Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/11/2010

Le collectif, c'est moi

Le droit du travail peine souvent à appréhender le collectif. Bien sur la loi reconnaît les droits collectifs. Mais leur support est souvent le sujet individuel : ainsi le droit à la négociation collective est un droit individuel exercé collectivement. Pourquoi cette personnalisation du droit ? En grande partie parce que le sujet de droit est l'individu, le support du droit le contrat de travail et que le collectif n'atteint jamais ce niveau d'incarnation. La collectivité de travail est protéiforme, mouvante et jamais stabilisée. Comme l'on ne se baigne jamais dans le même fleuve, on n'est jamais, ou très rarement, face au même collectif, alors que l'individu est un sujet stable de droit.

Cette consécration juridique du sujet s'accorde à l'évolution historique des sociétés occidentales. Le XXème siècle a vu l'individu s'extraire du collectif, s'affirmer, s'autonomiser et demander reconnaissance pour lui-même et non pour son groupe d'appartenance. Il en est résulté une personnalisation plus forte des relations et une mise sous tension corrélative plus importante des individus. Peu de domaines ont échappé à ce mouvement, ainsi que nous le confirme Gérard Larcher.

DSCF6100.JPG

L'affiche est placardée sous les arcades de la rue de Vaugirard, face à l'entrée du Palais du Luxembourg. Double stupéfaction en la découvrant. Tout d'abord l'expression "coeur de métier" empruntée au langage managerial paraît bien peu appropriée pour le Sénat qui n'est ni une entreprise, ni une organisation composée de professionnels. La fonction élective n'est pas un contrat de travail et le Sénat n'est pas un site de production de ces choses curieuses que l'on appelle les lois. Le mandat sénatorial devrait plutôt être un métier de coeur qu'un coeur de métier, et l'on s'inquiète de cette inversion des valeurs. La deuxième surprise est que si l'on a pas le nez collé sur l'affiche, seuls sont lisibles les mots "Le coeur de métier du Sénat c'est : Gérard Larcher". La photo est d'ailleurs là pour nous le rappeler. Surprise car on pensait l'homme plus humble et plus soucieux de la nature de sa fonction. Et l'on se dit que si même lui en vient à s'auto-promouvoir dans la plus pure langue de bois manageriale, c'est qu'en matière de recul du collectif, on a sans doute pas encore tout vu.

 

03/11/2010

Grenelle ou Talleyrand ?

Comme le frigidaire, l'appellation "Grenelle" est  passée dans le langage commun. Faut-il pour autant en faire un usage immodéré ?  après le Grenelle de l'environnement, le Grenelle de la mer, certains ont appelé à un Grenelle de la sécurité urbaine et voici le futur auto désigné premier Ministre qui réclame un Grenelle de la fiscalité. Personne n'a encore proposé un Grenelle des banlieues (il fut en 2007 question d'un Plan Marschall mais l'aide américaine tarde manifestement à venir), le Grenelle des retraites n'a pas eu lieu et les partenaires sociaux peinent à enclencher le Grenelle du dialogue social. Comme dirait De Gaulle, sauter comme un cabri en criant Grenelle, Grenelle, cela ne fait guère avancer les choses. Et peut être faut-il se souvenir de ce que furent les accords de Grenelle : une augmentation du SMIG (ancêtre du SMIC) de 30 %, une hausse des salaires moyens de 10 %, la reconnaissance des syndicats dans l'entreprise, la réduction de la durée du travail, l'assouplissement des conditions d'accès à la retraite, une grande négociation sur l'emploi, l'engagement d'une négociation sur la formation professionnelle qui donnera l'accord de juillet 1970 puis la loi de juillet 1971...Bref, à peu près exactement l'inverse des tendances actuelles, ce qui confirme que plus on utilise le mot et moins on voit la chose.

