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12/07/2013

Effet de façade

La Cour des comptes vient de rendre un rapport sur l'organisation des services de l'Etat au plan territorial. Il y est notamment question des DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ouf ! elles s'occupent aussi de formation mais on a pas osé DIRECCTEFP). Fruits de la RGPP, elles devaient illustrer que le regroupement des services permettait synergies et économies d'échelle. Vu de Paris et sur le papier. En réalité, les anciennes directions ont conservé leur fonctionnement et la DIRECCTE n'est qu'une façade derrière laquelle les pratiques n'ont guère changé. Par contre, la fusion a indéniablement fait perdre en qualité. Le parfait effet de façade.

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Façades

Le problème c'est que l'on a appliqué la même logique aux chambres de commerce, regroupées, aux OPCA, fusionnés, à POLE EMPLOI ou encore aux Universités. Au total on a multiplié les changements de structure, d'organisation, on a créé des ensembles énormes à pilotage central, on a généré beaucoup de frustration, de démotivation, de bureaucratie et au final une perte en ligne d'efficacité, de  souplesse, de  créativité et de  productivité. Soit l'exact inverse de l'effet recherché. Par contre, comme ils disent, on a "rationnalisé" (traduisez : réduit les moyens). Pour un  beau résultat : désormais il y a moins de façades.

07/07/2013

A moi compte, deux mots...

Certes, la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin a acté l'appellation de Compte personnel de formation. En cela elle a fixé une terminologie, sans pouvoir déterminer exactement à quoi elle correspond.  Il est tout de même curieux de commencer par nommer avant d'avoir défini. Lorsque l'on veut faire du droit à peu près correctement, on fait exactement l'inverse.


Extraits de la matinée du 20 juin 2013 de l'AFREF

Plus grave, alors que l'on considère que les difficultés d'appropriation du DIF ont en partie tenue au décalage entre la dénomination (droit individuel) et le contenu (droit négocié, gestion collective), on recréé sans délai les conditions du même échec. Il faudra en effet expliquer aux salariés que ce compte ne contient pas d'euros, qu'il n'est pas lié au statut mais ne permet d'acquérir des heures que si l'on est salarié, qu'il est personnel mais que les priorités de formation sont fixées par des tiers et qu'il n'est mobilisable qu'en tant que l'on trouve un financeur. Plus généralement, la notion de compte renvoie à une capitalisation qui n'existe guère, tout le dispositif étant conçu, à ce jour, comme une gestion de flux. Plutôt que de s'entêter dogmatiquement à préserver une appellation problématique, on ferait peut être bien de changer à ce compte personnel, deux mots.

03/07/2013

Dédoublement

La loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin généralise, pour les entreprises de plus de 5000 salariés, l'élection de représentants des salariés au sein du Conseil d'Administration, ou de surveillance. Il y en aura 1 si le conseil compte moins de 12 membres, 2 s'il y en a plus de 12. Même minoritaires, ces administrateurs nouveaux auront le droit de vote. Ils participeront à tous les conseils, auront accès aux informations et contribueront aux débats. Jouer ce rôle sera tout sauf évident. Pas facile en effet de concilier les relations interpersonnelles, qui peuvent devenir cordiales, la fonction de représentation des salariés et le rôle d'administrateur. Le risque de schizophrénie est bien réel.

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Je me souviens d'un secrétaire de CE et de CCE, délégué syndical central, représentant au conseil d'administration et divers autres mandats au nom d'un syndicat qui était le syndicat unique, avec une forte tradition d'opposition, au sein d'un groupe industriel. Les patrons de l'entreprise étaient des américains. Ils emmenèrent le syndicaliste au siège aux Etats-Unis, à Saint-Louis, passèrent beaucoup de temps avec lui, l'associant à tout, lui montrant tout. Le syndrôme du journaliste "embedded" et l'inverse de la confrontation frontale, dans laquelle il aurait été plus à l'aise. Un monde nouveau, des logiques qui ont leur cohérence et au final un positionnement personnel de plus en plus difficile à construire. Pour sortir du dilemne, le syndicaliste trouva comme solution de renoncer à ses mandats permanents, et de consacrer au moins une journée par semaine à son activité : remplir des sacs, les charger dans les camions, faire fonctionner les machines, assurer le nettoyage et la maintenance. En équipe au milieu des autres salariés. Pour prévenir le risque de dédoublement, rien de mieux que de se donner comme objectif de faire des liens entre les mondes.

