir une solution à ces jeunes en situation difficile, ou bien le financement de l'apprentissage dans le supérieur pour valoriser la filière apprentissage et montrer qu'il ne s'agit pas d'un dispositif de sélection par l'échec ? si je vais un peu sur le terrain et que je rencontre les jeunes et les parents, le choix sera vite fait. Et si l'on veut inverser la tendance et développer l'apprentissage dans le supérieur, alors il faudrait ouvrir ces places d'apprentissage non pas à des étudiants qui y trouveront un effet d'aubaine, mais en faire une filière d'accès à l'enseignement supérieur pour ceux qui ont interrompu précocement leurs études pour intégrer le monde du travail, serait-ce par l'apprentissage. C'est ainsi que l'on augmenterait le ratio d'espoir que notre système de formation peut offrir aux jeunes et que l'on constituerait de véritables filières de promotion par l'apprentissage. Peut être la seule manière, au final, d'avoir vraiment l'eau et le gaz à tous les étages.
23:53 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : apprentissage, taxe, financement, emploi, travail, éducation, loi, finances, jeunes, gainsbourg, musique, chanson
06/09/2013
Des comptes, comme s'il en pleuvait
On savait que la période était aux comptables, on ne s'étonnera donc pas de la prolifération des comptes. A peine le compte personnel de formation est-il né de la loi de sécurisation de l'emploi, sans que pour autant personne sache à quoi il ressemblera, que voici le petit frère, le compte personnel de prévention de la pénibilité. Et comme dans les bonnes fratries on va faire en sorte qu'ils s'entendent bien à prévoyant qu'ils fonctionneront de concert. Les principes du compte personnel de prévention de la pénibilité (le C3P donc) sont relativement simples : tout salarié occupant un emploi répertorié comme pénible acquiert 1 point par trimestre. Le cumul des points lui ouvre droit soit à formation pour exercer un métier moins pénible, soit à passage à temps partiel avec salaire maintenu soit à une retraite anticipée. Trois manières d'alléger la pénibilité.
Futur bénéficiaire du compte ?
Selon le Gouvernement, 10 points (soit 2,5 ans) ouvriront droit à 50 jours de formation pour exercer un métier moins pénible. Ce qui va réouvrir le dossier du classement des emplois dans les métiers pénibles ou pas, selon les dix facteurs définis par la règlementation (Les manutentions manuelles de charges lourdes ; les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ; les vibrations mécaniques ; les agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées ; les activités exercées en milieu hyperbare ; les températures extrêmes ; le bruit ; le travail de nuit ; le travail en équipes successives alternantes ; le travail répétitif.) et mettre une pression supplémentaire, en complément du compte personnel de formation, pour que l'entreprise forme les salariés qui se forment habituellement le moins, et pas sur des formations de deux jours. Au final, c'est pour les services ressources humaines que la mise en oeuvre du compte risque de s'avérer pénible.
00:19 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : pénibilité, compte, prévention, loi, projet, formation
02/09/2013
La dernière loi
Le conseil des prud’hommes de Compiègne a donc donné raison aux salariés de CONTINENTAL, pour trois raisons. La première est que le droit des sociétés ne peut faire obstacle au droit social et que lorsqu’une filiale obéit aux injonctions de sa société mère, celle-ci acquiert la qualité de coemployeur et les responsabilités qui vont avec. La seconde est que réduire les coûts après un endettement du à des choix stratégiques hasardeux n’est pas un motif économique. La troisième est que l’obligation de reclassement ne peut se réduire à l’envoi de mails entre services RH. Soit trois questions fondamentales en une seule décision.
Henri Rousseau - Le lion, ayant faim, se jette sur l'antilope
Les réactions des mécontents n’ont pas tardé. Tout d’abord ceux qui pensent que juridiquement tout cela ne tient pas la route, que les Conseils des prud’hommes ne font pas du vrai droit et que la Cour d’appel y remettra bon ordre. Ceux-là devraient se souvenir que le juge administratif s’est déjà prononcé exactement dans le même sens en février dernier s’agissant des autorisations de licenciement des salariés protégés qui ont été annulées faute de motif économique suffisant. Et puis ceux qui pensent que la décision est juridiquement fondée mais qu’elle aura des effets désastreux sur les investisseurs, dissuadés par ces lois scélérates de venir s’installer en France. A ceux-là on rappellera que la dernière loi à s’appliquer après l’abolition de toutes les autres, c’est celle de la jungle.
