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28/11/2011

Comme un lundi

Une légère impression de déjà vu, comme si la panne d'idées s'était répandue avec la grisaille de novembre et les premiers froids. Comme si les cerveaux engourdis n'étaient plus capable que de se répéter sans cesse dans un mouvement hypnothique et lénifiant. Comme si l'imagination avait définitivement renoncé à avoir quelque rapport que ce soit avec le pouvoir.

Pour s'en tenir aux registres de l'éducation, de la formation, de l'emploi et du travail, la campagne électorale qui s'annonce n'aura qu'une vertu : nous rajeunir de quelques années puisqu'il n'y a aucune des thématiques abordées qui n'ait déjà été usée jusqu'à la corde. D'un côté les sempiternelles 35 heures, l'assistanat, la TVA sociale, la rémunération au mérite exonérée de charges ou plus moderne encore la blouse à l'école et le redéguisement de l'enseignant en père fouettard. De l'autre, les emplois jeunes, les préretraites contre embauche, les nouveaux emplois qui finiront bien par arriver et l'interdiction des licenciements boursiers que la Cour de cassation censure déjà. 

Bref, un profond ennui devant l'inanité de tout ceci.

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De Chirico - Mélancolie

On peut toujours, dans un élan de fol optimisme, se dire qu'il ne s'agit là que de tours de chauffe et que dans les 5 mois à venir, une fois l'hiver passé et dans l'euphorie de l'accueil du printemps, fleuriront mille propositions qui n'auront ni la prétention de faire le bonheur des individus malgré eux, ni celle de penser que l'élection garantit que l'élu a toujours raison.

Mais dans l'attente, que faire ? aller chercher la créativité ailleurs. Par exemple Salle Pleyel ce soir où l'on pourra voir et écouter Hélène Grimaud. Contre les légers découragements du lundi matin, mieux qu'un remède.


24/11/2011

Pas de RTT proratisée pour les forfaits jours

J'ai tenté à plusieurs reprises, sans grand succès, d'expliquer aux responsables ressources humaines que la logique du forfait jours ne permet pas de proratiser les jours non travaillés par les salariés en forfait jours en cas d'absence, car cela reviendrait à faire de la récupération. Peine perdue, la quasi-totalité des entreprises continuait à pratiquer avec les salariés en forfait jours comme pour les salariés en heures : toute absence conduit à proratiser le nombre de jours de RTT. Pourtant la logique est radicalement différente : alors que les salariés en heures acquièrent des RTT par leur travail, pour les salariés en forfait en jours, les RTT ne proviennent pas du travail mais de l'impossibilité légale d'aller au-delà de 218 jours comme durée de base du forfait. Les 7 jours de RTT (ou plus suivant le calendrier des jours fériés) proviennent de la limite légale de la durée  du forfait et non du travail pendant les 218 jours. A la nouveauté des forfaits jours devait donc correspondre une solution nouvelle et non la duplication d'une solution inadaptée. Encore fallait-il accepter la nouveauté conceptuelle qu'est le forfait en jours.

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Yves Tanguy - Les jeux nouveaux - 1940

La décision rendue le 3 novembre dernier par la Cour de cassation tranche la question : en cas d'absence du salarié, ici pour maladie, les jours d'absence doivent s'imputer exclusivement sur les jours travaillés et non sur les jours de RTT. Impossible donc de réduire le nombre de jours de RTT du fait de l'absence. La solution est transposable à toutes les absences : maternité, congé parental, etc. Il ne peut y avoir d'absence, c'est logique que pendant les jours travaillés, sans impact sur les jours non travaillés. Toute pratique inverse revient à procéder à une récupération illicite condamnée par les juges.

Toutes les proratisations réalisées par les entreprises sont donc illicites et les salariés concernés peuvent d'une part demander à ce qu'il y soit mis fin et d'autre part exiger de récupérer les journées qui ont été proratisées.

Si cela risque de faire beaucoup, on ne pourra pas dire que ce n'était pas prévisible.

Cassation 3 novembre 2011 forfait jours.pdf

23/11/2011

Jardin d'agréments

Le jardin d'Epicure était lieu de plaisir et de raison car en ce temps là il ne venait à personne l'idée d'opposer l'un et l'autre. Le jardin est un lieu de curiosités. Fourmillant de vies multiples, il varie selon le temps et au gré du temps. On peut s'y établir dans un immobilisme tout empreint de mouvements perpétuels. Et si l'on s'y assoupit, le réveil s'agrémente du plaisir de la re-découverte.

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Festival des jardins de Chaumont 2011

Le jardin est le reflet de celui qui le cultive, et tous n'ont pas le charme de ces champignons magiques. Ce jardin ci-dessous, qui rassemble les noms des plantes disparues et des lieux de leur disparition est un cimetière austère dont l'homme est responsable.

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Festival des jardins de Chaumont 2011

La politique suivie par le Ministère du travail pour délivrer l'agrément aux nouveaux OPCA qui officieront à compter de 2012, ne s'est guère inspirée des champignons magiques, tournesols joyeux et violettes vibrionnantes. Les OPCA ont été méthodiquement passés au défoliant fiscal qui leur a fait perdre quelques uns de leurs atours sociaux, considérés comme des herbes folles qu'il convenait d'éradiquer.

