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17/08/2011

Paresse de la comparaison (2)

Certes, avec l'arbre, on se rapproche du vivant. Certes Brassens, entre autres, a célébré l'arbre repère et totémique dont il ne faudrait pas trop s'éloigner pour trouver le bonheur. Mais à ne pas quitter son arbre des yeux, on prend le risque de trouver que la laisse est courte.

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Port d'attache  (Home base) - Gilbert Garcin - 2006

La comparaison entre l'arbre et les hommes est non seulement suspecte mais schizophrénique : rappelons nous que les racines sont enterrées et que lorsqu'il ne reste que la souche c'est que l'arbre est mort, comme les nationaux de souche de tout poil.

Et ni l'arbre, ni la souche, ne verront la mer...à moins que....

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L'arbre qui voulait voir la mer - Gilbert Garcin - 2009

...des jambes n'apparaissent, rendant l'arbre plus humain et enfin nomade. La capacité de marche de tout humain est quasiment infinie. La sédentarisation est une mutilation dont l'horizon est le canapé. Cessons donc de comparer les humains à des arbres qui en sont à peu près l'antithèse, car petites ou grandes, c'est sur ses jambes que l'humain avance. Nietzsche et Rousseau, qui pensaient en marchant,l'avaient bien compris.

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16/08/2011

Paresse de la comparaison (1)

Les rapprochements improbables sont souvent source de connaissance nouvelle. Le mariage de la machine à coudre et du parapluie, célébré par Lautréamont, a ouvert à la poésie, c'est à dire à la vérité, d'innombrables voies vers des terrae incognitae.

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Man Ray - 1935

Pour autant, il est des comparaisons qui loin d'enrichir le propos le réduisent à une superficialité qui fait perdre le sens des mots et donc des choses.

Ainsi, le vocabulaire informatique est utilisé pour décrire à moindre frais la nature humaine : "Ce souvenir est resté gravé sur mon disque dur", "Il faut qu'il change de logiciel parce qu'il ne comprend rien à ce genre de situations", "Il a buggé, il ne sait plus ce qu'il raconte", "J'ai beau répéter les choses, il ne connecte pas", "Lui, je l'ai scanné, j'oublierai pas sa tête". C'est à l'univers de Métropolis que de telles expressions nous ramènent.

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La mémoire n'est évidemment pas un disque dur, pas plus que l'inconscient. Et le cerveau est l'exact opposé d'un logiciel. Pourquoi ? en vrac parce qu'aucun élément n'est inerte, parce que la mémoire, l'inconscient et le cerveau vivent, évoluent, se transforment, se modifient. Le souvenir fluctue avec le temps, se perd ou se créé, les modes de penser, de raisonner, d'agir sont façonnés par le temps et les évènements. Bref, du vivant et non de la machine.

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Non seulement le vocabulaire informatique ne nous apprend rien de l'humain mais il nous en éloigne et nous fait perdre en compréhension. L'homme n'est programmé que pour apprendre : comme on ne se baigne jamais dans le même fleuve, on est jamais exactement le même tous les jours. Votre ordinateru a beau avoir une mémoire vive, il n'en a pas de vivante.

08/08/2011

L'unilatéral, c'est bon pour les saumons

Sans doute un temps que les moins de vingt ne peuvent pas connaître, et c'est heureux. Le temps de l'unilatéral. Celui du maître qui parle et que l'on écoute. Celui du professeur qui enseigne et que l'on écoute. Celui de la radio qui pénètre dans les foyers pour délivrer une parole extérieure et qui, avec elle, introduit le silence dans les maisons, pour écouter. La radio, et plus encore avec la télévision, c'est la limitation de la parole du groupe familial, donc interne, au profit de la parole externe. Une information, certes, mais aussi une double désappropriation : la perte du rôle d'acteur pour celui de spectateur et la perte de la maîtrise du discours.

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Hokusai - Saumon et souris

Le temps de l'unilatéral a duré longtemps. Trop longtemps. Il a correspondu au temps de celui qui commande et de celui qui obéit. De l'ordre descendant et de la légitimité institutionnelle. Et puis vint internet. Premier media généralisé à ne pas reposer sur l'unilatéral mais tout au contraire sur l'implication, la participation, le libre choix, la libre navigation, l'horizontalité, la pluralité. Le premier media qui inverse la pyramide : c'est d'en bas que ça part et que ça se diffuse. Cette culture bouscule l'unilatéral. Elle n'est pas, encore, celle de nos élites. Il faudrait que cela vienne vite car si l'unilatéral est parfait pour les saumons, entre humains cela fait des ravages.