00:52 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : conti, continental, prud'hommes, justice, droit, social, travail, licenciement, jungle, loi
07/07/2013
A moi compte, deux mots...
Certes, la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin a acté l'appellation de Compte personnel de formation. En cela elle a fixé une terminologie, sans pouvoir déterminer exactement à quoi elle correspond. Il est tout de même curieux de commencer par nommer avant d'avoir défini. Lorsque l'on veut faire du droit à peu près correctement, on fait exactement l'inverse.
Extraits de la matinée du 20 juin 2013 de l'AFREF
Plus grave, alors que l'on considère que les difficultés d'appropriation du DIF ont en partie tenue au décalage entre la dénomination (droit individuel) et le contenu (droit négocié, gestion collective), on recréé sans délai les conditions du même échec. Il faudra en effet expliquer aux salariés que ce compte ne contient pas d'euros, qu'il n'est pas lié au statut mais ne permet d'acquérir des heures que si l'on est salarié, qu'il est personnel mais que les priorités de formation sont fixées par des tiers et qu'il n'est mobilisable qu'en tant que l'on trouve un financeur. Plus généralement, la notion de compte renvoie à une capitalisation qui n'existe guère, tout le dispositif étant conçu, à ce jour, comme une gestion de flux. Plutôt que de s'entêter dogmatiquement à préserver une appellation problématique, on ferait peut être bien de changer à ce compte personnel, deux mots.
22:36 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : afref, formation, compte, loi, droit, sécurisation, emploi, social, éducation
03/07/2013
Dédoublement
La loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin généralise, pour les entreprises de plus de 5000 salariés, l'élection de représentants des salariés au sein du Conseil d'Administration, ou de surveillance. Il y en aura 1 si le conseil compte moins de 12 membres, 2 s'il y en a plus de 12. Même minoritaires, ces administrateurs nouveaux auront le droit de vote. Ils participeront à tous les conseils, auront accès aux informations et contribueront aux débats. Jouer ce rôle sera tout sauf évident. Pas facile en effet de concilier les relations interpersonnelles, qui peuvent devenir cordiales, la fonction de représentation des salariés et le rôle d'administrateur. Le risque de schizophrénie est bien réel.
Je me souviens d'un secrétaire de CE et de CCE, délégué syndical central, représentant au conseil d'administration et divers autres mandats au nom d'un syndicat qui était le syndicat unique, avec une forte tradition d'opposition, au sein d'un groupe industriel. Les patrons de l'entreprise étaient des américains. Ils emmenèrent le syndicaliste au siège aux Etats-Unis, à Saint-Louis, passèrent beaucoup de temps avec lui, l'associant à tout, lui montrant tout. Le syndrôme du journaliste "embedded" et l'inverse de la confrontation frontale, dans laquelle il aurait été plus à l'aise. Un monde nouveau, des logiques qui ont leur cohérence et au final un positionnement personnel de plus en plus difficile à construire. Pour sortir du dilemne, le syndicaliste trouva comme solution de renoncer à ses mandats permanents, et de consacrer au moins une journée par semaine à son activité : remplir des sacs, les charger dans les camions, faire fonctionner les machines, assurer le nettoyage et la maintenance. En équipe au milieu des autres salariés. Pour prévenir le risque de dédoublement, rien de mieux que de se donner comme objectif de faire des liens entre les mondes.
00:05 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : loi, sécurisation, emploi, conseil, administration, entreprise, économie, syndicat, social, américains
18/05/2013
Le droit, c'est pas naturel
J'ai toujours eu du mal avec la notion de droit naturel qui me paraît relever de l'oxymore : dès lors qu'il y a droit, nous ne sommes plus dans l'état de nature mais dans la construction sociale. Pas d'autre droit que le droit positif. Même si la notion a pu servir de fondement conceptuel aux droits de l'homme, inaliénables et imprescriptibles, elle relève d'un essentialisme porteur de tous les dangers. En assignant l'individu à une nature préétablie, on l'enferme dans un déterminisme comme la mouche dans une toile d'araignée. C'est pourquoi la loi sur le mariage entre personnes de même sexe, promulguée ce jour, est une loi de liberté bien davantage qu'une loi d'égalité. Liberté de choix, et liberté de devenir. Car on a beau naître complet, on est ce que l'on devient. Et l'on peut espérer que la multiplication des modèles familiaux et leur banalisation, constituera par l'exemple la meilleure éducation à la tolérance. Car comme dirait Simone, on ne naît pas homosexuel(le), on le devient.
