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29/08/2017

News Tank RH management : c'est ouvert !

Belle rentrée avec l'ouverture de News Tank RH management et le plaisir de collaborer avec Marc Guiraud (on échappe pas aux toulousains...), Fabien Claire et Valérie Grasset-Morel et tous les autres membres de l'équipe. Pour traiter l'actualité de la rentrée (ordonnances, réforme de la formation, de l'assurance-chômage...), nous ne serons pas de trop ! 

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Pour ma part, je ferai du droit pratique : connaître la règle ne suffit pas, encore faut-il savoir s'en servir ! j'aurai donc le plaisir d'être créatif dans les usages possibles du droit. Comment saisir les opportunités, comment trouver dans les règles des leviers pour faire évoluer ses pratiques, comment innover dans les espaces ouverts par les nouvelles règlementations, les entreprises, branches, organismes paritaires, salariés, représentants du personnel et tous les acteurs du champ des ressources humaines, de l'emploi et de la formation y trouveront sans doute quelques idées pour l'action. C'est ICI.

12/07/2017

On ferme !

Non ce n'est pas l'annonce de la pause estivale pour voguer vers d'autres horizons, il s'agit de la fermeture du dialogue conduit par le Gouvernement pour réformer le code du travail, avec une méthode qui ressemble étrangement à celle que l'on avait connu avec Sarkozy sur l'air du : "J'ai raison, donc vous avez tort". C'est ce que le Ministère du Travail explique aux organisations syndicales à propos de la fusion des instances représentatives. Après avoir annoncé que la fusion serait le principe dans toutes les entreprises, mais avec la possibilité d'y déroger, soit par décision de l'employeur (pour les plus petites), soit par accord collectif, pour les autres, voici maintenant que le ministère annonce que la fusion sera obligatoire et qu'il sera impossible d'y déroger. Circulez, passez votre chemin, il sera fait selon notre volonté. 

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On nous avait pourtant vanté les mérites de l'accord d'entreprise, la possibilité pour chacun d'adapter le droit à sa situation, les limites de la règle unique, valable pour tous alors que la diversité des entreprises était si grande. Et bien il faudra maintenant se faire à l'inverse et accepter que les gouvernants puissent avoir raison contre tous et imposer une règle unique qui ne tiendra aucunement compte des situations particulières et fera le bonheur de tous contre eux mêmes, puisque toutes les organisations syndicales et la grande majorité des DRH sont opposés à la mesure. Et comme toujours, les artisans de tout ceci n'ont aucune idée des modalités pratiques de la fusion : car si l'instance est unique pour discuter de tous les sujets, comment la mettre en place dans les grandes organisations où l'on a besoin d'un comité d'entreprise au niveau central, mais de délégués du personnel ou de CHSCT plus près du terrain ? on avait entendu que pragmatisme, liberté, souplesse, responsabilité prévaudraient, il faut bien constater que l'on a pour l'instant plutôt de la contrainte, du vertical et du dogmatisme. Autrement dit, pas vraiment du neuf. 

28/06/2017

Qui veut manager par référendum ?

Retour du débat à la française : on se jette les arguments à la tête en bombant le torse et gonflant la réthorique, plus soucieux d'emporter le combat des mots, que l'on confond souvent avec celui des idées, que de s'intéresser à la réalité dont ils parlent. Il y avait déjà eu cette passe d'armes à l'occasion de la loi Travail : qui allait décider du référendum en cas d'accord minoritaire qui doit être validé par le vote des salariés ? l'employeur ou les syndicats ? premier round pour les syndicats, seuls autorisés à ce jour à déclencher un référendum. Victoire symbolique, mais guère plus. Il suffit à l'employeur de demander aux syndicats de signer l'accord en premier, et c'est lui qui au final juge s'il donne vie ou pas à l'accord et à la possibilité de référendum. Au surplus, pas vu beaucoup de référendums passer depuis le début de l'année, pour tout dire, aucun. 

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Le deuxième round devrait être à la main des employeurs : la loi d'habilitation prévoit que le référendum pourrait être organisé sur décision de l'employeur. Voici donc l'affaire réglé et l'on peut s'empailler tranquillement sur l'air du "ce doit être moi !" "non pas du tout, c'est à nous". Mais en réalité, qui veut vraiment du référendum ? quel est le dirigeant d'entreprise qui est pressé d'organiser un vote des salariés, avec campagne électorale, cristallisation des positions, montées au créneau syndicales et obligation de se positionner de manière binaire (oui/NON) sur une question nécessairement plus complexe et qui appellerait à des réponses plus nuancées (le contenu de l'accord en question) ? Je ne connais pas un DRH qui piaffe d'impatience de pouvoir enfin organiser un référendum, je n'en connais que des méfiants envers une technique qui tient souvent du boomerang. Le pire c'est que les politiques sont bien placés pour le savoir, qui paient encore les dividendes du référendum de 2005. Mais tout le monde continue à faire comme si alors qu'en réalité, pour le référendum, c'est plutôt no.

13/06/2017

C'EST ÉCRIT OÙ ? (SAISON 2)

J’avais il y a quelques années, brocardé les juristes qui cherchent les textes qui autorisent et, à défaut de les trouver, en concluent que « ce n’est pas possible » ou, plus souvent, que « la prudence recommande de s’abstenir », la meilleure solution pour ne pas avoir les mains sales étant de n’en avoir pas du tout (voir ICI).