05/08/2011

Communication paradoxale

Le paradoxe de la conversation est qu’elle vous met en relation en même temps qu’elle vous isole. Relation avec votre interlocuteur, isolement de votre entourage. Ainsi ce jeune homme assis à l’écart de la foule qui goûte la fraîcheur d’un parc : autiste aliéné par la technologie ou jeune terrien du XXIème siécle en communication constante avec le reste du monde. Eloignement du proche, rapprochement du lointain.

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L’abolition des distances est aussi celle du temps. La tablette interactive  cohabite parfaitement avec l’instrument traditionnel. Musiques différentes, rapports à autrui multiples, coup de pied aux fesses à aux étiquettes et à l’assignation.

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Si vous goûtez les paradoxes, vous apprécieriez celui du mobile immobile.

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Si vous êtes habitués à ces voisins de trottoirs qui vous croisent en parlant seuls, vous demandez-vous quelle nouvelle tout à coup fige les corps, et sans doute l'esprit ?

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 Toujours plus de communication égale toujours plus de transparence ?  encore faudrait-il ne pas seulement écouter mais entendre, regarder mais voir.  Les sens ne s’usent que si l’on ne s’en sert pas.

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31/07/2011

Toute occasion est bonne

Toute occasion est bonne...pour apprendre. Si DSK avait lu cette publicité sur les murs de New-York, il se serait peut être évité quelques désagréments. On est jamais trop attentif à son environnement. Gare à qui ne voit plus ce qui l'entoure.

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17/06/2011

Le futur a de l'avenir

Mercredi 15 juin, un boeing de KLM s'est envolé pour la première fois avec des carreaux bleus de Delft peints sur la carlingue de l'avion. La compagnie avait lancé au mois d'avril un concours auprès de ses clients, et des autres, pour composer une faïence de Delft dont certaines seraient retenues pour orner le fuselage.

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112 000 carreaux ont été proposés, 4 000 ont été retenus. Le bleu de Delft est venu colorer le bleu horizon. Et c'est parti pour 6 mois de tours du monde.

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Parmi les autres, un petit carreau se balade dans les nuages, celui-ci. Merci le hollandais volant mon_carreau.png

03/06/2011

Toujours plus autonomes

Parmi les multiples musées que compte Barcelone, le plus visité par les groupes scolaires est sans conteste celui de l'histoire de la Catalogne, installé dans des anciens ateliers portuaires. Comme beaucoup d'histoires, elle nous en apprend autant sur celui qui la raconte que sur ce qui est raconté. Est absente, par exemple, la nostalgie d'une grande terre du Sud qui aurait réuni les pays de langue d'Oc et qui faillit se former avant que les Français, entendez les gens du Nord, n'annexent avec l'aide des Papes, le pays de l'amour courtois, des troubadours et des autonomies. Autonomie, c'est le nom dont se sont dotées les Régions espagnoles.

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Manifestation des indignés - Plaza de Catalunya

Si cette nostalgie d'un grand Sud n'est pas présente, c'est parce que parfois le régionalisme devient un nationalisme qui s'enferme dans les mêmes espaces réduits des petits territoires de la géographie et de la pensée close sur elle-même. Cette tendance là est forte dans le régionalisme catalan. On peut espérer toutefois qu'elle évolue. Une salle a été rajoutée en effet au Musée. Elle s'intitule : "Toujours plus nombreux, toujours plus vieux, toujours plus divers". Il s'agit de la population de Catalogne, mais cela est vrai pour quasiment tous les pays d'Europe. Dans le monde de demain, nous serons plus nombreux, plus vieux et plus divers.

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C'est vrai également pour les organisations. C'est pourquoi les solutions d'hier ne peuvent être celles de demain. C'est pourquoi il est indispensable de favoriser la créativité. Comme on peut le lire dans le Musée "Le centralisme n'a jamais été un système qui favorise l'innovation". Recentraliser et concentrer les pouvoirs, réflexe pavlovien en période de crise, est un contresens total à moyen terme. Toujours plus nombreux, toujours plus vieux et toujours plus divers. Comment répondre à celà ? en permettant à chacun d'être toujours plus autonome.