Clovis Trouille - Rêve claustral - 1952
10:43 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : mariage, homosexuel, gay, loi, droit, nature, politique, peinture
16/05/2013
Diable !
Le diable est dans les détails paraît-il. Cela signifie qu'il surgit souvent là où on ne l'attend pas, ce qui est bien le moins lorsque l'on prétend à un minimum de diabolisme. Après l'adoption définitive par le Parlement, mardi dernier, de la loi de sécurisation de l'emploi, on pourrait bien s'apercevoir que ce ne sont pas les mesures les plus médiatiques, tels les accords compétivitité emploi, qui auront l'impact le plus important. Il est une disposition, qui concerne toutes les entreprises ayant une représentation du personnel, qui est de nature à modifier sensiblement la donne des relations sociales : la mise en place de la base de données unique d'information (BDU) à destination des représentants du personnel. Voilà un diabolique surgissement qui fera figure de calvaire pour bien des responsables ressources humaines.
Félicien Rops - Le calvaire - 1882
Dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi, deux ans pour les entreprises de moins de 300 salariés, devra être constituée une base de donnée actualisée en permanence et tenue à disposition des représentants du personnel, dont le contenu sera précisément fixé par un décret à paraître. Le détail qui tue, c'est que devront figurer dans cette base de données, les informations relatives aux deux années passées, ce qui ne pose guère de problème, mais également aux trois années à venir. Autrement dit, toutes les entreprises vont devoir annoncer et actualiser leurs prévisions de chiffre d'affaires, d'activité, d'emploi, de masse salariale, d'investissement, de formation, etc. pour les trois années à venir. Jamais une telle exigence de prévision chiffrée n'a été imposée aux entreprises. Car l'exercice se révèlera redoutable à l'usage : qui annoncera ses véritables objectifs à trois ans et en tirera les conséquences prévisionnelles ? mais si tel n'est pas le cas, qui se retrouvera en flagrant délit de mensonge pour avoir publié des prévisions linéaires alors que des décisions stratégiques étaient envisagées ? et comment assumer une prévision non linéaire pour les années à venir ? le casse tête ne fait sans doute que commencer. Un calvaire vous dis-je.
23:09 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : loi, sécurisation, emploi, calvaire, syndicat, représentant, personnel, ressources humaines, travail, droit, information, rops, peinture, diable
22/04/2013
Inversion
Le Sénat a adopté, samedi 20 avril, la loi de sécurisation de l'emploi, après un esclandre des communistes qui ont quitté la séance pour protester contre le raccourcissement des débats. Le groupe communiste dénonce d'ailleurs, comme la CGT et FO qui n'ont pas signé l'ANI du 11 janvier 2013 à l'origine du projet de loi, un texte qui comporte plus de régressions que de droits nouveaux pour les salariés. On pourrait penser, en effet, qu'un texte signé par toutes les organisations patronales mais une partie seulement des organisations syndicales, un texte sur lequel l'UMP s'abstient en période d'opposition féroce et qui voit la majorité de gauche s'affronter et se diviser, n'est pas franchement une loi qui penche en faveur des droits des salariés. D'ailleurs, si opposition et majorité avaient été inversées, l'UMP aurait voté ce texte comme un seul homme en lui reconaissant mille vertues, alors que le PS se serait abstenu en regrettant que le texte n'aille pas plus loin et soit un faux-semblant pour les salariés. Ainsi vont les vicissitudes du petit monde politique.
