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13/11/2015

Individuel vs indivision

Il faut se souvenir que c'est une organisation syndicale, la CFDT en l'occurrence, qui est à l'origine de la création de l'entretien professionnel newlook. C'est à dire de l'obligation pour toute entreprise de faire un point avec chaque salarié sur ses possibilités d'évolution futures. Un entretien pour parler de l'avenir qui, dans sa version gestionnaire a pour fonction l'anticipation et dans sa version juridique l'obligation de bonne foi dans le partage de l'information sur l'évolution que pourrait prendre la relation de travail. Il faut s'en souvenir car l'on rencontre des entreprises dans lesquelles les organisations syndicales sont en opposition avec le principe même de ce type d'entretien, refusant notamment que la gestion des ressources humaines s'exerce principalement au travers des procédures individualisées (entretien d'appréciation, entretien d'évolution, rémunération à la performance, etc.), considérées comme mettant à mal le collectif et l'intérêt général. 

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On peut donc rencontrer cette situation, pas si saugrenue, d'organisations syndicales demandant à l'employeur de ne pas mettre en place l'entretien professionnel, et partant de ne pas respecter la loi. Bien évidemment, une telle demande n'est pas susceptible d'exonérer l'entreprise de ses responsabilités. Mais la question ici est moins dans le respect de la règle que dans son contenu. Dès lors que l'on décline les obligations des employeurs en fixant le détail de leurs modalités, dès lors que l'on codifie des modalités de gestion des ressources humaines, on s'expose bien évidemment au risque d'avoir un processus décalé de certains contextes. Par exemple, quel intérêt d'avoir des entretiens individuels lorsque 80 % des salariés exercent le même métier au sein de l'entreprise (entreprises de transport urbain par exemple). La voie de l'information collective ne serait-elle pas plus appropriée ? Si l'on raisonne par analogie, on s'aperçoit que même en matière de licenciement, l'entretien individuel s'efface parfois au profit de procédures collectives. 

A vouloir plaquer un mode de gestion unique sur toute réalité, et à vouloir introduire dans la législation les modalités de mise en oeuvre d'obligations, plutôt que de s'en tenir à l'obligation de résultats et de laisser la liberté des moyens, on s'expose à ce trop fréquent décalage entre la règle et les contextes de mise en oeuvre qui au final nuisent à sa crédibilité et à son effectivité. 

20/01/2011

C'était bien avant le déluge !

Avant le déluge, l'humanité vivait dans le plaisir et la licence, ce qui ne fut pas du goût des Dieux qui décidèrent de déclencher de catastrophiques pluies qui faillirent bien mettre un terme à la présence de l'homme sur Terre.

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Cornelis Cornelisz - L'humanité avant le déluge - 1615 

Musée des Augustins - Toulouse

Depuis, tout bon gaulois craint que le ciel ne lui tombe sur la tête et les déluges sont mal vus. Mais qu'est-ce qu'un déluge ? c'est une production de quantité anormale qui menace l'homme. Aussi peut-on parler de déluge de lois lorsqu'il est constaté que le Parlement vote 59 lois en une session qui exigent 615 mesures règlementaires pour entrer en application. Et le pire, c'est lorsque le déluge faiblit : seuls 20 % des textes règlementaires nécessaires à la mise en oeuvre des lois ont été adoptés trois mois après la fin de la session parlementaire.

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Quentin Bertoux - Photo extraite de la série "D'après moi, le déluge"

Cet emballement de la production législative cumule les inconvénients : texte examinés trop rapidement et de mauvaise qualité, inflation règlementaire pour l'entrée en application, délais démesurés entre le vote et l'effectivité de la loi, maquis des textes déjà modifiés à peine que promulgués,...si l'exercice n'est pas facile, il prend néanmoins souvent l'allure de fiasco. Après moi le déluge semblent penser les députés qui ensevelissent le bon peuple sous des tonnes de textes dont il n'a que faire. La loi ne peut pas tout et l'action politique ne saurait, et ne devrait, s'y résumer. A l'heure où le Président de la République fustige le toujours plus quantitatif et recommande le toujours mieux qualitatif, on ne saurait trop lui conseiller d'appliquer ce précepte en matière législative. Parions tout de même que ce n'est pas pour demain ! Gare au déluge donc.

