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03/10/2014

Mal armée

La décision prise par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) le 2 octobre nous amène à nous replonger dans le Code de la Défense où l'on peut lire ceci : "Les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens. Toutefois, l'exercice de certains d'entre eux est soit interdit, soit restreint". Magnifique enchaînement dialectique : vous jouissez de tous les droits mais pas de tous. Avouons-le, la contradiction n'était pas tenable. C'est ce qu'ont relevé les juges européens en considérant que la France ne pouvait purement et simplement interdire toute activité syndicale à un militaire. 

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Membres du syndicat créé par F.H Fajardie au sein de l'armée chinoise

La disposition censurée par les juges est la suivante : "L'existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que l'adhésion des militaires en activité de service à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire.". Cette discipline n'étant pas explicite, on aurait tout de même aimé savoir quelle règle disciplinaire imposait qu'un collectif ne puisse défendre ses intérêts, on comprend aisément que dans la grande muette, il s'agit surtout de la fermer. Et bien les juges viennent de l'ouvrir. 

20/01/2014

Les irresponsables ne sont pas ceux que l'on croit

C'était il y a bien longtemps. On m'avait rasé la tête, mis un béret rouge, enfermé pour un an et plongé dans un univers crapuleux, au sens premier du terme. Pour en sortir au plus vite, j'avais opté pour le refus frontal, le seul possible en certaines circonstances. Et je m'étais retrouvé un soir dans une froide nuit de décembre à hurler non, alors que deux cent poitrines gueulaient oui, à la question de savoir si j'étais fier d'être là et d'aller sauter depuis les avions. A partir de là, l'affrontement fût effectivement un peu plus frontal. Et je me retrouvai notamment convoqué par un capitaine, qui après les traditionnelles insultes (de chien rouge à intellectuel en passant par lavette et autres joyeusetés), m'expliqua qu'ici il n'était pas question de liberté individuelle, que sous l'uniforme j'appartenais à la Nation et devait abdiquer toute volonté propre de la même manière, je l'entends encore, que le ventre des femmes enceintes ne leur appartenait pas. C'était il y a quasiment 30 ans mais c'est manifestement reparti. 

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Alors que l'Assemblée nationale examine des dispositions qui garantissent et reconnaissent l'avortement comme le droit de celles qui portent le processus de création de la vie, de l'interrompre si les conditions d'une survenance dans de bonnes conditions ne sont pas remplies, voilà que l'on vient nous expliquer que la liberté individuelle n'a nulle place ici et que Dieu, la nature ou l'enfant à naître doivent s'imposer à la liberté de conscience, et donc à la responsabilité, de la femme. Mais la vraie liberté, est une responsabilité, et celle de donner la vie, une des plus grandes, ne peut que résulter d'un choix. Qu'une société veuille enlever ce droit de choisir, comme en Espagne, revient en fait  et en droit à vouloir une société d'irresponsables. 

Et le rapport avec la formation ? dans une société d'irresponsables, la formation n'est plus éducation mais uniquement prescription. Alors que dans une société d'individus libres, elle est un apprentissage de la responsabilité. 

11/02/2013

Rompez !

C'est écrit comme un publi-reportage, mais ce n'en est pas un. Le Monde, sous la plume de Louise Couvelaire, nous raconte comment les grandes écoles, et les entreprises, envoient leurs plus brillants étudiants ou managers passer quelques jours, parfois une année, dans des unités militaires, pour apprendre véritablement le management. Rien ne manque à l'hagiographie, pas même le DRH réticent qui résiste longtemps mais qui, une fois qu'il y a goûté, enverrait bien toute l'entreprise sous l'uniforme. Surtout que l'armée mène à tout : on peut apprendre à commander, à faire adhérer, à donner du sens, à prendre des décisions et on découvre le collectif. Après être passés entre les mains des militaires, les intellectuels individualistes dépourvus de la moindre capacité d'action osent enfin se prendre en main. Que serait-ce si nous étions en Chine !

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Mais à aucun moment l'article n'aborde les trois supercheries qui gouvernent tout cela. La première est de laisser croire, comme le dit un colonel, que le management est la forme civile du commandement. A ce titre, les relations sociales constituent la forme civile de la guerre et la démission la forme civile de l'insoumission. La seconde est de ne jamais mettre en doute que des méthodes qui ont leur logique dans le contexte particulier du monde clos qu'est l'armée, dont toute l'organisation rappelons-le est tournée vers la capacité à faire la guerre, soient transposables dans le cadre d'une entreprise. Qu'il ne soit pas fait de différence entre un militaire et un salarié du point de vue du management laisse pantois. Mais le pire c'est que des grandes écoles confient à l'armée ce qu'elles se résignent à ne pouvoir enseigner. Plutôt que de découvrir le monde dans le cadre d'une année de césure, on s'enfermera dans l'uniforme et les casernes pour apprendre à faire travailler les autres. Peut être l'auteure de l'article aurait-elle pu interroger des (jeunes) retraités de l'armée qui après 20 ans passés sous l'uniforme ont tant de mal à s'intégrer au monde de l'entreprise et à y exercer une fonction de manager. Ce sera pour une autre fois (peut-être).

Les managers enfilent des rangers.pdf