Man Ray - Positif, négatif
Oui mais voilà, tout ceci sent trop la réaction superficielle, de circonstance, de positionnement politique. Et du coup, que penser de ce texte ? Peu de droits supplémentaires pour les salariés, et qui restent à construire, contre des reculs immédiats et bien plus graves ? c'est l'avis du PC, de certains aussi au PS, de la CGT et de FO. Pourtant, lorsque l'on présente les dispositions du texte à des entreprises, que l'on explique la généralisation de la couverture santé et de la prévoyance, la refonte des obligations d'information des représentants du personnel et la mise en place de la base de données unique, les négociations nouvelles obligatoires, le renforcement des droits du comité d'entreprise, l'obligation de négocier davantage avec les organisations syndicales, la validation des PSE par les syndicats ou l'administration, la soumission des accords de mobilité ou de compétitivité emploi à des accords majoritaires, on voit les mines s'allonger et l'atmosphère n'est pas à la satisfaction d'avoir arraché de nouvelles flexibilités et sécurité pour l'entreprise. Il paraît même que lorsque les représentants patronaux expliquent le texte à leur base, ils se font engueuler. Signe que tout n'est certainement pas blanc ou noir dans ces dispositions dont on ne sait toujours pas si elles auront vraiment un impact sur l'emploi, ni surtout s'il sera positif ou négatif, ces deux représentations d'une même réalité comme a su nous le montrer Man Ray.
02:45 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sécurisation, loi, sénat, man ray, photo, politique, ump, ps, pcf, communistes, débat, travail, chômage, emploi
18/04/2013
PUB !
Bon pour la session du mardi 23 avril, c'est complet, vous êtes 365 inscrits, signe que l'année sera peut être bissexuelle mais qu'elle n'est pas bissextile. Pour les sessions du mercredi 24 avril et du mercredi 15 mai, il reste encore quelques accès possibles. Evidemment, c'est gratuit, mais ce n'est pas une raison suffisante pour s'inscrire lorsque l'on a pas de temps à perdre. Evidemment vous pouvez suivre le séminaire depuis le lieu de votre choix, c'est le principe même du séminaire. Evidemment, le nombre d'inscrits obligera votre serviteur à faire un choix dans les questions posées par écrit pour y répondre oralement. Sinon, cela dure une heure et commence à 16 heures. Mais de quoi s'agit-il ?
Du Webinar organisé par DEMOS que j'animerai donc les 23 et 24 avril et 15 mai prochains, pour décrypter les dispositions formations de l'ANI du 11 janvier 2013 et de la loi de sécurisation de l'emploi qui sera définitivement adoptées d'ici quelques semaines. Parmi les thèmes traités : la création du compte formation et sa substitution au DIF, la mise en place du conseil en évolution professionnelle et les nouvelles obligations de négociation sur la formation et de consultation du comité d'entreprise. Soit le point sur l'état du droit avant que ne s'engage une nouvelle réforme de la formation qui sera lancée lors de la Conférence sociale du mois de juillet. Si vous souhaitez vous inscrire, c'est ici : webinar. Merci qui ?
00:11 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : formation, droit, réforme, dif, publicité, webinar, demos, loi, sécurisation, emploi
05/04/2013
Conférence en Amérique
Liaisons Sociales avait choisi la Maison de l'Amérique Latine pour organiser une Conférence sur la loi de sécurisation de l'emploi. En m'y rendant jeudi matin, je pensai à mon copain Alain parti en goguette en Argentine et qui s'est retrouvé sous des trombes d'eau la nuit dernière.
Buenos Aires
En arrivant à la maison de l'Amérique Latine, je jette un coup d'oeil à la vitrine qui présente des livres Sud-Américains. Le premier titre qui me saute aux yeux est "Je ne suis pas venu pour faire un discours" de Garcia Marquez. Je m'en souviendrai au moment de présenter le volet Formation de la loi. Mais en attendant, j'écoute les avocats parler de la loi : le travail technique est brillant, chaque mot, chaque virgule, chaque formule est disséquée, pesée, analysée et passé au crible de la marotte des avocats : le risque juridique, le contentieux et les aléas liés à la future position du juge, grand manitou de la chose judiciaire. Les têtes des participants se courbent au fur et à mesure des interventions, se demandant tout à la fois si cette loi apporte bien de la simplification (certainement pas), une nouvelle sécurité juridique (sans doute en partie, mais le propre de toute règle étant d'être interprétable, si l'on veut supprimer le risque il faut supprimer les juges, ce que la loi de sécurisation s'emploie d'ailleurs à faire), de nouveaux outils dans la boîte à outils (oui bien sur, François sera content -pas le pape, l'autre) et une régression ou un progrès pour les entreprises et salariés (les deux mon capitaine). Mais il ne faut pas s'étonner que des avocats nous livrent une telle vision de la loi, pas plus qu'il ne faudrait s'étonner d'avoir une image peu flatteuse de notre société si l'on s'en tenait à la description que pourrait nous en faire un policier, par exemple.