La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF montre comment une logique fiscale restrictive a systématiquement été préférée à une logique sociale porteuse de dynamiques de négociation. A chacun ses jardins.

Les OPCA passés au défoliant fiscal - La Fabrique des OPCA.pdf

27/10/2011

Fin d'une époque

Les charbonnages ont été le premier secteur à en faire  un outil massif de traitement des problèmes d'emploi. Les houillères ont certes mobilisé les programmes de gestion des compétences et de reconversion, mais ce sont les préretraites qui ont rencontré le plus de succès. La sidérurgie a suivi, puis le textile, l'automobile et quelques autres industries avec. Il est vrai que la formule rencontrait peu d'opposants : les pouvoirs publics achetaient la paix sociale à crédit, les entreprises géraient à l'aide de fonds publics leur pyramide des âges et rajoutaient quelques pages au feuilleton des profits privés et pertes publiques, les organisations syndicales limitaient la casse et les salariés, souvent cassés, acceptaient les départs, parfois avec soulagement, d'autres avec une tristesse infinie car ils auraient bien travaillé encore.


Bernard Lavilliers - Les mains d'or

Tous ceux qui sont partis dans les dispositifs de préretraite ne se soucieront sans doute pas de la date du 10 octobre 2011. C'est pourtant officiellement ce jour-là que le Ministère du Travail a publié l'instruction qui met fin aux préretraites financées par l'Etat. Ce n'est pas exactement la fin des préretraites, les entreprises peuvent toujours calculer s'il n'est pas plus intéressant de payer en interdisant le travail que de payer le travail, mais elles le feront sans deniers publics. Fin des politiques publiques de départs anticipés qui auront largement contribué à accréditer l'idée qu'il y a un âge pour le travail et un autre pour ne plus travailler, et que ce  n'est pas l'âge de la retraite. Fin d'une époque de plus de trente ans qui, comme toute les fins, annonce sans doute un début. Mais de quoi ?

31/08/2011

Bonnêt d'âne

Bien qu'élevé alors que sévissaient les redoutables natalistes Michel Debré (qui réussit le prodige d'être à la fois le père de Jean-Louis et de Bernard mais aussi de la Constitution) et le moins connu mais pas moins enflammé Georges Suffert (qui collabora un temps avec un autre héraut de la cause bébé : Pierre Chaunu, leur rapprochement ne produisant toutefois qu'un seul ouvrage), je n'ai succombé que tardivement à la paternité. Et mes visites assidues aux jardins d'enfants, à contempler un rien béat les grands et petits, me laissaient penser que toute cette jeunesse rieuse promettait un bel avenir. Funeste erreur ! me voici fustigé par Voltaire lui-même, je veux parler de Frédéric Lefebvre, dans une déclaration qui fait office de révélation : si la France a plus de chômage que ses voisins, c'est parce qu'elle a une forte natalité. Mais c'est bien sur ! et je m'empresse de revêtir le bonnêt d'âne du mauvais élève.

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Bruno Montpied - Bonnêt d'âne

Que ne suivons nous les allemands qui ont choisi de faire disparaître le chômage en disparaissant eux-même peu à peu puisque le renouvellement des générations n'est plus assuré. On dit que la droite n'est pas keynésienne, Lefebvre nous démontre le contraire en donnant une nouvelle vigueur à la prédiction scientifique de l'économiste américain : "A long terme, nous serons tous morts". Et le plus tôt sera le mieux si l'on veut faire baisser les statistiques de POLE EMPLOI.

Il faut conclure de cette sortie, qui ne saurait être une saillie, qu'il est des domaines dans lesquels notre Secrétaire d'Etat au commerce nous invite à commercer peu. Après l'avoir entendu, faut-il l'écouter  ? en même temps il fait beau, l'été se prolonge et il fait bien, les vacances ont été excellentes, je crois que je vais peut être en faire un deuxième. Et tant pis pour les statistiques, le chômage, le Secrétaire d'Etat, Zadig, Voltaire et les autres. Il est pas beau mon bonnêt ?

12/05/2011

Le temps du bâton

En cette période anniversaire du 10 mai 1981, on peut se souvenir de : "Il faut laisser du temps au temps". Sauf que le temps politique a ses échéances, qui ne sont pas celles du temps social. Le politique a besoin de résultats, il les a promis. Et s'ils ne viennent pas, il faut les faire venir. Mais comment ? lorsque l'on est pressé, on a pas non plus le temps de réfléchir et l'on en revient aux recettes supposées simples : carotte ou bâton. Plus de carottes à distribuer ? alors ce sera le bâton. Vous ne négociez pas sur l'emploi des seniors ? le bâton de la pénalité ! Vous ne négociez pas sur l'emploi des handicapés ? le bâton ! Vous ne négociez pas sur la pénibilité ? le bâton ! et non plus sur l'égalité professionnelle ? le bâton, le bâton, le bâton vous dis-je, que Molière mettait dans les mains des sots.

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Cherchez l'âne

Car il savait bien, Molière, que le bâton ne règle rien, bien au contraire. Que peut faire un collégien à qui je demande, sous peine de bâton, de résoudre une intégrale de polytechnique ? accepter le bâton et nourrir un sentiment d'injustice ou tricher. C'est ce que nous dit, à mots peu voilés, le Ministère du travail qui dresse le bilan des accords seniors : majoritairement des accords de neutralisation sans portée pratique. De la forme donc, pour éviter le bâton. Mais trouver d'autres leviers de motivations supposerait de laisser du temps au temps. Et ce temps là est révolu.