02/06/2011

Anniversaire

C'était un jeudi de l'Ascension. Qui, cette année là, tombait un 24 mai. Nous étions en 1229. Etait prononcé par Hélinand de Froidmont, le discours inaugural fondant l'Université de Toulouse, seconde Université créée en France après celle de Paris (1215). Le discours était empreint des enjeux de l'époque : mettre au pas avec l'aide de l'Eglise ce pays trop indépendant. Mais lorsque l'on ouvre les portes du savoir, le vent de la liberté ne peut manquer de s'engouffrer. Et parmi les maîtres dépêchés sur place, l'air de Toulouse fit son effet.

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Dès 1930, Jean de Garlande pouvait s'écrier à propos de la ville : "Autre terre promise où coulent le miel et le lait, où Bacchus règne sur les vignes et Cérès sur les moissons". Pour le rugby, il fallut attendre encore un peu.

16/05/2011

Corps intermédiaires

« Il n'est permis à personne d'inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de coopération ». Ainsi débute la loi Le Chapelier du 14 juin 1791. Ainsi débute l’inversion des valeurs qui conduit à rendre illégale la corporation et péjoratif le corporatisme. Elle vient de loin la méfiance des jacobins de tout poil contre les corps intermédiaires. De la défiance envers l’Eglise et son curé qui s’interpose entre Dieu et les fidèles. De l’utopie du peuple souverain qui n’admettrait d’autres intermédiaires que ses mandants. De la réduction de la démocratie à sa version politique. Certes la loi Le Chapelier fut abrogée en 1864. Mais les idées qui la soutenaient n’ont pas disparu.

 La communauté n’a pas bonne presse qui dérive en communautarisme, nom donné au nouveau corporatisme ; le pouvoir n’accepte guère de contradiction en laquelle il voit une remise en  cause de sa légitimité ; le droit formel, identique pour tous et non appliqué, est préféré aux droits autoproduits et régulateurs au nom de sa supposé universalité, opposée au particularisme des droits négociés. Ainsi se paie au prix le plus fort la recherche frénétique d’une égalité absolue qui reste de façade et favorise les inégalités les plus absurdes pour ne pas avoir à en reconnaître de moins grandes au motif qu'elles seraient officielles.

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Rembrandt - La Guilde des Drapiers

Faut-il en vouloir à Le Chapelier. Oui et Non. Non s’il s’agissait d’en faire l’unique fossoyeur des corps intermédiaires. Oui pour ne pas avoir vu qu’en les supprimant il perpétuait au sein de la République l’absolutisme monarchique qui n’en demandait pas tant, créant ainsi les bases de ce que l’on appelle aujourd’hui la dérive monarchique de nos institutions.

09/05/2011

Réenchanter

Juliette est certes née à Paris, mais elle est toulousaine. C'est dans les bars de Toulouse qu'elle a travaillé sa voix et son répertoire, c'est dans l'humus toulousain qu'elle a puisé ce goût de la synthèse des contraires, c'est en aspirant le Sud qu'elle a pu respirer librement. Juliette est une bête de scène, elle fait partie des rares qui ont l'essentiel : la présence. Et pour notre bonheur, ell n'a pas que cela, mais du talent. Dans son spectacle présenté aux Folies Bergères, Juliette interprète, sur un canapé, avec une grande économie de gestes et d'effets, Les dessous chics. Hommage à Gainsbourg. Vous connaissez évidemment mais écoutez.


Nous sommes en début de semaine, vous avez peut être l'impression que les jours à venir risquent de ressembler aux jours passés. Que le quotidien se répète à l'infini et que l'éternel retour nietzschéen n'est jamais que l'installation de la banalité. Et puis voilà Juliette qui nous montre ce que l'on peut faire avec quelque chose de déjà vu, déjà entendu, déjà connu. Sans effet, sans artifices, sans prétention, mais avec conviction, engagement et implication personnelle, dans une grande simplicité, Juliette nous livre une version des Dessous chics qui rétablit le mot réenchanter. Chanter de nouveau, repeindre avec des couleurs, réinventer à chaque instant, voilà un beau programme pour la semaine. Et ensuite ? et bien puisque nous avons commencé en Musique, concluons avec celle de Casanova : "Si le plaisir existe, et si l'on ne peut en jouir qu'en vie, alors la vie est un bonheur". Bonne semaine à tous.