Jesse A. Fernandez - Wilfredo Lam
Juste le temps d'une pause, pour regretter que soit terminée l'exposition de Jesse A. Fernandez (mais vous pouvez découvrir - en espagnol- l'hilarant texte de Copi, l'Uruguayen), et c'est à moi. Pas de discours donc, droit au but :
- vous avez aimé expliquer que le DIF était un droit dont l'usage devait être négocié, vous adorerez expliquer que le compte personnel de formation est un compte non monétaire (en langage populaire et non techno : il n'y a pas de sous dedans) ;
- vous pensez que le DIF ne marche pas, demandez-vous ce que cela révèle sur la capacité de dialogue et de partage du pouvoir dans les entreprises, surtout à l'occasion d'une loi qui veut faire primer le dialogue social sur l'arbitrage judiciaire ;
- vous craignez le provisionnement et des charges nouvelles pour l'entreprise, dormez tranquille ;
- vous vous demandez comment ça marche techniquement, il vous faudra attendre l'an prochain (la Conférence Sociale en juillet, un ANI à l'automne, une loi en début d'année, un vote au printemps) pour les détails ;
- vous voulez savoir si certains négociateurs, signataires, n'ont pas compris qu'ils supprimaient le DIF en signant l'ANI ? la réponse est oui ;
- vous vous demandez à quoi va servir le conseil en évolution professionnelle ? à faire ce que le bilan de compétences n'a jamais fait : croiser un diagnostic individuel de compétences avec la situation du bassin d'emploi sur lequel on se trouve ;
- vous vous demandez pourquoi le conseil en évolution professionnelle a été confié au service public d'orientation ? vous avez raison, c'est une erreur, il reviendra normalement aux FONGECIF ;
- vous vous demandez ce que c'est que la Gestion Prévisionnelle Négociée des Emplois et des Compétences ? c'est une négociation qui ne porte ni sur la Gestion (liberté de l'entreprise), ni sur la prévision (ah le charme d'une négociation sur la prévision...), ni sur l'emploi (ce n'est pas le PSE triennal), ni sur les compétences (on ne négocie pas les compétences). Alors sur quoi : sur les dispositifs et méthodes de développement des compétences. C'est à dire comme avant ;
- vous vous demandez pourquoi la négociation inclut dorénavant les "grandes orientations de la formation" ? pas pour exclure les petites orientations mais pour rester à un grand niveau de généralité et que la négociation ne donne surtout pas l'idée de négocier le plan de formation.
Pari tenu Gabriel, je n'ai pas fait de discours.
La journée est clotûrée par Jean-Denis Combrexelles, Délégué Général au Travail qui s'emporte presque : oui bien sur, on peut chicaner sur telle ou telle rédaction, mais l'essentiel de la loi c'est quand même d'inviter à la négociation et de prévoir une régulation plus grande par l'accord (entre partenaires sociaux ou avec l'administration) en lieu et place de décisions unilatérales et de leur contestation judiciaire. Un pari sur l'intelligence et la bonne foi en quelque sorte. Belle sortie, tempérée par la dernière question : "Est-ce que cette loi crééra des emplois ?", geste de lassitude du Délégué et rires, jaunes peut être, mais rires tout de même, dans l'assistance.
En partant, je repasse devant la vitrine, et cette fois-ci, le titre qui me saute aux yeux c'est celui qui figure ci-dessous. Amen.
00:54 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : liaisons sociales, conférence, loi, sécurisation, emploi, social, politique, buenos aires, copi, livres, amérique latine
28/03/2013
Trop plein de vide
Que des approximatifs ou des incompétents répètent à tout va que le droit n'est qu'un immense gruyère plein de vides, on commence à s'y habituer. Mais voilà que la petite musique s'étend et gagne les plus hauts sommets de l'Etat. Manuel Valls, tout d'abord, qui déclare mardi à l'Assemblée à propos de l'affaire Baby Loup que s'il y a un vide juridique, il faudra une initiative législative. François Fillon ensuite, qui dans une tribune publiée dans Le Monde mercredi (voir ici) appelle à combler le vide législatif et juridique. Il est curieux d'avoir à rappeler la loi à ceux qui ont, ou ont eu, en charge de l'élaborer ou de la faire respecter. Dans le meilleur des cas, il s'agit d'une méconnaissance. Sinon, il s'agirait soit de mauvaise foi soit de calcul politicien.