06/05/2011

La Carpe et le Lapin

La Cour des comptes en avait déjà fait la proposition et le Rapport Cherpion sur la mise en oeuvre de la loi du 24 novembre 2009 également. L'UMP reprend l'idée dans ses 80 propositions pour l'emploi : il faut articuler le DIF au CIF. Si d'aussi brillants cerveaux se rejoignent sur la nécessité d'opérer un rapprochement entre DIF et CIF, il est nécessaire de s'incliner. Mais ce faisant, on se rapproche du terrain et dès lors la réalité apparaît un tout petit peu plus nette sous forme de trois ordres de grandeur. Le DIF bénéficie à 17 millions de salariés (potentiellement). Le plan de formation concerne quasiment 6 millions de salariés tous les ans. Et le CIF arrive à financer 45 000 demandes de formation en moyenne. Proposer une articulation entre un dispositif qui concerne 17 millions de salariés et un autre qui en touche 45 000, c'est comme militer pour le mariage de la carpe et du lapin.

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Paul Rebeyrolle - La carpe et le lapin

Les assemblages dispararent peuvent ne manquer ni de charme ni de poésie. Ce n'est toutefois pas ce qui les rend opérationnels. L'évidence semble plaider pour une articulation entre le DIF et le Plan. Peut être est-ce trop évident, puisque nul ne semble le voir. Et pourtant, tout plaide en ce sens : le DIF et le Plan sont financés intégralement par l'employeur, ils font tous deux partie de la politique de formation, ils associent formations imposées et formations négociées, ils pourraient permettre de viser l'objectif d'un salarié sur deux en formation chaque année. Mais non, on préfère se poser la question de savoir comment dix hectolitres de Médoc  et une bouteille de Margaux vont pouvoir s'assembler pour donner un vin de qualité. Il y a rarement de bonnes réponses à de mauvaises questions.

22/04/2011

Vite fait, mal fait

Il y avait déjà eu la prime exceptionnelle d'intéressement en 2009. Mais inscrite à l'intérieur du dispositif d'intéressement, elle était facultative, liée aux résultats de l'entreprise, corrélée au travail du salarié et accessible à toute entreprise quelle que soit sa taille. La nouvelle prime annoncée par le Gouvernement est quasiment le contrepied de ce qui avait été fait il y a deux ans : obligatoire, limitée aux entreprises de plus de cinquante salariés, déconnectée du travail des salariés et corrélée non pas aux résultats de l'entreprise mais au montant de ses dividendes. On peut s'amuser à faire la liste des incohérences : dans le meilleur des cas, la prime n'améliorera le pouvoir d'achat que des salariés dont les salaires sont déjà dans les moyennes hautes, elle n'aura d'effet que ponctuel, elle creusera les déficits sociaux puisque assortie d'exonérations, elle n'est pas corrélée aux résultats de l'entreprise mais aux dividendes versés dont le montant n'est pas nécessairement proportionnel aux résultats et enfin elle ne s'appliquera qu'en cas d'augmentation de ces dividendes. Ce qui veut dire, par exemple, qu'un maintien au même niveau des dividendes, alors que les résultats se sont dégradés, n'imposera rien alors qu'un prélèvement réduit après une année blanche imposera le versement d'une prime, même s'il n'est pas proportionnel au résultat. Bref, une mesure bâclée, qui oublie que pour agir vite et bien, c'est à dire deux fois bien, il faut un  du talent et du  travail, comme par exemple Picasso.

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Mais il y a peut être plus grave que ces incohérences. Déconnectée de toute logique économique, de toute logique de travail accompli par le salarié, déconnectée donc de toute réalité, cette prime dans son fondement même oppose frontalement l’actionnaire et le salarié, comme dans d’autres domaines on oppose le smicard au chômeur, l’étranger à l’autochtone, le voyou à l’honnête homme. Elle prend pour principe et pilier une division, un conflit, qu’elle ne cherche jamais à comprendre ni à résoudre, mais au contraire dont elle fait une donnée indépassable. Ainsi s’établit une politique de coups qui se construit sur l’opposition des intérêts, en tentant vainement de donner l’impression qu’elle soutient tantôt l’un et tantôt l’autre, signe qu’elle ne vise que le sien propre.

01/04/2011

Multiples et intenses

L'anecdote est rapportée par Pierre Louart, Directeur de l'IAE de Lille, à l'occasion de la Conférence régionale de l'AGEFOS-PME Nord Picardie. Gênes, désignée avec Lille capitale européenne de la culture en 2004, était une ville sinistrée. Un taux de chômage de 30 % et quelques grandes entreprises locales qui font l'essentiel de l'emploi. Les grandes entreprises en question ferment. Le chômage passe-t-il la barre des 50 % ? non, il redescend en dessous de 10 . Pourquoi ? Parce que s'est créé un tissu de petites entreprises qui ont développé les échanges entre elles et favorisé le dynamisme économique. L'histoire nous apprend que les lieux de savoir se sont développés de manière rapide lorsque deux conditions étaient réunies : plusieurs lieux de création existent et les échanges entre eux sont fréquents. La multiplicité et l'intensité des échanges créent plus de dynamisme qu'un grand ensemble isolé.

