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28/09/2010

Une lettre qui a de l'esprit

La loi du 24 novembre 2009 a introduit dans le Code du travail un article ainsi rédigé : "A l'issue de la formation, le prestataire délivre au stagiaire une attestation mentionnant les objectifs, la nature et la durée de l'action et les résultats de l'évaluation des acquis de la formation" (C. trav., art. L. 6353-1). Certains avaient conclu de ce texte que l'évaluation des acquis était devenu obligatoire et qu'il fallait la systématiser. La conséquence que l'on pouvait quizzer toutes les formations en ramenant la formation à de la connaissance, ou pire encore que l'on pouvait proposer des cases à cocher au participant sur le niveau des acquis, dans un nouvel élan de bureaucratisation de la formation, ne comptait pas. C'était écrit, restait à s'exécuter. A propos d'exécution, ainsi fit Judith avec Holopherne. Son geste saisi dans sa littéralité pourrait être un meurtre, voire un assassinat si l'on tient compte de la servante complice et prête à recueillir la tête du chef barbare. Mais remis dans son contexte, le geste peut aussi être un acte héroïque de légitime défense qui sauva la ville de Béthulie et ses milliers d'habitants. Pour comprendre l'acte, il faut élargir le regard.

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Artemisia Gentileschi - Judith et Holopherne - 1618

J'avais défendu l'idée sur ce blog qu'il ne fallait pas confondre l'obligation de faire et l'obligation d'informer. Et que les textes sur l'évaluation n'ayant pas été modifiés, l'organisme de formation demeurait libre de choisir la modalité d'évaluation pertinente au regard de l'objectif. Autrement dit, pas de quizz systématique ou de questionnaire superflu. Quelques services de contrôle qui n'avaient pas retenu cette interprétation et certains OPCA qui ont diffusé des informations aux prestataires de formation leur indiquant qu'à défaut d'évaluation des acquis ils risquent de perdre leur numéro de déclaration d'activité doivent donc revoir leur position et leurs pratiques. En effet, le Ministère du Travail dans un courrier en réponse à une interrogation de la Fédération de la Formation Professionnelle, confirme que l'organisme a le choix de l'évaluation et que l'évaluation des acquis n'est pas obligatoire. Convenons tout de même que l'on gagnerait du temps si l'art de légiférer ne s'était point perdu, nous obligeant comme Judith à trancher dans le vif de l'interprétation.

LettreDGEFPEvaluation.pdf

16/03/2010

Exercice pédagogique

Petit exercice pédagogique à partir d'un article du Code du travail. Il s'agit de l'article L. 6323-12 relatif à la mise en oeuvre du DIF. Cet article précise : "Les actions de formation exercées dans le cadre du DIF se déroulent en dehors du temps de travail. Toutefois, une convention ou un accord collectif de branche ou d'entreprise peut prévoir que le droit individuel à la formation s'exerce en partie pendant le temps de travail". Cet article pose un principe : le DIF se fait hors temps de travail, et une exception, partielle et conditionnée par un accord collectif. En l'absence d'accord collectif, une lecture littérale conduit à conclure qu'il n'est pas possible de faire du DIF sur le temps de travail et qu'en tout état de cause, le DIF intégralement réalisé sur le temps de travail est impossible car non prévu. C'est ici que le droit, matière curieuse, échappe à la littéralité et se construit autour de principes et non de textes lus. Comme les objets de Magritte, qui prennent un autre sens en changeant d'univers, les textes du Code du travail demandent à être lus avec une mise en perspective.

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Magritte

Plusieurs accords collectifs ont, lors de la mise en oeuvre du DIF, prévu une réalisation de la formation intégralement sur le temps de travail. Ces accords de branche ont été présentés pour extension au Ministère du travail, qui les a étendus au motif qu'il était plus favorable pour le salarié de suivre le DIF sur le temps de travail. Mais alors, si la solution est plus favorable, l'accord nécessaire pour prévoir du DIF sur le temps de travail n'est pas un accord dérogatoire. Il n'est donc pas indispensable. Et l'on peut convenir librement avec un salarié que le DIF peut s'exercer intégralement pendant le temps de travail. Soit faire en toute légalité ce que l'article L. 6323-12 n'envisage pas. Mais bien sur, au nom du principe de faveur. On ne le répètera jamais assez : faire du droit ce n'est ni lire ni citer des textes, c'est produire un raisonnement juridique à partir de textes et de principes. Comment savoir si l'on a raison ? en droit, celui qui prend la décision a toujours raison...sous le contrôle du juge.

Et pour terminer le lapsus du jour : la responsable ressources humaines me parle d'un dossier qu'elle doit présenter "aux affaires sont sales...". Je suppose qu'aux affaires sociales, il ne se passe pas que du très joli, joli.

06/11/2008

De l'art de rédiger les accords

L’article 11 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008, qui créé une indemnité de rupture interprofessionnelle unique pose un problème d’interprétation. Cette indemnité doit-elle s’appliquer également aux départs volontaires à la retraite ou bien ne concerne-t-elle que le licenciement ? Après l’extension de l’accord du 11 janvier 2008, ce qui le rend directement applicable, faut-il appliquer le mode de calcul de l’ANI ou celui prévu pour les indemnités de départ volontaire à la retraite ?

D’après les signataires, même si la rédaction n’est pas précise, ce ne sont que les indemnités de licenciement qui sont visées. Cette volonté fait peu de doute. Mais elle n’est pas écrite.

Wassily-Kandinsky-Accord-reciproque-1942.jpg
Vassily Kandinsky - Accord réciproque - 1942

Et c’est là qu’intervient la logique juridique : faut-il interpréter les textes en fonction de ce que les parties disent avoir voulu faire, ou bien faut-il s’en tenir à ce qui est écrit ? au nom de la sécurité juridique les juges privilégient l’écrit et renvoient la balle aux signataires des accords. Si vous voulez dire autre chose que ce qui est écrit, faites un avenant. Dans l’attente, ce qui est signé s’applique. Cette règle là est générale et ne vaut pas que pour les accords collectifs de travail, mais également pour les contrats de travail…ou tout autre contrat.