Le Conseil d’Etat vient de livrer, en matière de VAE, une nouvelle illustration du principe selon lequel il suffit souvent de se référer à la règle générale pour avoir la solution, sans besoin de la conforter par un texte particulier.

En l’occurrence, un candidat demande à obtenir un diplôme d’expertise-comptable par la voie de la VAE. Le service académique rejette sa demande en l’absence de texte précisant les modalités d’accès à ce diplôme par la VAE. Le candidat, tenace, enjoint le Ministère de prendre ce texte et saisit le Conseil d’Etat à cette fin. Il est débouté, mais c’est une bonne nouvelle pour lui. En effet, le Conseil d’Etat considère que la loi prévoyant l’accès à la VAE pour tous les titres professionnels et un décret ayant fixé les modalités procédurales dans ses grandes lignes, il n’était pas nécessaire d’avoir en supplément un texte spécifique pour le diplôme d’expertise comptable. Là où la loi générale suffit, ne nous égarons pas dans les précisions superfétatoires.

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Et du coup, le candidat aurait mieux fait de critiquer la décision de rejet de sa demande, plutôt que d’enjoindre au Ministère de prendre enfin les textes nécessaires, partageant en cela l’erreur des juristes en perpétuelle recherche de textes spéciaux.

Au-delà de la leçon de droit, on tirera également de cette décision la conséquence que l’intégralité des titres et diplômes inscrits au RNCP sont accessibles par la VAE, sauf texte l’interdisant (en particulier dans le domaine de la défense, de la sécurité ou de la santé). Ce qui signifie, il n’est pas inutile de le rappeler, que toutes les compétences peuvent s’acquérir par d’autres voies que la formation. D’où l’adage : « Tout ce qui s’enseigne peut s’apprendre, tout ce qui peut s’apprendre ne peut pas s’enseigner ».

Conseil d'Etat 7 Juin 2017.pdf

30/05/2017

Du binaire paradoxal

Difficile d'anticiper ce que pourrait être la réforme du code du travail qui fait l'actualité mais dont on ne connaîtra la véritable teneur qu'au milieu de l'été et la version finale sans doute pas avant septembre. Il est une mesure qui revient toutefois régulièrement, le référendum d'entreprise. Déjà présent dans la loi Travail, il est actuellement soumis à une double limite : il ne sert qu'à valider un accord et n'est donc pas source de droit autonome et il relève de l'initiative des organisations syndicales (ceci dit, il n'est pas très compliqué pour un employeur de se réserver le dernier mot en ne signant pas l'accord le premier). Ces deux limites pourraient être levées en donnant à l'employeur la possibilité de décider seul de l'organisation du référendum et éventuellement de l'utiliser pour produire directement une norme. Et c'est sur ce point là que l'évolution serait contestable et paradoxale. 

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Contestable parce qu'un référendum, par nature, est binaire : oui ou non, pour ou contre. Il ne fait donc pas dans la subtilité. Or, nous avions compris (mais peut être avions nous mal compris) que ce qui justifiait, avec raison nous semble-t-il, la plus grande autonomie donnée aux accords d'entreprises, c'est qu'il est impossible de faire une application globale du principe de faveur et que lorsque des accords construisent un équilibre complexe, la comparaison thème par thème avec les accords de niveau supérieur n'a plus de sens. Autrement dit, il faut laisser à la négociation le soin de construire des équilibres subtils et d'arriver à concilier des intérêts pas toujours alignés. Certes, on ne manquera pas d'invoquer la démocratie directe et le droit de chacun de s'exprimer sur ses conditions de travail, mais on voit mal comment un outil aussi binaire que le référendum pourrait contribuer à rendre plus mature le dialogue social dans les entreprises. Que le référendum puisse avoir un intérêt managérial (consultation des salariés sur un sujet) oui certainement. Qu'il devienne source autonome du droit, c'est paradoxal pour un Gouvernement qui défend l'idée d'une union sinon des contraires du moins d'anciens adversaires et le travail de conviction. Prenons d'ailleurs ici le pari que c'est à la place respective de la négociation et de la décision unilatérale (fût-elle validée par un référendum) que l'on mesurera la véritable nature du projet de réforme du droit du travail. 

22/05/2017

LOI TRAVAIL, SAISON 2

Et c'est reparti ! Casse du droit du travail contre liberté de négocier, hiérarchie des normes et verticalité contre autonomie et horizontalité, remise en cause des acquis contre adaptation,...cette saison 2 annoncée de la loi Travail risque de manquer de suspens tant le scénario ressemble à s'y méprendre à la saison 1. Il pourrait pourtant en être autrement. Sans trop d'effort et si l'on voulait bien, de part et d'autre, ne pas s'en tenir aux postures. Comment ? en allant tout simplement voir les résultats de la saison 1. Car voilà presque 10 mois que la loi a été votée. Est-il si compliqué d'aller y voir de plus près ? de regarder combien d'entreprises se sont saisies des possibilités de négociation offertes par la loi ? combien d'accords ont été conclus et par qui ? quels sont les paris faits par ces accords ? sur quels équilibres ? autrement dit, il serait temps de partir de la réalité et non d'une vision a priori qui rend, spécialité française, souvent nos débats très virtuels. 

