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29/11/2010

Le donné et le construit

Que la formation réponde aux besoins des entreprises. Tel est le credo de nombre de responsables politiques, éducatifs ou de notre système de formation professionnelle. Si l'on prend ce point de départ, les besoins sont une donnée à laquelle les individus, dispositifs, systèmes, institutions doivent s'adapter.

Même si cela était vrai, la notion de besoin serait largement discutable : s’agit-il uniquement de pourvoir les offres d’emploi ? lesquelles ? peut-on les prévoir ? s’agit-il des besoins à deux ans, trois ans, dix ans ? quelle est la durée de l’investissement réalisé ? quelle est la nature de ces emplois ? en préparant à certains emplois est-ce que l'on prépare véritablement l'avenir ? etc.

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Magritte et The Vache

Mais ces questions sont vaines car les besoins ne sont pas un donné mais un construit. Une entreprise a des besoins qui fluctuent en fonction de ses rythmes et cycles de vie, de son environnement, de ses projets, des histoires des salariés qu’elle emploie, etc. Elle vit en perpétuelle interaction interne ou externe. Et dans ces interactions, le niveau de qualification de la main d’œuvre joue un rôle. En d’autres termes, si le système éducatif produit le double d’ingénieur cela aura un impact sur la stratégie et l’organisation des entreprises qui intègreront ce facteur d’une main d’œuvre disponible.

Partir des besoins des entreprises c’est comme partir du poste de travail pour la gestion des compétences. C’est oublier que les organisations sont d’abord faites par les hommes et les femmes qui les dirigent et qui y travaillent et que si l’on modifie le profil de ces dirigeants et travailleurs, on modifier l’entreprise…et ses besoins.

Nos dirigeants devraient se souvenir que ce n’est pas l’homme qui fait la fonction ni la fonction qui fait l’homme mais que les deux sont en interaction. Bref, il devrait redécouvrir l’analyse systémique en lieu et place de la linéarité.

Ceci dit, pour la poule et l’œuf, on a toujours pas de réponse.

26/11/2010

La courte échelle

Le principe de l’évaluation n’est pas discutable, en matière d’éducation comme dans beaucoup d’autres. Ou sinon, autant dire que nous n’accordons aucun sens à nos actions et que l’irresponsabilité est notre horizon indépassable.

C’est donc moins sur le principe de l’évaluation, débat stérile, que sur ses modalités que l’on doit s’interroger.

Il est d’usage de dire que les conditions de l’évaluation sont situées en amont de l’action et pas en aval. Ce qui oblige à travailler sur le sens justement : quelle fin poursuivons nous, quels sont les objectifs, dans quel ordre de priorité, quel résultat doit découler de l’action, etc. Il sera aisé ensuite de définir à quoi nous verrons si l’action a réussi ou non.

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P. Cassagnes - Courte échelle

Le débat sur la notation à l’école gagnerait à être simplifié, ou tout simplement mieux posé. La question n’est pas de savoir s’il est nécessaire de noter ou pas. Il est indispensable évidemment d’évaluer le travail et le niveau des élèves. La question est de savoir ce que nous souhaitons obtenir comme résultat et si l’outil utilisé est adapté. S’il s’agit de maîtriser des savoirs fondamentaux, alors évaluons des niveaux de maîtrise. S’il s’agit d’évaluer des compétences (conçues comme des capacités à conduire des actions réfléchies), évaluons le degré de maîtrise de la compétence à partir de 4 ou 5 niveaux. Ce qui permettra au passage de pouvoir valider entièrement le résultat et non d’avoir une note maximale inatteignable qui maintient l’enfant dans une position d’infériorité et de manque. Ce qui était une manière de maintenir la position dominante du maître doit aujourd’hui disparaître.

En d’autres termes, à quoi cela sert-il d’utiliser un système de notation sur 10, et encore plus sur 20 ? cela fait penser aux systèmes de classification : lorsque l’on veut différencier les salariés, on rajoute des barreaux à l’échelle. Et là le roi est nu : plus l’échelle est longue et plus sa finalité première n’est pas l’évaluation fine (la fable de l’évaluation juste, au demi-point près  n’est pas crédible) mais le classement des personnes. Si l’on veut véritablement accompagner un développement de compétences, une échelle courte suffit, et dieu sait si les enfants, la courte échelle ça les connaît.

19/11/2010

S'ils le veulent bien

C'est un des articles les plus fameux du Code civil, vieux de plus de deux siècles. Il s'agit de l'article 1134 qui affirme solennellement que "Les conventions légalements formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites". Autrement dit, les conventions qui respectent la loi méritent d'être élevées à la dignité de la loi. Sans oublier jamais qui les a faites reines. Cette conception du contrat, individuel ou collectif, n'a guère évolué depuis 1804. La loi toute puissante concède au conventionnel d'occuper le terrain que l'on accepte de lui céder, moyennant la redevance permanente de la déférence. Et gare à qui voudrait s'affranchir des limites du champ dans lequel il convient de brouter avec bonne humeur : la loi veille et elle ne plaisante guère.