25/04/2011

Des limites de la gifle réparatrice

Après François Bayrou, voici Jérôme Cahuzac qui s’y essaie. A la gifle comme mode de réponse au comportement indélicat d’un jeune. Fouille dans les poches d’un côté, insulte de l’autre.

Le recours à la gifle comme mode de règlement d’un conflit pose plusieurs questions qui ne sont pas sans intérêt : Faut-il réhabiliter les duels ? faut-il recourir au juge en toute situation ? quels sont les modes de réparations possibles pour l’outrage ? l’argent, par l’amende et les dommages et intérêts, est-il l’indépassable mode de règlement des litiges ?

Comment penser des formes de réparation au-delà de l’argent. Trouver des formes de justice qui ne nécessitent pas le passage par la justice mais qui ne sauraient relever de la libre détermination des moyens de réparation. Surtout lorsque ces moyens relèvent de la violence, qui ne peut être justifiée par une violence précédente car ce serait les placer sur le même plan et faire de la vengeance l’horizon de la réparation. Et encore moins lorsque cette violence est celle d’un adulte sur un enfant. Il est des formes d’autorité qui consacrent la défaite de l’autorité. Si la gifle est légitime, elle doit s’exercer sur tous et non lorsque la position des parties interdit toute réplique. Imagine-t-on le manager gifler le salarié qui produit peu d’efforts dans son travail, ou le salarié gifler son manager incompétent incapable de communiquer avec lui ? C’est ici que le discours sur le fait qu’une gifle ne fait pas grand mal trouve sa limite.

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Fragonard - La Gifle, ou La défense inutile - 1785

 Resterait donc à réinventer une forme moderne de duel : duel physique ? le plus fort aurait systématiquement raison. Duel oral ? le meilleur manieur de mot pourrait défier à loisir tous ceux qui n’ont pas l’expression comme amie.

Ne reste donc que deux voies à la réparation : l’instance tierce et légitime, autrement dit la justice rendue par un tribunal ou toute autorité investit du pouvoir de juger, comme en matière d’arbitrage. Ou l’accord des parties. Ce qui supposerait qu’avant de donner la gifle, on recueille l’avis de l’insulteur en lui proposant soit la gifle, soit le recours à la justice. Pas très opérationnel à vrai dire. Reste la transaction a posteriori : la gifle est donnée, elle vient compenser l’insulte et les parties décident de s’en tenir là, considérant que chacun a reçu ce qu’il méritait. Transaction par défaut qui n’est pas totalement exclusive du ressentiment, mais le jugement n’est lui-même pas à l’abri de susciter la rancoeur. Voie transactionnelle ou passage par l’institution judiciaire, telles sont les voies de la réparation. En ayant recours à la gifle pour sanctionner « le fait de s’en prendre à travers ma personne à ce que je représente », il n’est pas sur que Jérôme Cahuzac n’ait pas également porté préjudice à ce qu’il souhaitait défendre.

21/04/2011

Un petit air de Pieds Nickelés

Notre Etat de droit, qui organise la démocratie politique et sociale, fonctionne sur le mode représentatif. Le peuple souverain délègue à des représentants qu'il élit, l'exercice de mandats pour une durée déterminée. Le pouvoir s'exerce par délégation, et il est rendu compte de manière régulière de l'action conduite au nom des citoyens. La démocratie représentative répond à la fois à des exigences pratiques, la démocratie directe n'est pas praticable à une grande échelle, et à un principe de compétence dont le peuple se fait juge lorsqu'il choisit ses représentants.

Au motif que l'acte de juger appartient au peuple souverain, et que le droit et son application ne doivent pas être laissés aux professionnels, il est proposé d'introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, à l'instar de ce qui existe au niveau de la Cour d'assises. Notons immédiatement que cette mesure ne concernerait que certains délits, essentiellementl les atteintes aux biens et aux personnes, et surtout pas les délits économiques supposés trop techniques pour le bon peuple ainsi convoqué pour rendre justice. Il serait ainsi trop compliqué de juger un abus de bien social, mais tout à fait possible de rendre la justice dans l'affaire, simplissime on en conviendra, d'AZF où le procès pénal s'est tenu sur la base d'une inculpation pour homicide involontaire. Tout ceci ressemble à de la démocratie participative à la sauce Pieds Nickelés.

