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17/09/2010

Citation du jour

Comment vivre sans inconnu devant soi ?

 

René Char

 

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07/09/2010

Force tranquille

Basquiat encore. Dans le cadre de l'exposition à Bale est présenté un film où l'on voit Basquiat peindre. Surprise : les gestes ne sont pas frénétiques, le bras est sûr, la main n'hésite pas, elle prend son temps. Les mouvements les plus rapides sont exécutés lentement, dans une apparente décontraction, avec la facilité de celui qui n'a pas besoin du plan de ville pour trouver son chemin. Comme Picasso, Basquiat ne cherche pas, il trouve, à son rythme. Tout ceci avait lieu au début des années 80 à New-York. On ne peut s'empêcher de penser qu'au même moment la force tranquille en France était incarnée par Mitterrand dans un paysage de terroir, de clocher, de province, de notable et d'enracinement un peu étriqué. Mais cela avait rassuré, c'était fait pour. Près de trente ans plus tard, avec Sarkozy, rien n'a changé : la seule forme de modernité dans la référence est que le paysage ressemble à un  fonds d'écran windows. C'est peu.

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Pourtant, la véritable force tranquille, elle n'est pas dans ces paysages datés et passéistes. Elle s'incarne dans un mouvement multiculturel, polyphonique et polyglotte. Elle s'incarne dans New-York. Comme disait Michel Serres, contrairement à ce qu'ils pensent, nos gouvernants ont toujours un temps de retard sur le peuple.

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03/09/2010

Souche, racines et jambes

Il est fréquent d'entendre dans le débat public parler de français de souche ou encore de racines. Cette analogie répétée entre l'homme et l'arbre intrigue. Car si l'on doit être comparés à des souches, voilà comment nous risquons de terminer. De là à penser, comme De Gaulle, que les français de souche sont des veaux...

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Et le sort n'est pas plus enviable si l'on doit vivre avec ses racines. Avancer devient tout de suite plus pénible.

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Décidément, les notions de souche et de racines paraissent assez inhumaines. Lorsque l'on est un humain on marche, on court, on voyage, on parcourt les territoires. Voilà, par exemple, ce qu'écrivait le Rabbin espagnol Benjamin de Tudèle en 1173 : "L'Occitanie est un lieu de commerce où viennent des chrétiens et sarrasins, ou affluent les arabes, les marchands lombards, les visiteurs de la grande Rome, de toutes les parties de l'Egypte, de la terre d'Israël, de la Grèce, de la Gaule, de l'Espagne, de l'Angleterre, de Gênes et de pise et l'on en parle toutes les langues". Même au plan culturel, la notion de souche et de racines n'a donc pas beaucoup de sens. Un peuple c'est avant tout une culture et la nature de toute culture est dans l'évolution sous influence. Dieu merci car sinon l'innovation peinerait à apparaître. Mais si un peuple c'est une culture, un homme, une femme, c'est avant tout des jambes. Avouez que ce serait dommage de ne pas s'en servir et qu'il est curieux, pour ne pas dire pathologique, que certains s'obstinent à l'oublier.

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25/08/2010

Sid et Johnny formateurs

Une des expositions les plus réussies des Rencontres photographiques d'Arles s'intitule "I am a cliché", titre d'une chanson du groupe X Ray Spex. La première fois que j'ai lu le mot "Punk" ce devait être en 1977 dans le Dépêche du Midi (petite digression : la Dépêche était le Journal de Jaurès,  puis elle eut René Bousquet comme administrateur, elle est aujourd'hui dirigée par Jean-Michel Baylet, voyez la trajectoire). Il était question d'un mouvement de jeunes violents et qui faisaient peur. Déjà. Pour beaucoup, le punk renvoie à l'épingle à nourrice. Pour encore plus le punk c'est des fringues et de la musique qui n'en est pas, à ceux-là on conseillera les raves party. Et pour quasiment tous les autres le punk ce sont des jeunes clodos cloutés avec des crêtes. Quelques spécialistes émettent l'idée qu'il y des punks fascistes et des punks gauchistes.