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La déférence est souvent présente chez les négociateurs d'accords collectifs de travail soit par recherche du confort de l'abri légal, soit par crainte de la transgression, soit par tactique pour négocier a minima, soit par conception hiérarchique des rapports entre la loi et l'accord. Bref, les bonnes, et surtout les mauvaises, raisons ne manquent pas laisser à la négociation une place seconde. En cette période où vont s'ouvrir des négociations sur la formation professionnelle au niveau des branches, il serait souhaitable que les partenaires sociaux affirment cette autonomie et, pour paraphraser Reine Malouin, qu'ils la prennent et n'attendent pas qu'on la leur donne. La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF indique comment la négociation de branche pourrait être un espace d'autonomie et d'innovation, si les négociateurs le veulent bien.

La négociation de branche sur la formation professionnelle.pdf

18/11/2010

Les gitanes et l'alternance

Lorsque Goya peint la Maja nue, à la fin du XVIIIème siècle, il honore une commande. Il ne peint ni une allégorie, ni une image mythique et certainement pas LA femme. Il peint une femme, corporellement présente, dont la brosse rend tous les détails de la peau en lui ajoutant, puisque telle est la vocation de la peinture, de la lumière. La gitane est bien réelle et pourtant elle ne pèse guère sur le canapé qui la reçoit : elle est un rai lumineux incarné.

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Goya - La Maja nue - 1800

Lorsque Goya, toujours à l'initiative du même commanditaire, peint la Maja vêtue, il n'habille pas la Maja nue, il peint autrement sa nudité, qui n'est pas moins provocatrice pour ne plus l'être si directement. Les deux toiles étaient commandées pour aller ensemble. La Maja vêtue cachait la Maja nue avant que de s'exposer à ses côtés. On peut préférer l'une ou l'autre, il n'y a nulle hiérarchie entre elles, chaque tableau mettant en valeur l'autre et les deux s'en trouvant rehaussés.

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Goya - La Maja vêtue - 1802

Le Président de la République et le nouveau Ministre du Travail souhaitent développer la formation par alternance. On ne peut que se féliciter de l'initiative. L'alternance offre des situations pédagogiques diversifiées qui permettent de mieux assurer le développement de compétences. Le passage du milieu éducatif au milieu du travail ouvre de plus larges espaces d'apprentissage qu'un milieu endogène. Encore faut-il ne pas établir de hiérarchie. On s'inquiète un peu lorsque Xavier Bertrand déclare que l'alternance permet de mieux apprendre un métier ou qu'elle est le moyen prioritaire de lutte contre le chômage. Elle est avant tout un dialogue entre l'apprentissage en milieu éducatif et l'apprentissage au travail. Sans rapport de hiérarchie entre les deux. Il serait temps de mettre fin à la duplicité de certains qui ne voient pour les uns que temps perdu à se couper des réalités dans les enseignements scolaires et pour les autres que vil travail normé et abrutisssant dans l'entreprise. L'alternance, c'est le moyen de permettre à deux mondes qui vivent dans le confort de leur ignorance réciproque de dialoguer , à l'instar des Maja de Goya, pour le plus grand profit de ceux à qui elle est destinée.

17/11/2010

La formation contre la professionnalisation

Lorsque le système de formation continue s'est construit, au début des années 70, il s'agissait d'accompagner les salariés dans leur développement professionnel et de fournir aux entreprises les compétences dont elles avaient besoin. Des objectifs moins affichés, mais non moins importants, étaient également visés, dont celui de faire évoluer, grace au développement de la pédagogie pour adultes, les pratiques de formation initiale. Pédagogie par objectif, approche par les compétences, individualisation, formations modulaires, e-learning, autant de méthodes de formation qui démontrent que l'objectif a été en partie atteint. En partie seulement car la règlementation, fiscale notamment, a posé une définition de la formation qui certes est partie du stage en 1971 pour évoluer vers l'action de formation en 1986 et, timidement, vers le parcours de formation à compter de 2003/2004, mais qui fondamentalement n'a guère cassé le schéma de l'action de formation conçue, comme en formation initiale et au théâtre, sur l'unité de temps, de lieu et d'action. Combien de formations sont aujourd'hui produites en dehors de ce traditionnel schéma ?

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Guy Johnson - The Study - 1985

Comme le sait manifestement Guy Johnson,  il existe bien d'autres modes d'apprentissage : l'analyse de pratiques, le retour d'expériences, les communautés de pratiques, les réseaux d'experts, les colloques, le coaching, l'activité tutorée, la mise en situation, etc. Toutes ces actions entrent mal dans la définition formelle de l'action de formation et l'on ne peut pas dire que l'administration du travail ait véritablement encouragé l'innovation en se transformant trop souvent en administration fiscale soucieuse davantage du respect des règles que des résultats obtenus. Le reproche vaut pour la majorité des OPCA qui ne se sont que trop rarement autorisés à braconner pour de bonnes causes ou plutôt, puisqu'ils n'ont pas à être des pirates, à solliciter des lettres de mission pour devenir des corsaires.

De ce fait, la règlementation n'a pas constitué un outil d'innovation pédagogique, mais au contraire un frein au développement professionnel. Il est significatif à cet égard que l'on en soit encore à promouvoir les plans de formation dans les entreprises, alors qu'il faudrait plutôt gérer des plans de développement professionnel dans lesquels la formation ne serait qu'une modalité du développement. Mais la concentration des financements sur le moyen formation a bridé cette évolution qui aurait vu la disparition des services formation au profit de services du développement professionnel. Gageons que les premiers secteurs professionnels qui s'affranchiront du cadre règlementaire pour se doter des moyens de financer des actions non imputables mais d'un intérêt certain pour la professionnalisation des salariés, ouvriront une brèche dans laquelle on se bousculera pour s'engouffrer. Il ne sera que temps.