Image1.jpg

Si l'appellation de Grenelle est restée, c'est parce que le Ministère du Travail, lieu des négociations, a son entrée au 127 de la rue de Grenelle. Mais le bâtiment fait l'angle avec la rue Talleyrand. Vous vous souvenez ?  l'ancien  évêque qui nationalisa les biens du clergé. L'Eglise cria à l'apostat. Et pourtant ! en prévoyant que les biens appartenaient à l'Etat, ils furent ensuite transférés aux communes en grande partie,  Talleyrand, certes avec l'aide du Concordat, inventa un nouveau mode locatif dont l'Eglise tire toujours profit : le curé est le seul, ou quasiment, à pouvoir user du lieu, mais la charge de l'entretien revient à la collectivité publique. Voici un nouveau mode d'accord : celui qui conduit à faire exactement le contraire de ce que l'on annonce. Mais vous voyez l'effet si un dirigeant se mettait à réclamer un Talleyrand des retraites ou de la fiscalité !

Pour mémoire, les accords de Grenelle : Accord_de_Grenelle.pdf

01/11/2010

La main dans le sac

La réforme des retraites est donc votée et entrera progressivement en oeuvre. Conseiller social du Président Sarkozy, Raymond Soubie fut un des artisans de cette réforme qu'il tenta, sans grand succès, de vendre aux partenaires sociaux. Le vote intervenu, Raymond Soubie annonce qu'il cesse ses fonctions de conseiller et déclare sur Europe 1 qu'il va redevenir ce qu'il a toujours été : un entrepreneur. Il oublie de souligner qu'il a donné un dernier conseil au Président avant de se retirer : celui de le nommer au Conseil Economique et Social en tant que personnalité qualifiée. Il serait démagogique de souligner que les 3 700 euros d'indemnités viendront utilement compléter le niveau de la retraite de celui qui trouve juste et équitable que ceux qui sont entrés les premiers sur le marché du travail cotisent plus longtemps sans pour autant avoir de droits supplémentaires. Et surtout ce serait faire injure à un entrepreneur aux affaires prospères de considérer qu'il a besoin de cette source de revenu complémentaire.

catalogue raisonne Maturana 366.jpg

Alain Garrigue - La main dans le sac - 1998

En l'occurence, ce qui peut choquer et exaspérer en cette affaire, ce n'est évidemment pas le niveau de revenus de Mr Soubie. C'est la désinvolture persistante de nos dirigeants à ne voir jamais en aucun lieu et en aucune manière de conflits d'intérêts dans les cumuls organisés d'avantages considérés comme des dus. Cette candeur dans l'absence de morale est tellement inscrite dans la culture même de la classe dirigeante qu'elle est étonnée que la question lui soit posée. On ne saurait mieux justifier que chacun n'agisse qu'en fonction de ses intérêts propres, sans souci d'exemplarité ni de cohérence. Le souci de l'intérêt général résiste peu à l'épreuve des faits. La main est dans le sac, et elle compte bien y rester.

29/10/2010

Réappropriation du temps

Le pouvoir rétractile du froid s'est encore vérifié, la chute des températures correspondant à la fonte des cortèges de manifestants. La mobilisation collective touche à sa fin. Tout rentre donc dans l'ordre. Nous travaillerons plus longtemps et nous serons bientôt livrés en essence pour pouvoir le faire.

Que faire pour se prérarer à prendre sa retraite plus vieux ?  passer à l'action individuelle. Faire de la réappropriation du temps, du rythme, de son travail, de sa vie, de sa manière de corporer, un objectif en soi. Ne pas subir. Pour ne pas être contraint par les temps sociaux imposés, il faut créer, ou recréer, un temps personnel habitable. Cela commence tout de suite.

DSCF1736.JPG

C'est à la portée de tous, nous sommes en  ce domaine nos pires ennemis. Votre corps et votre esprit vous appartiennent. Il ne tient qu'à vous. Et pour vous entraîner, quelle meilleure période qu'un week-end de trois jours avec une heure de plus volée à la grande horloge du temps. Profitez, vivez l'instant. Par définition, nous avons toute la vie devant nous. Et le meilleur est toujours à venir.

