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17/05/2016

Le bon droit, vraiment ?

Après l'offensive du droit économique corporatiste (celui qui créé et garantit des monopoles), voici donc UBER confronté à l'offensive du droit social. Accusée de travail dissimulé et de fraude aux cotisations sociales, la plateforme se voit réclamer plusieurs millions d'euros de redressement par l'URSSAF. Comme toujours en ces affaires médiatisées, il faut essayer d'aller y voir de plus près et faire un peu de technique en passant en revue les arguments des contrôleurs. Ils sont assez classiques : la plateforme encadre les modalités du travail et donc les chauffeurs interviennent au sein "d'un service organisé".  On chercherait en vain, dans le code du travail, la notion de "service organisé". Pure création de l'URSSAF et des tribunaux, la notion de service organisé a été utilisée pour ramener vers le statut de salarié tous ceux qui choisissaient un autre cadre de travail que le salariat. Et c'est ici que les choses se compliquent : détournement, fraude, absence de choix,...l'URSSAF chausse ses bottes de chevalier blanc et de défenseur de la veuve et de l'orphelin. Dans l'affaire d'UBER, l'intention est d'ailleurs clairement affirmé : il s'agit de lutter contre les fraudes pour garantir le financement de notre système social. 

Laborar.jpg

Taxi indépendant ? 

Au nom du sauvetage de "notre modèle social", rien de moins, voici donc des participants à un jeu télé, des artisans, des démarcheurs ou des formateurs requalifiés en salariés. Il n'est manifestement pas venu à l'esprit des contrôleurs que notre modèle social connaît aussi le travail indépendant et son régime social, que le salariat n'est pas l'horizon indépassable de l'activité et que ce n'est pas en étendant indéfiniment la notion de "service organisé" que l'on garantira un modèle social mais en faisant en sorte qu'il soit capable de concerner de la même manière tous les statuts. Alors bien sur on pourra toujours se référer à quelques tricheurs avérés, à des fraudes caractérisées et monter sur les grands chevaux de l'indignation pour justifier ses pratiques. C'est ainsi que 5 % des comportements avérés conduisent à 100 % d'emmerdements garantis. Il serait peut être temps d'avoir un peu d'intelligence et de discernement et de considérer que la société du salariat qui s'est construite tout au long du 20ème siècle mérite non pas des combats d'arrière garde mais de mettre l'imagination au service de l'individu et de ses libertés. 

Commentaires

Bonjour JPW,
Peut être faut- il y voir les raisons qui poussent un nombre certain d'entrepreneurs à vouloir s'exiler ou devenir salarié. Il est vraiment désolant, cf Actualité sociale, de constater que nous sommes champion de l'immobilisme (et que les soit disant forces de progrès (!!!) comme on disait à l'époque, sont les plus réactionnaires) et du "demain on rase gratis". enfin....................

Écrit par : SYLVAIN | 17/05/2016

Les URSSAF devraient apprendre par coeur la fable de la Fontaine : "la poule aux oeufs d'or"
On est exactement dans la même problématique que le durcissement de la réglementation pour les organismes de formation. Sous prétexte de 1 ou 2 % de dérives on met en place des actions coercitives censées rassurer le peuple (qui regarde le JT de 20 h ou Cash Investigation).
Le résultat est toujours le même : un blocage de plusieurs crans de tout le système économique et des français qui n'ont d'autres choix que se réfugier dans le RSA et autres régimes socialisés (mais qui ne tiennent plus financièrement).

Les pouvoirs publics partent du principe -totalement idiot et contre productif- qu'un entrepreneur est soit une vache à lait, soit un escroc en puissance et qu'au lieu de gérer sérieusement les régimes sociaux il vaut mieux les alimenter sans fin de fonds supplémenaites via les redressements des entreprises.

Personnellement, si l'Etat ne se calme pas en France et si les affaires reprennent en formation, je déplacerai le siège social de mon entreprise dans un pays voisin de la France (en m'y faisant domicilier au passage).

Écrit par : cozin | 17/05/2016

@Cozin

Venez dans le même patelin que moi : La campagne, l'espace, un artiste de cinéma, quelques milliardaires (français bien entendu...) comme voisins.