15/11/2010

Vive la complexité !

Tout dans l'image invite à la rêverie : la mer, le sommeil, la langueur infinie de la fin d'après-midi, la douceur des couleurs. La géométrie des formes est invraisemblable : table ronde, angles droits, mer ourlée, courbes du corps, lignes horizontales du paysage, lignes verticales de la véranda. Le dégradé des couleurs est une féérie hasardeuse, comme souvent les fééries : bleu de la mer et de l'automobile, vert des arbres et de l'herbe, jaune orangé du pré et corps moiré qui fait pénétrer le soleil dans l'image. Et puis l'histoire ou plutôt les histoires. La jeune femme attend-elle celui que l'automobile annonce ? fait-elle repos au contraire après une conduite à vive allure sur les routes sinueuses de la côté ? son corps de sportive anglo-saxonne emprunte une toute orientale lascivité : où sommes-nous véritablement ? ici, on peut penser à Paul Morand, Paul Bowles ou se croire dans une BD de Loustal. Je tiens cette image pour l'équivalent de la tempête de Giorgione. Un chef d'oeuvre.

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Saul Leiter - Lanesville

Pour produire cette merveille, Saul Leiter a appuyé sur le bouton d'une boîte photographique. L'appareil photo est une machine complexe qui peut s'utiliser très simplement et livrer d'admirables résultats. Certes, l'on peut faire des utilisations sophistiquées et il existe des experts. Mais l'appareil est accessible à tous, quelle que soit la complexité interne.

On a beaucoup reproché au système de formation professionnelle sa complexité. En mélangeant tout. Qu'un système soit complexe, la belle affaire. Comment ne le serait-il pas alors qu'il se propose d'éduquer, d'intégrer, de reclasser, de promouvoir, de professionnaliser, d'accompagner, de réinsérer, de développer ou encore de qualifier des millions d'individus avec des moyens nécessairement diversifiés  et en sollicitant le concours d'acteurs multiples. Que le système soit complexe est consubstantiel à sa nature et après tout c'est l'affaire des professionnels que de veiller à ce que seules les complexités nécessaires se développent. Par contre, comme l'appareil photo, le système doit être simple pour l'utilisateur. C'est au professionnel qu'il appartient de se débrouiller avec la complexité et il faillirait à sa tâche s'il la reportait sur ceux pour le compte desquels il travaille. Tout l'effort des acteurs doit tendre non pas à partager sa technicité avec les bénéficiaires, objectif absurde, mais à favoriser la prise de décision autonome. A l'aune de ce critère, nous aurons progressé lorsque les entreprises et les salariés ne seront plus encombrés d'informations institutionnelles, juridiques ou jargonnantes (et souvent les trois à la fois) pour leur expliquer tous les dispositifs de formation mais lorsqu'on les informera à partir de leurs propres préoccupations et à partir de solutions clés en main. Ouvrir la boîte noire, ce n'est utile que lorsqu'elle ne marche plus ou en cas d'accident. Le reste du temps, il faut juste s'en servir en appuyant sur le bouton.

11/11/2010

Armistice ?

Assuré d'être confirmé dans sa fonction de Premier Ministre, François Fillon a eu le souci de montrer qu'il pouvait parfaitement incarner lui-même le "virage social", dont on ne sait très bien d'ailleurs en quoi il pourrait consister. Il s'est ainsi prononcé pour une meilleure articulation entre la démocratie politique et la démocratie sociale. Louable intention, même si les vieux réflexes ne seront pas perdus en un jour. Après avoir garanti que les partenaires sociaux auraient un rôle plus important à jouer à l'avenir, l'ex et futur Premier Ministre a rappelé qu'en tout état de cause, il revenait au politique d'avoir le dernier mot. Il ne s'agit après tout que d'une perpétuation de la phrase d'André Laignel qui avait fait scandale en 1981 : "Vous avez politiquement tort car vous êtes juridiquement minoritaire" (s'adressant à l'opposition à l'Assemblée). Il a toujours été difficile pour tous les gouvernants de considérer que leur légitimité n'était pas nécessairement universelle et qu'avoir gagné un vote ne garantissait pas d'avoir politiquement raison sur tous les sujets. Mais en ce jour d'armistice souhaitons que le dialogue entre les représentants politiques et les partenaires sociaux s'oriente vers l'apaisement pour le profit de tous.

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Elisabeth-Louise VIGEE-LE BRUN - La paix ramenant l'abondance - 1780

Nous pourrons rapidement vérifier, dans le domaine de la formation professionnelle, si l'armistice est durable. Tous les OPCA perdent leur agrément à la fin de l'année 2011 et des négociations doivent s'engager, certaines ayant déjà abouti, pour recomposer le paysage des OPCA. Pour guider cette négociation, l'Etat a fixé des règles précises dans la loi du 24 novembre 2009 et le décret du 22 septembre 2010. Toutefois, des espaces de négociation demeurent et doivent permettre à la créativité des partenaires sociaux de s'exprimer, tout en s'appropriant la redéfinition des missions et des modalités de fonctionnement des OPCA. Ce n'est guère par l'autorité, voire  l'autoritarisme que l'on produit de l'implication, mais au contraire en responsabilisant. Dans un premier temps, la balle est dans le camp des partenaires sociaux. A eux de prendre l'initiative de négocier en utilisant tous les espaces disponibles. Ensuite nous jugerons sur pièce de la position de l'Etat. Dans l'attente, voici la chronique rédigée pour l'AEF avec Jean-Marie Luttringer qui fait le point sur les limites et marges de manoeuvre pour les négociations sur les OPCA.