26/10/2010

Un monde inhabité

La Foire international d'art contemporain (FIAC) de Paris s'est tenue pendant quatre jours au Grand-Palais et divers autres lieux parisiens. Il y avait cette année six foires off, dont ChicArtFair qui se tenait dans les superbes locaux de la cité du design et de la mode, en bords de Seine. L'occasion de belles découvertes, dont celle de José Manuel Ballester, artiste madrilène qui vide les toiles de maître de ses habitants.

pine_forest.jpeg

Sandro Botticelli - Histoire de Nastagio degli Onesti - 1487

jose-manuel-ballester-bosque-italiano-iii-2008.jpg

José Manuel Ballester - Bosquet italien III - 2008

La scène pourrait préfigurer la chanson de Charlélie Couture : "Y'avait une fête ici". Elle fait apparaître en personnage principal le paysage qui n'était qu'un décor dans le tableau original. Elle montre peut être aussi le travail du peintre qui, comme Ingres, peignait le fonds ou le faisait réaliser par ses élèves avant de poser délicatement chaque personnage à sa place.

fra-angelico annonciation.jpg

Fra Angelico - Annonciation - 1430 - Ballester - Lieu pour une annonciation - 2007

Difficile de dire que la toile est inhabitée. Le lieu pour une annonciation préfigure la scène qui s'y déroulera. Ainsi est on bien persuadé qu'il est des lieux dans lesquels la magie ne peut qu'opérer. Qui s'installe sous ces arches sera nécessairement touché par la grâce.

Ballester Bosch.jpg

Bosch - Le jardin des délices - 1490 - Ballester - Le jardin inhabité 2008

Le jardin inhabité est plus inquiétant. La nature de Bosch privée de ses habitants ne comporte plus guère de délices. On dirait une machine qui tourne à vide et qui ne produit que peu de plaisirs. Elle ressemble à ce monde déshumanisé que certains n'envisagent que comme un grand lego économique dans lequel l'homme n'a sa place qu'en tant que producteur/consommateur. Le jardin des délices ce n'est pas l'après-fête, c'est l'après fermeture d'activité, c'est la friche industrielle qui restera en l'état de longues années. En supprimant les habitants du paradisiaque jardin, Ballester prend le contrepied de Sartre, l'enfer ce n'est pas les autres, c'est quand les autres ne sont plus là, parce qu'il y a de fortes chances pour que l'on n'y soit pas non plus.

19/10/2010

Pensée catégorielle

La chanson date de 1935. Ecrite par Jean Nohain, sur une musique de Mireille, elle était chantée par Maurice Chevalier. Une autre époque, je ne vous le fais pas dire. Mais faisons le test : est-ce que l'air vous revient à l'esprit lorsque vous lisez "Quant une marquise, rencontre une autre marquise, qu'est-ce qu'elles se disent ? des histoires de marquises". Si la ritournelle a marqué les esprits et traversé le siècle, c'est sans doute qu'elle faisait écho en nous. Rappelons que le refrain de la chanson est : "Chacun sur terre se fout, se fout, des petites affaires de son voisin du dessous ; Nos petites affaires, à nous, à nous, nos petites affaires c'est ce qui passe avant tout". L'idée que l'on agit jamais que dans son propre intérêt semble donc une vérité admise qui conduit parfois à s'étonner, voire à s'indigner, que certains puissent défendre d'autres intérêts que les leurs. Ainsi, ceux là même qui  souvent vilipendent les revendications catégorielles s'étonnent aujourd'hui que les lycéens et étudiants participent aux manifestations contre la loi sur la retraite, eux qui ne seront concernés  que dans 50 ans, au bas mot. Ceci revient, de fait, à n'admettre que les revendications corporatistes et à ne reconnaître comme légitime que les manifestations décidées par les syndics de la corporation. Difficile donc de critiquer à la fois les étudiants et les revendications catégorielles.

le syndic des drapiers Rembrandt 1662.jpg

Rembrandt - Le syndic des drapiers - 1662

On peut également constater qu'après chaque élection, il se trouve toujours une équipe de journalistes pour aller voir pourquoi dans un village rural on a voté pour le Front national alors qu'il n'y a pas d'immigrés dans la commune. Validant ainsi la double stupidité que l'on ne peut voter qu'en fonction de ce qui se passe sur le petit périmètre de son territoire et qu'il est normal de voter Front national en présence d'immigrés.