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Sid Vicious et Johnny Rotten en 1977
L'exposition rend justice de ces représentations. Le Punk c'est un mouvement social, de l'énergie, de la jeunesse et un brin de marketing et de communication comme le veut l'époque. Le No Future auquel on le résume parfois est, pour le coup, un cliché. Le message est plutôt Do it yoursel, défie toi du jeu et du théâtre social et prend la main sur ta vie.
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Sid et Johnny avaient 22 ans, ils choquaient et faisaient peur, mais ils appelaient à l'autonomie comme tout bon formateur. Et comme cela était prévisible ils n'ont véritablement détruit qu'eux-mêmes. Et puis l'on changea d'époque. Mais quand même, quelle énergie !
En bonus, l'indépassable version de My Way chantée par Sid Vicious :

24/08/2010

Faire l'humour à tout âge

Les rencontres photographiques d'Arles sont une institution qui vieillit bien. Après la flamboyance des quarante ans en 2009, la 41ème édition proposait des parcours aux thématiques diversifiées tant dans les sujets traités que dans les approches, techniques ou projets. Mais dans le foisonnement d'expositions, de photos, de vidéos, d'images et d'émotions, un sentiment réjouissant qui s'impose au fil des déambulations : l'humour est souvent présent et n'exclut pas le sens. On peut dire et rire.

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Leon Ferrari - La civilisation occidentale et chrétienne - 1965
Si était présenté le fameux Christ crucifié sur un chasseur américain, on pouvait aussi sourire à des oeuvres plus récentes, rappelons que Leon Ferrari a aujourd'hui 90 ans.
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Leon Ferrari - Spectacle - 2003
Pour savoir si l'humour se pratique à tout âge, il fallait se tourner vers les jeunes talents et, bien évidemment, en premier lieu vers ceux venus de Chine.
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DI LIU - Règlementation animale n° 4 - 2009
DI LIU a 25 ans et nous montre très simplement que la Chine est désormais la seconde puissance économique mondiale. Et ce n'est sans doute pas terminé. Le vieil argentin et le jeune chinois travaillent au même vent salubre. Ils nous rappellent que ni la culture, ni l'âge, ni la distance  ne constituent de véritables barrières entre les personnes, si l'on veut bien les considérer comme telles. Ils nous rappellent surtout que faire l'humour rapproche.

23/08/2010

Travail buissonnier

Ce lundi est jour de rentrée et de reprise pour nombre d'entre vous. Peut être, c'est souhaitable, votre enthousiasme est-il à son comble comme en ces jours de rentrée des classes où l'on se réjouit par avance de toutes les nouveautés à venir : les copains, les jeux, les activités, les profs éventuellement, les jeunes filles surtout. Votre envie fait plaisir à voir et vous la communiquez largement autour de vous. Mais peut être n'est-ce pas le cas. Peut être que 15 jours de pluie quasi-continue, de k-way et d'humidité ont rendu votre humeur aussi grise que le temps. Peut être que vous avez mal vécu que le soleil ne fasse qu'un clin d'oeil ce week-end pour vous donner une idée de ce qu'aurait pu être de vraies vacances. Peut être qu'à l'idée de replonger dans la réforme des retraites, la rigueur budgétaire, les augmentations d'impôts et d'électricité et la jungle sécuritaire qui vous menace votre enthousiasme est morne. Dans ce cas, il vous prend des envies de travail buissonier. Voici alors l'exemple à suivre.

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Comme ce Musée qui vous informe aimablement que vous trouverez porte close certains jours, soyez imprévisible. Décidez que vous serez présent officiellement sauf aux dates prévues, et à quelques autres. Pour les modalités, libre à vous : absence sur place, absence impromptue, absence organisée....les possibilités ne manquent pas. Et ne culpabilisez pas : liberté et autonomie sont éminemment favorables à la performance. Bonne rentrée !

16/08/2010

Tout va bien !

En ce jour qui, pour beaucoup, est jour de rentrée, pluie de bonnes nouvelles qui permettent de l'affirmer sans modération : TOUT VA BIEN ! vous en doutez ? heureusement que les vacances, propices au scepticisme, sont terminées et que tout va rentrer dans l'ordre. Jugez-en : Christine Lagarde l'a annoncé, la croissance a repris et l'emploi aussi.

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Après le fiasco du football, il y eut l'embellie de l'athlétisme mais mieux encore le triomphe de nos nageurs, dont vous remarquerez qu'ils sont bien blancs : ils ne prennent pas de vacances eux, ils travaillent.
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Et toujours plus de performance, en moins de quinze jours les expulsions, disons les mises à la rue ou à la route, sont en avance sur les quotas ministériels.