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 Voilà qui pourrait être réfléchi par nos dirigeants qui recherchent, à coup d'exonérations et de subventions, à attirer des grandes entreprises sur des territoires. Locomotives disent-ils. Hum ! A cette recette douteuse on peut préférer la mise en relation de TPE et PME, l'encouragement à la création d'activités nouvelles, la facilitation des échanges, l'accès aux services, l'organisation du partage d'information et le développement d'une culture de l'innovation et de la création. Bref, l'abadandon enfin du modèle jacobin au profit d'un retour aux villes et régions qui firent la prospérité de l'Europe. Et ce serait un progrès.

S'il faut convoquer l'art pour compléter la démonstration, il suffit de se souvenir que le groupe surréaliste était composé de fortes personnalités, que chacun avait un art singulier, et que la rencontre de ces individualités a permis à  chacun d'aller plus loin dans son art. Dynamique des singularités au sein d'un groupe. Tout l'inverse de ce que proposent aujourd'hui la majorité des grandes organisations.

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Valentine Hugo - Les surréalistes

14/02/2011

A défaut d'imagination, reste la sanction

Une rue de Paris. Soleil de fin d’après-midi d’été. Torpeur, silence, banalité du quotidien. Que peut faire le peintre de ce tableau ? il peut introduire le mystère, l’étrangeté, le doute, l’interrogation. Son imagination ne fonctionne que pour mieux solliciter la votre. Voici une carriole lourdement chargée et son paquetage masqué. Voilà de hauts murs que l’on rêve de percer. Ajoutons des arbres témoins de la scène, trop correctement taillés pour être honnêtes. Et remarquez ces nuages qui n'ont d'autre objet que de perturber un ciel bien lisse. Il y a manifestement des zones d’ombre dans ce tableau qui pousse la porte de la banalité pour vous laisser entrer dans le mystère et l’aventure.

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Man Ray - Rue Férou - 1952

Nos gouvernants pourraient consacrer un peu de temps aux tableaux de Man Ray, ce ne serait pas temps perdu si cela pouvait remettre en mouvement leur imagination. Car la méthode de traitement des questions d’emploi et de formation est, depuis quelques années, uniforme : contraintes et sanctions s’associent invariablement dans un management d’un autre temps. Quelques exemples ?

Pour régler la complexe question de l’emploi des seniors, adoptez un plan emploi senior sinon pénalité. Pour égaliser les situations des femmes et des hommes, négociez sinon pénalité. Pour l’emploi des travailleurs handicapés, recrutez ou achetez sinon pénalité. Pour gérer la pénibilité, négociez sinon pénalité. Et voici que l’on nous annonce l’idée maîtresse du plan emploi des jeunes : un bonus-malus selon que les entreprises recrutent ou non. Dans un vigoureux effort de créativité, on rajoute la carotte au bâton.

Manifestement nos dirigeants ne voient d’autre source de motivation que l’argent. Pour susciter les comportements voulus, on sanctionne ou on  récompense au porte-monnaie. Voilà qui rend inutile toutes les théories de la motivation, hors l’argent point de salut. Constatons toutefois que l’emploi et la formation ne sont pas les seuls concernés puisque la sanction financière est la réponse choisie pour traiter l’absentéisme scolaire et que la sanction pénale est plus globalement la réponse proposée à toutes les questions de société.

Et voilà comment l’injonction « Obéissez ou payez »  est  devenue pour le citoyen l’invariable sanction du défaut d’imagination de ses dirigeants.    

18/01/2011

Pas d'essai pour la neige

L'hôtelier est rompu à l'usage des contrats saisonniers. Il en a encore conclu plusieurs pour la saison, dont un avec une serveuse embauchée le 1er janvier avec une période d'essai de dix jours. Le 8 janvier, la neige ayant déserté, et les clients avec, la station de sports d'hiver, il est mis fin par l'hôtelier à la période d'essai. Tempête judiciaire s'en suit : la salariée conteste la possibilité de rompre la période d'essai pour ce motif. Avec raison selon la Cour de cassation qui censure une décision qui n'est pas fondée sur un motif inhérent à la personne du salarié (Cass. soc., 10 décembre 2010). Tempête sous le crâne de l'employeur qui se demande comment il convenait de s'y prendre et pourquoi il ne peut pas librement rompre une période d'essai. Laissons passer la tempête de Turner avant de lui répondre.

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William Turner - Tempête de neige - 1842

Pourquoi n'est-il pas possible de rompre une période d'essai pour absence de neige ? parce que la période d'essai a pour seule finalité d'apprécier les compétences du salarié (C. trav., art. L. 1221-20) et qu'elle ne peut être rompue que pour ce motif à l'exclusion de tout autre. D'ailleurs, les règles relatives au licenciement ne peuvent s'appliquer pendant une période d'essai (C. trav., art. L. 1231-1).