S'étonnera-t-on demain de trouver des hommes pour manifester en faveur du droit à l'avortement, des citoyens n'ayant jamais connu la prison pour l'amélioration des conditions de détention, des nationaux en faveur des migrants ? Est-il si choquant qu'un citoyen se sente concerné par tout ce qui fait la vie sociale, culturelle, économique en un mot la vie de la collectivité à laquelle il appartient ? il serait au contraire hautement souhaitable pour le pays que l'on voit des individus se mobiliser pour des causes qui vont au-delà de leurs intérêts personnels. La démocratie politique, et la démocratie sociale, sont censés être fondées sur le désintéressement, c'est-à-dire l'intérêt pour les affaires des autres plutôt que les siennes propres. Peut être serait-il bon d'en revenir à ce principe. Ainsi, l'on pourrait sans être marquis s'intéresser aux histoires de marquises, surtout lorsqu'il s'agit de Luisa Casati, la marquise de l'étrange.

marquise-casati-Bodini.jpg

Giovanni Boldini - La marquise Casati - 1809

The-Marquise-Casati-by-Man-Ray_-1922.jpg

La marquise Casati - Man Ray - 1922

08/10/2010

Du temps où le Roi avait des lettres

Imagine-t-on geste plus doux d'un amoureux envers l'aimée ? la personnification de la puissance, de l'histoire qui se fait et de l'autorité  peut-elle avoir attitude plus délicate, bienveillante, attentionnée, en un mot amoureuse ? d'ailleurs la barbe du vieil homme n'est-elle pas soyeuse chevelure de femme ? Comme les indiens le faisaient avec les biches qu'ils tuaient, François 1er se penche sur Léonard pour aspirer son dernier souffle afin que vive l'esprit en lui. Et ce faisant, le regard du souverain exprime l'obligeance du pouvoir à la connaissance, l'humilité de l'épée devant la plume, le respect que le corps triomphant doit au cerveau qui le guide. Le tableau d'Ingres est un chef d'oeuvre que l'on peut admirer depuis le 6 octobre au Grand Palais à l'occasion de l'exposition "France 1500". Et au-delà du thème, vous pouvez simplement faire abstraction de tout et ne regarder que les mains présentes dans le tableau : elles vous content l'histoire.

leonard001.jpg

Ingres - François 1er reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci - 1818

L'admiration dans laquelle François 1er tenait les artistes, il l'exprimait ainsi  : "Je peux faire un noble, je ne peux faire un grand artiste". Qui a un tel culte de la création doit nécessairement s'affranchir des entraves formelles. François 1er n'était pas très respectueux du protocole et, à l'annonce du partage des nouveaux mondes entre Espagnols et Portugais, il eut cette phrase qui pourrait nourrir toute les révoltes, qui comme chacun sait ne peuvent véritablement être qu'individuelles: "Je voudrais bien voir la clause du testament d'Adam qui m'exclut du partage du monde". N'y a-t-il pas dans cette déclaration royale la plus belle affirmation démocratique qui soit si toute femme ou tout homme se l'appropriait ? Certes si François 1er fut le promoteur des bibliothèques, il n'en fut pas moins censeur. Mais il faudrait perdre l'habitude de vouloir tout blanc les individus à qui l'on trouve quelques vertus. Constatons qu'il y a 500 ans, un Roi était l'ami des lettres et que l'on retrouve son cousin, Jacques de Savoie-Nemours, dans la Princesse de Clèves. Tout était-il donc différent d'aujourd'hui ? et oui, sauf peut être sur un point : François 1er aussi creusa les déficits.