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Et en plus il fait un grand soleil partout en France et le week-end du 15 août a été un des plus beaux depuis longtemps. Décidément, TOUT VA BIEN. A moins que ce ne soit le sourire de ma blonde qui me fasse voir la vie en rose.

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Joan Miro - Le sourire de ma blonde - 1924

13/08/2010

Fin du travail

Elle a été annoncée par Jérémy Rifkin, qui ne pensait pas pour autant à la généralisation du chômage. Mais cette chronique n'ayant aucune ambition macro-économique, il s'agit simplement de se demander quand un travail est-il terminé. Comment s'y prend le peintre pour savoir que le tableau est achevé et qu'il ne faut plus que la brosse dépose encore de la peinture sur les couleurs qu'il a unies. Dans le documentaire qu'il a consacré à Picasso, Clouzot lui pose cette question et l'on peut voir le peintre modifier voire repeindre des chefs d'oeuvre jusqu'à parvenir à une oeuvre qu'il considère comme "finie" (Clouzot "Le mystère Picasso", disponible en DVD). Mais Picasso n'apporte pas vraiment de réponse. On comprend que le tableau est fini lorsqu'il "tient", lorsque son équilibre apparaît, ou lorsqu'il est conforme au projet initial du peintre, si tant est qu'il y en eût un. Pourquoi Julieth Mars Toussaint a-t-il suspendu son travail après avoir écrit sur le tableau "mauvais jour pour la peinture" ?

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Julieth Mars Toussaint - Sans titre - 2009
Pour nombre de métiers, et notamment ceux des ressources humaines, le travail pourrait être considéré comme jamais fini tant il y a à faire. Mais dire cela est se réduire à une approche quantitative. Pour savoir quand un travail est fini, il est nécessaire d'avoir une esthétique du travail qui permette de pouvoir le considérer en un état d'équilibre satisfaisant. Sinon on pourrait s'arracher les cheveux devant le puit sans fond du volume à traiter. Ainsi je décide que cette chronique est finie.

11/08/2010

An Angel

Il s'appelle Yannick Agnel et son sourire de grand échalas post-adolescent s'affiche sur tous les écrans et journaux. Il est vrai que le jeune homme vient d'être sacré champion d'Europe du 400m en natation, devançant le champion du monde en titre. A 18 ans. Ce qui retient l'attention, chez Agnel, c'est que tout en lui exprime le jeu, l'envie, le désir, le plaisir et la joie. En quelques mouvements il démontre que l'on peut être joyeux et sérieux, insouciant et concentré, enfantin et mature, détaché et combatif, léger et tenace ou encore jouisseur et discipliné. Contrairement à l'adage, l'hirondelle fait bien le printemps et l'apparition de Yannick Agnel constitue la preuve absolue que la performance peut donc être joyeuse, insouciante, enfantine, détachée, légère et jouissive. Yannick is an angel.

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Max Ernst - La puberté proche ou Les pléiades - 1921
La puberté proche n'a pas encore enlevé leur grâce aux Pléiades. Le regard de nos yeux pleins d'ombre est dirigé sur le pavé qui va tomber. La force de gravité des vagues n'existe pas encore (Max Ernst).

10/08/2010

Bénévolat

Il arrive fréquemment que le mot "travail" soit utilisé en lieu et place de l'expression "travail salarié" tant le salariat est devenu la représentation dominante de l'activité professionnelle tout au long du XXème siècle. Mais pendant une période bien plus longue il en fut autrement : ne pas travailler était la moindre des choses, tant chez les athéniens que dans l'aristocratie ante-révolutionnaire, et s'il fallait s'y résoudre le travail indépendant était un moindre mal. Il y aurait matière à faire sans aucun doute des liens entre cette mutation, que Robert Castel a mis en évidence, et les caractéristiques de la société française. Mais il demeure, fort heureusement, une place à côté des activités professionnelles pour les activités bénévoles.

