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16/12/2014

Arbitraire et fait du prince

On pourra me rétorquer que lorsque l'on vient du Sud, on est pas toujours au garde à vous devant les règles (d'une manière générale d'ailleurs, on est pas très porté sur le garde à vous...). On pourra me dire que dans ces chroniques même, l'orthodoxie n'est pas toujours au rendez-vous. Oui, on pourra toujours le dire. Mais en même temps, on peut également trouver que les positions que l'administration vient de prendre dans sa deuxième version du Question/Réponse consacré aux OPCA, c'est un peu fort de café. Et que, comme en des temps plus impériaux mais non moins impérieux, force reste à l'Etat mais pas forcément à l'Etat de droit. Entre l'empire et la world company, le doigt divin tient lieu de parole sacrée.

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De quoi s'agit-il ? de trois questions qui n'étaient pas tranchées dans le premier Questions/Réponses et qui le sont dans le second avec le plus parfait arbitraire :

- En premier lieu s'agissant de la possibilité pour une entreprise de faire un versement volontaire à un OPCA. Toute la loi du 5 mars 2014 et les décrets vont dans le sens de l'OPCA unique (pour les arguments détaillés, voir l'article sur les OPCA publié dans Droit Social de Décembre 2014 et sur ce blog). La DGEFP devait produire un argumentaire sur ce point, elle se contente d'une affirmation : le versement peut être fait à l'OPCA de branche ou à un OPCA interprofessionnel. Pourquoi ce privilège sauf considération politique ? nous n'en saurons rien ;

- Ensuite sur la possibilité pour un OPCA de financer les frais de déplacement des administrateurs, prévue par la loi. Tout d'abord la DGEFP annonce que seuls sont visés les membres des Conseils d'administration. Puis elle indique aujourd'hui que les conseils d'administration régionaux, à qui elle dénie par ailleurs toute capacité de décision, sont également concernés alors que les sections paritaires professionnelles, qui figurent elles dans la loi et sont donc des instances paritaires "légales" de l'OPCA n'y ouvriront pas droit. Pourquoi une telle distinction ? sur quelle base juridique ? mystère, mais ainsi le veut-on et ainsi en sera-t-il ;

- Enfin sur la possibilité pour les OPCA de financer la rémunération des salariés dans les entreprises de moins de 10 salariés. La loi ne le prévoit pas, un projet de décret l'envisageait mais le décret final ne l'a pas repris et voilà que l'on nous annonce que puisque c'était prévu dans l'ANI du 14 décembre 2013 (texte non étendu, qui ne le sera jamais et qui n'a aucune valeur normative et surtout pas celle d'imposer une solution que la loi écarte) et bien il suffit qu'un accord ou le conseil d'administration de l'OPCA le prévoit et ce sera possible. 

Au final, trois positions dont on pourrait dire courtoisement qu'elles ont une base juridique fragile, et de manière plus directe qu'elles font litière des règles au profit d'une position politico-administrative. Le problème n'est même pas sur les solutions retenues : la loi aurait pu le prévoir. Le problème est que justement elle ne l'a pas prévu et que l'on nous administre une nouvelle fois la preuve qu'il vaut mieux être influent que respecter les règles pour préserver ses intérêts. Pas forcément le meilleur message à transmettre dans une société qui cherche des repères. Mais quand arbitraire et fait du prince sont dans un bateau et comptent bien y rester, ce sont ceux qui s'en tiennent à la règle qui tombent à l'eau. 

QR DGEFP OPCA v2.pdf

Commentaires

Bonjour,

"On pourra me rétorquer que lorsque l'on vient du Sud..."

Mouais...Willems...faut dire qu'avec un nom pareil...

Écrit par : bcallens | 16/12/2014

un point de détail qui permettra d'enterrer le DIF (provisoirement au moins)

Le décret CPF du 2 octobre disait : "
« Art. R. 6323-7.-Afin de permettre l'utilisation du droit individuel à la formation, les employeurs doivent informer par écrit, avant le 31 janvier 2015, chaque salarié du nombre total d'heures acquises et non utilisées au titre du droit individuel à la formation au 31 décembre 2014."

Mais sur le site moncompteformation.gouv.fr
on lit ceci :

Comment transmettre l’information du solde DIF à mes salariés ?

La réglementation prévoit que les employeurs doivent informer par écrit avant le 31 janvier 2015 chaque salarié du nombre total d’heures acquises et non utilisées au titre du DIF au 31 décembre 2014.