NDLA : petit rectificatif, le tableau n'est pas présenté au Grand-Palais, il faut traverser l'avenue et se rendre au Petit-Palais pour pouvoir l'admirer.

30/09/2010

Tristesse du garde à vous

De Gaulle avait voulu supprimer cette chambre de notables à la moyenne d'âge élevée et à la très faible féminisation. Le Sénat n'a pas toujours eu bonne presse mais il s'est toujours remis des critiques qui lui ont été adressées, à tel point qu'il paraît aujourd'hui en excellente forme. Jugez-en : il fut le monument le plus visité, avant l'Elysée, lors des journées du patrimoine, il est sis dans un des plus beaux parcs parisiens, son musée (fermé en 2010) s'enorgueillit d'expositions somptueuses, son restaurant est une des plus fameuses tables de la République, bref le Sénat porte beau. D'autant plus beau que l'Assemblée ne porte plus grand chose : travaux de piètre qualité, débats baclés, président hué qui commet un lapsus moins drôle que celui de Rachida Dati, et surtout position de garde à vous des députés qui oublient de jouer leur rôle pour s'en tenir au desiderata de l'exécutif. Tout le monde sait pourtant que la position de garde à vous est triste. Même l'ours.

triste.jpg

Marie Moulin - Ours au garde à vous

Point de tout cela chez nos vaillants sénateurs, qui n'aiment rien tant que jouer aux gardiens de la République. Peut être faut-il voir l'influence de Gérard Larcher, qui fut un Ministre du Travail apprécié des partenaires sociaux. Toujours est-il que c'est au Sénat que se discuteront véritablement les modalités de la réforme de la retraite. Et c'est le Sénat qui vient de proposer que la loi sur la représentation des salariés dans les TPE ne soit pas vidée de son sens comme l'a fait voter Jean-François Copé. Taxés d'être ruraux et conservateurs, voici les sénateurs moins frileux devant le dialogue social et la reconnaissance du fait syndical, que les députés quasiment nés avec Mai 68 mais qui pourtant persistent à voir dans l'organisation syndicale un ennemi qu'il faut tenir aux lisières de l'entreprise. Qui eût cru que l'on en serait rendu un jour à rendre justice au Sénat pour sa volonté de promouvoir la démocratie sociale ? on en est là, et l'Ours qui sommeille en chacun de nous à quelques raisons d'être triste.

31/08/2010

Prendre de la hauteur

Julio Tomas Leal de Camara est un caricaturiste né au 19ème siècle, qui vécut longtemps en France et dessina, notamment, dans l'Assiette au Beurre. Il est mort en 1948 à Lisbonne mais avait pris le temps de dessiner les dirigeants des pays qui venaient de traverser la guerre. On pouvait découvrir ses dessins au Musée d'art moderne de Sintra. Avec une surprise : les caricatures de Churchill, l'homme au cigare, de Staline, l'ogre rouge menaçant ou de Roosevelt, le Yankee optimiste et heureux, pouvaient paraître de facture assez conventionnelle.

DSCF4018.JPG

DSCF4019.JPG

DSCF4020.JPG

Mais la caricature du Général De Gaulle présentait une dimension un peu différente. Certes l'uniforme, la rigidité de l'homme et la très française Tour Eiffel étaient attendus. Mais la surprise venait du haut du tableau : De Gaulle a la tête dans les étoiles. Le regard à hauteur de planète il est à la mesure de l'univers ou perdu dans ses rêves, et peut être bien les deux à la fois. L'inscription des trois autres dans une réalité matérielle immédiate n'en est que plus évidente. Et l'on mesure une fois de plus que tout dirigeant ne l'est véritablement que s'il est porteur d'une part de rêve et s'il sait, après tout c'est sa fonction, prendre de la hauteur.