17/06/2013

Pas classique

Vous êtes une star, et même deux. Vous avez travaillé beaucoup pour développer votre talent. Avec beaucoup de plaisir, mais aussi de volonté, d'abnégation, d'humilité. Vous êtes reconnu par vos pairs, par votre environnement, par les connaisseurs, par des inconnus. Chacune de vos sorties est un nouveau triomphe. Le temps  est venu des récompenses, de l'admiration, du sommet de votre art. Que faire ? surfer sur le succès, jouir enfin des efforts accomplis, s'épanouir dans la maturité qui ne fera que confirmer votre exceptionnelle maîtrise du sujet ? mais non, ce serait trop classique.

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Alors vous repartez dans les bibliothèques, dans les partitions, dans les textes oubliés, à la recherche de musiques presque disparues. Et plutôt que de vous demander quel compositeur mettra le mieux en valeur vos atouts, vous mettez votre art au service de sonorités nouvelles dont vous ne savez comment elles seront accueillies. Quand on s'appelle Cécilia Bartoli et Diego Fasolis, la meilleure manière de faire du classique, c'est de ne pas l'être. Et vous vous mettez à deux, en écho, la voix de la cantatrice qui guide l'orchestre et le corps du chef qui chante avec elle,  pour démontrer une nouvelle fois que l'on ne se sécurise qu'en se mettant en danger.

13/06/2013

173 nuances de gris

Tout praticien des ressources humaines, et sans doute de quelques autres métiers, sait que la condition de l'efficacité est souvent, pour ne pas dire toujours, la simplicité. Et que si l'on veut "que cela marche", la technique doit s'effacer, se faire discrète, ne pas s'étaler et si possible se faire oublier. Dès qu'elle reprend le dessus, en général c'est foutu. Les artistes le savent bien, après les périodes de virtuosité, d'exploration de toutes les techniques, d'acrobaties expérimentales et autres prouesses talentueuses, vient le temps de l'art maîtrisé, de la sobriété élégante et du condensé sublime. L'art de la synthèse en quelque sorte.

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Paris la nuit - Nicolas de Staël - 1954

En matière sociale, on citait souvent la deuxième loi Aubry (la première, limitée à 18 articles, cela allait), ses 50 décrets d'application et sa circulaire de 120 pages, comme le parfait exemple de ce qu'il ne fallait pas faire. On ne parle pas de la réduction du temps de travail, mais de la technocratisation des textes qui contribuent à éloigner chaque jour un peu plus du droit ceux qui sont censés s'en servir. On pourra dorénavant préférer un exemple plus récent, puisque la circulaire consacrée au contrat de génération compte 173 pages, rédigées dans ce style inimitable du techno qui fait de la pédagogie pour ceux qui seraient incapables de saisir immédiatement la quintessence de l'admirable dispositif conçu pour eux. Personnellement, lorsqu'il faut 173 pages pour m'expliquer pourquoi je dois être heureux, j'ai comme un doute et je préfère la lumineuse grisaille du Paris de Nicolas de Staêl à la sombre clarté du texte trop appliqué. Sinon, c'est censé relancer l'emploi.

Circulaire 15.05.13 Contrat de Génération.pdf

12/06/2013

Aligné

C'est plus une confirmation qu'une nouveauté, mais elle est formulée en des termes si fermement énoncés que l'on comprend qu'un cap est définitivement franchi. Et en plus, la décision sera publiée au bulletin. Il s'agit d'un jugement rendu par la Cour de cassation le 5 juin dernier au profit d'un opérateur de lignes qui reprochait à son employeur de ne l'avoir jamais inscrit à une formation du plan de formation en 16 ans. L'entreprise avançait pour sa défense que le salarié avait été recruté sans compétences, qu'il avait été formé au poste, qu'il pouvait désormais prétendre à un emploi de même nature dans tout entreprise industrielle, que le poste n'avait guère évolué en 16 ans ne nécessitant pas de formation et que le salarié, pour finir, n'avait jamais demandé ni DIF ni CIF. Tous ces arguments, qui avaient convaincu les juges d'appel, ont été balayés par la Cour de cassation qui donne raison à l'opérateur de lignes.

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En effet, la seule adaptation au poste de travail est insuffisante. L'employeur doit maintenir la capacité du salarié à occuper un emploi compte tenu de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Ce n'est donc pas uniquement une employabilité interne que l'entreprise doit maintenir, mais également une employabilité externe. Et le fait qu'il existe des dispositifs d'accès à la formation qui font place à l'initiative du salarié ne peut avoir pour effet d'exonérer l'employeur de ses responsabilités. Si certains, en créant le DIF, pensaient transférer la responsabilité de l'employabilité sur le salarié, c'est raté. C'est peut être d'ailleurs en partie pour cela que les mêmes soutiennent aujourd'hui la disparition du DIF et la création du compte personnel de formation. Il faut les comprendre, ce n'est pas  toujours drôle de se faire aligner.