Écrit par : bcallens | 17/05/2016

bcallens
Vous êtes déjà en suisse ?

Écrit par : SYLVAIN | 17/05/2016

@sylvain Un peu plus haut...

Écrit par : bcallens | 17/05/2016

Examinez le patronyme de l'auteur de ce blog...Et vous trouverez, j'en suis sûr.

Écrit par : bcallens | 17/05/2016

Etant indépendant moi-même, je ne peux qu'être d'accord avec le constant qu'il faut laisser plus de choix aux gens pour exercer leurs activités économiques. Je suis également, en tant qu'ancien chef d'entreprise, pour la libre concurrence et que le meilleur gagne.
Toutefois, dans le cas d'UBER, on n'est plus du tout dans le cadre d'une activité concurrentielle, mais dans une tentative de destruction à coups de milliards de tissus économiques locaux et de réglementations protectrices à la fois des producteurs et des consommateurs. L'objectif affiché sans complexe est d'imposer un monopole de fait extrêment lucratif pour une petite minorité de grand argentiers (Uber est massivement financé par Google Ventures, Goldman Sachs et d'autres firmes de Wall Street).
Uber perd plus de 1 milliard de dollars par an et continuera à le faire pendant quelques années, si un crash boursier ne met pas prématurément fin à l'aventure. Son activité n'est absolument pas rentable et ne le sera que s'il parvient à ses buts : ruiner les compagnies de taxi et les taxis indépendants afin de les remplacer par des autoentrepreneurs sans licence, dont la rémunération sera largement inférieure au SMIC. Ensuite, les prix varieront en fonction de la demande et des énormes retours sur investissement requis par ses actionnaires et investisseurs, mais comme il n'y aura plus de concurrence, les prix et les conditions de travail et de rémunération pourront être librement fixés par UBER.
La même tentative est en cours avec Air'n'B et d'autres apps de ce type. Elle va s'étendre rapidement à tous les services.
Il y a quelques semaines, les "employés" de UBER France ont manifesté, car UBER a décidé unilatéralement de baisser leur rémunération de 20%. Comme ils assurent eux-mêmes tous les frais (assurance, maintenance, essence, etc...), ils perdent de l'argent.
Derrière l'apparente innovation, le modèle économique est clair - un retour au 19ème siècle, destruction des classes moyennes, inégalités accentuées, insécurité économique pour le grand nombre, droits et règlementations à la poubelle, et in fine, une société oligarchique. Est-ce le modèle qu'on souhaite ici en Europe? On voit ses prémices aujourd'hui aux USA.
L'aubaine apparente de l'ubérisation lorsque nous mettons nos casquettes de consommateurs pourrait vite se révéler un boomerang redoutable.

Écrit par : andrew wickham | 21/05/2016

Hi Andrew,

Quasiment toutes les entreprises recherchent de la rente, soit par le monopole de la puissance, soit par l'entente, soit par le monopole de l'innovation (technologique ou autre). Que cela passe par le collaboratif ne change rien à l'affaire. Mais du coup je n'y vois pas un projet de régression sociale particulière (je n'accorde aucun crédit au complotisme), simplement la volonté de se créer un monopole par les moyens du moment Après, les monopoles industriels offrent du travail salarié, les monopoles du 21ème siècle offrent du travail indépendant. Chacun est en phase avec son temps.

Cheers....

Jpw

Écrit par : Jpw | 21/05/2016

Les taxis et leur quasi monopole (mais aussi les routiers tout comme les cheminots) profitent du fait qu'ils peuvent bloquer les transports en France pour peser sur les choix de la collectivité.
En fait notre pays paye depuis toujours une prime à la "grande gueule". Le petit vendeur sur un marché ou l'indépendant qui vend ses services ne pèsera jamais autant que le salarié syndiqué dans une "grande" entreprise publique ou que le taxi qui bloque la porte Maillot ou détruit des VTC parce qu'ils mettent en cause son monopole (et le trafic de plaques)

