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15/05/2013

Ici les autres : on est là !

Réunion matinale qui finit tardivement, un peu de marche pour reprendre ses esprits et passage à table dans une des brasseries où la convivialité du service attire plus sûrement que le cuisinier. Les tables ont déjà commencé à se vider. En face de moi, trois hommes et une femme traitent manifestement de sujets sérieux. La femme parle peu. Deux des hommes s'en vont, le troisième reste seul avec sa collègue. Elle se met à lui parler tandis qu'il sort son smartphone et lit ses mails. Au bout d'un moment, il répond pour faire croire qu'il écoute. Je me replonge dans mon gazpacho (excellent) et la lecture du canard enchaîné, qui m'apprend que pendant la réception des organisations syndicales par le premier ministre, lundi après-midi, la majorité des ministres présents pianotaient sur leurs smartphones et tablettes devant des syndicalistes partagés entre la stupéfaction et la consternation.

Michelangelo Merisi, dit Le Caravage (1571-1610) - Narcisse.JPG

Le Caravage - Narcicce - 1599

Tout ceci me rappela une anecdote, recueillie lors du recrutement d'étudiants pour le Master de l'IGS à Toulouse. Je demandai à un étudiant ce qu'il retenait des petits boulots qu'il avait effectué pour gagner un peu d'argent. Se référant à une activité de vendeur en boulangerie exercé pendant quelquqes mois, il me répondit : "J'en retiens que l'on peut me parler uniquement avec des gestes pour me montrer ce que l'on veut acheter, tout en continuant à parler au téléphone et sans jamais m'avoir adressé la parole ni même regardé". Comme dirait Hannah Arendt, de la violence ordinaire en milieu ordinaire.

20/06/2012

Le poids du téléphone

Il travaille dans une de ces entreprises du CAC 40 qui figure régulièrement en tête des enquêtes sur les entreprises dans lesquelles on aimerait travailler. Il a des responsabilités importantes, un attachement fort à l'entreprise, au travail, au business. Et il sort en souriant un étrange objet de sa poche, qu'il me montre en me disant : "Mes enfants se foutent de moi lorsqu'ils voient avec quoi je travaille". L'objet est un modèle de téléphone portable qui est au Blackberry ou à l'Iphone ce que les dinosaures sont aux oiseaux, un ancêtre très lointain.

"C'est ton téléphone professionnel ?

- Oui, je viens d'informer mon boss et mes collègues que je souhaitai avoir un téléphone qui ne me serve qu'à téléphoner et j'ai trouvé ce modèle, il est un peu lourd mais au moins il n'a pas d'autre fonction que le téléphone ;

- tu fais une allergie à la modernité ? un coup  de blues ? une nostalgie soudaine devant le temps qui passe ? ou tu essaies de voir si ce petit engin peut servir de machine à remonter le temps ?

- non, j'ai juste souhaité débrancher.

Ce qui nous retient.jpg

Eugène Gabritschevsky - Ce qui nous retient

- tu expérimentes le droit à la déconnection ?

- ce n'est plus une question de droit mais de santé. Plus de mail à traiter le dimanche pendant le repas familial, plus de relance étonnée qu'un message envoyé à 23 heures n'ait pas eu de réponse dans le quart d'heure, plus d'arrêt sur la route des vacances pour participer à une conf'call, plus de bruits d'oiseaux chaque fois qu'un mail ou un texto arrive, et de toute façon avec cet engin cela prend 20 minutes pour taper deux lignes donc je n'en envoie plus...

- tu fais ça depuis longtemps ?

- trois mois, depuis que j'ai changé de manager et que j'ai pu aborder cette question avec lui, ce qui n'était pas possible avec le précédent ?

- et ça va ?

- à ton avis ?

- à voir ton sourire, j'en conclus qu'il y a un créneau pour les téléphones rétros qui ne font que téléphone

- t'as raison, parce que dans tout ça il y a quand même une chose qui m'embête : il est un peu lourd."

05/08/2011

Communication paradoxale

Le paradoxe de la conversation est qu’elle vous met en relation en même temps qu’elle vous isole. Relation avec votre interlocuteur, isolement de votre entourage. Ainsi ce jeune homme assis à l’écart de la foule qui goûte la fraîcheur d’un parc : autiste aliéné par la technologie ou jeune terrien du XXIème siécle en communication constante avec le reste du monde. Eloignement du proche, rapprochement du lointain.

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L’abolition des distances est aussi celle du temps. La tablette interactive  cohabite parfaitement avec l’instrument traditionnel. Musiques différentes, rapports à autrui multiples, coup de pied aux fesses à aux étiquettes et à l’assignation.

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Si vous goûtez les paradoxes, vous apprécieriez celui du mobile immobile.

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Si vous êtes habitués à ces voisins de trottoirs qui vous croisent en parlant seuls, vous demandez-vous quelle nouvelle tout à coup fige les corps, et sans doute l'esprit ?

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 Toujours plus de communication égale toujours plus de transparence ?  encore faudrait-il ne pas seulement écouter mais entendre, regarder mais voir.  Les sens ne s’usent que si l’on ne s’en sert pas.

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