21/01/2014
Parcours nomade
Dans le document envoyé aux partenaires sociaux en Juillet 2013 pour leur demander de négocier sur la réforme de la formation professionnelle, Michel Sapin demandait à ce que soit revue la définition de la formation professionnelle pour mieux prendre en compte la formation informelle. L'ANI a traduit cette demande en prévoyant qu'une formation associait des objectifs, une ingénierie pédagogique et une évaluation des résultats. La novation résidait dans la disparition du programme, corset rigide qui impose un parcours commun et préétabli, au profit de la possibilité pour chacun d'avoir un parcours dont les contenus sont aussi variés que les besoins individuels pour parvenir à un objectif commun. Une invitation aux parcours nomades donc.
Mais fi de tout ceci dans l'avant projet de loi : non seulement la définition actuelle de la formation n'est pas réformée, mais elle est complétée par des dispositions relatives à la formation à distance, censées en faciliter l'organisation, mais qui alourdissent les mentions qui doivent figurer dans le programme de la formation, point cardinal de la définition de l'action. Manifestement, les rédacteurs ont oublié qu'ils travaillent au sein du Ministère du Travail, et non de l'Education nationale, et que le programme n'a guère de sens pour définir une action de formation professionnelle continue qui s'adresse à des adultes qui ont tous des compétences et des situations de travail différentes, et qui peuvent donc tous passer par des chemins différents pour parvenir à un même objectif, si l'on veut bien considérer que la formation ne s'arrête pas aux frontières de la petite classe, mais que l'acquisition de compétences débute même quand on en sort. Souhaitons que sur ce point, et quelques autres, le débat parlementaire n'entérine pas des conceptions figées de ce qu'est la formation et fasse preuve si possible d'audace et à tout le moins d'esprit d'ouverture, ce qui serait bien le moins pour une loi portant sur la formation.
23:19 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : formation, réforme, éducation, travail, emploi, ministère, économie, politique, sapin, nomade, parcours
Commentaires
Bonjour,
Depuis le début, je pense que l'administration et les parlementaires seront incapables de sortir de leur logique de contrôle et de sanction sur la formation.
Ce que vous écrivez et le CR de votre audition à l'AN me confortent dans cette idée.
Pour beaucoup de fonctionnaires et d'élus (qui sont également souvent fonctionnaires), la formation se réduit à l'obtention de diplômes de l'EN et l'orientation à la fourniture de catalogues où, en face de métiers, se trouve une liste de diplômes à acquérir.
Nous verrons bien dans quelques semaines si la révolution promise n'est pas plutôt une belle glaciation.
Cordialement,
Brestois
Écrit par : Brestois | 23/01/2014
Bonsoir,
Je crois que vous assimilez un peu vite programme de formation et cours magistral... Au-delà de son aspect de contrainte administrative, le programme (de la même manière que la définition des pré-requis, ou la remise d'une attestation de formation) oblige aussi certains formateurs à se poser sur un coin de table, pour réfléchir à ce à quoi ils veulent aboutir, et surtout à l'enchainement pédagogique le plus efficace.
Car ici, la contrainte est créative, comme pour les contraintes oulipiennes...
On peut former par immersion (par infusion ?), au fil de l'eau, mais ça ne sera jamais aussi efficace qu'une formation pensée et tracée à l'avance. Si la jurisprudence (que je n'ai pas retrouvée), les méchants juges parlent des "apports structurés de connaissances", ce n'est pas juste pour embêter les gentils formateurs.
Même la FOAD, les MOOC... et a fortiori le blended, nécessitent de définir une progression pédagogique, un enchainement logique des apports. Le programme de formation, ce n'est rien d'autre que ça.
Qu'en pensez-vous ?
Écrit par : 0,9% | 24/01/2014
Bonjour,
j'ai du mal m"exprimer. Le programme n"a rien à voir avec le cour magistral et c"est davantage un confort pour le formateur qu"une contrainte. Il s"agit justement de sortir de cette logique où la progression pédagogique est pensée, structurée, déclinée et où le programme est ensuite détaillé en séquences pédagogiques. Ce qui présuppose une chemin linéaire et monovalent. Or, si l"on veut véritablement individualiser, il faut se placer dans une position totalement différente d'écoute, de réceptivité, d'accompagnement,d'adaptation et permettre à chacun de suivre un chemin différent. Beaucoup plus difficile pour le formateur et moins rassurant que le programme préétabli qui sert de béquille. Si l"on était en formation initiale, cela correspondrait au débat entre l'élève au centre ou le savoir et le prof comme éléments structurants. Il se trouve que l"on est en formation continue et que la réponse me semble aller de soi.
Cordialement
jpw
Écrit par : jpw | 25/01/2014
Il fut un temps (après guerre notamment) où l'Etat impulsait, guidait, orientait et accompagnait le pays dans sa reconstruction. L'Etat (et son école) était en avance sur la société et a permis le formidable développement économique qui fit les 30 glorieuses (partout en Europe il est vrai).
Désormais c'est souvent l'inverse, l'Etat est devenu une lourde machine paralysante, handicapant le pays, étouffant l'initiative (privée comme publique) et coûtant un argent fou.
En matière de formation l'Etat est triplement mauvais :
- il concurrence le secteur privé avec des financements publics (certaines facs sollicitent l'argent de la taxe pro et vendent sur le marché concurrentiel)
- il fait massivement baisser les prix et la qualité en sélectionnant les moins chers lors d'appels d'offres très discutables
- il terrorise, réglemente et contrôle tant que les services formation et les OF passent plus de temps à justifier leur travail qu'à développer des formations (de là l'impossibilité de former massivement les travailleurs peu qualifiés)
En 2009 les pouvoirs publics prétendaient déjà développer et simplifier la formation professionnelle avec leur réforme, on est parvenu à l'inverse. En 2014 les pouvoirs publics prétendent faire simple ("simplicité pour les entreprises et simplicité pour les salariés") mais pour faire simple il faut quand même 69 pages de texte de loi.
Écrit par : cozin | 25/01/2014
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