Cass. Soc 5 juin 2013 Obligation de formation.pdf

10/06/2013

Dedans dehors

Presque toute la surface du tableau est consacrée à l'intérieur et le titre même de la toile "Intérieur au violon" vous ferait croire qu'il n'est question que d'intérieur. Que le sujet du tableau, c'est cette pièce, ce violon, qu'il s'agit d'une invitation à rêver la musique, à imaginer le musicien dans la pénombre  se saisir  de l'instrument et faire vibrer les sons.Une atmosphère beaudelairienne faite de luxe, calme et volupté, comme le bleu de velours qui abrite le violon. Mais ce bleu est trop bleu pour être honnête. Il n'est là que pour signaler l'autre bleu, plus discret, qui perce le travers des claires-voies. Car là est le vrai sujet du tableau : l'extérieur, la lumière éclatante du Sud qui seule permet de tamiser l'espace intérieur, la chaleur étouffante qui rêve d'entrer en tous lieux, l'air chaud frémissant qui éveille les sens et guidera le musicien. Le violon n'est qu'un écho de la musique extérieure.

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Matisse - Intérieur au violon

Qui prend le temps de lire les dispositions relatives à la formation dans la loi de sécurisation de l'emploi, y trouvera un même exercice d'intérieur-extérieur. Si l'ANI du 11 janvier 2013 constitue bien l'étape II de la réforme de la formation et s'inscrit dans la logique de l'ANI de 2003 (DIF/Compte personnel de formation - Entretien individuel/Conseil en évolution professionnelle - Obligation d'adaptation/Gestion prévisionnelle négociée des emplois et compétences), il est tout autant tourné vers l'extérieur que son prédécesseur l'était vers l'interne. En 2003, le DIF, l'entretien professionnel et l'obligation d'adaptation au poste visent à responsabiliser employeurs et salariés sur le développement des compétences dans l'entreprise. En 2013, le compte personnel aux priorités centrées sur l'employabilité externe, le conseil en évolution professionnelle fait pour accompagner les mobilités externes et la GPNEC qui vise à anticiper les évolutions de l'emploi, sont résolument inscrits dans des logiques externes. Si l'on ne peut en conclure hâtivement que l'objectif est de faire passer les salariés par la fenêtre, on peut tout de même s'interroger sur la manière dont les entreprises se saisiront de dispositifs construits sur des logiques qui ne sont pas nécessairement les leurs.

06/06/2013

On dirait le Sud

TGV du matin pour voir un client à Marseille. Soleil matinal, lumières pâles de la Provence, sols secs, on en oublie même que le compartiment bruisse  des inévitables cadres qui paufinent fièvreusement leurs présentations Powerpoint et vérifient leurs tableaux croisés dynamiques avant leur réunion du jour. Dès que la mienne est terminée, de réunion, je retarde mon retour pour un tour de ville dans laquelle il y a longtemps que je n’ai plus traîné. Avec pour débuter un détour par la Belle de Mai.

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Une déambulation marseillaise est l’occasion de constater que le Sud ne manque pas d’imagination pour favoriser l’emploi. Tout d’abord, pour lutter contre les idées reçues, à Marseille c’est celui qui travaille qui est assisté et non l’inverse.

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Ensuite, on ne lésine pas sur la sécurité au travail, ça créé de l’emploi.

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Enfin, on privilégie le travail collectif parce que dans le Sud, la convivialité et l’esprit d’équipe, c’est fondamental.

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Y a pas à dire, dans le Sud, on a du génie. Et comme on est autonome, Marseille c’est déjà un peu la Corse, hé bien le génie, en cas de coup de mou, il se répare lui-même. Pas de doute, on est bien dans le Sud.

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04/06/2013

Vision globale

Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) lance un travail d'analyse des pratiques de formation dans les TPE, en liaison avec le Conseil national d'évaluation de la formation professionnelle. Les pratiques de formation de 40 TPE représentatives seront examinées. L'objectif est d'établir une typologie des pratiques et des modalités de formation. C'est très bien, mais avec un petit risque toutefois, celui de manquer de vision globale en mettant la focale uniquement sur l'usage de la formation sans s'interroger sur les processus de professionnalisation.