29/04/2010

Abstinence et luxuriance

Lorsque Moïse monte sur le mont Sinaï, il laisse son frère Aaron et son peuple l'attendre en silence. Mais l'attente dure 40 jours. Pour ce peuple qui vient d'Egypte et qui se définit par le faire, par l'action, par la production, 40 jours de silence c'est trop long. Et l'on décide de faire la fête et de construire le veau d'or. Lorsque Moïse redescend du Sinaï, et découvre la bacchanale, il brise les tables de loi mais ne prononce pas une parole. Pourquoi ce silence ? Marguerite Duras disait : "Parce que lorsque l'on a vu Dieu, soit on se tait soit on hurle, mais on ne peut plus parler". Ce silence aura plus de poids que des imprécations. Il est des occasions dans lesquelles s'abstenir c'est faire.

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Chagall - Moïse devant le buisson ardent

En 2009, ont été votées plus de loi que jamais auparavant dans la 5ème République. Lois de circonstances, lois de faits divers, lois de réformes profondes, lois techniques, lois politiques, toutes figurent dans le lot. Les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ont fait le constat que cette inflation nuisait à la qualité des textes et on mis en place, début avril, un groupe de travail qui doit faire des propositions pour améliorer la qualité de la loi.
Ce constat de perte de qualité est d'autant plus vrai que la loi est spéciale : dès lors que la loi s'intéresse à des cas particuliers, elle perd de son sens. Sa nature est d'être générale et l'effort du législateur doit porter sur la capacité de la loi à embrasser toutes les situations. En ce sens, une loi sur la TVA dans la restauration, une loi sur la burqa, une loi sur le drapeau français, etc. sont nécessairement insuffisantes : il revient à la loi de poser les principes généraux des activités qui relèvent de la TVA ou non, de la question de la liberté ou pas de se vêtir (aller nu dans la rue est un délit rappelons-le : voilà le législateur amené à se prononcer sur l'endroit où doit être placé le curseur entre s'habiller et se déshabiller), etc. Et parfois, il faut considérer que s'abstenir ce n'est pas rien faire, c'est reconnaître qu'il n'appartient pas nécessairement au législateur d'intervenir dans tous les détails de la vie. En matière juridique, l'abstinence peut avoir des vertus. Elle est moins recommandée en d'autres domaines, la peinture par exemple ou la luxuriance a ses charmes.
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Le Douanier Rousseau - Rêve

 

22/06/2009

Légalité intelligente

Fête de la musique, même à Paris il y a des Bodegas et des bandas. Celle-ci met de l'ambiance dans le quartier Saint-Paul. Un instrument attire mon attention : sur le cuivre un sticker avec la mention "Légalité intelligente" ! Photo et réflexions : qu'est-ce qu'une légalité intelligente ? sans doute une légalité non envahissante, qui ne régit que le strictement nécessaire (et non qui prétend tout régler de nos vies), qui est synthétique et très travaillée (faire chaque loi comme si l'on rédigeait la déclaration des droits de l'homme pourrait être la consigne donnée au législateur), qui est élaborée à partir de cas qu'elle généralise car telle est sa fonction (et non une loi pour chaque cas) et qui n'est pas modifiée avant que d'être appliquée. Soit à peu près systématiquement l'inverse de ce que font nos législateurs depuis plusieurs décennies.

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Jean-Pierre Willems - Légalize intelligence

Mais après observation plus fine, déception. Le sticker sur le trombone disait "Legalize intelligence" et non "Légalité intelligente". La seconde appellation aurait été plus subsersive. Car à demander, même sur le mode humoristique, la légalisation de l'intelligence, on en demeure à demander encore à la loi de faire en nos lieux et place et on considère que la loi peut quelque chose pour l'intelligence. Non décidément, il était très bien ce slogan : "Légalité intelligente". Tous à vos banderoles !