Limites et autonomie contractuelle de la négociation OPCA.pdf

05/10/2010

OPCA vampirisés

Le champ de l’emploi et de la formation professionnelle, au sens le plus large, connaît un mouvement de concentration sans précédent. Que l’on en juge : fusion ANPE-Assedic au sein de Pôle emploi, mise en place des DIRECCTE, réforme des réseaux consulaires avec concentration des pouvoirs au niveau des chambres régionales plutôt que départementales, généralisation des Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) associant Universités, Grandes Ecoles et Centres de recherche, etc. Ce mouvement général a deux logiques : la première est la recherche d’effets de taille et de levier en vue d’économies d’échelle et d’une meilleure efficacité. Pourquoi pas, même s’il n’est pas de loi qui démontre que l’efficacité d’une organisation est proportionnelle à sa taille. La seconde est une remontée d’un cran des niveaux de décision, ce qui ne surprendra personne en période de crise. Toutes les organisations ont tendance à recentraliser les décisions lors des périodes de tangage, et la France avec sa tradition jacobine est mal placée pour faire exception à ce principe qui constitue un réflexe quasi-naturel même si l’option inverse pourrait se défendre (en période de crise il faut décentraliser pour responsabiliser et mobiliser davantage tout un chacun).

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Edvard Munch - Le vampire

Il serait tentant d’inscrire la mise en place du FPSPP et la réforme des Opca dans ce mouvement d’ensemble, et nul doute qu'elles n'y sont pas étrangères. Il est cependant indispensable de les en  distinguer. En effet, les institutions visées (Pole Emploi, PRES, réseaux consulaires, DIRECCTE …) sont des institutions publiques ou parapubliques. Que l’Etat mette de l’ordre en sa maison ou dans les dépendances, rien que de plus naturel. Mais les OPCA et au-delà la gestion paritaire de la formation professionnelle ce n’est ni la maison de l’Etat ni ses dépendances. Et ce qui peut valoir dans un cas, décision étatique de restructuration suivie de contrats d’objectifs qui assignent des missions et objectifs, ne se conçoit guère dans l’autre où l’autonomie des partenaires sociaux doit trouver sa place et un dialogue s’instaurer entre l’intérêt public porté par l’Etat et l’intérêt général porté par la gestion paritaire. En d’autres termes, entre la démocratie politique et la démocratie sociale. Le décret du 22 septembre 2010 laisse une place à ce dialogue et l’on peut s’en féliciter, mais il maintient tout de même une tutelle sur les OPCA qui ne place pas les deux interlocuteurs dans une véritable position de négociation. Pour qu’il en soit ainsi, il faudra que les partenaires sociaux tirent un jour les conséquences concrètes de l’autonomie de gestion qu’ils revendiquent.

Vous venez de lire la conclusion de la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF qui commente la parution du décret du 22 septembre 2010 relatif aux OPCA. Si vous voulez savoir pourquoi l'Etat vampirise les OPCA, vous pouvez lire la chronique jointe ci-dessous. En vous souvenant que par définition, le vampire est humaniste.

OPCA - Chronique AEF -JML-JPW - Octobre 2010.pdf

04/10/2010

Quand le juge dérape

Soucieux sans doute de conforter la dernière chronique de ce blog (un peu de mégalonie le lundi matin est vite pardonné) qui mettait en évidence le peu de professionnalisme du juge sur les questions de formation, la Cour de cassation s'illustre dans un arrêt relatif au plan de formation. Dans un jugement daté du 12 septembre 2010, la Cour suprême pose en principe qu'un salarié inscrit au plan de formation subit un préjudice s'il ne peut finalement suivre l'action prévue. L'affaire était la suivante : une salariée est licenciée pour faute grave. Elle conteste son licenciement, obtient gain de cause et fait également juger que ce licenciement lui ouvre droit à des dommages intérêts supplémentaires pour n'avoir pu suivre deux formations prévues au plan de formation. La Cour d'appel et la Cour de cassation valident ce point. Si l'indemnisation servie est modeste, 300 euros, le principe pose question et constitue une sortie de route juridique des tribunaux.

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Alain Garrigue - Sortie de route - 2008

Pourquoi l'arrêt est-il problématique ? parce que s'il accorde des dommages et intérêts à un salarié du fait qu'une formation inscrite au plan de formation n'est pas suivie, c'est qu'il assimile le plan de formation de l'entreprise à un engagement qui confère un droit au salarié. Or, telle n'est pas la nature du plan de formation. Le plan est certes une décision unilatérale comme l'engagement mais surtout il a, comme son nom l'indique, une dimension prévisionnelle : il s'agit d'une programmation et non d'une prescription définitive. Le plan n'est qu'indicatif, il fixe des objectifs et des moyens, mais il ne peut constituer un engagement. Si tel était le cas, il faudrait lui appliquer le régime juridique des engagements unilatéraux et exiger qu'il soit dénoncé après consultation des représentants du personnel et information individuelle des salariés concernés. Par ailleurs, les engagements, comme les usages, n'ont de sens que dans une dimension collective : or le plan de formation comporte à la fois des formations collectives et individuelles. En juridicisant à ce point le plan de formation, le juge conforte les réticences des employeurs qui ne diffusent pas de plan nominatif de peur de créer du droit : voilà un argument supplémentaire pour perpétuer cette pratique de la non-transparence. Si la volonté du juge était de montrer que la formation a une valeur et que la perte d'une possibilité de se former cause un préjudice au salarié, sans doute existait-il de meilleure voie que celle de transformer en un outil juridique rigidifié ce qui devrait rester une pratique de gestion non créatrice de droit. Que le droit ait réponse à tout ne signifie pas qu'il doive se mêler de tout.