Que convenait-il de faire ? si l'employeur voulait gérer l'aléa de la neige, il ne devait pas prévoir de période d'essai. Il aurait ainsi pu licencier pour un motif économique, au bout de huit jours. Ou bien, il devait proposer un CDD de courte durée, renouvelable. Ou encore, il devait attendre la fin de la période d'essai avant de licencier. Mais prévoir une période d'essai, signifie que l'on garantit l'emploi du salarié pendant cette période, sauf si son comportement s'avérait inapproprié avant le terme même de la période d'essai. Et voilà que l'on découvre que la période d'essai, loin d'être la période de totale précarité que l'on imagine souvent, est en fait une garantie d'emploi stable pendant l'essai pour pouvoir apprécier les compétences du salarié. En clair, avec la période d'essai, l'employeur annonce qu'il va prendre son temps pour apprécier le salarié et sécurise le contrat pendant ce laps de temps. Il n'est pas certain que cette définition juridique de l'essai soit exactement celle qui prédomine dans les représentations. C'est pourtant celle que les tribunaux semblent déterminés à faire prévaloir.

30/12/2010

Transmettre n'est pas toujours la solution

Au départ, une équation simple : la passe fait courir le ballon plus vite que le joueur. Si l'on veut accélérer le jeu et prendre de vitesse l'adversaire il faut donc transmettre. Tel est le principe autour duquel s'ordonne, depuis des décennies, le jeu des toulousains. Passe avant contact, après contact, jeu debout, redoublements, soutien permanent, un collectif au service de la vie du ballon et du jeu et de la transmission donc. Laquelle ne vit pas que sur le pré. Depuis toujours, le club a des entraîneurs qui ont été joueurs au club, et souvent formés par lui. Tradition jamais remise en cause qui a permis le développement d'une culture du jeu en mouvement, de la polyvalence, de la compétence, de la performance individuelle au profit du plaisir collectif à travers les générations. Ecoutons l'ancien capitaine Jean-Pierre Rives : "Le Stade Toulousain c'est la maison de beaucoup de monde" et le plus récent capitaine Fabien Pelous : "La plus grande fierté de ma vie est d'avoir été acteur d'une histoire qui est celle de toute une région". Voilà comment, loin d'un chauvinisme aux relents de nationalisme rabougri et étriqué, s'exprime un régionalisme ouvert, partagé et qui inscrit sa volonté de gagner dans celle de donner et non de prendre.

Vive la transmission donc ? pas si sur. Car ce qui pour le Stade Toulousain s'est avéré une clé du succès, peut tourner au désastre comme nous le démontre quasi-quotidiennement le cyclisme.

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Raymond Moretti - Rugby à Toulouse

Le cyclisme est en effet géré par d'anciens cyclistes. Les dirigeants d'équipes, les entraîneurs, les organisateurs aussi le plus souvent, sont d'anciens professionnels voire d'anciens champions. Le maintien d’un circuit fermé a cultivé et développé la culture du dopage, de l’excuse toute prête et les comportements paranoïaques. Aucun grand champion ne s'est jamais totalement et véritablement exprimé sur les pratiques en vigueur dans le milieu et sur tout ce que les coureurs, amateurs compris, savent. L'omerta est totale car maintenue sans faille par l'ensemble de la famille cycliste qui, comme beaucoup de familles, croit à tort que pour rester soudée il faut taire les secrets, souvent de polichinelles.

Faute d’apport extérieur, de rupture historique, la même culture a pu prospérer et imprégner l’ensemble du milieu.

Pour le Stade Toulousain, le bon choix aura  été, et reste, de privilégier une continuité faite d’ambition et d’humilité, pour le cyclisme, le bon choix eût été, et reste, une radicale rupture et une table rase que chaque jour qui passe rend plus difficile.

Une même pratique pour deux aboutissements radicalement opposés. Voilà qui met un peu de plomb dans l’aile aux recettes manageriales prêtes à l’emploi : la bonne méthode, c’est celle qui a un moment donné correspond à une situation, un contexte et un objectif. L’entreprise n’existe pas, il y a des entreprises et des femmes et des hommes qui la font vivre.

25/11/2010

Mythes et pratiques

Il n'aura pas fallu très longtemps pour que le mythe soit confronté aux pratiques qui le renvoient à sa condition de chimère. Et ce n'est pas une surprise. Qui peut, sans mauvaise foi, être surpris par la décision de Renault de proposer à des salariés un départ anticipé à 58 ans ? cela fait près de 40 ans que les départs anticipés tiennent lieu de politique de l'emploi et font l'objet d'un consensus total des employeurs, des organisations syndicales et de l'Etat. Initiée dans les charbonnages, cette politique s'épanouira dans la sidérurgie avant de gagner progressivement tous les secteurs d'activité, avec les encouragements de l'Etat qui financera longtemps avec le FNE les préretraites totales ou partielles. On se souvient d'IBM organisant des retraites à 52 ans à la fin des années 90, du Giat industrie plaçant la barre à 55 ans et plus récemment, alors qu'officiellement l'Etat ne soutenait plus les préretraites, de Nicolas Sarkozy Ministre de l'Economie et des Finances intervenir en 2004 en tant que médiateur auprès du Groupe Nestlé pour valider le plan de préretraites à 55 ans de l'établissement de Vergèze (source Perrier). Derrière le mythe du travailler plus, se profile l'ombre séductrice du départ anticipé : qui résisterait à une cessation d'activité avec maintien de 80 % du salaire en moyenne ?