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Malgré la double journée des femmes, malgré la montée de l'individualisme, malgré la perte du sens civique, malgré tous les maux dont la société est accablée et dont on nous rebat les oreilles quotidiennement pour nous rappeler de prendre notre camomille et nos pilules, en silence si possible, malgré tout cela le bénévolat trouve toujours à s'exercer en tout temps et en tout lieu : animation sportive, culturelle, locale, régionale, de quartier, pour les langues, la fête, les traditions, la bienveillance envers autrui, l'éducation, le soin, l'amitié, la musique, la danse, les boules, les maquettes de petits trains,...dans le domaine associatif le français est souvent pluriactif. Que cette richesse là ait été nourrie par la réduction du temps de travail ne figure dans aucun bilan, pas plus que la valeur ajoutée du bénévolat n'a droit à un pourcentage de PIB. Et comme chacun sait, ce qui n'est pas mesurable n'existe pas. Heureusement que de temps en temps, le bénévolat s'affiche.

30/07/2010

Lettres portugaises

Beja est une ville de province qui ferme l'Alentejo et ouvre la route de l'Algarve. Les zones frontières se prêtent admirablement à l'apparition de phénomènes rares, mystérieux, peu crédibles et au final discrédités. C'est ici qu'entre 1667 et 1668, Mariana Alcoforado, religieuse portugaise vivant au couvent de Beja, écrit cinq lettres au Marquis de Chamilly venu guerroyer sur les terres lusitaniennes. L'histoire attribuera ensuite ces lettres à Guilleragues qui, paraît-il, avait de l'esprit et des lettres. Il aurait fallu plus pour écrire ces chefs d'oeuvre dans lesquels on lit notamment : "Je regrette pour l’amour de vous seulement les plaisirs infinis, que vous avez perdus : faut-il que vous n’ayez pas voulu en jouir ? Ah ! si vous les connaissiez, vous trouveriez sans doute qu’ils sont plus sensibles que celui de m’avoir abusée, et vous auriez éprouvé qu’on est beaucoup plus heureux, et qu’on sent quelque chose de bien plus touchant, quand on aime violemment, que lorsqu’on est aimé."

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Qui trouverait ces lettres trop romantiques, pourrait s'attarder sur cette phrase : "Je me flatte de vous avoir mis en état de n'avoir sans moi que des plaisirs imparfaits". Et si le ton vous paraît trop plaignant, il vous reste cet aveu direct dont bien peu sont capables : "Il est vrai que j'ai eu des plaisirs bien surprenant en vous aimant". Bonne lecture.

28/07/2010

Invensonge (2)

La fée électricité symbolise l'invention : Fiat Lux ! Celle-ci, dans le musée d'art contemporain d'Elvaz, variait au rythme du jazz.

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La lumière de l'invensonge ou la Luz del sueno. La lanterne magique fait surgir des ombres improbables, réalité du rêve, abolition des irritantes et limitantes frontières.
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La perception, comme la conscience, se trouve modifiée et le pêcheur de lune surgissant de la maison au ciel étoilé est moins une surprise qu'une confirmation.
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Et l'on réalise soudainement que si la planète est ronde, ce dont nul ne doute plus, alors le plan horizontal n'existe pas.
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A ce stade, l'invensonge a fait son office et sur le mur de Léonard de Vinci, surgit un éléphant. A vos murs !
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27/07/2010

Invensonge (1)

Léonard De Vinci conseillait à qui voulait devenir peintre de fixer un mur et de ne commencer à peindre que lorsqu'il voyait quelque chose. Ce quelque chose, surgit du mur, pourrait s'appeler l'invensonge.

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L'invensonge ce pourrait être un clien d'oeil du mur qui rappelle que si la terre était transparente on verrait l'Australie.
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On peut aussi s'attendre à voir surgir des êtres saugrenus et irrévenrencieux, ce qui nous fait un peu de bien en cette période de respect du drapeau et d'obligation de chanter la Marseillaise.
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L'invensonge est un embarcadère sans destination connue, une envie  de terrae incognitae.
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Car en chacun de nous sommeille un Cyrano qui rêve de conquérir la Lune.
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Mais plus que la Lune, il est sur terre des merveilles qui éclairent le mur de Léonard  (à suivre)...
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26/07/2010

Du temps réel

Au bord du Tage, l'ancienne usine ne produit plus d'électricité. Elle abrite un lieu d'expositions, celle consacrée à la fée électricité étant permanente. Elle s'accompagnait cet été d'une exposition consacrée au peuple (Povo, Povo) sur laquelle nous reviendrons très prochainement.