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Dans une TPE, en effet, la formation ne joue que de manière marginale un rôle dans la professionnalisation des salariés. C'est essentiellement par l'activité, souvent polyvalente, souvent obligée d'être créative, souvent faite d'expérimentation plus que de process, que se construisent à titre principal les compétences des salariés. Plutôt que de chercher à développer l'accès à la formation dans les TPE, ce qui peut rester un objectif louable, il serait tout de même plus intéressant d'identifier comment les processus de professionnalisation opèrent sans recourir à la formation. Et de cesser de considérer que les TPE ne forment pas, en reconnaissant au contraire qu'elles professionnalisent. Autorisons nous cet amicale recommandation au FPSPP : qu'il n'oublie pas qu'il est le Fonds de sécurisation des parcours professionnel et non le Fonds de sécurisation des parcours de formation.

02/06/2013

Liberté mais aussi égalité et fraternité ?

Le Gouvernement annonce son intention de réformer le régime des auto-entrepreneurs, et aussitôt, la machine médiatique s'emballe. La droite, c'est le jeu, hurle au découragement total de toute initiative d'entreprendre. Les auto-entrepreneurs auto-proclamés "poussins" s'égosillent devant leur liberté entamée et leur statut dégradé. Et la Ministre benjamine et tarn et garonnaise, Sylvia Pinel, se voit obligée de reprendre le Premier Ministre lui-même. Il faudrait tout de même rappeler, dans cette affaire, que les premiers demandeurs d'une réforme du statut d'auto-entrepreneur ce sont...les entrepreneurs. Dès la création du statut, les artisans se sont élevés contre cette possibilité de les concurrencer déloyalement, du fait d'un taux de charge forfaitaire avantageux par rapport au droit commun et d'un non assujettissement aux mêmes obligations règlementaires.

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Gil - www.gilblog.org

J'ai salué, sur ce blog, la liberté d'activité que représente le statut d'auto-entrepreneur. Il serait désolant de réduire à peau de chagrin cette liberté. Mais pour autant, cela ne doit pas éluder la question de l'égalité (pourquoi des statuts différents pour exercer une même activité) ni celle de la fraternité (pourquoi des contributions différentes aux régimes sociaux). Le mieux à faire, en ce domaine, est peut être de se demander de quel droit commun nous avons besoin pour l'exercice d'activités indépendantes principales et pour les activités indépendantes accessoires et d'arrêter de créer des statuts dérogatoires qui apportent moins de réponses immédiates qu'ils ne créent de problèmes à venir.

31/05/2013

Vive l'inertie !

Il ne fait pas bon être bon élève dans le champ social. Et on ne compte plus les enthousiastes de la première heure qui doivent affronter les sarcasmes et sourires goguenards des désabusés professionnels qui, n'ayant jamais été nulle part, sont revenus de tout. Cela avait commencé avec les 35 heures. Ceux qui s'étaient inscrits dans la loi de 1998, avaient réduit le temps de travail et maintenu les salaires, cherchaient encore comment regagner les surcoûts de 11,4 % générés par leur décision, quant la deuxième loi votée en 2000 leur fit comprendre qu'en ne faisant rien, et en restant à 39 heures, le surcoût était de 2,5 % de salaire et pouvait se rattraper en un an, deux maximum. Et l'on nous refait le coup avec le DIF. Ceux qui ont été proactifs et ont développé des politiques innovantes vont devoir soit replier les gaules, soit trouver les ressources en interne lorsque l'on obligera les OPCA à réorienter leurs financements vers les demandeurs d'emploi et le compte personnel de formation.

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Tout se passe comme si le législateur prenait un malin plaisir à décourager les initiatives, à favoriser l'inertie et finalement à donner raison à tous les pisse-froids qui ont toujours d'excellentes raisons de manquer d'imagination. Peut être que le jour où l'on se préoccupera de faire des textes pour accompagner les proactifs, pour encourager l'innovation, pour récompenser la créativité et non pour contraindre, imposer, sanctionner les récalcitrants et finalement tomber dans un jeu de dupe où chacun tient la barbichette de l'autre (je t'impose mais pas trop, je fais ce que tu m'imposes mais en faisant semblant), peut être alors que cela ira un peu mieux. On ira toujours plus vite en essayant d'accélérer le mouvement qu'en tentant de faire bouger l'inertie.

30/05/2013

Innovation classique

Ingres est répertorié parmi les peintres classiques : excellente maîtrise du dessin, application minutieuse dans la préparation des fonds, positionnement précis des détails, disparition de toute trace de la brosse après qu'elle soit passée sur la toile, le digne héritier de son maître David. Oui mais voilà, sous ce classicisme d'apparence apparaît l'innattendue et incongrue innovation : les corps s'allongent, les os s'assouplissent, les positions défient les lois physiques, les représentations débordent leurs personnages. Picasso ne s'y était pas trompé qui construisit un dialogue avec Ingres à travers le temps.