28/09/2010

Une lettre qui a de l'esprit

La loi du 24 novembre 2009 a introduit dans le Code du travail un article ainsi rédigé : "A l'issue de la formation, le prestataire délivre au stagiaire une attestation mentionnant les objectifs, la nature et la durée de l'action et les résultats de l'évaluation des acquis de la formation" (C. trav., art. L. 6353-1). Certains avaient conclu de ce texte que l'évaluation des acquis était devenu obligatoire et qu'il fallait la systématiser. La conséquence que l'on pouvait quizzer toutes les formations en ramenant la formation à de la connaissance, ou pire encore que l'on pouvait proposer des cases à cocher au participant sur le niveau des acquis, dans un nouvel élan de bureaucratisation de la formation, ne comptait pas. C'était écrit, restait à s'exécuter. A propos d'exécution, ainsi fit Judith avec Holopherne. Son geste saisi dans sa littéralité pourrait être un meurtre, voire un assassinat si l'on tient compte de la servante complice et prête à recueillir la tête du chef barbare. Mais remis dans son contexte, le geste peut aussi être un acte héroïque de légitime défense qui sauva la ville de Béthulie et ses milliers d'habitants. Pour comprendre l'acte, il faut élargir le regard.

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Artemisia Gentileschi - Judith et Holopherne - 1618

J'avais défendu l'idée sur ce blog qu'il ne fallait pas confondre l'obligation de faire et l'obligation d'informer. Et que les textes sur l'évaluation n'ayant pas été modifiés, l'organisme de formation demeurait libre de choisir la modalité d'évaluation pertinente au regard de l'objectif. Autrement dit, pas de quizz systématique ou de questionnaire superflu. Quelques services de contrôle qui n'avaient pas retenu cette interprétation et certains OPCA qui ont diffusé des informations aux prestataires de formation leur indiquant qu'à défaut d'évaluation des acquis ils risquent de perdre leur numéro de déclaration d'activité doivent donc revoir leur position et leurs pratiques. En effet, le Ministère du Travail dans un courrier en réponse à une interrogation de la Fédération de la Formation Professionnelle, confirme que l'organisme a le choix de l'évaluation et que l'évaluation des acquis n'est pas obligatoire. Convenons tout de même que l'on gagnerait du temps si l'art de légiférer ne s'était point perdu, nous obligeant comme Judith à trancher dans le vif de l'interprétation.

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16/09/2010

Coopération

Le mur d'André Breton a été préservé lors de la vente, et donc de la dispersion, de sa collection. Il peut être visité à Beaubourg, derrière une vitre qui interdit de s'approcher des objets exposés mais qui permet ainsi de les saisir dans leur globalité. Etonnante vision de ces peintures, sculptures, objets usuels ou rituels, coifffes, masques, poupées, objets de culte, de chamanes, oeuvres artisanales ou oeuvres artistiques. Chaque pièce est singulière et possède sa richesse propre. Et pourtant leur assemblage produit une oeuvre collective, dans laquelle aucune pièce ne se fond, au contraire même l'oeuvre collective permet à chacune des oeuvres de produire sa lumière propre.

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Ce jeudi 16 septembre est le jour d'ouverture du Master de Responsable Formation organisé par DEMOS et l'Université d'Evry. Jour de découverte des participants, au-delà de leur rencontre lors des épreuves d'admission, mais surtout jour de découverte du groupe. Le plaisir de découvrir des individus est un des moteurs les plus puissants pour un formateur. Mais dans un cursus de longue durée, s'y ajoute l'excitation de l'aventure collective, inscrite dans la durée, la sensation que le temps passé ensemble influencera la vie de chacun, la conviction que nous sommes à l'orée de belles découvertes. La condition de tout ceci est inscrite dans le mur de Breton : ici, aucune oeuvre ne concurrence l'autre et la beauté de chacune renvoie son éclat sur les autres, prises individuellement et collectivement. Car il est un moteur plus puissant que celui de la concurrence, c'est celui de la coopération.

14/09/2010

Le mythe du sciapode

Le sciapode est un être mythologique grec qui possède une jambe unique dotée d'un pied géant. Ces attributs lui permettent de poursuivre les animaux à la course, le sciapode est donc très rapide, mais également de s'abriter du soleil, le sciapode appréciant la méditation paisible. Preuve que vitesse et lenteur peuvent cohabiter harmonieusement.