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En clair : que le peuple s'occupe de ce qui l'intéresse, en l'occurence le crapuleux crapulingue, et on laissera les affaires sérieuses aux gens sérieux. Si l'on veut s'appuyer sur des principes pour mieux associer les citoyens à la justice, une mesure simple : comme pour les Conseils de Prud'hommes ou Tribunaux de Commerce, élisont les juges et permettont à tout citoyen de candidater. Avec une participation de professionnels du droit aux tribunaux ainsi constitués et une possibilité d'appel auprès de magistrats professionnels. Bref, étendons l'échevinage.

Et puis si la participation des citoyens est un mode de réappropriation pertinent, pourquoi se limiter à la justice ? et pourquoi ne pas faire participer des citoyens tirés au sort aux travaux parlementaires, au Conseil des Ministres, à la préparation des décisions ministérielles, à la réflexion sur les grands débats qui agitent le pays ? ne serait-ce pas là un moyen de rapprocher les citoyens du politique ? il n'a pu échapper à nos gouvernants si friands de sondages et d'enquêtes d'opinion, que la défiance des français envers la justice est moins importante que celle qu'ils expriment envers le politique. Allez les Pieds Nickelés, encore une chanson pour amuser le peuple !

22/03/2011

Comme il n'est plus compétent, mon banquier c'est moi

L'alternative entre l'investissement dans les machines et l'investissement dans les personnes ne s'est pas arrêtée avec la bascule dans la société de l'information. Certaines organisations font toujours le choix de salariés moins compétents (traduisez : moins chers, moins difficiles à trouver, dont on est moins dépendant), au profit d'un système mécanique qui présente, en outre, l'avantage d'une plus grande stabilité émotionnelle que cet humain que l'on se tue à gérer.

Compte tenu de la place occupée par les mathématiques dans la sélection des élites et de la culture de l'ingénieur dans la culture manageriale française, il n'est pas étonnant que chaque fois que la rationnalité mécanique peut être substitué à l'irrationnalité humaine, le choix soit assez rapidement fait. Dernier exemple, la banque.

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Marinus Van Remeyrsmaele - XVIème siècle

 Cela a commencé par l'arrêt du recrutement de personnels qualifiés dans les métiers bancaires pour revenir à des profils commerciaux. C'est qu'il ne s'agissait plus de conseiller les clients mais de vendre des produits. Pour la gestion financière et le reste, l'outil informatique s'en charge très bien. Et puis est venu la dernière étape. L'outil est autonome, le besoin de compétence disparaît et l'on peut passer à la dernière étape : confier les clés du camion à un incompétent, c'est à dire vous, ou moi. Et l'affubler du titre de banquier (j'attends ma carte de visite, mais cela ne saurait tarder : jpw, banquier de lui-même, toujours près du client, toujours disponible). Lorsque les véhicules feront eux-mêmes leur diagnostic nous pourront devenir les mécaniciens de nos véhicules, lorsque les cafétérias seront d'immenses percolateurs nous seront les serveurs de nous même. Quant à devenir pompiste de nous même et caissier de nous même, c'est déjà fait. Et n'oublions pas que l'industrie pharmaceutique nous a transformé en médecins de nous même, la France ayant le pompon de l'auto-precription médicinale. La formation c'est conduire à l'autonomie ? ringard. Grace à la machine, nous courons vers l'autonomie, sans formation, sans compétence...et sans salaire. Fort non ?

17/03/2011

Lâchez nous les émotions !

Louise Bourgeois psychologisait à outrance ses œuvres, alourdissant son travail mais rendant bien compte de la psychologisation permanente et totale de tout évènement qui nous guette. Si vous en doutez, penchons nous sur la redoutable trilogie qui apparaît dès que notre système émotif se trouve bousculé, je veux parler de l’émotion légitime, de la cellule psychologique et du travail de deuil.

