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02/05/2013

Qui vole un oeuf, vole un oeuf

C'était ce soir sur France Info. Le ton du journaliste est très institutionnel. Il présente son interlocuteur comme l'auteur d'un ouvrage de référence sur la rupture du contrat de travail (on ne connaissait pas, mais nul ne peut prétendre être la mesure de toute chose), avocat et maître de conférence associé, adoubé par le privé et le public, les prétoires et l'académie, du solide donc. Et le journaliste n'utilise pas son nom, mais lui donne du maître à tour de bras. Si vous n'avez pas compris que cette parole est parole d'expert, c'est à désespérer. Reste que le plus désespérant est la parole du dit expert, qui disserte sur la faute grave. Mais qu'est-ce qui est incontestablement une faute grave, questionne le journaliste tout soucieux de pédagogie. L'injure et la violence répond l'expert. A ce stade, on peut continuer à ingurgiter les tapas et se laisser aller au Minervois au goût de framboise, de caramel, de vanille et de réglisse qui les accompagne. Et puis soudain, le Bellota manque de m'étrangler.

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Oksana Mas - oeufs ukrainiens

Le maître du droit vient d'expliquer qu'au rang des fautes graves qui ne se discutent pas figure le vol. Il faut d'urgence reprendre du Minervois. Car il y plus de dix ans que les tribunaux ont cessé de considérer que qui vole un oeuf vole un boeuf et que le vol est sancdtionnable en lui-même, par nature et hors toute considération. Ils jugent régulièrement que qui vole un oeuf ne vole qu'un oeuf et que la faute doit être appréciée in concreto, ce qui fait qu'elle peut relever aussi bien d'une simple faute disciplinaire ne justifiant pas un licenciement que d'une faute lourde, selon les circonstances. La décision de la Cour de cassation de censurer un licenciement pour avoir volé deux hamburgers chez Mac Do, en affirmant que cela ne relevait que du disciplinaire, date toute de même de 2002 ! Voilà donc du joli bobard en direct à l'heure de grande écoute et avec tous les efforts du journaliste pour nous persuader que c'est là parole d'évangile, plutôt que de la daube frelatée. Bon, on se calme et on retourne à la tortilla con patatas y cebollas.

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Oksana Mas - Oeufs ukrainiens

16/01/2011

Voilà ce que l'on pouvait dire

La formule est rituelle : « Voilà ce que l’on pouvait dire ce soir sur le sujet… ». Essayez de regarder un journal télévisé (n’en abusez pas) et d'échapper à la rituelle phrase de clôture. Impossible. Manière pour le journaliste de fermer la porte ou de remettre le couvercle puisque tout a été dit. N'essayez pas de réfléchir, de penser ou de rajouter quoi que ce soit, on vous dit que tout ce qu'il y avait à dire a été dit. Bonne nuit les petits.

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Et pourtant, il aurait été possible de dire au moins les choses autrement, voire de n’en rien dire. Car le premier choix est celui des sujets, le second choix est celui de l’angle de traitement et le troisième choix est dans le commentaire. C'est-à-dire le travail du journaliste. Faut-il qu’il soit mal à l’aise avec lui-même, sa légitimité, son professionnalisme pour sempiternellement s’excuser de n’avoir fait autrement et prévenir toute opposition : j’ai dit ce qu’il était possible de dire, j’ai fait mon métier. En l’occurrence son métier serait de faire  exactement l’inverse.

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Ce qu'il est possible de dire du Red Rose

 Ce désengagement journalistique, cette grande couverture ou grand parapluie brandi à tout bout de champ ressemble furieusement à une recherche de l’irresponsabilité. Si le droit nous apprend que l'on peut être reconnu irresponsable, il nous apprend également que l’on est libre à hauteur de ce que l’on est responsable. Considérer que l’on ne pouvait faire autrement que ce que l’on a fait, c’est refuser d’engager sa responsabilité professionnelle et au final nier son professionnalisme qui consiste au contraire à justifier ses choix.

Voilà ce que l’on pouvait  dire ce soir sur cette étrange manie des journalistes.