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05/04/2013

Conférence en Amérique

Liaisons Sociales avait choisi la Maison de l'Amérique Latine pour organiser une Conférence sur la loi de sécurisation de l'emploi. En m'y rendant jeudi matin, je pensai à mon copain Alain parti en goguette en Argentine et qui s'est retrouvé sous des trombes d'eau la nuit dernière.

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Buenos Aires

En arrivant à la maison de l'Amérique Latine, je jette un coup d'oeil à la vitrine qui présente des livres Sud-Américains. Le premier titre qui me saute aux yeux est "Je ne suis pas venu pour faire un discours" de Garcia Marquez. Je m'en souviendrai au moment de présenter le volet Formation de la loi. Mais en attendant, j'écoute les avocats parler de la loi : le travail technique est brillant, chaque mot, chaque virgule, chaque formule est disséquée, pesée, analysée et passé au crible de la marotte des avocats : le risque juridique, le contentieux et les aléas liés à la future position du juge, grand manitou de la chose judiciaire. Les têtes des participants se courbent au fur et à mesure des interventions, se demandant tout à la fois si cette loi apporte bien de la simplification (certainement pas), une nouvelle sécurité juridique (sans doute en partie, mais le propre de toute règle étant d'être interprétable, si l'on veut supprimer le risque il faut supprimer les juges, ce que la loi de sécurisation s'emploie d'ailleurs à faire), de nouveaux outils dans la boîte à outils (oui bien sur, François sera content -pas le pape, l'autre) et une régression ou un progrès  pour les entreprises et salariés (les deux mon capitaine). Mais il ne faut pas s'étonner que des avocats nous livrent une telle vision de la loi, pas plus qu'il ne faudrait s'étonner d'avoir une image peu flatteuse de notre société si l'on s'en tenait à la description que pourrait nous en faire un policier, par exemple.

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Jesse A. Fernandez - Wilfredo Lam

Juste le temps d'une pause, pour regretter que soit terminée l'exposition de Jesse A. Fernandez (mais vous pouvez découvrir - en espagnol- l'hilarant texte de Copi, l'Uruguayen), et c'est à moi. Pas de discours donc, droit au but :

- vous avez aimé expliquer que le DIF était un droit dont l'usage devait être négocié, vous adorerez expliquer que le compte personnel de formation est un compte non monétaire (en langage populaire et non techno : il n'y a pas de sous dedans) ;

- vous pensez que le DIF ne marche pas, demandez-vous ce que cela révèle sur la capacité de dialogue et de partage du pouvoir dans les entreprises, surtout à l'occasion d'une loi qui veut faire primer le dialogue social sur l'arbitrage judiciaire ;

- vous craignez le provisionnement et des charges nouvelles pour l'entreprise, dormez tranquille ;

- vous vous demandez comment ça marche techniquement, il vous faudra attendre l'an prochain (la Conférence Sociale en juillet, un ANI à l'automne, une loi en début d'année, un vote au printemps) pour les détails ;

- vous voulez savoir si certains négociateurs, signataires, n'ont pas compris qu'ils supprimaient le DIF en signant l'ANI ? la réponse est oui ;

- vous vous demandez à quoi va servir le conseil en évolution professionnelle ? à faire ce que le bilan de compétences n'a jamais fait : croiser un diagnostic individuel de compétences avec la situation du bassin d'emploi sur lequel on se trouve ;

- vous vous demandez pourquoi le conseil en évolution professionnelle a été confié au service public d'orientation ? vous avez raison, c'est une erreur, il reviendra normalement aux FONGECIF ;

- vous vous demandez ce que c'est que la Gestion Prévisionnelle Négociée des Emplois et des Compétences ? c'est une négociation qui ne porte ni sur la Gestion (liberté de l'entreprise), ni sur la prévision (ah le charme d'une négociation sur la prévision...), ni sur l'emploi (ce n'est pas le PSE triennal), ni sur les compétences (on ne négocie pas les compétences). Alors sur quoi : sur les dispositifs et méthodes de développement des compétences. C'est à dire comme avant ;

- vous vous demandez pourquoi la négociation inclut dorénavant les "grandes orientations de la formation" ? pas pour exclure les petites orientations mais pour rester à un grand niveau de généralité et que la négociation ne donne surtout pas l'idée de négocier le plan de formation.

Pari tenu Gabriel, je n'ai pas fait de discours.

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La journée est clotûrée par Jean-Denis Combrexelles, Délégué Général au Travail qui s'emporte presque : oui bien sur, on peut chicaner sur telle ou telle rédaction, mais l'essentiel de la loi c'est quand même d'inviter à la négociation et de prévoir une régulation plus grande par l'accord (entre partenaires sociaux ou avec l'administration) en lieu et place de décisions unilatérales et de leur contestation judiciaire. Un pari sur l'intelligence et la bonne foi en quelque sorte. Belle sortie, tempérée par la dernière question : "Est-ce que cette loi crééra des emplois ?", geste de lassitude du Délégué et rires, jaunes peut être, mais rires tout de même, dans l'assistance.