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Le sciapode porte donc témoignage que l'on peut marcher sur un seul pied sans pour autant manquer de dynamisme. Ainsi en va-t-il del a gestion paritaire de la formation professionnelle qui, depuis 40 ans, s'est construite quasi-exclusivement à l'extérieur de l'entreprise soit dans la négociation de branche, soit dans les OPCA. A contrario, la gestion paritaire interne n'a guère évolué pendant la même période, le dialogue social sur la formation demeurant enserré dans une consultation souvent formelle du comité d'entreprise.

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Sciapode et autres monstres - 1544

Mais pourquoi faudrait-il rajouter une jambe au sciapode ? en faire un homme serait aussi tuer le mythe. La réponse dans la chronique réalisée pour l'AEF avec Jean-Marie Luttringer afin d'ouvrir un peu plus grand le champ du dialogue social sur la formation dans l'entreprise.

CE et FORMATION ou le MYTHE du SCIAPODE.pdf

Et pour ceux qui aiment le sciapode, le dernier vivant à ma connaissance : http://lepoignardsubtil.hautetfort.com/

14/07/2010

Parcours sécurisés

Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, FPSPP pour les initiés, a été créé par les partenaires sociaux pour orienter vers les salariés, ou futurs salariés, qui en ont le plus besoin une partie des financements destinés à la formation professionnelle. C'est peu dire que sa mise en place se fait dans la douleur : bagarre permanente avec l'Etat sur la création, le fonctionnement, les priorités, la propriété des fonds...L'énergie des promoteurs du FPSPP ne va pas principalement à l'action comme dit l'autre. Ce combat permanent n'empêche pas le FPSPP de tenter d'endiguer la pression des OPCA qui souhaitent récupérer au plus vite les plus de 800 millions d'euros versés en juin voire celle des entreprises qui ont versé un impôt nouveau de 13 % de leur obligation légale et se demandent où est passé l'argent. Cela fait beaucoup pour un seul organisme. Pour autant, et cela devrait nous rassurer, l'humour n'est pas absent de son action. Sur son nouveau site, provisoire certes, que l'on peut consulter à l'adresse suivante http://www.fpspp.org, on a la surprise de découvrir une carté météo et un calculateur d'itinéraires routiers. Message subliminal pour indiquer aux salariés que le temps des vacances est venu ? abnégation dans la sécurisation au point de sécuriser les itinéraires routiers des vacanciers ? code mystérieux ou simple blanc à remplir ? faisons crédit au FPSPP de son Umour et de n'être pas qu'une pompe à phynances.

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Max Ernst - Ubu - 1923

28/05/2010

Adapter c'est développer

Le secrétaire général de l'association nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) a déclaré, à l'occasion d'une présentation des actions de l'association : "Nous sommes passés d'une logique de remise à niveau à une logique de formation professionnelle". Autrement dit, au lieu de lutter contre l'illettrisme en effectuant de la formation générale, on met en place des actions qui permettent la maîtrise de l'écrit à partir de situations professionnelles. Plutôt qu'un savoir général, un savoir articulé au métier. Ne plus partir du général pour aller vers le particulier mais faire l'inverse en s'appuyant sur la compétence pour développer les compétences. L'autonomie étant un lent apprentissage, il convient de favoriser l'autonomie sur un premier périmètre pour qu'il serve d'appui à la construction d'une autonomie sur un périmètre plus large.

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Toyen - Le Développement - 1945

Voilà pourquoi l'action d'adaptation a de multiples vertus : elle renforce le confort au travail, elle autonomise, elle habitue à la formation, elle permet d'articuler formation et travail et elle donne des fondements à des apprentissages futurs. Ainsi, des actions d'adaptation au poste, souvent vilipendées comme strictement utilitaires voire utilitaristes, ne prenant pas en compte l'individu, etc. permettent d'acquérir des savoirs de base. Il ne faut jamais oublier la leçon de Maurice Hauriou (Juriste toulousain) : un peu de sociologie éloigne du droit, beaucoup de sociologie y ramène. Le juriste part des faits, le sociologue du terrain. Et c'est sur ce matériau qu'il raisonne. Les principes, aussi généraux soient-ils, ne sont généreux que lorsqu'ils ne perdent pas de vue l'efficacité de la norme. Cela fait trop longtemps qu'au nom de principes on fait du droit formel. Ce que démontre l'action de l'ANLCI c'est qu'enrichir le travail permet d'enrichir les individus. L'inverse n'est pas forcément vrai.

27/05/2010

Quand le DIF balance

La balance est ambivalente. Etre une balance n'est guère flatteur. Pourtant la balançoire est légère et le mouvement de balancier plutôt doux. La balance opère la pesée, la juste mesure. Mais balancer c'est aussi ne pas savoir choisir, s'arrêter au milieu du gué au risque de n'aller nulle part sinon à sa perte. Si comme Barbara j'me balance on concluera que j'men balance. Que nous dit la femme portant balance de Johannes Vermeer ? son regard est doux et bienveillant. Devant elle des perles et de l'or. Mais dans la balance rien. Derrière elle le jugement dernier. Pesée des âmes ? ou peser de l'âme à venir qui gonfle le ventre de la dame ? comme tous les tableaux de Vermeer, le raffinement le dispute au mystère et l'on balance devant le sens à donner au tableau.

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Johannes Vermeer - Femme portant balance - 1662

Devant le DIF les partenaires sociaux balancent : faut-il en faire un droit de créance, opposable aux OPCA avant de l'être aux entreprises dans le cadre d'un futur compte épargne, ou bien faut-il l'ancrer dans la négociation et en faire un support de la modification des relations individuelles de travail ? le choix à ce jour n'est pas fait. Avant de plus longs développements sur ce sujet qui feront l'objet d'une chronique pour l'AEF, un avant goût avec l'interview réalisée par Valérie Grasset-Morel pour Débat Formation, la revue de l'AFPA.