DSCF4017.JPG

Petite observation complémentaire : la phallique Tour Eiffel qui accompagne le Général est un symbole amusant pour celui qui fut sans doute le dernier Président de la République à ne pas courir le jupon Pour mémoire : Pompidou et les ballets roses, Giscard et les jambes d'Alice, Mitterrand avec sa femme et ses maitresses à son enterrement et Chirac ou les multiples désespoirs de Bernadette. J'ai oublié quelqu'un ? non je ne crois pas. Sarkozy il n'est pas président il est DRH de la France.

26/08/2010

Une histoire simple

C'est une histoire simple :

Dans un village, deux habitants élèvent des poulets. Ils en tuent chacun un par jour pour le vendre. La production du village est donc de deux poulets. Le premier producteur, appelons le Cocatrix, reçoit un héritage qui lui permet d'investir dans un élevage plus important et il produit quatre poulets par jour à moindre coût. Le second producteur, que nous nommerons Chantecler, ne peut pas suivre et arrête sa production.

Résultat : le PIB double et le chômage aussi.

mouton.jpg
Pour la bonne marche du village, que préconisez-vous ?
- Que Cocatrix lutte contre le chômage en embauchant Chantecler pour faire des travaux à domicile et s'occuper de sa grand-mère ?
- Que Cocatrix réinvestisse tout son résultat dans la modernisation de l'élevage pour produire encore plus et embaucher, avec une priorité pour Chantecler qui connaît le métier ?
- Que Cocatrix optimise fiscalement son résultat et place ses gains biens mérités pour montrer que le travail paie ?
- Qu'une loi interdise de produire plus de deux poulets par jour ?
- Que Cocatrix créé une fondation destinée à venir en aide aux nécessiteux et qu'il y alloue une partie de ses bénéfices tout en veillant à ce que le premier bénéficiaire de la Fondation soit Chantecler ?
- Qu'une loi interdise l'épargne et oblige Cocatrix à dépenser ses gains dans le village ?
- Que Cocatrix soit obligé d'acheter son matériel et ses grains dans le village ?
- Que le chef du village incite tous les villageois à suivre l'exemple de Cocatrix dont une statue ornera la place du village ?
- Que les habitants mangent moins de poulets pour ne pas encourager la course à la productivité ?
- Autre idée ?

03/08/2010

Politique (2)

Le suivi de l'actualité s'était arrêté au feuilleton de l'été Bettencourt-Woerth et consorts. Cette pause était à la fois celle des vacances, mais aussi celle de l'agacement devant les, selon l'expression désormais consacrée, "éléments de langage" répétés à satiété par tous les membres du Gouvernement dans tous les supports de presse. Et parmi ces éléments de langage (André Breton aurait dit : "Mais vous vous rendez compte comment ces gens là parlent !"), l'accusation de populisme pour qui critique un député cumulard absent de ses fonctions, un ministre parcourant le monde pour financer sa réélection ou un trésorier distribuant prébendes sans rapport avec les avantages directs et indirects qu'il reçoit en retour. Bref, il était temps d'aller voir dehors si l'air était moins nauséabond. Et il l'était. Par contre, à l'intérieur, il ne s'est guère purifié pendant la pause. Sans surprise aucune, l'on découvre en reprenant le fil de l'actualité que l'on tente péniblement de glisser du roman Bettencourt-Woerth à celui des roms, des gitans, des délinquants, des étrangers et que tout ce petit monde vit dans le même sac. Sac dans lequel, c'est un comble, il y aurait de l'argent, ce qui est tout de même beaucoup plus choquant que d'en trouver dans celui de nos ministres et affairistes.

affiche-rouge.1192007606.jpg
L'affiche rouge - 1944
Manouchian, Arménien, Chef de bande, 56 attentas, 150 morts, 600 blessés
Et l'antienne bien connu reprend du service. Même si la ficelle est une épaisse corde de gibet, elle ne tarde jamais à reparaître. La peur est convoquée pour convaincre chacun de rester à sa place, en regardant non vers le haut mais vers le bas car c'est dans ce sens là, mesdames et messieurs, qu'il convient de mépriser. Le smicard méprisera donc le chômeur, le chômeur le délinquant et le délinquant l'étranger. Malheur à qui cumule ces indignités. Et c'est ainsi que se bâtit une société de la défiance dont les piliers sont la peur, le repli et le rejet, et dont le moteur est le conservatisme par crainte de la dépréciation. Bienvenu dans le monde moderne du siècle dernier. Il est vraiment temps de refaire de la politique.