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On s'apercevrait sans doute, et c'est ce que j'observe le plus souvent, qu'un an après ou presque la loi Travail n'a ni bouleversé les accords conclus en matière de temps de travail, ni miraculeusement déclenché un dialogue social responsable, ni brutalement ravagé des accords protecteurs des salariés. Et à l'aune de ce bilan très modeste, on pourrait peut être modifier le scénario de la saison 2 : ne pas mettre d'attentes trop considérables dans la loi pour le développement de l'emploi et du coup tenter de viser juste sur ce qu'il convient de modifier, et ne pas diaboliser à outrance une évolution vers plus de possibilités de négocier localement qui n'est pas une simple rengaine libérale destinée à briser toute solidarité, mais peut être une remise en cause des égalités formelles qui aboutissent le plus souvent à des inégalités réelles. 

25/01/2017

De quoi la formation est-elle le nom ?

Depuis plus de 45 ans, le droit a enfermé la formation dans le cadre étroit de l'action de formation et a posé sur elle le verrou de la fiscalité. Ainsi, on a débattu de ce qui était formation et de ce qui ne l'était pas. Pour au final privilégier le moyen (l'action) sur la fin (le développement des compétences). La loi du 5 mai 2014 a ouvert deux brèches salutaires : en défiscalisant les plans de formation et en permettant aux entreprises d'utiliser tous les moyens pour former leurs salariés, et en élargissant le périmètre de l'action de formation notamment celles qui sont réalisées à distance. Une troisième a également été percée, en permettant aux OPCA de financer des actions autres que la formation continue, liberté dont quelques branches, trop peu sans doute, se sont emparées par la voie de la négociation. Dès lors, deux définitions de la formation sont possibles : soit celle du code du travail qui renvoie toujours à l'action de formation, même élargie, soit une définition plus large qui considère comme formation, tout ce qui forme. Pour ceux qui s'intéressent à la question, les éléments du débat sont détaillés dans un article paru au mois de décembre dernier dans la revue Droit Social. Et pour illustrer que la formation c'est bien plus d'une action, le projet pédagogique de la Masia, autrement dit le centre de formation des jeunes footballeurs du FC Barcelone. 

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DROIT SOCIAL FORMATION.pdf

30/08/2016

LOI TRAVAIL : POUR LA COHERENCE, ON REPASSERA !

Au motif que chacun doit pouvoir déterminer ses conditions de travail au plus près du terrain et des besoins des entreprises et des salariés, la loi travail permet aux accords d’entreprise de déroger aux accords de branche. On connaît le débat, il a été un des principaux motifs de contestation de la loi.  Et c’est d’ailleurs un vrai débat qui mérite mieux que les procès d’intention, les anathèmes, les présupposés et les rapides accusations de casse du droit du travail. Est-ce que la branche offre un meilleur rapport de forces aux salariés, est-ce qu'elle est le meilleur niveau pour construire le droit et innover, ou est-ce qu’elle est institutionnalisée, phagocytée par les représentants des grandes entreprises qui imposent des conditions destinées à pénaliser les TPE et PME ? est-ce que la négociation d’entreprise est plus près des réalités, plus adaptée, ou plus sujette à l’emprise de l’employeur dans un rapport de forces défavorable ?  L’analyse régulière des accords collectifs,  n’apporte d’ailleurs pas de réponse tranchée à la question. Et l’on rappellera que la CFDT soutenait la loi Travail sur ce point, estimant qu’il était ensuite de la responsabilité des organisations syndicales d’avoir des délégués syndicaux formés et compétents dans les entreprises.

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Choix assumé donc, et pourquoi pas. Sauf que la loi introduit plusieurs biais dans ce principe. D’une part, les accords de branche pourront définir un « ordre public conventionnel » et décider des points sur lesquels il ne sera pas possible de déroger. D’autre part, les accords de groupe peuvent, s’ils le prévoient, primer sur les accords d’entreprise et les accords d’entreprise primer sur les accords d’établissement. Et dans ce cas là, impossible pour les accords de niveau inférieur de faire prévaloir l’adaptation aux réalités locales. Ainsi, un accord de groupe conclu par des organisations syndicales majoritaires au niveau du groupe pourra s’imposer à une entreprise dans laquelle ces mêmes organisations sont minoritaires voire absentes, au mépris de la position des organisations syndicales majoritaires.

Cette loi est finalement à l’image de quasiment toutes les réformes du quinquennat : une idée discutable mais claire au départ, des négociations sans méthode et sans fin pendant lesquelles alternent coups de menton et retournements de veste, et au final un compromis qui créé des complexités supplémentaires. Pour le choc de simplification et la cohérence, on peut repasser.

29/08/2016

LOI TRAVAIL : LE 11ème COMMANDEMENT

 Le soir, la nuit, le week-end et pendant les congés, tu déconnecteras ! Depuis la ceinture de sécurité, en passant par les campagnes de vaccination obligatoire et la privation de vacances pour tout Ministre de la Santé pendant les périodes de chaleur, les gouvernants semblent avoir comme unique objectif de protéger les individus contre eux-mêmes. La loi Travail n’échappe pas à la règle qui créé un « droit à la déconnexion », inclut dans la négociation obligatoire sur la qualité de vie au travail.

Cette obligation de négocier sur la qualité de vie n’est pas sans rappeler ce DRH qui, ayant sans doute compris le lien entre freeday et Friday après moulte réflexion, annonçait aux salariés dans une note de service comminatoire que le vendredi la tenue décontractée était de rigueur.