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Musée de l'électricité - Lisbonne
A l'intérieur, les machines sont huilées, graissées, patinées, prêtes à lancer leur grand cri d'acier, de feu, de vapeur, d'huile et de chair également car ces machines là  consomment aussi de la matière humaine. Elles viennent de Londres et témoignent de la révolution industrielle issue des machines à vapeur. Pour la première fois, la machine n'était pas un outil travaillant au rythme de l'homme et augmentant sa puissance mais au contraire une impératrice dictant son rythme à l'homme. De ce temps, le temps du travail n'a jamais plus été le même.
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Machine à vapeur Londonienne
Avant la Grande roue de la révolution russe, selon la formule de Cendrars, il y aura la grande roue des machines à vapeur. Toutes deux broieront le temps et les hommes en imposant des rythmes qui leurs sont propres et dans lesquels l'homme n'a plus tout à fait sa place. La science fiction défend l'idée que la vitesse finit par abolir le temps, les machines l'ont au contraire rendu plus présent à l'homme, l'y assujetissant comme le joug maintient la tête de l'animal inclinée vers le sol.
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Turbine - Musée de l'électricité - Lisbonne
Et la machine fit que le temps devint une abstraction. L'industrie se mit à raisonner en millièmes d'heures et des ingénieurs passent des heures devant leur écran, nouvelle version de la planche à dessin, pour gagner quelques un de ces millièmes. Que cela se traduise par la suppression au final de postes de travail est également devenu une abstraction. Et comme toujours lorsqu'une chose disparaît, on fait surgir le mot censé la remplacer. Est ainsi apparu, avec la folle vitesse de circulation de l'information, le concept de "temps réel". Il s'agit bien évidemment d'immédiateté et non de réalité, mais la notion de temps est devenu si abstraite, et si insupportablement abstraite, qu'il fallait la faire ressurgir. Allons y donc pour le temps réel. Mais si l'on veut redonner du sens à ce terme, que serait donc un temps réel ?
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Place du commerce - Lisbonne
Peut être celui où l'on prend le temps, sur une place, de guetter l'improbable qui ne manque pas de survenir sous la forme d'une jeune inconnue qui éprouve le temps en figeant quelques instants de grâce.
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Belle démonstration que le temps horizontal et le temps vertical n'ont ni la même épaisseur ni la même intensité. Mais qu'il est bon de goûter aux deux. Comme il est bon de se souvenir que l'information peut aussi circuler par le papier, que la lecture du journal le matin devrait être la prière quotidienne selon Hegel et que le poisson peut toujours attendre. Et tout à coup, le temps devient vraiment réel.
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23/07/2010

Deuxième surprise

En haut de l'escalier on dit bonjour au policeman. Il ne répond guère mais ses yeux ne vous quittent pas. Dans la grande salle une femme nue allongée sur un divan est très loin de vous. Ses pensées l'ont emportée. Dans l'autre salle, deux hommes eux vous regardent, vous fixent, vous traversent et vous devenez translucide. Pour cela, ils vous dérangent un peu. Déjà, au rez-de-chaussée, des chinois pétris dans la glaise grise, saisis dans une attitude de stupéfaction comme abasourdis par leur vie vous avait remué les tripes.

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Sculpture réaliste - Exposition "A love story" - Evora 2010
Il est troublant de constater que les sculptures réalistes touchent souvent plus que les corps de chair. Leur présence est plus intense, elle vous parle plus directement. C'est que les sculptures ne sont là que pour vous, pas pour leur existence propre. Et elles vous questionnent. D'où cette absence de distance que l'on peut avoir avec un individu qui a son univers personnel. Ici, l'absence d'histoire de vie créé un contact d'une nature nouvelle qui renvoie chacun à sa propre humanité.
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Jamie Salmon - The Director
Feriez-vous confiance à cet homme ?  réponse selon ce que vous projetez sur lui. Elle vous apprend davantage sur vous que sur la figure de cire. L'art moderne pose plus de questions qu'il ne propose de réponses. C'est pour cela qu'il déroute souvent, c'est pour cela également qu'il peut largement accueillir superficialité ou supercherie (toute question n'est pas pertinente et l'argument selon lequel la question importe moins que la réponse n'est pas recevable pour se défausser du jugement sur l'oeuvre). L'exposition d'Evora n'est pas exempte de productions sans intérêt. Mais peu importe dès lors que par quelques oeuvres sont ouvertes des voies nouvelles. Pour qui souhaite tenter l'expérience et passe par Paris cet été, les sculptures de Duane Hanson vous attendent jusqu'au 15 août au Parc de la Villette.
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12/07/2010

Soleil à Paris

L'été s'est installé. La chaleur modifie les perceptions, les comportements et l'environnement dans lequel nous évoluons. Tout paraît à la fois moins réel et plus présent. Plus intense et plus fragile. Ainsi, un léger mouvement de la féé électricité provoque l'arrêt de la Gare Saint-Lazare.