L'Uberisation de la société est un fait mais cela aurait beaucoup moins d'impact si
- les petites entreprises (hôtels ou restaurants) n'étaient pas étouffées sous les taxes et le poids des charges
- la concurrence s'exerçait librement en France (dans une société libre et ouverte tout développement économique important attire de nombreux compétiteurs qui font baisser les prix et améliorent au final la qualité du servie comme on l'a vu dans les télécom)

L'économie française est à la fois une économie de rentes (protections de type colbertistes contre les nouveaux entrants) et une économie administrée et planifiée (la planification à la soviétique du XX ème siècle n'est jamais très loin)

En voulant marier l'économie de marché à un Etat qui se mêle de tout (avec les résultats que nous connaissons et déplorons dans la formation) nous aboutissons à la pire des situations :

- un pays incapable de se mesurer à la concurrence internationale dans de nombreux domaines (notre compétitivité est faible, nos productions et commerces d'abord orientés vers la classe moyenne avec une qualité insuffisante)

- un système social qui devient un refuge pour une majorité de nos concitoyens (les commerces et les TPE ferment dans les petites villes et les déficits sociaux sont transférés vers le RSA, pôle emploi ou les régimes de retraite)

- un système éducatif qui oscille entre l'occupationnel (pour les chômeurs et les jeunes) et le contingentement pour les travailleurs en poste (sauf pour les plus qualifiés)

Nous pourrions avoir raté la première marche du XXI ième siècle économique, espérons que dans les prochaines années nous ne dévalions pas l'escalier (dans le sens de la descente) !

Écrit par : cozin | 22/05/2016

@jpw
Je ne vois ça pas comme un complot, car la stratégie (disruption) est clairement affichée et revendiquée, les conséquences sociales étant vues plutôt comme des dommages collatéraux sur le chemin du progrès et de l'économie collaborative ou sharing economy (un leurre à mon avis, car la valeur n'est pas partagée, elle est au contraire de plus en plus captée par le petit nombre d'agents qui possèdent les serveurs, dans une économie mondiale de plus en plus concentré - voir à ce propos le livre de Jaron Lanier "Who owns the Future"). Il n'y a évidemment pas l'intention d'appauvrir les gens pour les appauvrir. On veut surtout faire baisser les coûts et réduire les risques avec une main d'oeuvre en variable d'ajustement, afin d'optimiser la valeur actionnaire.

Je serais d'accord avec vous si les emplois indépendants ainsi créés permettaient des conditions de vie et de rémunération décents. Malheureusement, ce n'est pas le cas, sauf pour les métiers intellectuels qualifiés : il suffit d'observer les modèles émergents en Grande Bretagne et surtout aux USA pour s'en rendre compte.

Les inégalités se creusent rapidement - l'indice Gini, qui mesure les écarts de revenu entre les plus riches et les plus pauvres est passé de 0.26 à 0.35 entre 1979 et 2008 pour ce pays, de 0.40 à 0.48 aux USA pour la même période (en France il est revenu au même niveau - 0.30 - et est aujourd'hui en augmentation). Les « working poor » sont de plus en plus nombreux, les banques alimentaires servent aujourd’hui 1 million de personnes au Royaume Uni, dont une grande partie qui travaillent.

Cela a des conséquences :
Selon Alan B. Krueger, Chairman of the Council of Economic Advisors, résumant plusieurs rapports de recherche en 2012,
en général, à mesure que les inégalités se creusent :
- "More income shifts to the wealthy, who tend to spend less of each marginal dollar, causing consumption and therefore economic growth to slow;
Income mobility falls, meaning the parents' income is more likely to predict their children's income;
Middle and lower-income families borrow more money to maintain their consumption, a contributing factor to financial crises; and
The wealthy gain more political power, which results in policies that further slow economic growth"
Aujourd'hui, cet appauvrissement des classes ouvrières (dites "moyennes" là-bas) aux Etats Unis est une des raisons principales de la montée de Donald Trump, car cette politique n'est pas sans conséquences - en désespérant une partie importante de la population, elle peut mener à toutes les aventures.
On est loin de la réforme de la formation ici, mais je pense qu'on doit se poser la question du type de société dans lequel on souhaite vivre, car les choix économiques ne sont pas neutres et la précarité induite par l'Ubérisation n'est pas qu'une vue de l'esprit et aura des conséquences dont on ne mesure pas encore l’ampleur.