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Déconnexion en zone tourmentée

La loi travail a la même difficulté à appréhender de manière moderne, c’est à dire en inventant des solutions de son temps, la question des outils numériques. Car quel est le problème ? si l’employeur sollicite les salariés par texto, mail voire appel téléphonique, pendant une période non travaillée, il s’expose à terme à un paiement d’heures supplémentaires. Mais quid du salarié non sollicité qui souhaite se tenir au courant de la vie de l’entreprise, se connecte à l’intranet, lit ses mails ? sans que cela soit ni nécessaire ni imposé d’une manière ou d’une autre. Faut-il imposer à l’employeur de le priver de cette possibilité, comme on demande aux entreprises de pousser les gens dehors à partir d’un temps de présence maximum (confère la Croix-Rouge l’été dernier). Mais alors ne faudrait-il pas déduire du temps de présence les discussions sans rapport avec le travail, le temps pris pour régler des affaires personnelles, les petits surfs d’agrément, les pauses cigarettes, etc. Il faudrait peut être reconnaître que pour de plus en plus d’activités, la frontière entre temps de travail et temps personnel connaît quelques porosités et qu’il est temps de sortir d’un management à l’ancienne par la gestion des horaires et le contrôle des faits et gestes. Un peu de confiance et de responsabilité ne nuiraient pas. D’ici là, déconnectez ! sauf pour la lecture de ce blog, bien évidemment.

28/08/2016

LOI TRAVAIL : PARTIS SANS LAISSER DE TRACES

Il va falloir que les politiques qui fustigent à tour de bras l'immobilisme et les avantages acquis (cédons un instant à la démagogie : sauf les leurs) adoptent un nouveau discours. Car les avantages acquis ont bel et bien disparu du code du travail. Dorénavant, lorsqu'un accord collectif sera dénoncé par un employeur, ou lorsqu'un accord collectif viendra à terme, et qu'il sera impossible de conclure un nouvel accord, toutes les dispositions anciennes disparaîtront, sans laisser de trace. Terminé le maintien des avantages acquis à titre individuel qui s'incorporent au contrat de travail, qui constituait soit un frein puissant à la  dénonciation, soit une incitation forte à la conclusion d'un nouvel accord. Autrement dit, tout signataire d'un accord peut s'en libérer unilatéralement sans autre conséquence que la poursuite de l'accord jusqu'au terme du délai prévu pour conclure un accord de substitution, à savoir 15 mois maximum. Seule exception : le montant de la rémunération du salarié doit être maintenu (mais pas nécessairement la structure de son salaire). 

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La suppression du mécanisme des avantages acquis s'ajoute à l'inversion d'un principe : désormais les accords collectifs sont conclus pour une durée déterminée de cinq ans, à l'issue de laquelle ils cessent de produire tout effet. Et ils ne sont à durée indéterminée que si les négociateurs le prévoient expressément. Jusque-là, c'était l'inverse. Comme le disait (presque) naïvement Laurence Parisot lorsqu'elle présidait le MEDEF, tout est précaire, même la vie, pourquoi le droit du travail ne le serait-il pas ? rendons toutefois à la loi sa cohérence : à partir du moment où le champ de la négociation est plus ouvert, le pari est pris que les entreprises auront besoin de négociation sociale et que celles qui arrivent à négocier disposeront de solutions inaccessibles à celles qui auront un dialogue social bloqué.  En version optimiste, c'est un pari sur la responsabilité. Rendez-vous dans quelques mois (années ?) pour savoir s'il s'agissait d'un voeu pieux ou, encore, d'une naïveté. 

26/08/2016

LOI TRAVAIL : LE SOURIRE DES CARIATIDES

Si la hiérarchie des normes a largement fait débat, au point de devenir l'objet central de la contestation de la loi travail, il est un point que les contestataires ont peu mis en avant, car il aurait plutôt correspondu à leurs aspirations. Je veux parler des nouvelles règles de validité des accords collectifs. Même si son entrée en vigueur se fera progressivement (1er janvier 2017 pour tous les sujets liés à la durée du travail, 1er septembre 2019 pour les autres accords), le principe est désormais que la validité d'un accord collectif dans l'entreprise est subordonnée à sa signature par des syndicats représentant la majorité des voix exprimées lors des élections professionnelles (contre 30 % jusqu'alors). Et si les syndicats signataires ne sont pas majoritaires mais atteignent tout de même 30 % des voix, ils pourront solliciter un référendum pour décider de la validation, ou non, du texte. Voici donc une entorse à la démocratie représentative par recours à la démocratie directe. Il pourrait en résulter un vote plus fréquent des salariés sur leurs conditions de travail, et non seulement tous les 4 ans pour l'élection. Un peu comme la Suisse organise des votations régulières, ce qui confirmerait au passage que la démocratie est plus vivace à petite échelle. 