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Toyen - Le mythe de la lumière

Ces pratiques généralisées ont ancrées deux idées durablement : la première est que 60 ans est un horizon maximum, à rebours de tous les discours, et la seconde qu'il est normal de se séparer des quinqas. Même lorsque les financements de l'Etat seront supprimées, les pratiques ne changeront guère. Les grandes entreprises s'autofinancent et les petites bricolent à coup de rupture négociée, faux licenciement, inaptitude négociée avec le médecin du travail...tout ceci aboutissant à une préretraite financée en partie par l'UNEDIC, qui n'est pas dupe mais prend en charge dans un large consensus des partenaires sociaux.

Le mythe en l'occurence est de penser que l'on peut changer quarante ans de pratiques par la loi. C'est évidemment impossible et c'est cela qui exigeait pour la loi sur les retraites une concertation longue et impliquant tous les acteurs. A recourir à la marche forcée et à la contrainte, on n'obtient des résultats formels et du contournement, comme on peut le voir en matière d'emploi des seniors. Après Vilvorde et le fameux "l'Etat ne peut pas tout" de Jospin, voici les préretraites et la surprise de l'Etat et du MEDEF. Surprise, vraiment ?

18/11/2010

Les gitanes et l'alternance

Lorsque Goya peint la Maja nue, à la fin du XVIIIème siècle, il honore une commande. Il ne peint ni une allégorie, ni une image mythique et certainement pas LA femme. Il peint une femme, corporellement présente, dont la brosse rend tous les détails de la peau en lui ajoutant, puisque telle est la vocation de la peinture, de la lumière. La gitane est bien réelle et pourtant elle ne pèse guère sur le canapé qui la reçoit : elle est un rai lumineux incarné.

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Goya - La Maja nue - 1800

Lorsque Goya, toujours à l'initiative du même commanditaire, peint la Maja vêtue, il n'habille pas la Maja nue, il peint autrement sa nudité, qui n'est pas moins provocatrice pour ne plus l'être si directement. Les deux toiles étaient commandées pour aller ensemble. La Maja vêtue cachait la Maja nue avant que de s'exposer à ses côtés. On peut préférer l'une ou l'autre, il n'y a nulle hiérarchie entre elles, chaque tableau mettant en valeur l'autre et les deux s'en trouvant rehaussés.

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Goya - La Maja vêtue - 1802

Le Président de la République et le nouveau Ministre du Travail souhaitent développer la formation par alternance. On ne peut que se féliciter de l'initiative. L'alternance offre des situations pédagogiques diversifiées qui permettent de mieux assurer le développement de compétences. Le passage du milieu éducatif au milieu du travail ouvre de plus larges espaces d'apprentissage qu'un milieu endogène. Encore faut-il ne pas établir de hiérarchie. On s'inquiète un peu lorsque Xavier Bertrand déclare que l'alternance permet de mieux apprendre un métier ou qu'elle est le moyen prioritaire de lutte contre le chômage. Elle est avant tout un dialogue entre l'apprentissage en milieu éducatif et l'apprentissage au travail. Sans rapport de hiérarchie entre les deux. Il serait temps de mettre fin à la duplicité de certains qui ne voient pour les uns que temps perdu à se couper des réalités dans les enseignements scolaires et pour les autres que vil travail normé et abrutisssant dans l'entreprise. L'alternance, c'est le moyen de permettre à deux mondes qui vivent dans le confort de leur ignorance réciproque de dialoguer , à l'instar des Maja de Goya, pour le plus grand profit de ceux à qui elle est destinée.

26/08/2010

Une histoire simple

C'est une histoire simple :

Dans un village, deux habitants élèvent des poulets. Ils en tuent chacun un par jour pour le vendre. La production du village est donc de deux poulets. Le premier producteur, appelons le Cocatrix, reçoit un héritage qui lui permet d'investir dans un élevage plus important et il produit quatre poulets par jour à moindre coût. Le second producteur, que nous nommerons Chantecler, ne peut pas suivre et arrête sa production.

Résultat : le PIB double et le chômage aussi.

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Pour la bonne marche du village, que préconisez-vous ?
- Que Cocatrix lutte contre le chômage en embauchant Chantecler pour faire des travaux à domicile et s'occuper de sa grand-mère ?
- Que Cocatrix réinvestisse tout son résultat dans la modernisation de l'élevage pour produire encore plus et embaucher, avec une priorité pour Chantecler qui connaît le métier ?
- Que Cocatrix optimise fiscalement son résultat et place ses gains biens mérités pour montrer que le travail paie ?
- Qu'une loi interdise de produire plus de deux poulets par jour ?
- Que Cocatrix créé une fondation destinée à venir en aide aux nécessiteux et qu'il y alloue une partie de ses bénéfices tout en veillant à ce que le premier bénéficiaire de la Fondation soit Chantecler ?
- Qu'une loi interdise l'épargne et oblige Cocatrix à dépenser ses gains dans le village ?
- Que Cocatrix soit obligé d'acheter son matériel et ses grains dans le village ?
- Que le chef du village incite tous les villageois à suivre l'exemple de Cocatrix dont une statue ornera la place du village ?
- Que les habitants mangent moins de poulets pour ne pas encourager la course à la productivité ?
- Autre idée ?

16/08/2010

Tout va bien !

En ce jour qui, pour beaucoup, est jour de rentrée, pluie de bonnes nouvelles qui permettent de l'affirmer sans modération : TOUT VA BIEN ! vous en doutez ? heureusement que les vacances, propices au scepticisme, sont terminées et que tout va rentrer dans l'ordre. Jugez-en : Christine Lagarde l'a annoncé, la croissance a repris et l'emploi aussi.

