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17/05/2013

De la main

De tradition et par nature, l'Etat en France, a rarement la main amie, au sens où l'amitié établit de fait une égalité entre ceux qui se l'accordent  mutuellement. L'Etat, autrement dit ceux qui agissent en son nom, a toujours conservé, nonobstant la République, une main royale qui peut à l'occasion être une main bienveillante, mais qui n'est jamais une main amie car elle se refuse à connaître l'égalité. L'Etat, comme le Roi, se pense et se veut d'une nature unique et primordiale.

Il ne fait pas de doute que la Conférence sociale qui se tiendra les 20 et 21 juin est une main tendue aux partenaires sociaux. Certains esprits critiques croient y reconnaître la main du noyé sous le poids du chômage qui guette la corde que voudront bien lui tendre les acteurs sociaux. Fausse impression, comme toujours l'Etat organise un dialogue au cours duquel sa main indiquera bien plus le chemin à suivre qu'elle ne s'ouvrira amicalement pour une invitation  où tout peut se dire et tout est envisageable, faute de quoi il n'est point d'amitié.

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Main de Blaise Cendrars

Dans le domaine de la formation professionnelle, en effet, les dés sont apparemment jetés. Comme l'a encore répété  Hollande lors de sa conférence de presse, après que Sapin ait annoncé la couleur, il s'agira de réorienter les fonds de la formation vers ceux qui sont considérés comme prioritaires : les salariés les moins qualifiés et les demandeurs d'emploi. Pour ce faire, il suffit de rappeler aux partenaires sociaux que l'obligation légale de financement de la formation est une taxe fiscale et qu'il revient donc à l'Etat de décider de son affectation de principe, les modalités de mise en oeuvre pouvant être déléguées. Car l'Etat aime bien la délégation qui voit le délégataire faire ce qu'on lui dit, voire dicte. Dans ces conditions, l'enjeu de la Conférence sociale se réduira à choisir entre  embrasser la main à laquelle on va obéir ou bien refuser de le faire et se préparer à la gifle qui en résultera.

Blaise Cendrars, dont les oeuvres autobiographiques viennent de paraître en Pléiade accompagnées d'un très bel Album, écrivait beaucoup. Il inscrivait parfois en bas de ses lettres "avec ma main amie", la seule qui lui restait et qu'il offrait sans partage, car il avait lui, le sens de l'égalité.

05/05/2013

Allez les petits !

Le Ministère de l'Education nationale vient de faire paraître les résultats des Universités en matière d'accès à la licence des étudiants engagés dans un premier cycle. Et surprise, en tout cas pour certains, ce sont les petites universités de province (Chambéry, Angers, Clermont, Pau, Orléans, LA Rochelle...), dont plusieurs étaient récemment menacées de fermeture faute de crédits suffisants, qui obtiennent les meilleurs résultats. Et d'une manière générale, les universités qui comptent moins de 20 000 étudiants sont plus performantes que les mastodontes des grandes agglomérations. On souhaite que les acharnés du regroupement, de la concentration, de la massification, les rois de l'économie d'échelle et des gains de productivité, les thuriféraires de la rationnalisation, se penchent sur ces résultats et s'autorisent à remettre leurs dogmes en question.

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Ils s'apercevront ainsi que lorsque l'on est plus petit, on est plus léger, plus souple, plus réactif, plus créatif (puisque moins puissant a priori) et que l'on consacre au final beaucoup moins de temps à l'organisation que dans les grandes unités qui perdent leur temps à essayer de fonctionner. Voilà qui devrait, ou aurait du, faire réfléchir ceux qui pensent que l'on gagnera en productivité en fusionnant les services extérieurs de l'Etat, les Chambres de Commerce, les OPCA, les Universités et toutes les structures publiques ou para-publiques. Sur le papier, ces champions de l'efficacité considèrent que cela réduira le nombre de postes consacrés à l'administration du dispositif. Sur le terrain, cela a pour conséquence d'obliger ceux qui devraient faire autre chose à administrer les monstres ainsi créés à coup de reporting, de réunions de coordination, de process censés remplacer l'intelligence et qui ne font que favoriser le désinvestissement. Bref, pour retrouver l'agilité, la créativité, l'efficacité et le sourire, car tout cela va ensemble, rendez nous les petits !