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Le principe majoritaire n'avait pas été adopté en 2008 par crainte de blocage du dialogue social et d'une plus grande difficulté d'atteindre une majorité d'engagement. La loi travail offre donc une alternative : le référendum. Certains y voient un mauvais coup porté aux syndicats, dont la légitimité serait ainsi remise en cause par un contournement minoritaire. L'analyse est un peu rapide car les syndicats eux-mêmes peuvent avoir intérêt à revenir vers la base avant de s'engager. Et c'est peut être avoir une lecture du référendum trop inspiré de son utilisation politique, dans laquelle il n'est jamais répondu à la question posée. Car le référendum n'est jamais si légitime que lorsqu'il est utilisé régulièrement. En tout état de cause, ces règles nouvelles sont de nature à modifier profondément les stratégies de négociation, chacun ayant désormais en tête qu'un vote de la base est toujours possible. D'où le léger sourire des cariatides. 

24/08/2016

LOI TRAVAIL : LIFE IN MOTION

La loi Travail ayant été publiée, il est aujourd'hui possible d'en faire une analyse méthodique, et ce blog va donc s'attacher à partir de ce jour à passer en revue ses dispositions pour tenter d'objectiver leur portée réelle. Mais pour débuter cette série, et tenter de lui donner un peu de sens, commençons par rechercher l'esprit des lois. Quel est le fil conducteur du texte, quels objectifs poursuivaient ses promoteurs, quelle philosophie anime la réforme ? on pourrait le résumer en un mot : ADAPTATION. La loi Travail repose sur le diagnostic, pris comme une évidence mais non démontré factuellement, que le droit du travail favoriserait l'immobilisme, l'ancrage dans le passé, l'incapacité à prendre en compte l'évolution des technologies, des organisations, des modes de productions, de l'économie mondialisée, etc. Toutes les règles de la loi Travail peuvent s'interpréter au regard d'une logique : il faut substituer à un droit du travail structuré, ordonné, hiérarchisé, centralisé, bâti sur une logique de construction accumulative propre aux 30 glorieuses, un droit décentralisé, mouvant, évolutif, temporaire, souple ("agile" dans la novlangue des dirigeants) qui permettrait de s'adapter à un monde évoluant lui même à un rythme toujours plus rapide. 

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Même si la communication sur la loi Travail a été calamiteuse, cette logique permet aux tenants de la loi de bénéficier de toutes les valeurs positives liées au mouvement et de renvoyer les opposants à l'immobilisme, au passéisme, à l'absence de réalisme, en un mot de créer un artificiel débat entre les dynamiques qui veulent faire évoluer le système et ceux qui n'ont comme projet que de maintenir l'existant. Les modernes et les conservateurs, ceux qui vont de l'avant et ceux qui restent tous freins serrés. Ce n'est évidemment pas un hasard si les promoteurs véritables du projet, Valls et Macron, ont en semblable détestation l'idéologie et se réclament du pragmatisme et si le mouvement politique du second s'appelle "En marche" sans que l'on sache véritablement vers quoi. 

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Car si le mouvement ce peut être la grâce de la danse, porté à sa quintessence c'est aussi le cyclone qui détruit les constructions collectives et renvoie à la capacité de chacun de trouver la possibilité de reprendre vie en terrain désolé. Autrement dit, ni le mouvement ni la réforme ne font sens en eux-mêmes. Et l'on peut considérer qu'avoir fait de l'adaptation la valeur cardinale du projet est au fond un aveu que l'on ne maîtrise plus grand chose de l'évolution du monde, que l'on a renoncé à toute volonté dans ce domaine et que l'on circonscrit son action à tenter de mettre en place des moyens de se protéger du cyclone. 

23/08/2016

Juliane vs Eleanor

A première vue, si l'on s'en tient uniquement à la solution préconisée, Juliane et Eleanor sont en désaccord. Dans deux affaires qui portaient sur le licenciement d'une femme en raison du refus d'ôter son voile dans le cadre d'un travail impliquant des relations de clientèle, l'une en Belgique et l'autre en France, les deux avocates à la CJUE ont conclu l'une à l'absence de discrimination et l'autre à une discrimination directe. Dans le détail, les analyses juridiques ne sont pourtant pas si éloignées, et la divergence se situe plutôt au niveau de leur appréciation. Résumons : la directive européenne du 27 novembre 2000 protège les salariés contre toute discrimination directe ou indirecte. Et prévoit quelques exceptions : la protection des libertés individuelles, les entreprises de "tendance" ou de "convictions" et l'exigence professionnelle essentielle, déterminante à condition que la restriction soit proportionnée. C'est cette dernière exception que la Cour de cassation, en Assemblée plénière, avait retenu pour valider le règlement intérieur de la crèche Baby Loup imposant la neutralité religieuse, la légitimité et proportionnalité étant en l'espèce fondée sur le fait que la salariée travaillait avec des enfants. 

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Ces règles, les fines juristes à la CJUE, les manient sans problème. Mais leur appréciation n'en est pas identique. Pour la britannique Eleanor, il n'existe pas d'exigence professionnelle légitime et proportionnelle à imposer à une consultante en informatique de retirer son voile lorsqu'elle va en clientèle. Car cela n'a aucun impact sur son activité. Ce qui est objectivement constaté en l'espèce puisque le motif du licenciement était "le trouble ressenti par les salariés du clients à la vue du voile". Pour l'allemande Juliane, un règlement d'entreprise imposant la neutralité vestimentaire peut au  contraire être justifié non seulement par la nature de l'activité ou les exigences professionnelles mais également par la culture et le système juridique de l'Etat, et l'avocate rappelle que la laïcité est en France un principe constitutionnel qui peut justifier des restrictions plus importantes y compris dans l'espace privé. C'est d'ailleurs cet argument qui a été parfois retenu, plus subtilement que le trouble à l'ordre public dans le contexte d'attentats, pour justifier les arrêtés d'interdiction du burkini sur les plages. 