En partant, je repasse devant la vitrine, et cette fois-ci, le titre qui me saute aux yeux c'est celui qui figure ci-dessous. Amen.

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Commentaires

Merci pour cette description d'une réunion à laquelle je n'ai pu assister (et n'ai d'ailleurs pas été convié).
Nos diagnostics se recoupent, les partenaires sociaux ont signé le 11 janvier l'arrêt du DIF pour l'inconnu d'un compte formation qu'ils n'ont nulle envie ni moyens de déployer. Comme la formation est un sujet consensuel on s'est juste donné bonne conscience à peu de frais.
Il semblerait qu'heureusement le DIF subsistera tant que le compte formation ne sera pas opérationnel (et je ne le vois pas fonctionner avant des années).

Écrit par : cozin | 09/04/2013

Cher Didier Cozin, vous avez déjà eu l'honneur des débats à l'Assemblée Nationale où vos analyses, reprises ci-dessus, ont été longuement citées. Vous avez raison, le compte ne se substituera au DIF que lorsqu'il sera opérationnel. Mais le calendrier sera plus rapide que vous ne le pensez. Quant aux moyens financiers, on n'allouera pas de quoi financer 20h pour chacun chaque année, mais il y aura une réorientation des financements, c'est également quasiment acquis. Pour le reste, l'avenir est ouvert et je ne crois pas à la volonté d'immobilisme.

Cordialement


jpw

Écrit par : jpw | 09/04/2013

Je ne crois pas qu'à court ou moyen terme (dans 20 ans on ne sait pas) un dispositif comme le compte personnel formation puisse être mis en oeuvre et permettre simplement le financement et la réalisation de formation pour 28,5 millions d'actifs.
Selon moi c'est un chantier pour une décennie (au moins). Quand on sait que la carte vitale (qui fonctionne encore plus ou moins bien) a démarré en 1998 (avec une seconde version depuis 2007 ) on doute qu'en moins de 1 ou 2 ans les pouvoirs publics soient capables de faire ce que les OPCA ne parviennent pas toujours à faire pour les seuls salariés des entreprises qui cotisent chez eux.

Quant à la grande avancée d'un compte d'heures au lieu d'un compte en argent ça arrange tout le monde puisque personne ne souhaite payer et donc que le compte formation sera alimenté en monnaie de singe. C'est comme si on réglait les Congés payés des salariés en jours de congé mais sans les payer !

Écrit par : cozin | 10/04/2013

Bonjour,

Il ne s'agit pas de faire que tout le monde puisse bénéficier du compte chaque année, mais que le compte permette à des personnes qui en auront besoin de pouvoir mobiliser des ressources de formation dans certaines circonstances. Il ne faudra pas demander beaucoup plus au compte que ce que l'on pouvait demander au DIF.

Cordialement


jpw

Écrit par : jpw | 11/04/2013

Que tous les actifs de France (soit 28,5 millions de personnes actuellement) ne souhaitent pas bénéficier de leur Droit à la formation la même année c'est plus que probable. Toutefois la simple possibilité de connaître tous les ans et précisément le solde de son compteur formation, de savoir qui devra payer, qui paiera en cas de formation et sous quel délai (pas dans les 2 ans mais au plus dans les 2 mois après une demande), tout cela relève de travaux d'Hercule pour au moins une décennie.

D'autre part vous n'êtes pas sans ignorer que ceux qui ont le plus besoin de formation en France sont ceux qui sont les plus précaires, les moins insérés socialement et professionnellement, ceux qui pointent tous les matins devant les agences d'Interim ou encore ces travailleurs multi-employeurs, travaillant quelques heures par semaine à droite ou à gauche.

Pour ceux-là il faudra trouver qui portera leur demande de formation, qui fera la synthèse de leurs droits à la formation accumulés mois après mois (semaine après semaine même). Quel conseil régional paiera ensuite un organisme de formation sur la base des déclarations d'une multiplicité d'employeurs (y compris des personnes privées qui emploient quelques heures par mois une employée de maison ou une nounou).

La formation butte éternellement sur le problème du financement des travailleurs précaires pas du financement des employés d'une compagnie d'assurance (qui resteront sans doute 40 ans chez le même employeur ).

Si le compte formation ne permet que de former 1 % des salariés comme les dispositifs actuels de reconversion cela sera très insuffisant. Si dans les années prochaines il faut reconvertir tous les ans 10 ou 20 % des travailleurs il va falloir faire un énorme effort de simplification et de financement. Qui est prêt à former et à payer pour les 3 millions de travailleurs illettrés ?

Je vous parie un déjeuner au Crillon qu'en 2020 le problème ne sera toujours pas réglé (et notre système économique et social aura peut être implosé bien avant!)

Écrit par : cozin | 13/04/2013

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