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18/04/2013

PUB !

Bon pour la session du mardi 23 avril, c'est complet, vous êtes 365 inscrits, signe que l'année sera peut être bissexuelle mais qu'elle n'est pas bissextile. Pour les sessions du mercredi 24 avril et du mercredi 15 mai, il reste encore quelques accès possibles. Evidemment, c'est gratuit, mais ce n'est pas une raison suffisante pour s'inscrire lorsque l'on a pas de temps à perdre. Evidemment vous pouvez suivre le séminaire depuis le lieu de votre choix, c'est le principe même du séminaire. Evidemment, le nombre d'inscrits obligera votre serviteur à faire un choix dans les questions posées par écrit pour y répondre oralement. Sinon, cela dure une heure et commence à 16 heures. Mais de quoi s'agit-il ?

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Du Webinar organisé par DEMOS que j'animerai donc les 23 et 24 avril et 15 mai prochains, pour décrypter les dispositions formations de l'ANI du 11 janvier 2013 et de la loi de sécurisation de l'emploi qui sera définitivement adoptées d'ici quelques semaines. Parmi les thèmes traités : la création du compte formation et sa substitution au DIF, la mise en place du conseil en évolution professionnelle et les nouvelles obligations de négociation sur la formation et de consultation du comité d'entreprise. Soit le point sur l'état du droit avant que ne s'engage une nouvelle réforme de la formation qui sera lancée lors de la Conférence sociale du mois de juillet. Si vous souhaitez vous inscrire, c'est ici : webinar. Merci qui ?

05/04/2013

Conférence en Amérique

Liaisons Sociales avait choisi la Maison de l'Amérique Latine pour organiser une Conférence sur la loi de sécurisation de l'emploi. En m'y rendant jeudi matin, je pensai à mon copain Alain parti en goguette en Argentine et qui s'est retrouvé sous des trombes d'eau la nuit dernière.

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Buenos Aires

En arrivant à la maison de l'Amérique Latine, je jette un coup d'oeil à la vitrine qui présente des livres Sud-Américains. Le premier titre qui me saute aux yeux est "Je ne suis pas venu pour faire un discours" de Garcia Marquez. Je m'en souviendrai au moment de présenter le volet Formation de la loi. Mais en attendant, j'écoute les avocats parler de la loi : le travail technique est brillant, chaque mot, chaque virgule, chaque formule est disséquée, pesée, analysée et passé au crible de la marotte des avocats : le risque juridique, le contentieux et les aléas liés à la future position du juge, grand manitou de la chose judiciaire. Les têtes des participants se courbent au fur et à mesure des interventions, se demandant tout à la fois si cette loi apporte bien de la simplification (certainement pas), une nouvelle sécurité juridique (sans doute en partie, mais le propre de toute règle étant d'être interprétable, si l'on veut supprimer le risque il faut supprimer les juges, ce que la loi de sécurisation s'emploie d'ailleurs à faire), de nouveaux outils dans la boîte à outils (oui bien sur, François sera content -pas le pape, l'autre) et une régression ou un progrès  pour les entreprises et salariés (les deux mon capitaine). Mais il ne faut pas s'étonner que des avocats nous livrent une telle vision de la loi, pas plus qu'il ne faudrait s'étonner d'avoir une image peu flatteuse de notre société si l'on s'en tenait à la description que pourrait nous en faire un policier, par exemple.