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Ingres - La source

Si l'on peut innover dans le classicisme, il arrive également que l'on fasse l'inverse. Lors de sa visite à l'usine Bosch de Rodez, François Hollande a salué un accord entre la direction et les syndicats qu'il a qualifié de "bel exemple" du dialogue social et qu'il a placé dans la ligne des objectifs poursuivis par le contrat de génération. Sans doute sa lecture de l'accord, ou du résumé que lui en ont fourni ses conseillers, a-t-elle été rapide. L'accord de compétitivité est surtout marqué par 116 départs en préretraite, soit l'inverse du maintien dans l'emploi des seniors voulu par le contrat de génération, qui sera de ce fait classé au rang des mesures qui persistent à vouloir le bonheur d'autrui malgré lui, et l'exacte politique de ressources humaines conduite depuis plus de 40 ans : maintenir la situation de ceux qui restent en diminuant  les coûts par des mesures d'âge. Pour le coup, très classique mais bien peu innovant.

27/05/2013

Jeunes et démissionnaires

La DARES vient de publier une analyse des cas de rupture de CDI (les fins de CDD et de missions d’intérim sont exclues) en fonction de l’âge. Une occasion de vérifier que la démission demeure, de très loin, le premier motif de départ de l’entreprise…sauf pour les salariés de 55 ans et plus, pour lesquels les licenciements sont plus nombreux que les démissions et les ruptures conventionnelles bien plus importantes que dans les autres catégories d’âge. Ce qui nous permet deux confirmations : la première c’est que l’assurance-chômage finance bien des préretraites puisque les licenciements de salariés post 55 ans reflètent moins un acharnement soudain des employeurs que la persistance de pratiques de préretraites qui ont la vie dure depuis 40 ans, soit deux générations. La deuxième confirmation c’est que plus on avance en âge et moins on démissionne, d’où des taux de licenciement plus élevés. Ce qui démontre que lorsqu’il y a une rotation rapide du personnel, il y a moins de licenciements. Par contre, dès lors que les départs volontaires sont plus rares, le taux de licenciement augmente.

 

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Les chiffres de la DARES permettent également de constater que les licenciements économiques demeurent, à tous âges, beaucoup moins nombreux que les licenciements pour motif personnel et que chez les moins de 40 ans, la démission et la rupture conventionnelle, soit les départs volontaires, représentent plus de 75 % des cas de rupture.

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Bien sur, les tableaux présentent des moyennes et masquent toujours les cas particuliers. Car il y a au moins un actif de 76 ans qui n’est pas prêt de démissionner ni de prendre sa retraite, c’est Jean-Baptiste Thiérrée. Créateur avec son épouse Victoria Chaplin, du Cirque Invisible, qui se donne à voir au Théâtre du Rond-Point jusqu’au 15 juin prochain, il produit, dans la lignée d’Alexandre Calder qui animait encore son Cirque de bout de fils de fer à plus de soixante ans, un spectacle tout en créativité, inventivité, poésie et sans recours à l’informatique, tout en mécanique et en finesse. Si vous voulez goûter à ce que le monde d’avant produisait de meilleur, courez y vite : voir son visage, c'est rire.

17/05/2013

De la main

De tradition et par nature, l'Etat en France, a rarement la main amie, au sens où l'amitié établit de fait une égalité entre ceux qui se l'accordent  mutuellement. L'Etat, autrement dit ceux qui agissent en son nom, a toujours conservé, nonobstant la République, une main royale qui peut à l'occasion être une main bienveillante, mais qui n'est jamais une main amie car elle se refuse à connaître l'égalité. L'Etat, comme le Roi, se pense et se veut d'une nature unique et primordiale.

Il ne fait pas de doute que la Conférence sociale qui se tiendra les 20 et 21 juin est une main tendue aux partenaires sociaux. Certains esprits critiques croient y reconnaître la main du noyé sous le poids du chômage qui guette la corde que voudront bien lui tendre les acteurs sociaux. Fausse impression, comme toujours l'Etat organise un dialogue au cours duquel sa main indiquera bien plus le chemin à suivre qu'elle ne s'ouvrira amicalement pour une invitation  où tout peut se dire et tout est envisageable, faute de quoi il n'est point d'amitié.