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Par jour de grand départ, le monde semble ne plus évoluer tout à fait selon les règles habituelles. Pourquoi ces femmes vendent-elles leurs lunettes  ?
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Pour que l'on découvre leur regard de renard argenté ?

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D'étranges affaires semblent se tramer sous le regard de tous...
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...et pourtant la foule passe son chemin...

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...la mélodie de "Poulailler's song" émerge du refoulé pour rejouer sa petite rengaine légère...

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...croyez-vous que les gens ont peur ? cela marche donc toujours ? ...sans aucun doute...
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...certains jours, les héros sont fatigués, même Don Quichotte que la furia espagnole n'atteint guère, à moins que cette nuit...
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...une jeune femme au regard du Sud ne vienne lui réciter quelque formule magique qui fera tomber la chaleur et le sortira de sa torpeur. Espana siempre !
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08/07/2010

Manager

Qu'est-ce que manager, qu'est-ce qu'un manager ? les définitions ne manquent sans doute pas plus que les avis sur la question. Mais puisque la question m'était posée, il fallait répondre : "Celui qui créé les conditions les plus favorables pour que ses objectifs puissent être atteints, en tenant compte des personnes qui vont agir mais sans en faire le point de départ". Soit le modèle du manager jardinier. Celui qui a la préoccupation écologique de l'action. En d'autres termes, celui qui pense que l'action humaine, comme celle de tout organisme vivant, est probabiliste et non mécanique. A lui donc de créer les meilleures probabilités pour que les fleurs puissent éclore et le jardin s'épanouir en forme de jardin des délices.

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Jérome Bosch - Le jardin des délices (détail)
Et puis je me suis demandé si cette définition du manager n'était pas un peu trop "pédagogique". Si ce manager ne ressemblait pas au formateur qui créé les conditions pour que l'apprentissage se réalise en tenant compte des personnes mais sans en faire le point de départ. En fait non. La définition peut être la même, ce sont les moyens qui diffèrent. Là où le formateur mobilisera des méthodes pédagogiques diversifiées, le manager utilisera des moyens de nature différente : prise de décision, reconnaissance, soutien, recadrage, accompagnement, etc. Toutes ses interventions auront pour objectif de créer les conditions pour que l'action opère dans le sens souhaité. Et bien évidemment, pour rester dans le domaine du management et ne pas basculer dans la manipulation, les objectifs seront au mieux partagés et au moins identifiés. A défaut, point de délices.

06/07/2010

Jeu de mains...

La main de Thierry Henry qui avait qualifié abusivement la France pour la Coupe du monde a été qualifiée de tricherie et de scandale. La main de Luis Suarez, qui à la dernière seconde du match Ghana-Uruguay sauve son équipe d'un but tout fait a également suscité la polémique. Une différence de taille existe pourtant entre les deux. La première est illégale et n'a pas été sanctionnée et la seconde est légale puisqu'elle a été sanctionnée selon les règles : expulsion du fautif et penalty. Sauf que le penalty fut raté et que l'Uruguay se qualifia sur une faute d'antijeu qui n'a rien à envier à celle de Thierry Henry. Une illustration supplémentaire que légal et moral ne font pas toujours bon ménage.

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Israel Galvan dansant avec les mains
Que faire alors ?  on pourrait se référer au rugby : lorsqu'une faute volontaire empêche un essai tout fait, un essai de pénalité est accordé. Faut-il alors créer le but de pénalité ? le plus simple serait que les footballeurs se mettent au rugby, dans lequel on le sait le jeu de mains est un jeu...de toulousains. La qualité de toulousain sera volontiers conférée à Israel Galvan, et le fait qu'il soit né à Séville importe peu : on peut être à la fois sévillan et toulousain, et des tas d'autres choses encore, lorsque l'on sait ainsi jouer avec ses mains.
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Comme nombre de sportifs, Galvan sait que l'esthétique va de pair avec l'efficacité. Le geste le plus beau est souvent le plus efficace. Oublions donc les mains des footballeurs au profit de la beauté du geste.