01/08/2010

Politique (1)

Les politiciens ont mauvaise presse, ils y mettent du leur, et la politique également, ce qui est bien regrettable. La politique, c'est la noblesse de l'animal social, la volonté d'assumer une existence qui est aussi collective. En quelques lieux (Fondation Berardo, Forteresse de Péniche, Exposition "Povo, Povo" au Musée de l'électricite de Lisbonne...) s'exprime la nostalgie d'artistes portugais pour la Révolution des oeillets et les quelques mois de liberté, de fraternité et de tous les possibles qui ont suivi. Avant la normalisation et, pléonasme, la consommation, qui conduisit au final le premier ministre du pays à présider la Commission Européenne, bouclant ainsi la boucle puisque l'actuel Traité de l'Union est celui de Lisbonne. Pour autant, le pays et ses artistes semblent chercher leur voie.

DSCF1578.JPG
Il est sain que l'artiste s'extraie du fatras psychologique du roman social et familial pour rechercher ce qui fait sens un peu au-delà du théâtre social. Et à travers la question politique pose également celle d'une politique de l'individu, ce qui non seulement ne s'exclut pas mais au contraire se conforte. Si un exemple vous est nécessaire, relisez la Philosophie dans le boudoir aujourd'hui disponible en version imprimée sur papier Bible.
thumb_sade.jpg
Jacques Hérold - Sade
Jeu de carte des surréalistes - 1941
Lorsque les organisations abordent leurs problèmes de fonctionnement principalement à travers les vécus individuels et les relations interpersonnelles, c'est qu'elles n'ont plus de politique. Si l'on ne traite cette absence de sens, dont les valeurs ne sont souvent que le médiocre cache-sexe, alors on se condamne à traiter les effets mais non la cause. La politique ou l'actualité de Sade.

30/03/2010

De l'individu dans son environnement

Le débat entre nature et culture n'est jamais clos, ni entre essentialisme et constructivisme, ni entre responsabilité individuelle et responsabilité collective, ou en d'autres termes, l'individu ou le système. La pensée, et les actes, classés politiquement à droite pointent plutôt l'individu seul responsable et tiennent l'environnement pour une excuse facile. La pensée, et les actes, classés politiquement à gauche mettent plus volontiers en avant un individu innocent dans une société coupable et s'interrogent sur la responsabilité individuelle au sein de déterminismes sociaux. Ces classiques débats ont été repris par les organisations syndicales et patronales sur le harcèlement et la violence au travail. Affaires d'individus ou de pratiques manageriales et de culture d'entreprise ? Quelques êtres pervers ou des organisations malsaines ? seule certitude : des salariés en souffrance un peu partout.

basquiat.jpg
Jean-Michel Basquiat

Le projet d'accord national interprofessionnel conclu le 26 mars 2010 sur ce thème laisse les deux options ouvertes et invite tout autant à prévenir, et sanctionner, les comportements individuels qu'à s'interroger sur les facteurs de risques liés à l'environnement y compris les modes de management. Complétant l'ANI du 2 juillet 2008 sur le stress au travail et l'ensemble des mesures relatives à la gestion de la santé des salariés, l'ANI du 26 mars 2010 officialise la nécessité de lutter contre la violence et le harcèlement au travail. Il faudra également que les partenaires sociaux, lassés de lutter contre, signent également des accords qui invitent à lutter pour : pour le bien être au travail par exemple ou mieux pour l'amélioration du confort au travail. Cela romprait un peu avec la vision doloriste du travail et militerait pour qu'il ne soit plus perçu comme une provocation d'associer, autant qu'il est possible, plaisir et travail.