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Jesse A. Fernandez - Wilfredo Lam

Juste le temps d'une pause, pour regretter que soit terminée l'exposition de Jesse A. Fernandez (mais vous pouvez découvrir - en espagnol- l'hilarant texte de Copi, l'Uruguayen), et c'est à moi. Pas de discours donc, droit au but :

- vous avez aimé expliquer que le DIF était un droit dont l'usage devait être négocié, vous adorerez expliquer que le compte personnel de formation est un compte non monétaire (en langage populaire et non techno : il n'y a pas de sous dedans) ;

- vous pensez que le DIF ne marche pas, demandez-vous ce que cela révèle sur la capacité de dialogue et de partage du pouvoir dans les entreprises, surtout à l'occasion d'une loi qui veut faire primer le dialogue social sur l'arbitrage judiciaire ;

- vous craignez le provisionnement et des charges nouvelles pour l'entreprise, dormez tranquille ;

- vous vous demandez comment ça marche techniquement, il vous faudra attendre l'an prochain (la Conférence Sociale en juillet, un ANI à l'automne, une loi en début d'année, un vote au printemps) pour les détails ;

- vous voulez savoir si certains négociateurs, signataires, n'ont pas compris qu'ils supprimaient le DIF en signant l'ANI ? la réponse est oui ;

- vous vous demandez à quoi va servir le conseil en évolution professionnelle ? à faire ce que le bilan de compétences n'a jamais fait : croiser un diagnostic individuel de compétences avec la situation du bassin d'emploi sur lequel on se trouve ;

- vous vous demandez pourquoi le conseil en évolution professionnelle a été confié au service public d'orientation ? vous avez raison, c'est une erreur, il reviendra normalement aux FONGECIF ;

- vous vous demandez ce que c'est que la Gestion Prévisionnelle Négociée des Emplois et des Compétences ? c'est une négociation qui ne porte ni sur la Gestion (liberté de l'entreprise), ni sur la prévision (ah le charme d'une négociation sur la prévision...), ni sur l'emploi (ce n'est pas le PSE triennal), ni sur les compétences (on ne négocie pas les compétences). Alors sur quoi : sur les dispositifs et méthodes de développement des compétences. C'est à dire comme avant ;

- vous vous demandez pourquoi la négociation inclut dorénavant les "grandes orientations de la formation" ? pas pour exclure les petites orientations mais pour rester à un grand niveau de généralité et que la négociation ne donne surtout pas l'idée de négocier le plan de formation.

Pari tenu Gabriel, je n'ai pas fait de discours.

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La journée est clotûrée par Jean-Denis Combrexelles, Délégué Général au Travail qui s'emporte presque : oui bien sur, on peut chicaner sur telle ou telle rédaction, mais l'essentiel de la loi c'est quand même d'inviter à la négociation et de prévoir une régulation plus grande par l'accord (entre partenaires sociaux ou avec l'administration) en lieu et place de décisions unilatérales et de leur contestation judiciaire. Un pari sur l'intelligence et la bonne foi en quelque sorte. Belle sortie, tempérée par la dernière question : "Est-ce que cette loi crééra des emplois ?", geste de lassitude du Délégué et rires, jaunes peut être, mais rires tout de même, dans l'assistance.

En partant, je repasse devant la vitrine, et cette fois-ci, le titre qui me saute aux yeux c'est celui qui figure ci-dessous. Amen.

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26/03/2013

Regarder la mer

Le nombre de bénéficiaires d’un CIF a continué, en 2011, de décroître. Après une chute de 10 % en 2010, le nombre de bénéficiaires a encore diminué de plus de 5 %. Les FONGECIF, et autres organismes chargés de financer le congé individuel de formation, ont financé 33 000 CIF-CDI et 7 000 CIF-CDD. Soit 40 000 bénéficiaires. Le taux de satisfaction des demandes s’établit à 54 %, soit à peine plus d’un CIF financé sur 2.

A travers ces quelques  chiffres, on  perçoit toutes les limites d’un système qui voit son impact se réduire et qui se transforme peu à peu en machine à générer de la frustration. Alors on fait quoi ? On considère que c’est le bout du chemin, que c’est là que le ponton nous menait et qu’il nous reste à regarder la mer en constatant que le flux et le reflux sont de l’ordre de l’inexorable et de la nature des choses ?