03/07/2010

Terzieff

Les textes étaient magnifiques : Hoelderlin, Cendrars, Adamov, Rilke...Toutefois, leur densité et leur enchaînement ne permettait pas de les habiter totalement. L'émotion n'avait pas toute la place pour se répandre. Le spectacle était prenant, mais une légère insatisfaction subsistait. Et puis le dernier mot du dernier texte fut dit. Et Laurent Terzieff, qui était seul en scène et récitait des textes choisis par lui pour la représentation intitulée "Florilège" et présentée au Lucernaire, se tut. Il s'avança sur scène et se figea. La tête haute. Le regard très loin au devant de tout. Avec nous pourtant. Et cela dura. Cela dura un temps long, infini qui dure encore. La présence de Laurent Terzieff à  cet instant illumina la salle obscure comme jamais lumière n'avait défié le temps, l'espace, la vie. S'il est dans la vie des instants de grâce, il en est de plus rares où l'indicible plénitude de l'instant s'accomplit dans un silence sacré. Ainsi paraissait Laurent Terzieff qui ne paraîtra plus.

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Laurent Terzieff était le tragique de la vie incarnée avec la légèreté de l'enfant. Voici ce qu'il déclarait pour présenter Florilège :
La poésie fait parole de ce qui, avant elle, ne l'était pas, et qui par elle le devient. Parole de ce qui avant elle et sans elle, ne saurait être dit. Elle constitue une ouverture vers cette face invisible du monde qui existe en dehors de nos représentations, et qui nous relie à tout et à tous, qui réconcilie toute chose, même les contraires, jusqu'à nous faire entendre le silence des mots, jusqu'à réconcilier nos rêves de la nuit et le rêve éveillé de nos journées. En visitant le monde à l'intérieur de chacun de nous, elle abolit la coupure originelle entre l'objet perçu et la conscience qui perçoit. Dans mon travail, en grande partie solitaire, il m'est souvent venu à l'esprit cette exhortation de Saint Benoît : "Soyons présents à la psalmodie, de telle façon que notre homme intérieur s'accorde avec notre voix." Laurent Terzieff.

 

09/06/2010

Silence et parole verbale

Je me souviens que l'on donnait à l'Université, l'exemple des questions posées au concours d'entrée à l'ENA : "Combien pèse une traverse de chemin de fer ?". Et que l'on attendait du candidat non pas qu'il donne un poids, mais qu'il produise un raisonnement démontrant qu'il était capable de répondre de manière ordonnée, logique, cohérente et avec culture, à n'importe quelle question. Le raisonnement pouvait porter sur la nature de la poutrelle, sur le nombre d'hommes nécessaires pour la porter, sur la longueur raisonnable d'une unité de voie de chemin de fer, tout cela importait peu, l'important était de répondre. S'il est bien une chose que le jury ne supporte pas d'entendre, c'est le silence. Conseillons aux jurys des grandes écoles de contempler les toiles d'Olivier Debré qui, lui, sait peindre le silence.

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Olivier Debré - Sans titre

Si les grandes écoles vivaient dans le mythe de l'encyclopédisme et de l'homme pluridisciplinaire qui associe des connaissances multiples pour produire du nouveau, on applaudirait. Mais il ne s'agit que de la vérification de la capacité à produire un discours sur tout sujet, une réthorique qui diffusel l'illusion qu'il est possible d'avoir un avis sur tout chose, que la nécessité d'avoir réfléchi à une question n'est rien au regard de la capacité à en dire quelque chose. Nos sondeurs reproduisent le paradigme en considérant que tout avis se vaut et s'additionne quel que soit le degré de maturation de la question posée. Remercions ici ceux qui déclinent de répondre à des questions auxquelles ils n'ont pas réfléchi, qui refusent de colporter du prêt à penser (ah cet ouvrage sur l'art contemporain feuilleté récemment qui se propose de vous initier à l'art avec des rubriques du style : ce que l'on peut voir, ce que l'on peut en penser, ce que l'on peut en dire...) et qui osent le "je ne sais pas" sans culpabilité et avec naturel. Comme l'on dit dans le Sud-Ouest, la compétence passe parfois par moins de parole verbale et un peu plus de silence.