 En premier lieu « la cellule psychologique », la trop bien nommée. La cellule peut être une unité de base, elle peut également être un lieu d’enfermement. Si tel est le cas, on peut toujours supposer qu’il s’agit de livrer à cette cellule le traumatisme pour qu’il y soit enfermé et laisse les traumatisés vivre tranquillement. Mais si tel n’est pas le cas, on craindra que ce ne soit le traumatisé lui-même qui soit enfermé dans la cellule où il sera psychologiquement maintenu, pris dans la toile.

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Louise Bourgeois - Araignée à la Tate Modern

En second lieu « l’émotion légitime ». Lorsque l’évènement suscite une émotion légitime, il est donc acquis que l’émotion est la bonne réaction, qu’elle est autorisée voire encouragée. Et que l’illégitime, c’est celui qui ne ressent rien et dans la foulée celui qui voudrait que l’on puisse aussi faire jouer la raison. Petite musique entendue récemment, où il faudrait surtout ne pas réfléchir au nucléaire à s'adonner sans retenue à la compassion.

 En troisième lieu « Faire le deuil ». Signe d’une société mortifère (dans laquelle selon Michel Serres, le mot le plus régulièrement prononcé dans les journaux télévisés est « cadavre »), le deuil envahit l’espace et le droit lui-même n’y échappe pas. Ainsi, le procès n’est plus un moment d’expression de l’Etat de droit, et donc de confrontation des comportements à la règle, mais une catharsis, indispensable condition pour  « faire le deuil », auxquelles les victimes ont droit. Et pendant l’instance, on guettera davantage si le coupable fait amende honorable et, summum de la tragédie judiciaire, s’il est capable de compassion, plutôt que de vérifier si les faits sont rigoureusement établis.

 Commentant l’Etranger, Camus disait : «Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort.». Nous y sommes.

 Et puis franchement, la symbolique de l'araignée, c'est lourd non ?

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07/03/2011

Boxer la vie

Premier dimanche de mars. Fête des grands-mères, heure du thé, soleil doux, promenade bucolique. Un peu de monde devant l'Olympia. Pas terrible la moyenne d'âge, ça me rajeunit (un peu). Le concert lui, rajeunit tout le monde. Bernard Lavilliers, 65 ans aux fraises, fait un tabac. Musiciens formule 1, musiques tropicales, et d'heureux mélanges :métissage des musiques, des langues, des musiciens, des instruments, des influences. Pour ceux qui persistent à paranoïser sur l'identité, voici un exemple de vie métissée puissamment vivante. Pendant deux heures, démonstration que la chanson ouvrière n'est pas réservée à Ferrat et qu'elle peut être rock, que l'idéologie nous manque et qu'elle vaut mieux qu'un faux bon sens grossier, que l'on peut être sur le devant de la scène et partager, que l'on est heureux lorsque l'on a pas peur et que l'on s'engage.

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Et puis cette impression qui s'impose au fil du concert : assez rapidement en fait et qui ne fait que se conforter. La démarche sur scène, la manière de se balancer, les influences brésiliennes et africaines, la référence à Baden Powell (le guitariste brésilien, pas le scout), la manière de chanter Pigalle la blanche en blanc et noir comme Nougaro chantait Amstrong, et puis surtout, la boxe. Le corps un peu courbé du boxeur, le poing toujours prêt, à parer ou à donner, le regard aux aguets, à l'affut, chez ces deux là, l'oeil écoute, le corps écoute.

Plutôt que de s'indigner avec Stéphane Hessel, on conseillera d'écouter Lavilliers et d'avoir l'attitude du boxeur. Boxe, boxe la vie, boxe, boxe c'est lundi et boxe les autres jours aussi.

23/02/2011

Quelle table voyez-vous ?

Si vous regardez une table de bois, un premier niveau de vision permet d'identifier la nature de ce bois qui la compose : chêne, merisier, noyer, cerisier, bouleau...la couleur, la texture, la patine fournissent à votre oeil exercé les informations suffisantes. Vous pouvez aussi voir cette table à l'aide des connaissances du XXème siècle et la considérer comme un ensemble d'atomes agrégés qui constituent une forme solide. Avec un regard plus actuel, la table devient un nuage d'éléments subatomiques dont la substantialité commence à devenir douteuse. Comme le dit Peter Sloterdijk, le savoir le plus récent est souvent le plus déconcertant.