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20/05/2010

Parcours de supermarché

La sécurisation des parcours professionnels est devenue la réponse aux problèmes d'éducation, d'emploi et de formation. De manière emblématique, elle a fourni le nom du nouveau "supra-OPCA" national qui est chargé de réorienter une partie des fonds de la formation vers les salariés prioritaires : le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels a d'ailleurs lancé ses premiers appels à projets cette semaine (voir le site : http://www.fpspp.org). Mais quid de la nature des parcours ? la culture de l'ingenierie à la française, soit le modèle mathématique appliqué aux jardins, sévira-t-elle encore pour nous fournir des modèles de parcours préétablis, préformatés, calibrés, normés dans lesquels on fera entrer des cohortes de salariés et de demandeurs d'emplois, pour leur plus grand bien c'est évident. Poser cette question c'est se demander qu'est-ce qu'un bon parcours ? le parcours linéaire qui passe par la bonné école, le bon diplôme, le bon emploi, le bon réseau ? l'enchaînement logique d'étapes cohérentes qui séduisent tant les recruteurs ? le passage par des modules de formation standardisés qui vont fournir tout à la fois motivation, culture d'entreprises, recettes de bon aloi et outils de la performance à l'encadrement ?

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André Masson - Il n'y a pas de monde achevé - 1942

Tout cela manque un peu de vie, mais c'est toujours le cas lorsque l'on ne tolère l'herbe qu'aux endroits où l'on a prévu de l'herbe, et surtout risque d'être fort artificiel. C'était il y a plus d'un siècle, mais la modernité de l'éternel retour de Nietzsche ne se dément pas : il est temps de réhabiliter les chemins de traverse, les raccourcis à travers champs, les sentiers improbables, la pédagogie de l'errance et de la quête du bon chemin, l'importance du détour, la possibilité du demi-tour, la nécessité parfois de couper court, le plaisir de la route, le discernement des pistes effacées et au final la liberté et le développement de la faculté de choisir qui n'est guère compatible avec les autoroutes engorgées. Considérons que pour l'humain la notion de programmation est inappropriée, laissons le concept de linéaire à la grande distribution qui sait en faire bon usage et valorisons les véritables parcours : "Arrivée de toujours, qui t'en iras partout" (Rimbaud). Ah oui, la phrase de Rimbaud nous le rappelle : pour aller partout, il faut arriver de toujours, et donc avoir du temps.

22/04/2010

Baiser mortel ?

Le projet de décret relatif aux OPCA qui sera examiné le 23 avril par le CPNFPTLV traduit la persistante suspicion de l'Etat envers les OPCA. On ne veut pas parler des obligations de transparence qui figurent dans le décret : que les OPCA publient leurs règles de prise en charge, la liste des 20 organismes de formation qui reçoivent le plus de financements ou encore qu'ils publient leurs comptes, rien que de très normal et les partenaires sociaux auraient du avoir la bonne idée de faire tout cela avant que l'Etat ne le leur impose.

Plus discutable par contre est la COM : convention d'objectifs et de moyens conclue entre l'Etat et chaque OPCA pour trois ans. Dans tout contrat qui se respecte, les parties souscrivent des engagements réciproques. Or, ici il n'y a d'engagement que pour l'OPCA ! l'Etat lui se réserve de procéder à des mises en demeure dans la digne tradition de l'unilatéralisme administratif qui prescrit et ordonne. La République a décidément du mal à se départir de monarchiques attitudes et habitudes. Pour l'OPCA qui n'atteindrait pas les objectifs, le contrat devient ainsi l'instrument de sa perte. La signature de la COM pourrait donc ressembler au baiser mortel désignant le futur disparu.

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Picasso - Le baiser - Juan les Pins - 1925

La vision réductrice de l'administration transparait également dans l'approche des frais de gestion : sont considérés comme tels à la fois les frais de collecte, les frais de gestion des dossiers de financement et les services apportés aux entreprises sous forme de conseil ou de diagnostics de compétences. C'est faire masse de coûts qui n'ont pas grand chose à voir entre eux. Si les frais de collecte et de gestion doivent être plafonnés et considérés comme des frais de fonctionnement, les coûts d'information, de conseil et d'accompagnement sont des prestations en nature qui bénéficient aux entreprises au même titre que les financements de formation, qui sont eux des prestations en espèces. Il y a ainsi une supercherie précautionneusement entretenue à traiter de la même manière ce qui relève du fonctionnement et ce qui relève des prestations en nature.
Mais après tout, rien de bien surprenant de la part de l'Etat qui agit conformément à sa nature. Quant aux partenaires sociaux qui trouvent que la férule est sévère, ils ne tenaient qu'à eux de se libérer du joug étatique en négociant le passage à une obligation conventionnelle et non plus fiscale de financer la formation. Qui refuse l'autonomie est mal venu à se plaindre d'être soumis.