ANI26mars2010.pdf

Le lapsus du jour de la responsable de projets :  "Il faut que j'en parle à mon écrispe...". Est-ce mon interlocutrice, son équipe ou les deux qui sont crispées ?

26/12/2008

Patience

Le Président de la République avait sommé les partenaires sociaux d'aboutir à un accord sur la formation professionnelle avant la fin de l'année. La volonté sarkozyenne devait prévaloir et les députés UMP n'ont pas manqué de le rappeler le jour même de la négociation du 22 décembre dernier. C'est oublier que le temps du politique n'est pas celui du dialogue social. Parvenir à un accord suppose de prendre le temps de réfléchir, de proposer, de discuter et de trouver  une solution qui n'est jamais exactement celle prévue au départ. Ce rythme de la négociation n'est pas celui du politique qui agit dans l'unilatéralité, tranche et décide. Un ingrédient de la négociation fait souvent défaut au politique : la patience.

Balthuspatience.jpg
Balthus - La patience - 1943

Les retrouvailles auront donc lieu le 6 janvier 2009 pour une séance sans doute conclusive. Sarkozy trouvera certainement qu'aux vacances près il aura été entendu. Les partenaires sociaux retiendront davantage qu'ils ont acté leur autonomie et pris leurs distances vis-à-vis du politique, ce que confirmera à l'évidence le contenu de l'accord qui s'affranchit largement de la tutelle de l'Etat et ouvre la voie à un régime conventionnel qui constituerait une nouveauté totale pour notre système de formation professionnelle. L'accord du 6 janvier 2009 ne sera donc que le second acte, et pas le dernier, du processus engagé par la réforme de 2003-2004 qui constitue la matrice des évolutions à venir et qui est loin d'avoir produit encore tous ses effets. Mais pour vraiment les mesurer : patience !

27/10/2008

Représentativité

Il est de bon ton de critiquer la représentativité syndicale en avançant le faible taux de syndicalisation qui stagne depuis quelques années autour de 8 %, chiffre encore inférieur si l’on ne prend en compte que le seul secteur privé. Ce chiffre est d’ailleurs souvent comparé aux chiffres des pays nordiques dans lesquels le taux de syndicalisation avoisine les 80 %. Et d’en conclure le plus souvent que les syndicats ne représentent qu’eux-mêmes.

Pourtant, il faudrait constater que la loi ne se base pas sur le nombre d’adhérents pour établir la représentativité d’une organisation syndicale, mais sur les résultats obtenus lors des élections. La barre de la représentativité est fixée à 10 %, la majorité requise pour la validité d’un accord est de 30 % et la possibilité de s’opposer à un accord est assujettie au franchissement du seuil de 50 % des votes exprimés. Comme en matière politique, ce n’est pas le nombre d’adhérents qui fait la représentativité.

armoiries-Le syndicat.jpg
Armoiries du village Le Syndicat (Vosges) : village dont le tour est partout et le centre nulle part

Si l’on pousse d’ailleurs la comparaison, constatons que les syndicats en déshérence accueillent bien plus de militants que les partis politiques (800 000 pour la CFDT, 700 000 pour la CGT contre 300 000 environ pour l’UMP et 200 000 pour le PS) et que le taux de participation aux élections professionnelles, qui s’établit autour de 63 % en moyenne nationale et monte à 72 % lorsque des organisations syndicales sont présentes, est comparable au taux de participation aux élections municipales de 2008 (62 %) et aux élections législatives de 2007 (60 %), seule l’élection présidentielle faisant figure d’exception avec un taux de participation de 84 %.

Dans les systèmes de représentation tels qu’ils fonctionnent en France, les syndicats sont donc tout simplement dans la moyenne.