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Alberto Giacometti - Table surréaliste - 1933

 

Vous pouvez également, à l'aide de Giacometti, modifier la destination de la table et en faire un support de votre pensée en mouvement, nourrit d'imaginaire. Peut être alors, verrez-vous apparaître une nouvelle table qui ne sera plus objet mais sujet. A ce stade, vous n'êtes plus seul.

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Victor Brauner - Loup-Table - 1939-1947

 

Toutes ces visions ont leur vérité. Lesquelles ne communiquent pas forcément. Le regard immédiat ou d'habitude, le regard de connaissance, le regard d'expertise, le regard symbolique et le regard poétique vous présentent la table dans toutes ses dimensions ou presque. Presque car il n'est pas sur que la liste des regards possibles soit exhaustive. Mais votre manière de regarder vous en apprend plus sur vous même que sur la table regardée. Pour accéder à cette connaissance, il faut mais il suffit, de savoir quelle table vous voyez et de ne pas oublier que d'autres tables sont possibles.

09/02/2011

Ah, les belles charges !

Le discours sur "les charges" est récurrent, lancinant et pour tout dire usant et usé. Il est pourtant régulièrement resservi pour expliquer le manque de compétitivité des entreprises Françaises, avec les autres ingrédients habituels : salaires trop élevés pour une durée du travail trop faible et charges écrasantes font peser un couvercle baudelairien répandant son spleen sur des entreprises qui n'en peuvent mais. N'étant pas de nature à penser que tout ce qui est excessif est insignifiant (Talleyrand a dit beaucoup de sottises, que penser par exemple de : "si les gens savaient par quels petits hommes ils sont gouvernés, ils se révolteraient vite" ?), il n'est pas question de balayer cette charge contre les charges d'un revers de la main. Il faut aller y voir de plus près, car de mémoire, il est de belles charges, celle du taureau par exemple.

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Catherine Huppey - 2009

Décidément, "charges" est trop générique, il faut descendre au concret. Et que trouvons nous  derrière le mot honni ? le financement de l'assurance maladie, de l'assurance chômage, de l'assurance retraite, de la formation professionnelle, du logement, des transports, de la prévoyance, et quelques autres garanties sociales. Certes, les charges sociales n'épuisent pas la question, l'impôt fait aussi son oeuvre même si son usage est moins fléché, ou souvent moins lisible : il finance aussi bien l'hôpital, que l'éducation, que les déplacements ministériels ou le Rafale. Ce n'est d'ailleurs qu'à ce niveau de détail que cela devient intéressant. Que ceux qui trouvent que les charges sont trop élevées ne s'en tiennent pas à cette péremptoire et générique dénonciation mais nous disent précisément quels types de dépenses ils souhaiteraient cesser de financer. Ensuite, on pourra discuter. En attendant, Ah la belle charge ! Olé Toro !

20/01/2011

C'était bien avant le déluge !

Avant le déluge, l'humanité vivait dans le plaisir et la licence, ce qui ne fut pas du goût des Dieux qui décidèrent de déclencher de catastrophiques pluies qui faillirent bien mettre un terme à la présence de l'homme sur Terre.

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Cornelis Cornelisz - L'humanité avant le déluge - 1615 

Musée des Augustins - Toulouse

Depuis, tout bon gaulois craint que le ciel ne lui tombe sur la tête et les déluges sont mal vus. Mais qu'est-ce qu'un déluge ? c'est une production de quantité anormale qui menace l'homme. Aussi peut-on parler de déluge de lois lorsqu'il est constaté que le Parlement vote 59 lois en une session qui exigent 615 mesures règlementaires pour entrer en application. Et le pire, c'est lorsque le déluge faiblit : seuls 20 % des textes règlementaires nécessaires à la mise en oeuvre des lois ont été adoptés trois mois après la fin de la session parlementaire.

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Quentin Bertoux - Photo extraite de la série "D'après moi, le déluge"

Cet emballement de la production législative cumule les inconvénients : texte examinés trop rapidement et de mauvaise qualité, inflation règlementaire pour l'entrée en application, délais démesurés entre le vote et l'effectivité de la loi, maquis des textes déjà modifiés à peine que promulgués,...si l'exercice n'est pas facile, il prend néanmoins souvent l'allure de fiasco. Après moi le déluge semblent penser les députés qui ensevelissent le bon peuple sous des tonnes de textes dont il n'a que faire. La loi ne peut pas tout et l'action politique ne saurait, et ne devrait, s'y résumer. A l'heure où le Président de la République fustige le toujours plus quantitatif et recommande le toujours mieux qualitatif, on ne saurait trop lui conseiller d'appliquer ce précepte en matière législative. Parions tout de même que ce n'est pas pour demain ! Gare au déluge donc.