L’information du solde d’heures DIF, peut être inscrite sur les feuilles de paie de décembre 2014. Vous pouvez également transmettre cette information à partir d’une attestation spécifique du solde d’heures acquises au titre du DIF et non consommées au 31 décembre 2014.

Ce qui veut dire qu'un employeur souhaitant faire oublier le DIF à ses salariés peut très bien noyer l'information dans la fiche de paie de décembre et ne donner aucune information complémentaire !!


Ce n'est pas ce que disais pourtant le décret du 2 octobre

Écrit par : cozin | 16/12/2014

Bonjour,

Le décret n'impose qu'un écrit...sans plus. A la limite, un simple sms pourrait suffire (c'est un écrit !).

A noter quand même l'extraordinaire maladresse du rédacteur du texte :

"Afin de permettre l'utilisation du droit individuel à la formation..."

Était-ce si difficile d'écrire par exemple : "afin de permettre l'utilisation des heures acquises au titre du droit individuel à la formation..."

Écrit par : bcallens | 16/12/2014

Très bonne idée que je vais soumettre à certains RF :
vous informerez par SMS les salariés de la réforme et du nb d'heures de DIF portées sur le CPF/

Ca pourrait ressembler à cela (moins de 100 caractères)

Bjr Bernard Tartempion, ton DIF=120h,il 2vient CPF, rdv le 5/01/15 sur le site CDC. Lol

Écrit par : cozin | 16/12/2014

Merci de cet excellent billet que je me suis permis de twitter.

On rate encore une occasion de simplifier le système... ll faudra donc attendre la réforme de 2017 !

Écrit par : Georgelin | 16/12/2014

Bonjour,

@Cozin

Formellement, les conditions réglementaires sont réunies...

On pourrait même aller plus loin.

Théoriquement, l'article L 1232-6 du code du travail impose une lettre recommandée avec accusé de réception pour notifier un licenciement.

Las...Cela n'empêche pas la Cour de Cassation de nous dire de temps en temps le contraire en estimant qu'il ne s'agit là que d'un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement. Une remise en main est donc parfaitement valable.

Pourquoi pas un SMS dans ces conditions ?

"t viré lol !"

Écrit par : bcallens | 17/12/2014

On peut également positiver en se disant qu'un salarié à moins de risque d'égarer un bulletin de paie qu'une attestation dont il ne saisira pas toujours la portée (alors qu'il lui faudra nécessairement produire cette pièce au premier financeur auprès de qui il déposera une demande de CPF pour justifier le solde qu'il aura - à un moment ou un autre à compter du 5/1/15 - saisi sur le site moncompteformation.gouv.fr).

Sinon on sait que cette question a été l'objet d'un long débat lors de la concertation CPF, la réprésentation patronale emportant la mise au nom de la simplification administrative ( ne pas mettre en place un processus pour l'émission d'une attestation qui ne sera à produire qu'une seule fois).

Écrit par : Gerland | 18/12/2014

Une question sur les heures de DIF (144 heures au maximum donc) : puisque plus personne ne les comptabilisera en 2015 :
- ni la CDC via le Compte formation (on aura une mention du style "vous disposez de X heures de DIF au 5/01/2015
)
- ni les OPCA qui auraient le plus grand mal à décrémenter les compteurs de salariés pouvant changer plusieurs fois dans l'année d'employeur ou de branche professionnelle

- ni l'employeur qui est censé liquider les compteurs fin décembre

Qui vérifiera que le salarié aura pris par exemple 20 heures en 2015, 35 heures en 2016, 13 heures en 2017, 12 heures en 2018 et qu'il lui reste encore 64 heures de DIF sur 2019 et 2020 ?

On a bien compris que les OPCA ne paieront certainement pas les heures de DIF passées alors que le 0,2%, (divisé par 2 du fait des salaires à prendre en charge) ne couvrira même pas les nouvelles heures de CPF (si jamais des salariés demandaient à les utiliser)

Il en ressort que ces heures de DIF deviennent symboliques à partir de 2015, (sous la seule responsabilité du salarié), un face à face entre le salarié qui a cumulé des heures de DIF (sans en faire grand chose) et son employeur (qui ne s'est pas donné beaucoup de peine pour les mettre en oeuvre).