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Main de Blaise Cendrars

Dans le domaine de la formation professionnelle, en effet, les dés sont apparemment jetés. Comme l'a encore répété  Hollande lors de sa conférence de presse, après que Sapin ait annoncé la couleur, il s'agira de réorienter les fonds de la formation vers ceux qui sont considérés comme prioritaires : les salariés les moins qualifiés et les demandeurs d'emploi. Pour ce faire, il suffit de rappeler aux partenaires sociaux que l'obligation légale de financement de la formation est une taxe fiscale et qu'il revient donc à l'Etat de décider de son affectation de principe, les modalités de mise en oeuvre pouvant être déléguées. Car l'Etat aime bien la délégation qui voit le délégataire faire ce qu'on lui dit, voire dicte. Dans ces conditions, l'enjeu de la Conférence sociale se réduira à choisir entre  embrasser la main à laquelle on va obéir ou bien refuser de le faire et se préparer à la gifle qui en résultera.

Blaise Cendrars, dont les oeuvres autobiographiques viennent de paraître en Pléiade accompagnées d'un très bel Album, écrivait beaucoup. Il inscrivait parfois en bas de ses lettres "avec ma main amie", la seule qui lui restait et qu'il offrait sans partage, car il avait lui, le sens de l'égalité.

16/05/2013

Diable !

Le diable est dans les détails paraît-il. Cela signifie qu'il surgit souvent là où on ne l'attend pas, ce qui est bien le moins lorsque l'on prétend à un minimum de diabolisme. Après l'adoption définitive par le Parlement, mardi dernier, de la loi de sécurisation de l'emploi, on pourrait bien s'apercevoir que ce ne sont pas les mesures les plus médiatiques, tels les accords compétivitité emploi, qui auront l'impact le plus important. Il est une disposition, qui concerne toutes les entreprises ayant une représentation du personnel, qui est de nature à modifier sensiblement la donne des relations sociales : la mise en place de la base de données unique d'information (BDU) à destination des représentants du personnel. Voilà un diabolique surgissement qui fera figure de calvaire pour bien des responsables ressources humaines.

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Félicien Rops - Le calvaire - 1882

Dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi, deux ans pour les entreprises de moins de 300 salariés, devra être constituée  une base de donnée actualisée en permanence et tenue à disposition des représentants du personnel, dont le contenu sera précisément fixé par un décret à paraître. Le détail qui tue, c'est que devront figurer dans cette base de données, les informations relatives aux deux années passées, ce qui ne pose guère de problème, mais également aux trois années à venir. Autrement dit, toutes les entreprises vont devoir annoncer et actualiser leurs prévisions de chiffre d'affaires, d'activité, d'emploi, de masse salariale, d'investissement, de formation, etc. pour les trois années à venir. Jamais une telle exigence de prévision chiffrée n'a été imposée aux entreprises. Car l'exercice se révèlera redoutable à l'usage : qui annoncera ses véritables objectifs à trois ans et en tirera les conséquences prévisionnelles ? mais si tel n'est pas le cas, qui se retrouvera en flagrant délit de mensonge pour avoir publié des prévisions linéaires alors que des décisions stratégiques étaient envisagées ? et comment assumer une prévision non linéaire pour les années à venir ? le casse tête ne fait sans doute que commencer. Un calvaire vous dis-je.

22/04/2013

Inversion

Le Sénat a adopté, samedi 20 avril, la loi de sécurisation de l'emploi, après un esclandre des communistes qui ont quitté la séance pour protester contre le raccourcissement des débats. Le groupe communiste dénonce d'ailleurs, comme la CGT et FO qui n'ont pas signé l'ANI du 11 janvier 2013 à l'origine du projet de loi, un texte qui comporte plus de régressions que de droits nouveaux pour les salariés. On pourrait penser, en effet, qu'un texte signé par toutes les organisations patronales mais une partie seulement des organisations syndicales, un texte sur lequel l'UMP s'abstient en période d'opposition féroce et qui voit la majorité de gauche s'affronter et se diviser, n'est pas franchement une loi qui penche en faveur des droits des salariés. D'ailleurs, si opposition et majorité avaient été inversées, l'UMP aurait voté ce texte comme un seul homme en lui reconaissant mille vertues, alors que le PS se serait abstenu en regrettant que le texte n'aille pas plus loin et soit un faux-semblant pour les salariés. Ainsi vont les vicissitudes du petit monde politique.