16/01/2011

Voilà ce que l'on pouvait dire

La formule est rituelle : « Voilà ce que l’on pouvait dire ce soir sur le sujet… ». Essayez de regarder un journal télévisé (n’en abusez pas) et d'échapper à la rituelle phrase de clôture. Impossible. Manière pour le journaliste de fermer la porte ou de remettre le couvercle puisque tout a été dit. N'essayez pas de réfléchir, de penser ou de rajouter quoi que ce soit, on vous dit que tout ce qu'il y avait à dire a été dit. Bonne nuit les petits.

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Et pourtant, il aurait été possible de dire au moins les choses autrement, voire de n’en rien dire. Car le premier choix est celui des sujets, le second choix est celui de l’angle de traitement et le troisième choix est dans le commentaire. C'est-à-dire le travail du journaliste. Faut-il qu’il soit mal à l’aise avec lui-même, sa légitimité, son professionnalisme pour sempiternellement s’excuser de n’avoir fait autrement et prévenir toute opposition : j’ai dit ce qu’il était possible de dire, j’ai fait mon métier. En l’occurrence son métier serait de faire  exactement l’inverse.

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Ce qu'il est possible de dire du Red Rose

 Ce désengagement journalistique, cette grande couverture ou grand parapluie brandi à tout bout de champ ressemble furieusement à une recherche de l’irresponsabilité. Si le droit nous apprend que l'on peut être reconnu irresponsable, il nous apprend également que l’on est libre à hauteur de ce que l’on est responsable. Considérer que l’on ne pouvait faire autrement que ce que l’on a fait, c’est refuser d’engager sa responsabilité professionnelle et au final nier son professionnalisme qui consiste au contraire à justifier ses choix.

Voilà ce que l’on pouvait  dire ce soir sur cette étrange manie des journalistes.

12/01/2011

Liberté d'Emmanuelle

Tirée des Essais, cette phrase de Montaigne : "C'est exister, ce n'est pas vivre que de se tenir attaché et lié nécessairement à une seule façon d'être". Et de compléter : "Les plus belles âmes sont celles qui ont le plus de variété et de souplesse...ce n'est pas être maître de soi, c'est en être esclave, que de se suivre sans cesse et d'être prisonnier de ses inclinations au point qu'on ne puisse s'en écarter, qu'on ne puisse les tordre pour les modifier."

Dans son film intitulé "Sylvia Kristel - Paris", Manon de Boer met en scène l'actrice néerlandaise pour un portrait qui évoque, de manière parcellaire et un peu décousue, avec des blancs à l'écran, l'arrivée à Paris de celle qui fut, à la fin des trente glorieuses, un des symboles de la liberté sexuelle. Trente ans plus tard, une femme nous regarde, parle, fume une cigarette, évoque une époque bien lointaine.

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Manon de Boer - "Sylvia Kristel - Paris" - 2003

"Une expérience vécue n'est jamais stable" nous dit Marion de Boer. Et de fait tout portrait est toujours "a work in progress". Pas linéaire, comme le portrait de Sylvia Kristel avec son récit subjectif, ses blancs, ses silences, ses trous de mémoire, et ainsi se poursuit sans fin l'histoire vécue. Le film est l'histoire d'une impossibilité à rendre compte de la totalité d'une personne, même si le portrait réalisé par Irina Ionesco s'approche de ce que pourrait être, à un instant, la vérité de l'être.

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Irina Ionesco - Sylvia Kristel - 1978

La liberté de Sylvia Kristel, et la notre, ce n'est pas la liberté de moeurs d'Emmanuelle, c'est la liberté de rester Sylvia Kristel et de n'entretenir que de lointains rapports avec Emmanuelle tout en restant définitivement celle qui devint un mythe. Montaigne à nouveau pour terminer, qui aimait citer et qui nous propose cette phrase de Caton l'Ancien : "Il avait l'esprit si souple pour se plier également à toutes occupations que, quelle que fût celle qu'il prît, on aurait dit qu'il était né uniquement pour elle".