Ce sera, comme souvent en France, le rapport de force qui paiera ou non.
Dans telle grande organisation (surtout si les salariés sont regroupés sur un même site) les syndicats et les salariés pourront peser pour que l'employeur soit responsabilisé en utilisant les heures de l'ex-DIF sur le plan de formation (plus personne ne les comptabilise et donc rien ne s'oppose, si le salarié est d'accord, à ce qu'elles soient incluses dans le Plan, sans en référer à l'OPCA ni à la Caisse des dépôts)

Le DIF n'a finalement peut-être pas dit son dernier mot et certains employeurs, comprenant que le CPF est une usine à gaz bien plus complexe que ne l'était le DIF , utiliseront ces heures de DIF pour remplir leur obligation de former tous les salariés sur les 6 années que leur donne la loi du 5 mars.

Écrit par : cozin | 18/12/2014

@cozin
Pourquoi donc "144 heures au maximum" ??????????

Écrit par : gerland | 18/12/2014

le DIF dans certaines branches c'était 24 h par an avec un maximum de 6 ans de cumul.
Je suppose que les 144 heures sont reportables !

Écrit par : cozin | 18/12/2014

@cozin : vous vous mélangez quand même un peu les pinceaux. Les heures de DIF sont saisies par le salarié sur le portail CPF, sont utilisées dans le cadre du CPF et sont vérifiées par l'OPCA au moment où il finance sur la base de l'attestation remise par l'employeur. Le DIF n'existe plus au 1er janvier 2015. Ce n'est pas si compliqué.

jpw

Écrit par : jpw | 18/12/2014

Bonjour,

Les 144 heures, je pense qu'il n'y a eu qu'un seul cas (mais je peux me tromper) : l'agriculture et encore pas dans toutes les hypothèses.

La circonstance que les anciennes heures DIF (qui deviennent es heures CPF) ne soient pas notifiées à la Caisse des Dépôts et que cette dernière ne soit pas chargée de les gérer (et les tracer) est absolument incompréhensible. C'est en soi un élément de blocage majeur. C'est largement suffisant...

Pour terminer (mais les salariés le savent-ils ?) il faut noter que l'utilisation des "heures acquises au titre du DIF" (je tiens aux guillemets) ne sont pas à la discrétion des employeurs. L'article L 6323-2 précise même que la non-utilisation du compte n'est pas fautive (texte curieusement formulé d'ailleurs), ce qui est un point qui distingue le CPF du plan de manière significative (c'était déjà vrai du DIF...).

En théorie, les heures acquises au titre du DIF ne pourront pas être intégrées au plan puisque ce sont désormais des heures CPF...qui ne peuvent être mobilisées que par le salarié. Pas mal de difficultés en perspective quand même.

Écrit par : bcallens | 18/12/2014

Sauf texte réglementaire que je n'aurais pas encore vu, le texte légal ne dit pas que les anciennes heures DIF doivent être notifiées à la caisse des dépôts...L'article L6323-8 II ne vise que les heures inscrites ou mentionnées. Je ne suis pas sûr les heures "mentionnées" visent aussi les anciennes heures DIF...

De toute façon, ce n'est pas au salarié de saisir ses anciennes heures DIF sur le portail. Personne ne le fera.

Écrit par : bcallens | 18/12/2014

Les heures de DIF sont saisies par le salarié qui veut les utiliser :

http://www.moncompteformation.gouv.fr/le-compte-personnel-de-formation/presentation/que-deviennent-vos-heures-acquises-au-titre-du-dif

Écrit par : jpw | 18/12/2014

Cela ressemble quand même à de l'improvisation...

Écrit par : bcallens | 18/12/2014

@bcallens
Cela me semble surtout un bon moyen de pousser les salariés à aller voir ce qui se passe sur ce site, à découvrir ce nouveau droit, à s’intéresser aux certifications auxquelles il peut prétendre. Bref, à être acteur.

Écrit par : Gerland | 18/12/2014

@Gerland : c'est un peu comme si on disait à un assuré social: pour bénéficier de la sécurité sociale vous devez
- vous connecter sur un site quelconque
- vous inscrire
- personnaliser votre mot de passe
- indiquer une adresse Email personnelle
- et ensuite tout gérer seul.

Il y a au moins en France 1/4 des salariés qui n'accèdent pas à l'ordinateur, Internet ou maîtrisent mal le français. Comment ceux-là sont-ils censés faire ?

On avait déjà des assistantes sociales qui passaient des journées entières à appeler des administrations pour faire valoir les droits des personnes on aura maintenant des CEP qui passeront leur journée à inscrire et gérer les comptes personnel de formation. Cela permettra de mettre en avant les Conseils en évolution professionnelle :-)

Écrit par : cozin | 18/12/2014

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