Juliane Kokott ajoutait un argument dans ses conclusions : si la couleur de peau, l'origine, le sexe, l'âge, le handicap...sont des états de fait que l'individu ne peut laisser au vestiaire, la pratique religieuse est une pratique culturelle qui peut avoir des modulations selon les situations. 

On ne sera pas surpris qu'une avocate imprégnée de culture toute britannique ait une appréciation différente d'une allemande au parcours plus international. Et l'on constatera que l'on peut avoir sur le sujet une réflexion qui va un peu au-delà du simple épiderme. 

08/07/2016

Michel et Judith

L'hommage rendu à Michel Rocard ne manquait pas de paradoxes, parmi lesquels la célébration unanime de l'homme du dialogue, de la méthode pacifiée, de la négociation et du compromis. Sauf que c'est le 1er Ministre qui a le plus, et de très loin, utilisé le 49-3, autrement dit le vote sans débat à l'Assemblée qualifié ces temps ci de brutalité, déni de démocratie ou coup de force. Ainsi donc, le chantre de la recherche du consensus serait également le pape de la violence politique ? voilà qui met à jour la confusion entre les moyens et le sens. L'occasion de rappeler l'histoire de Judith, qui ouvrit ce blog il y a 8 ans. 

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Caravage - Judith et Holopherne

Si vous regardez la scène, vous voyez un meurtre, prémédité de surcroît. Si vous racontez l'histoire, vous constatez que Judith ne met nul plaisir, mais beaucoup de détermination, à accomplir le geste qui sauvera la ville de Bulthé. C'est à l'aune des fins poursuivies que l'on juge les moyens employés. La question est donc moins de passer des heures à se demander si le 49-3 est brutal ou non, que d'examiner le fond du texte pour savoir si le projet lui-même  constitue une brutalité ou non. Et même si le texte cède (un peu trop) souvent au mythe selon lequel le droit est le principal ennemi de l'emploi, il instaure au final des champs de négociation plus larges que ceux qui existent aujourd'hui. Pas très loin des idées autogestionnaires portées par Rocard, qui expliquent largement le soutien de la CFDT au texte. Mais il est de tradition en France de débattre beaucoup des moyens et assez peu des fins. 

03/06/2016

Des textes au double visage

Pas de procès d'intention, c'est un principe et en droit la bonne foi est présumée. Mais force est de constater que les décrets censés mettre en musique les lois novatrices peinent parfois à prolonger l'innovation et s'enlisent dans un conservatisme consternant. Dernière illustration : le projet de décret qui vient préciser les informations sociales à communiquer au comité d'entreprise, suite aux trois réformes de 2013 (loi de sécurisation de l'emploi), 2014 (formation) et 2015 (dialogue social). La réforme n'était pourtant pas mineure : suppression des consultations spécifiques sur la formation, articulation de la formation à la stratégie et à la politique RH, mise en place de la base de données économique et sociale, passage d'une information quantitative à une information qualitative, recentrage sur la politique et les objectifs et moins de place donnée aux moyens. Une révolution. Sauf que...

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Sauf que le projet de décret préparé par le Ministère du Travail reprend quasi mot à mot les dispositions antérieures, sauf que l'occasion d'enfin réformer le bilan social (qui est totalement obsolète sur la partie formation articulée à la règlementation de....1972 !) n'est pas saisie et sauf que toutes les nouveautés en matière d'investissements, d'élargissement du champ de la formation au développement de compétences et du glissement de la formation vers la compétence ne sont en rien prises en compte. Alors conservatisme ? négligence ? réflexion insuffisante dans l'urgence ? incompétence ? je laisse à d'autres le pourquoi et me contente du triste constat de textes incohérents (le projet de décret est en décalage profond avec les dispositions légales) et le travail qui en résulte pour les responsables formation : expliquer aux représentants du personnel qu'il vaut mieux s'inscrire dans les dispositions légales, se détacher de la lettre des textes règlementaires et centrer son action sur les objectifs et les résultats. Pour peu que l'on ait des interlocuteurs qui peinent à quitter le monde ancien de peur de perdre leurs repères, on mesure le service rendu par ces textes indigents. 

ProjetDecretIRP.pdf

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20/05/2016

Le droit et la littérature

Confronté à Deep Blue, l'ordinateur d'IBM, Kasparov a perdu. Confronté à AlphaGo, l'ordinateur de Google, M. Lee a perdu. Dans le premier cas, la force du calcul, dans le second la puissance du calcul mais également la capacité à adapter ses choix (plutôt qu'à apprendre).  Parallèlement, le déferlement des robots "intelligents", au rang desquels la voiture qui se gare seule et conduit à votre place, renvoie l'individu à ses impuissances face à la technologie. Si ce monde là vous affole, vous effraie, vous ennuie ou vous révolte, offrez vous un petit plaisir : prenez un texte au hasard et soumettez le au traducteur de Google. Vous devriez être rassurés. Car lorsqu'il s'agit de littérature, la machine rend les armes et ses concepteurs n'en peuvent mais. Vainqueur aux échecs et au jeu de Go, quand la machine pourra-t-elle produire un quatrain de cette beauté : 

Nous promenions notre visage

(Nous fûmes deux, je le maintiens)

Sur maints charmes de paysages,

O soeur, y comparant les tiens.