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Après le fiasco du football, il y eut l'embellie de l'athlétisme mais mieux encore le triomphe de nos nageurs, dont vous remarquerez qu'ils sont bien blancs : ils ne prennent pas de vacances eux, ils travaillent.
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Et toujours plus de performance, en moins de quinze jours les expulsions, disons les mises à la rue ou à la route, sont en avance sur les quotas ministériels.

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Et en plus il fait un grand soleil partout en France et le week-end du 15 août a été un des plus beaux depuis longtemps. Décidément, TOUT VA BIEN. A moins que ce ne soit le sourire de ma blonde qui me fasse voir la vie en rose.

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Joan Miro - Le sourire de ma blonde - 1924

04/06/2010

RH Fragmentée

Le manager est plutôt de bonne volonté. Il joue son rôle d'écran entre les salariés et la direction, il les protèges du haut, les manage au plus près, est exigeant mais en soutien constant. Il n'a pas le cynisme de ceux qui ont un peu roulé leur bosse, et surtout pas celui de ceux qui ne l'ont même pas roulée. Une légère fatigue peut être devant le monde tel qu'il va. Mais la curiosité est intacte, l'appétit aussi et le fond de valeurs bien en place. Je l'écoute : "Lundi j'ai vu Mme Diversité, elle voulait que je recrute sur profil mais pas du poste, du candidat, mardi j'ai vu Mr Handicap, il voulait me placer deux supers candidats qui ont un handicap pas handicapant, mercredi le chargé de mission emploi groupe est venu me demander la moyenne d'âge de mon équipe qu'il a trouvée un peu faible et m'a recommandé de proposer une mobilité interne à un des jeunes qui vient de finir son parcours d'intégration métier et de prendre un senior qui est dans la cellule de mobilité groupe, jeudi la responsable formation m' expliqué qu'avec le DIF je pouvais booster ma relation manageriale avec mes collaborateurs, vendredi Mr RSE m'a envoyé un outil pour tracer le profil carbone de mon équipe et m'a demandé de le remplir pour lundi en vue d'un concours organisé par un journal professionnel, il m'a glissé en guise de signature de son mail que la DG était à fond derrière le projet pour décrocher le Trophée de l'entreprise socialement responsable dans sa catégorie, samedi matin j'ai fini de lire mes mails dont celui de mon RRH qui me demandait si j'avais bien réalisé mes entretiens professionnels, fait remonter les plans d'action individuels, rempli l'outil de suivi des performances et saisi les indicateurs RH dans l'outil PerfUse (youze), j'ai aussi trouvé le mail de la responsable GPEC qui m'a inclus dans un groupe de travail sur les compétences métiers et qui me rappelle qu'il faut produire les fiches sur les métiers cibles avant la fin du mois (c'est dans ses objectifs). Je pense que pour être en ligne avec une fonction RH aussi fragmentée je n'ai pas le choix : je vais exploser". Je ne sais pas pourquoi, à cet instant j'ai eu envie de montrer au manager les baigneuses de Cézanne.

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Cézanne - Les baigneuses -

Peut être parce que Cézanne, plus que les cubistes, est celui qui a le mieux traqué la lumière par la fragmentation de sa peinture. Qui par touches juxtaposées défait le spectre lumineux pour nous le livrer dans une nudité jamais offerte en cet état. La lumière sur la toile de Cézanne est plus nue que les baigneuses. Et c'est par la fragmentation successive, tel un parfum dont la formule composite ne fait pas obstacle à la cohérence finale, que Cézanne parvient à la beauté globale. Cézanne. Mais pas les ressources humaines qui mériteraient parfois qu'on les envoie peindre plus loin.

30/12/2009

Fait du prince

On se souvient d'un président de la République déclarant très officiellement qu'une loi qui venait d'être validée par le Conseil Constitutionnel ne s'appliquerait pas dans l'attente de son abrogation. Il s'agissait de Jacques Chirac et de la loi sur le mort-né CPE (contrat première embauche). Que la parole présidentielle supplante la décision de la plus haute institution, garante de nos droits et libertés, parait inconcevable dans un Etat de droit. Cela fut pourtant salué par beaucoup comme une grande victoire. Peut être faut-il y voir une certaine inculture juridique, qui serait largement préférable à une incapacité de distinguer que certains principes ne peuvent souffrir d'exception. On ne compte plus les circulaires ministérielles qui ajoutent à la loi quant elles n'y contreviennent pas directement, contribuant ainsi à déligitimer l'outil législatif qui n'est plus qu'un outil de communication lorsque l'on annonce à grands frais des lois dont on ne se soucie guère de l'application. La République et l'Etat de droit ont décidément bien du mal à déloger le prince bouffi de pouvoir et d'arbitraire,  dont Ingres avait compris qu'il suffisait de  le représenter précisément et véritablement  pour le ridiculiser.