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Man Ray - Positif, négatif

Oui mais voilà, tout ceci sent trop la réaction superficielle, de circonstance, de positionnement politique. Et du coup, que penser de ce texte ? Peu de droits supplémentaires pour les salariés, et qui restent à construire, contre des reculs immédiats et bien plus graves ? c'est l'avis du PC, de certains aussi au PS, de la CGT et de FO. Pourtant, lorsque l'on présente les dispositions du texte à des entreprises, que l'on explique la généralisation de la couverture santé et de la prévoyance, la refonte des obligations d'information des représentants du personnel et la mise en place de la base de données unique, les négociations nouvelles obligatoires, le renforcement des droits du comité d'entreprise, l'obligation de négocier davantage avec les organisations syndicales, la validation des PSE par les syndicats ou l'administration, la soumission des accords de mobilité ou de compétitivité emploi à des accords majoritaires, on voit les mines s'allonger et l'atmosphère n'est pas à la satisfaction d'avoir arraché de nouvelles flexibilités et sécurité pour l'entreprise. Il paraît même que lorsque les représentants patronaux expliquent le texte à leur base, ils se font engueuler. Signe que tout n'est certainement pas blanc ou noir dans ces dispositions dont on ne sait toujours pas si elles auront vraiment un impact sur l'emploi, ni surtout s'il sera positif ou négatif, ces deux représentations d'une même réalité comme a su nous le montrer Man Ray.

18/04/2013

PUB !

Bon pour la session du mardi 23 avril, c'est complet, vous êtes 365 inscrits, signe que l'année sera peut être bissexuelle mais qu'elle n'est pas bissextile. Pour les sessions du mercredi 24 avril et du mercredi 15 mai, il reste encore quelques accès possibles. Evidemment, c'est gratuit, mais ce n'est pas une raison suffisante pour s'inscrire lorsque l'on a pas de temps à perdre. Evidemment vous pouvez suivre le séminaire depuis le lieu de votre choix, c'est le principe même du séminaire. Evidemment, le nombre d'inscrits obligera votre serviteur à faire un choix dans les questions posées par écrit pour y répondre oralement. Sinon, cela dure une heure et commence à 16 heures. Mais de quoi s'agit-il ?

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Du Webinar organisé par DEMOS que j'animerai donc les 23 et 24 avril et 15 mai prochains, pour décrypter les dispositions formations de l'ANI du 11 janvier 2013 et de la loi de sécurisation de l'emploi qui sera définitivement adoptées d'ici quelques semaines. Parmi les thèmes traités : la création du compte formation et sa substitution au DIF, la mise en place du conseil en évolution professionnelle et les nouvelles obligations de négociation sur la formation et de consultation du comité d'entreprise. Soit le point sur l'état du droit avant que ne s'engage une nouvelle réforme de la formation qui sera lancée lors de la Conférence sociale du mois de juillet. Si vous souhaitez vous inscrire, c'est ici : webinar. Merci qui ?

11/04/2013

Les bras croisés

La salariée a été recrutée pour remplacer une employée administrative pendant un congé parental. Initialement prolongé, le congé a ensuite été abregé avec un retour prématuré dans l'entreprise de la salariée en congé. Le CDD de remplacement ayant été conclu de date à date, la remplaçante devait encore rester 4 mois à travailler dans l'entreprise. Le retour de la remplacée entraînant une nouvelle répartition des tâches au sein du service administratif, il fût demandé à la remplaçante d'exercer des activités différentes de celles effectuées jusque-là. Ce qu'elle refusa, restant assise les bras croisés derrière la remplacée revenue.

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Picasso - Femme assise aux bras croisés

Puis, au bout d'une semaine à ce régime, pendant laquelle elle exigea vainement de continuer à faire le travail de la remplacée, elle prit acte de la rupture du contrat, quitta l'entreprise et l'assigna en contentieux. La Cour d'appel puis la Cour de cassation lui ont donné tort. Comme souvent, les salariés confondent poste et emploi. Juridiquement, aucun salarié n'est attaché à son poste de travail. Il est tenu d'effectuer toutes les activités qui entrent dans sa qualification, laquelle détermine son salaire. Ainsi, il peut être imposé à tout moment à un salarié de prendre un nouveau poste, dès lors que celui-ci est compatible avec sa qualification. En l'espèce, la salariée a confondu le motif du contrat (le remplacement de Mme X) et l'objet du contrat (le travail, défini par la qualification d'employée administrative). Dès lors que le travail confié est un travail correspondant à la qualification, peu importe que le poste tenu soit ou non celui de la remplacée, qui aurait d'ailleur pu, elle aussi, se voir confier des tâches nouvelles correspondant à sa qualification, ce qui n'est pas une raison pour rester les bras croisés.