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Francis Picabia - Littérature

Les hommes politiques l'oublient souvent (De Gaulle et Mitterrand le savaient) et d'ailleurs de plus en plus : le droit c'est de la littérature. Aussi, toutes les tentatives de créer de l'automatisme (depuis les peines planchers de Sarkozy jusqu'au barème des indemnités pour licenciement injustifié de Macron et Valls) dans le droit sont vouées à l'échec. Parce que la nature même du droit, son essence, est littéraire. Et que la littérature n'est pas calculable, encore moins lorsqu'elle s'applique aux comportements humains. C'est ce qui rend le métier de juge si complexe et interdit toute perspective de mettre une machine à sa place. Car le jour où il n'y aura plus de pouvoir du juge, aussi irritant soit-il parfois, il n'y aura tout simplement plus de droit. 

17/05/2016

Le bon droit, vraiment ?

Après l'offensive du droit économique corporatiste (celui qui créé et garantit des monopoles), voici donc UBER confronté à l'offensive du droit social. Accusée de travail dissimulé et de fraude aux cotisations sociales, la plateforme se voit réclamer plusieurs millions d'euros de redressement par l'URSSAF. Comme toujours en ces affaires médiatisées, il faut essayer d'aller y voir de plus près et faire un peu de technique en passant en revue les arguments des contrôleurs. Ils sont assez classiques : la plateforme encadre les modalités du travail et donc les chauffeurs interviennent au sein "d'un service organisé".  On chercherait en vain, dans le code du travail, la notion de "service organisé". Pure création de l'URSSAF et des tribunaux, la notion de service organisé a été utilisée pour ramener vers le statut de salarié tous ceux qui choisissaient un autre cadre de travail que le salariat. Et c'est ici que les choses se compliquent : détournement, fraude, absence de choix,...l'URSSAF chausse ses bottes de chevalier blanc et de défenseur de la veuve et de l'orphelin. Dans l'affaire d'UBER, l'intention est d'ailleurs clairement affirmé : il s'agit de lutter contre les fraudes pour garantir le financement de notre système social. 

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Taxi indépendant ? 

Au nom du sauvetage de "notre modèle social", rien de moins, voici donc des participants à un jeu télé, des artisans, des démarcheurs ou des formateurs requalifiés en salariés. Il n'est manifestement pas venu à l'esprit des contrôleurs que notre modèle social connaît aussi le travail indépendant et son régime social, que le salariat n'est pas l'horizon indépassable de l'activité et que ce n'est pas en étendant indéfiniment la notion de "service organisé" que l'on garantira un modèle social mais en faisant en sorte qu'il soit capable de concerner de la même manière tous les statuts. Alors bien sur on pourra toujours se référer à quelques tricheurs avérés, à des fraudes caractérisées et monter sur les grands chevaux de l'indignation pour justifier ses pratiques. C'est ainsi que 5 % des comportements avérés conduisent à 100 % d'emmerdements garantis. Il serait peut être temps d'avoir un peu d'intelligence et de discernement et de considérer que la société du salariat qui s'est construite tout au long du 20ème siècle mérite non pas des combats d'arrière garde mais de mettre l'imagination au service de l'individu et de ses libertés. 

12/03/2016

CPF LEAKS

Avec 300 000 bénéficiaires, le CPF serait en phase de développement témoignant qu'il fallait seulement un peu de temps pour qu'un dispositif totalement nouveau trouve son public. Fin de l'histoire officielle. Si l'on s'approche un peu, que voit-on ? que 240 000 demandeurs d'emploi ont utilisé le CPF. On aimerait connaître la part d'initiative individuelle dans ce chiffre et la part d'administration de l'accès à la formation par POLE EMPLOI. Deuxième zoom, nous sommes donc à 60 000 salariés bénéficiaires (nous parlons ici de dossiers validés, par de formations suivies) en 14 mois, alors que le DIF c'était au minimum 600 000 par an. Soit 10 fois moins. 

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Pour le palmarès des OPCA, il n'y a plus photo. La machine métallurgique s'est mise en marche et va bientôt tourner à plein régime : à lui seul l'OPCAIM réalise quasiment 25 % des CPF. Pour le reste, on notera que l'implication des OPCA dans le CPF est moins proportionnel à leur taille qu'à leur stratégie en ce domaine ou à leur niveau de performance. 

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Les domaines de formation confirment les tendances déjà constatées : 50 % des formations sont des formations en langues, puis viennent les CACES, le socle de compétences, la VAE et la bureautique qui pointe son nez maintenant que le TOSA a été inscrit sur la Liste nationale interprofessionnelle (LNI).

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Pour finir, un peu de délire bureaucratique : 195 listes, chaque salarié en ayant 3 à sa disposition, et près de 50 000 certifications sur les listes, puisque les doublons (ou triplons) sont tout à fait possibles. On rappellera qu'il existe environ 10 000 certifications (8 000 titres RNCP - 1000 CQP - 1000 certifications dans l'inventaire). Quelle créativité le CPF que d'avoir multiplié par 5 les certifications. Presque la fable des poissons et des petits pains. Et félicitations aux 60 000 salariés (un peu moins multipliés pour ce qui les concerne). 