Rappelons donc la règle à nos gouvernants et à ceux qui aspirent à l'être : elle figure à l'article L. 1121-1 du Code du travail et postule que l'on ne peut apporter aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché. En application de ce texte, il ne peut être édicté un principe général de neutralité par rapport à la religion, mais uniquement si c'est incompatible avec l'activité exercée. Faute d'avoir dit en quoi porter un foulard empêche de travailler dans une crèche, la décision de la Cour d'appel ne pouvait être que censurée par la Cour de cassation (pour un rappel plus complet du droit existant, voir ici).
Cet épisode m'a rappelé deux bons souvenirs. Le premier est la naissance du fiston à la maternité Sainte-Félicité. Il y avait des soeurs infirmières dans cette clinique privée qui gère ce qui peut être assimilé sinon à un service public du moins à un service de santé d'intérêt général. Faudra-t-il imposer le retrait du voile aux religieuses qui participent à des activités privées ou leur demander de cesser d'y participer ? Le second bon souvenir est celui d'un déplacement à la Réunion à la demande d'une banque. Devra-t-elle interdire à ses guichetiers et conseillers de s'habiller comme leurs clients ? Dans une société largement multiconfessionnelle et où la diversité n'est pas qu'un mot ou un étendard, la question pourra paraître saugrenue.
Et tant que l'on est à la Réunion, anecdote de voyage. Comme c'était la journée du Patrimoine, je me suis rendu à la Grande Mosquée qui est au centre de Saint-Denis. Il y avait des panneaux d'interdiction de photographier partout. Passant outre, je pris quelques photos, quand je vis deux barbus accourir vers moi. Je m'attendais à un rappel à l'ordre, quand le plus petit me dit : "Viens avec moi, je vais te montrer le meilleur endroit pour prendre une photo du minaret". Du coup, il fût photographié lui aussi, presque aussi raide que le minaret mais avec plus de rondeurs, ce qui le fît rigoler.
Conseillons donc à Valls et Fillon un petit détour par les provinces françaises, ils s'apercevront que les vides qui les effraient tant sont comblés depuis longtemps. Et s'ils trouvent le temps, ils pourront réfléchir à la seule question qui se pose en droit aujourd'hui : en quoi porter un foulard est un problème pour s'occuper des enfants ou exercer d'autres activités.
00:01 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : baby-loup, laïcité, religion, voile, réunion, religieuse, photo, peinture, droit, valls, fillon, loi
21/03/2013
Un train de sénateur
Audition mercredi par le rapporteur de la loi de sécurisation de l'emploi au Sénat, sur son volet formation. Je plaide pour une retranscription complète de l'ANI, actant le principe de codécision, définissant les premières priorités du compte et officialisant sa substitution au DIF. Le rapporteur, qui connaît bien la formation professionnelle, écoute, entend, paraît manifester quelque intérêt, mais au final, on sent bien l'hésitation et la tentation bien plus grande de considérer que la traduction minimale et sans portée opérationnelle sera la bienvenue. Certes, il paraît possible de donner une première traduction, mais des travaux sont lancés par ailleurs, le sujet est complexe, il n'y a pas de pression de la part des partenaires sociaux sur le volet formation de l'accord, d'autres dimensions du texte vont mobiliser beaucoup d'énergie, le Ministre de la Formation n'est plus là et personne ne porte véritablement ce projet de Compte personnel sur lequel il y a autant d'idées que d'interlocuteurs, bref, il n'y a que des coups à prendre et il est sans doute, en toute sagesse sénatoriale, urgent d'attendre.