02/04/2010

Cause à l'autre

Tous les régimes ont cédé à la tentation : Roi, Empereur, Grand Timonier, Hyperprésident, ...la figure de l'homme qui incarne l'Etat, la nation et qui guide le peuple conserve du crédit. Il est vrai que s'en remettre à l'homme, et parfois à la femme, providentiel(le) est une facilité qui a ses charmes. Le démocrate n'y trouve pas son compte, et l'éducateur non plus qui souhaite plus d'autonomie chez chacun, plus de liberté et donc plus de responsabilité et moins de contraintes. Au couple stérile droits et devoirs on peut préférer la liberté solidaire plus responsabilisante. Liberté d'être dissemblable, responsabilité envers ses semblables, c'est-à-dire envers  tous. Mais ce chemin là est plus exigeant, moins évident, parfois frustrant et tous les jours reconstruit. Tel est le chemin de la Démocratie sociale, celui dans lequel, comme chez James Hadley Chase on "Cause à l'autre".

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James Hadley Chase - Tell it to the Birds (Cause à l'autre)

Le meilleur service que l'on puisse rendre à la démocratie sociale est de la soutenir sans répit en étant exigeant avec elle. A elle de mériter ce soutien en ayant la même exigence vis-à-vis d'elle même. Le formateur sait qu'il faut d'abord faire confiance et conforter avant d'être exigeant mais que la confiance sans exigence n'est pas une voie de progrès. La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer  pour l'AEF sur la gestion paritaire de la formation repose sur ce socle de confiance et d'exigence que l'Etat semble avoir perdu de vue. Affaiblir les corps intermédiaires n'est pas une erreur, c'est une faute.

 

26/03/2010

Jardins à la française

Le représentant de l'Etat a l'image qui porte : "Notre intention ce n'est pas le jardin à la française dans sa version caricaturale où tout est au carré et identique. Regardez bien les jardins de Versailles, de grandes allées pour voir et comprendre, et des bosquets qui sont tous différents. Il peut y avoir organisation d'ensemble et diversité dans le détail". Ainsi présenté, l'affaire est séduisante : des principes structurants, les allées, et des différences qui s'épanouissent dans les bosquets. Les jardins à la française ne m'ont jamais séduit mais peut être étais-je bloqué sur leur caricature. Allons y voir donc.

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Jardins de Versailles

Hum ! les dessins sont différents mais la taille est sévère, homogène et l'on sent le plan d'ensemble décliné jusque dans les moindres détails. La diversité est présente certes, mais là où on a souhaité qu'elle se trouve et dans le cadre d'une harmonie générale préétablie. Nous restons dans le schéma conception-exécution et la rupture avec l'Etat Jacobin (tout le jardin est organisé par rapport à son centre), rationaliste (chaque forme se déduit de la précédente) et unilatéral (tout est décidé et il n'est pas une arbre qui ne pousse à l'imprévu) ne paraît pas évidente. Passons notre chemin pour d'autres jardins plus attractifs. Et en premier lieu, bien évidemment, le jardin des délices.
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Hyeronymus Bosch - Le jardin des Délices

Olà ! quel foutoir ! le bazar absolu et pas que des choses très catholiques. Etes-vous certains que l'on peut laisser autant de liberté ? plutôt que de répondre à la place des joyeux occupants du jardin, posez leur la question. Et ce Hyeronymus, drôle de nom ça ? et oui, encore un européen. Vous voulez un jardin français ? alors oubliez Versailles et promenez vous chez Fragonard, vous comprendrez pourquoi il vaut mieux prendre le risque du chemin encombré, de l'arbre qui a poussé où bon lui semble, des feuilles qui masquent la vue et ménagent la surprise ou encore du foisonnement mystérieux de la végétation.
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Jean-Honoré Fragonard - La surprise

Entre l'appollonien et le dyonisien, l'ordre a priori et la liberté, la composition ordonnée et l'imprévisible improvisation, le prescrit et le spontané, la sécurité et le risque, la vie me paraît être dans les seconds plutôt que les premiers. Sans doute n'est-on pas obligé d'être aussi tranché, binaire et dans l'opposition de ces notions. Bien sur. Mais il est toujours un moment où il faut choisir. Vous ne me rencontrerez pas dans les jardins de Versailles. Et vous, si vous étiez un jardin ?

19/03/2010

Dialogue désiré

Demos organisait jeudi 18 mars 2010 les quatrièmes Trophées du DIF visant à récompenser les entreprises qui ont su s'approprier le dispositif et conduire des actions volontaristes et innovantes. Cette journée intervenait cette année dans le contexte de la réforme de la formation professionnelle, de la mise en place du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels et de la création de la portabilité.

En 2009, l'accent avait été mis sur le DIF outil de promotion du Désir Individuel de Formation, pour développer l'appétence des salariés et l'intérêt des entreprises pour la formation. Cette année, il est apparu que c'est davantage autour d'un Dialogue Ininterrompu sur la Formation que doit se poursuivre la mise en oeuvre de ce dispositif. S'il est un effet recherché du DIF, c'est moins la satisfaction d'un désir individuel que l'ouverture d'une discussion entre employeur et salarié pour identifier des projets partagés. D'où la nécessité de construire des espaces de dialogue tant au plan individuel que collectif.

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Carlos Franco - La conversation - 1976

Cette invitation au dialogue doit permettre d'envisager le DIF non pas de manière réductrice mais dans ses quatre dimensions : juridique, pédagogique, économique et manageriale. Pour plus de détails, ci-dessous la synthèse des travaux conduits lors de cette journée.