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20/01/2016

D comme....DROIT

Maintenant qu’on est licenciés, on peut s’inscrire à Pole Emploi (étudiants en droit fêtant l’obtention de la Licence)

 

Dans "L'Esprit de Philadelphie" (2013), Alain Supiot analyse le passage d'un monde régi par les lettres ("Au commencement était le Verbe") à celui des nombres. Autrement dit, la substitution du calcul à la loi. La différence essentielle est que la loi, qui est littérature, suppose un travail de qualification, d'analyse, d'interprétation et laisse ouverte la question du sens. A l'inverse, le nombre construit un monde calculable, rationnellement établi et figé dans la vérité de l'équation. Avant lui, sous une autre forme, Rimbaud disait déjà la même chose (la poésie est un raccourci vers la vérité) : 

 Oh ! la science ! On a tout repris. Pour le corps et pour l'âme, — le viatique, — on a la médecine et la philosophie, — les remèdes de bonnes femmes et les chansons populaires arrangées. Et les divertissements des princes et les jeux qu'ils interdisaient ! Géographie, cosmographie, mécanique, chimie !...
     La science, la nouvelle noblesse ! Le progrès. Le monde marche ! Pourquoi ne tournerait-il pas ?
     C'est la vision des nombres. Nous allons à l'Esprit. C'est très certain, c'est oracle, ce que je dis. Je comprends, et ne sachant m'expliquer sans paroles païennes, je voudrais me taire.

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Marc Janson - Aux ordres de la nuit

Ce qui est frappant aujourd'hui c'est que la demande faite au juriste n'est pas une demande du monde des lettres, le droit est pourtant de la littérature, mais de celui du calcul. On voudrait une règle certaine, débarrassée du doute, qui produise un résultat aussi mécaniquement que toute opération comptable a sa solution. Ne peut-on supprimer les juges et leurs erreurs humaines, leur arbitraire insupportable et leurs jugements autojustifiés pour leur substituer un programme informatique qui mettrait en relation les faits et le droit, les situations et les solutions ? Google devrait bien pouvoir nous fournir un algorithme du jugement, non ?

L'usage littéraire de la règle, qui ouvre des espaces de décision, qui propose des analyses sociologiques de la réalité, qui crée de la responsabilité, de la liberté de choix, s'efface devant la rationalité du computer qui doit produire un compte exact. Ne cherchons pas ailleurs le désir frelaté de sécurité juridique qui n'est jamais qu'une tentative à peine masquée d'annihilation du droit. Et pour vérifier que l'économie mathématique, et son outil le chiffre, ont pris le pas sur la loi humaniste, et son outil les lettres, il suffit de constater la prétention des économistes à établir qu'il existe des "lois économiques" (ce qui faisait bien rigoler Bernard Maris) que l'on nous révèle comme autant de lois naturelles. Car la religion du chiffre a de nombreux apôtres à l’heure où nous avons déjà basculé dans la société de l’algorithme. Raison de plus pour ne pas oublier le droit et ses principes.

13/11/2015

Individuel vs indivision

Il faut se souvenir que c'est une organisation syndicale, la CFDT en l'occurrence, qui est à l'origine de la création de l'entretien professionnel newlook. C'est à dire de l'obligation pour toute entreprise de faire un point avec chaque salarié sur ses possibilités d'évolution futures. Un entretien pour parler de l'avenir qui, dans sa version gestionnaire a pour fonction l'anticipation et dans sa version juridique l'obligation de bonne foi dans le partage de l'information sur l'évolution que pourrait prendre la relation de travail. Il faut s'en souvenir car l'on rencontre des entreprises dans lesquelles les organisations syndicales sont en opposition avec le principe même de ce type d'entretien, refusant notamment que la gestion des ressources humaines s'exerce principalement au travers des procédures individualisées (entretien d'appréciation, entretien d'évolution, rémunération à la performance, etc.), considérées comme mettant à mal le collectif et l'intérêt général. 

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On peut donc rencontrer cette situation, pas si saugrenue, d'organisations syndicales demandant à l'employeur de ne pas mettre en place l'entretien professionnel, et partant de ne pas respecter la loi. Bien évidemment, une telle demande n'est pas susceptible d'exonérer l'entreprise de ses responsabilités. Mais la question ici est moins dans le respect de la règle que dans son contenu. Dès lors que l'on décline les obligations des employeurs en fixant le détail de leurs modalités, dès lors que l'on codifie des modalités de gestion des ressources humaines, on s'expose bien évidemment au risque d'avoir un processus décalé de certains contextes. Par exemple, quel intérêt d'avoir des entretiens individuels lorsque 80 % des salariés exercent le même métier au sein de l'entreprise (entreprises de transport urbain par exemple). La voie de l'information collective ne serait-elle pas plus appropriée ? Si l'on raisonne par analogie, on s'aperçoit que même en matière de licenciement, l'entretien individuel s'efface parfois au profit de procédures collectives. 

A vouloir plaquer un mode de gestion unique sur toute réalité, et à vouloir introduire dans la législation les modalités de mise en oeuvre d'obligations, plutôt que de s'en tenir à l'obligation de résultats et de laisser la liberté des moyens, on s'expose à ce trop fréquent décalage entre la règle et les contextes de mise en oeuvre qui au final nuisent à sa crédibilité et à son effectivité.