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Ingres - Napoléon 1er

L'actualité nous fournit encore deux exemples de l'arbitraire érigé en méthode de gouvernement. Doivent entrer en vigueur au 1er janvier  2010 les sanctions prévues pour les entreprises qui n'ont pas mis en place un plan d'action en matière d'emploi des seniors et pour celles qui n'atteignent pas le quota de travailleurs handicapés (il s'agit en fait dans ce dernier cas d'une augmentation sensible des pénalités existantes). Le Ministère du Travail vient d'annoncer que les sanctions en matière d'emploi des seniors ne s'appliqueraient qu'à partir du mois d'avril et que les sanctions pour l'emploi des travailleurs handicapés seraient également différées de quelques mois. Le motif est que les entreprises ne seraient pas informées ou n'auraient pas eu le temps de prendre leurs dispositions. Il est vrai que la loi sur les handicapés ne date que de 2005 et celle sur l'emploi des seniors de 2008. Si l'on considère que ces lois sont mauvaises ou que leur mise en oeuvre n'est pas opportune, que l'on saisisse l'Assemblée. Mais non, trop long...et trop démocratique. Une lettre d'un ministre suffira pour décider de quelle manière la loi doit s'appliquer ou non. Ingres nous manque.

16/12/2009

1 million d'assistés en moins

Voilà qui devrait réjouir les contempteurs de nos systèmes sociaux : Pole Emploi annonce qu’en 2010 plus d’1 million de personnes cesseront d’être indemnisées par le régime d’assurance-chômage et que seulement 17 % d’entre elles bénéficieront de l’allocation de solidarité spécifique. A méditer par ceux qui considèrent que la France est un pays dans lequel tout un chacun peut ne pas travailler et vivre grassement d’aides sociales. Ou encore que moins on a d’argent plus on est soigné gratuitement. A ceux là on proposerait volontiers, en se moquant d’être taxé de démagogie, de passer six mois aux minimas sociaux pour gouter aux charmes de l’assistance. Pour ceux qui seraient assez loin des réalités pour imaginer que l’accès à l’emploi ne relève que de la motivation personnelle et que la fin des indemnités augmentera le retour à l’emploi, je livre cette réflexion d’Alain Garrigues qui connut quelques périodes difficiles : « Crois moi, quand t’as pas un rond pour bouffer et que c’est ton unique préoccupation tu es impliqué du matin au soir et de manière exclusive ». Pas le temps donc de chercher du boulot.

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Alain Garrigues - Maturana - Oublieux du quotidien - 2006

Ce million de personnes dont les ressources vont diminuer de manière drastique va-t-il déclencher une explosion sociale ? non nous répond Pareto. Tant que moins de 20 % des actifs sont en situation difficile, le point de vue des 80 % sera toujours prédominant et justifiera que l’on s’en tienne à sortir la boîte à rustines. C'est-à-dire pas avant d’avoir 5 millions de chômeurs.

Parmi les rustines, justement, le nouveau Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels. Prenons les paris qu’il sera mobilisé pour financer la formation des demandeurs d’emploi qui basculeront en fin de droit. Et c’est ainsi que la réforme de la formation professionnelle se transforme en roue de secours d’un système social qui a bien du mal à ne pas traiter que l’urgence.

26/06/2009

Anciens modèles

Au 31 décembre 2009 toutes les entreprises de 50 salariés et plus devront avoir adopté un plan pour l'emploi des seniors. Ce plan doit comprendre des engagements en terme d'embauche des plus de 50 ans ou de maintien dans l'emploi des plus de 55 ans. Il doit également comporter des actions dans le domaine du recrutement, de la formation, de la gestion des carrières, de la transmission des savoirs, des conditions de travail ou des modalités de cessation d'activité (trois thématiques à traiter au choix parmi les six). Les délais étant courts, panique à bord : quel plan, quel contenu, quels indicateurs, quels engagements,...toutes les décisions doivent être prises rapidement. Une semble faire l'unanimité. Pour les seniors une mesure s'impose : le tutorat et la transmission des savoirs. Formateur et/ou tuteur, voilà une voie d'avenir pour les seniors.

Comme toujours, il convient d'y regarder de plus près ce qui permet de repérer sous une fausse évidence une consternante reproduction des modèles anciens.

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François Rousseau - L'atelier du peintre

Pour deux raisons au moins, il est rien moins qu'évident de considérer qu'un senior peut jouer le rôle de tuteur. La première raison consiste à se demander si les salariés ayant le plus d'ancienneté sont les mieux placés pour accompagner les changements de culture et les évolutions d'organisation. Quelle entreprise souhaite se placer dans une stricte logique de reproduction ? la seconde raison porte sur le modèle de référence. Considérer qu'un ancien est naturellement tuteur de jeunes, c'est reproduire le modèle de l'ancienneté et de l'expérience accumulée comme source de compétences. Le modèle de la compétence impose de considérer qu'un jeune et un ancien ont tout deux des compétences, différentes, et qu'ils peuvent s'apporter mutuellement et non perpétuer un rapport hiérarchique quasi paternaliste qui ne fait plus écho auprès des jeunes générations. Et l'on se plaindra ensuite de ces jeunes qui ne s'adaptent plus à l'entreprise alors que celle-ci continue à les gérer comme elle a géré leurs aînés.

Comme le montre François Rousseau dans sa série de photos qui illustrent le livre de Patrick Grainville "L'atelier du peintre", les modèles d'aujourd'hui ne sont pas ceux d'hier et les époux Arnolfini de Van Eyck peints en 1434 ne peuvent ressembler au couple d'aujourd'hui. Prévenons vite les DRH que les temps ont changé.