Cass Soc 27 mars 2013.pdf

10/04/2013

Ils n'en veulent plus

Il en reste plein qui en veulent. La majorité peut être. Mais il y en a de plus en plus qui n'en veulent plus. Il n'en veut plus ce dirigeant qui demande à reprendre une fonction d'expertise, elle n'en veut plus cette directrice administrative qui devient consultante, elle n'en veut plus cette responsable ressources humaines qui reprend un poste d'adjointe, ils n'en veulent plus tous ces managers épuisés. Epuisés par quoi et qui ne veulent plus de quoi ? manager. Ils n'ont pas peur des objectifs, de la pression économique, de leur travail, de la technique, des challenges, des défis. Ils sont laminés par la relation manageriale, par le rapport à autrui, par les discussions permanentes, par le concours Lépine de l'autre manière de faire qui est toujours meilleure que celle proposée, par la contestation érigée en mode de relation, par le fait de passer pour le grand Satan représentant de la direction, par l'écoute des problèmes personnels déballés à toute occasion et que l'on se verra reprocher de prendre en compte, ou pas, selon les cas, bref les fatigués de l'encadrement, les mortifiés de l'animation d'équipe, les écoeurés de la concertation, les dézingués du collectif. Pour eux, l'enfer c'est les autres.

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Photo : Sarahfisthole

Certes, on pourrait trouver la réciproque : les révoltés de l'arbitraire managerial, les excédés du petit chef vraiment petit, les lassés de l'incompétent qui les dirige, les désespérés de l'imbécile qui nie leur intelligence, les blasés d'être managés par des promoteurs d'eux-mêmes avant que d'être des promoteurs de l'activité, et tous les démotivés, retirés, absents, découragés, déboussolés ou désorientés par leur hiérarchie. Pour eux aussi l'enfer c'est les autres. Au total, jamais la relation à l'autre n'aura été si problématique, conflictuelle, compliquée, ingérable. Le problème, c'est qu'elle demeure aussi une source de satisfaction, car si l'enfer c'est les autres, le paradis aussi.

08/04/2013

Du vide

Dans le nouveau concours Lépine ouvert par le report d'une nouvelle réforme de la formation à l'automne, l'Institut Montaigne est un impétrant persévérant. D'autant plus persévérant que les propositions sont les mêmes que celles formulées il y a quelques mois : supprimer le (soit disant) "Payer plutôt que former" et le remplacer par un crédit d'impôt, censé être incitatif puisque d'autant plus élevé que les formations seront qualifiantes et que les salariés appartiendront à des catégories peu formées. Cette contribution aurait pu alimenter le débat lancé par Liaisons Sociales sur la suppression de l'obligation fiscale relative au plan de formation. Lorsque l'on procède à une suppression, la question est de savoir si ce que l'on met à la place, serait-ce le vide, est meilleur que ce que l'on a supprimé. Comme Rothko supprimant le sujet pour mieux le mettre face au miroir coloré qui lui est présenté.

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Rothko - White over red

Or le crédit d'impôt est une substitution de médiocre qualité, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il agit dans une logique purement individuelle, contrairement à la contribution fiscale qui procède à une mutualisation, soit le calcul individuel contre la logique de solidarité. Ensuite, il ouvre la porte à tous les effets d'aubaine, en finançant sans distinction ce que l'on fait sur incitation et ce que l'on aurait de toute façon réalisé. Enfin il ouvre la porte de l'optimisation fiscale, et l'on connaît les dérives du crédit d'impôt recherche avant de constater celles du crédit d'impôt compétivitité. Même si cela fera travailler les consultants, il y a peut être mieux à faire. Par exemple, créer une obligation conventionnelle de négocier un taux de mutualisation par branche, pour trois ans. Ce qui renforcera le dialogue social sur la formation et mettra en place non une obligation uniforme mais des contributions basées sur des diagnostics. Ou encore introduire dans le code du travail, de manière plus explicite, les responsabilités sociales de l'employeur au regard de la qualification des salariés en s'inspirant de la jurisprudence de la Cour de cassation. Ou enfin en se demandant s'il ne faudrait pas une obligation qui se réduit à proportion que l'effectif augmente, ce qui changerait un peu des logiques d'alourdissement des charges lorsque l'on embauche. Et pour ceux qui prendront la peine de lire les deux documents joints, vous constaterez que l'Institut Montaigne mérite son dictionnaire des idées reçues (voir ici). Comme disait Montaigne, le vrai : "Il faut avoir un peu de folie si l'on ne veut pas avoir plus de sottise".

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Institut Montaigne - Formation, Emploi, Compétitivité.pdf