Pourtant, il y avait un beau wagon qui aurait pu être inclus dans le train des dispositions que la loi de sécurisation va tenter de mettre en oeuvre sans délai. Mais il y a de fortes chances pour qu'il reste sur cale. Le renvoi à la loi future sur la réforme de la formation nous porte en effet assez loin. La Conférence sociale de Juillet, puis une négociation interprofessionnelle, puis un projet de loi, puis un processus parlementaire, il y a fort à parier qu'aucun texte positif ne sera adopté avant au moins un an. Et si ensuite on rajoute les délais d'opérationnalisation, cela nous renvoie au mieux au 1er janvier 2016. Peut-être après tout est-ce un rythme politique : tous les maires savent que les travaux doivent être terminés quelques mois avant les élections suivantes pour être actés au bilan. Mais j'avais cru comprendre qu'il y avait urgence et que la formation était une priorité. Avec le non-remplacement de Repentin et l'attentisme qui semble s'instaurer, j'avais manifestement mal compris.
00:02 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : sénat, loi, sécurisation, emploi, train, formation, compte, repentin, remaniement, politique, réforme
11/03/2013
Equilibre
Laurence Parisot en fait injonction au Gouvernement et au Parlement : impossible de toucher à l'ANI qui a été signé le 11 janvier 2013 sans en bouleverser l'équilibre. Les parlementaires devront s'en tenir à reprendre le texte, tout le texte et rien que le texte. Les amendements intempestifs qui viendraient le modifier seraient une marque de défiance envers la démocratie sociale, que le Président Hollande souhaite par ailleurs conforter. Une telle injonction a peu de sens, pour deux raisons.
La première tient au processus de production des lois organisé par l'article 1 du Code du travail : sur les sujets relevant de leur compétence, les partenaires sociaux sont appelés à négocier en amont de tout projet de loi d'origine gouvernementale. Mais ce n'est bien évidemment que la première étape du processus, et le Parlement doit ensuite faire son oeuvre.
La seconde raison est plus fondamentale : la démocratie politique et la démocratie sociale ont toutes deux leur légitimité. La question n'est pas de savoir laquelle doit primer, mais bien au contraire comment leurs actions peuvent intelligemment se combiner. La recherche de l'équilibre entre les deux démocraties est sans doute un exercice difficile, mais il ne relève en tout état de cause ni du diktat politique (nous sommes élus par le peuple, pas vous), ni de l'impératif social (nous avons négocié, reprenez en l'état sinon c'est un déni). Le Professeur Despax, qui était par ailleurs d'un grand calme et un fervent défenseur de la négociation collective, s'emportait déjà dans les années 80 lorsque les partenaires sociaux, coutumiers du fait donc, intimaient au Parlement de s'en tenir à la retranscription des accords conclus. L'examen du projet de loi de sécurisation de l'emploi par le Parlement sera l'occasion pour les députés de démontrer où se situe, pour ce qui les concerne, le point d'équilibre.
13:19 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : parisot, loi, sécurisation, emploi, parlement, démocratie, économie, travail, politique
15/02/2013
Minimal
Je n’aime pas l’art minimaliste. Pas parce que l’artiste n’en ferait qu’un minimum. Au contraire, il faut souvent beaucoup de travail pour une œuvre minimale. Pas non plus parce que certaines œuvres semblent destinées aux rayonnages d’Ikea et que la frontière entre designer et artiste s’en trouve brouillée. Après tout, Mondrian a été abondamment pillé par le design et Man Ray faisait de la photo publicitaire. Prônant la simplicité pour plus d’efficacité auprès de mes clients, l’art minimal aurait pu être une référence et un repère. Mais je n’aime pas l’art minimal.
Donald Judd - Vertical Progression Red
Je n’aime pas les transcriptions minimales dans la loi des textes conventionnels. Je n’aime pas les reprises sans souffle, sans dynamique et sans valeur ajoutée. Je n’aime pas l’absence d’engagement et de choix qui en résulte. Je n’aime pas attendre que le chemin soit entièrement balisé avant de me mettre en route. Je n’aime pas constater que le minimal est souvent un manque d’imagination. Je n’aime donc pas beaucoup la manière dont le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi a retraduit les dispositions formations de l’ANI du 11 janvier 2013. Si vous voulez savoir pourquoi, vous pouvez lire ci-dessous la chronique écrite pour l’AEF qui détaille les limites et impasses de ce service minimum et sans art.
14:02 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : loi, ani, négociation, formation, éducation, emploi, sécurisation, art, art minimal