La France, qui est bloquée à presque tous les niveaux, comme le dit Didier, n'est certes pas le modèle à suivre aujourd'hui, mais doit-on pourtant jeter le bébé avec l'eau du bain et adopter le modèle des anglo-saxons?

Écrit par : andrew | 22/05/2016

Salut Andrew,

Réponse dans la chronique du jour (ou plutôt du soir)

Amitiés

jpw

Écrit par : jpw | 22/05/2016

Bonjour à tous les deux

L'Uberisation de la société c'est d"abord la désintermédiarisation et cela je ne vois pas comment nous pourrons revenir dessus.
Aujourd'hui un Internaute dispose des mêmes outils et d'autant d'informations (parfois plus) qu'un ministre dans son cabinet ou qu'un chef d'entreprise dans son bureau.
C'est une chance pour ceux qui ont développé une expertise et une calamité pour ceux qui ont des compétences moyennes (qu'ils auront de plus en plus de mal à vendre sur le marché du travail).

En fait le XX ème siècle industriel en Occident, les 30 glorieuses en France furent des parenthèses (pas si enchantées que cela car nous avons détruit beaucoup de choses durant ce 20 ème siècle) qui ne se reproduira peut être pas avant des siècles.

La classe moyenne européenne (et américaine) s'était bâtie sur cette prospérité, cette gabegie et le salariat pour tous (ou presque).

Les services comme Uber, Google, Facebook, Amazon... tendent vers le monopole parce que nous cherchons du standard et de la simplicité (dans un monde complexe).
Les Français (dont moi-même) utilisons plus Google que les américains je crois, c'est tout dire. Cela dit aucun monopole n'est éternel et quand on voit le peu d'innovation de Microsoft (ou d'Apple désormais) on peut comprendre que les jeux sont ouverts.

Le déclassement de la classe moyenne (surtout aux US) est inéluctable si nous conservons un "modèle" social pour les années 60. Il faut de toute urgence reconstruire l'école (on a réformé la formation au bazooka sans oser toucher à une école qui ne marche plus très majoritairement), nos systèmes sociaux conçus non pas pour assister mais pour se substituer au travail (retraite, chômage, maladie) et ce sera douloureux pour certains.

Mon expert comptable pense aussi que les VTC et les chauffeurs Uber ne sont pas économiquement viables mais si l'on prend nombre d'activités en France, celles-ci ne sont plus viables économiquement.

Nous travaillons avec des entreprises qui importent massivement des vêtements produits en Asie (ou en Afrique du Nord) avec une valeur ajoutée très faible dans notre pays. Notre problème essentiel vient de notre désindustrialisation désormais. Les usines (à la différence de l'Allemagne) sont considérées comme salissantes, peu motivantes et on préfère le "travail" de bureau et l'importation à la production de biens (ou de services).

L'autre problème en France est celui d'un Etat qui empêche désormais les Français de travailler (ou ne les y encourage pas) sous prétexte de le partager pour tous. C'est anti-économique et les conséquences sont que le travail co-existe avec le chômage partout en France.

Écrit par : cozin | 23/05/2016

le "problème" des cotisations sociales des chauffeurs de taxi sera peut être bientôt réglé par Uber avec des voitures sans chauffeur : https://www.aruco.com/2016/05/uber-voitures-autonomes-pittsburgh/

Écrit par : cozin | 23/05/2016

Vrai Didier.
En revanche la désindustrialisation est surtout due au différentiel de cout avec la main d'oeuvre délocalisée. Quand fabriquer un vêtement coùte un euro au Bangladesh et 30 ou 40 ici, il est clair que les industries ici ne peuvent pas survivre. Il faudra réinventer notre modėle social et économique. Mais la plutocracie que nous voyons se déployeur aux USA (voir à ce sujet l'excellente étude de Princetown University qui conclut que les Etats Unis ne sont plus une démocratie) et petit à petit en Grande Bretagne n'est pas non plus la panacée, à mon avis.

Écrit par : Andrew | 23/05/2016

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