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En ces périodes de vide ministériel, il n’est pas exclu que soit relancé le concours Lépine des bonnes idées pour faire mieux. Si l’on exclut la proposition de doubler ou tripler les cotisations affectées au CIF, il faut alors réfléchir tout à la fois à la mission des FONGECIF et à l’utilisation de leurs ressources. Sur les missions, il serait pertinent que la loi de sécurisation, transposant en cela l’ANI du 11 janvier 2013, inscrive dans les missions des FONGECIF la fonction de conseil en évolution professionnelle. Car si le nombre de CIF financés baisse, le nombre de personnes accueillies, orientées ou accompagnées vers un bilan de compétences augmente (170 000 en 2011). Et corrélativement, il serait nécessaire de prévoir qu’une partie des ressources est consacrée à cette mission d’intérêt général, ce qui permettrait d’enfin constater que les frais de fonctionnement des OPCA c’est aussi du service rendu. Et pour le reste, on pourrait appliquer au CIF les recettes du DIF pour faire plus avec un budget constant : mettre en place des actions collectives accessibles en CIF, car le droit individuel ne s’oppose pas à sa mise en œuvre collective, ou réduire les durées de formation permettraient d’augmenter significativement les volumes. Reste un dernier point plus polémique : le fait que si le subventionnement se justifie pour les plus bas salaires ou l’accès à un premier niveau de qualification, il ne va pas de soi lorsque la démarche professionnelle vise une évolution qui entraînera une revalorisation de situation. Dans ce cas, la prise en charge pourrait être partielle et s’accompagner d’un prêt pour le complément, de la même manière que l’on fait des prêts étudiants, serait-il à taux zéro. Le CIF est sans doute à un point où il faut accepter de remettre en question certaines représentations, pratiques ou habitudes. Après tout, la mer se renouvelle en permanence mais elle est toujours la mer.

25/03/2013

Flaubert et la formation

 Si l'on s'en tient à sa définition, une idée reçue est une opinion située entre le stéréotype, le cliché et le lieu commun. L'idée reçue a comme caractéristique : d'être très répandue, d'être tenue pour évidence qui n'a plus besoin d'être démontrée, de permettre d'éviter de se poser des questions gênantes et au final de ne plus nécessiter de réfléchir. D'où son succès.

Lorsque Flaubert écrivit son Dictionnaire des idées reçues, il n'y fit pas figurer la formation, ni l'enseignement ou l'éducation. Peut être l'époque n'y associait-elle pas d'idées reçues.

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René Thomsen - La maison de Flaubert - 1897

Elle s'est bien rattrapée depuis car les diagnostics portés à la va vite sur notre système de formation professionnelle ne manquent pas, encore la semaine dernière par l'Institut Montaigne, récidiviste en matière de colportage d'idées reçues. En voici dix rassemblées dans une chronique écrite pour l'AEF, avec Jean-Marie Luttringer, qui prend la peine d'expliquer pourquoi il serait bon que toute réforme éventuelle de la formation commence par écarter les idées trop facilement reçues.

Flaubert en formation ou le dictionnaire des idées reçues sur la formation.pdf

Et pour ceux qui seraient curieux de la beauté de la Fornarina, un bonus :

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Raphael - Portrait d'une jeune femme (La Fornarina)

21/03/2013

Un train de sénateur

Audition mercredi par le rapporteur de la loi de sécurisation de l'emploi au Sénat, sur son volet formation. Je plaide pour une retranscription complète de l'ANI, actant le principe de codécision, définissant les premières priorités du compte et  officialisant sa substitution au DIF. Le rapporteur, qui connaît bien la formation professionnelle,  écoute, entend, paraît manifester quelque intérêt, mais au final, on sent bien l'hésitation et la tentation bien plus grande de considérer que la traduction minimale et sans portée opérationnelle sera la bienvenue. Certes, il paraît possible de donner une première traduction, mais des travaux sont lancés par ailleurs, le sujet est complexe, il n'y a pas de pression de la part des partenaires sociaux sur le volet formation de l'accord, d'autres dimensions du texte vont mobiliser beaucoup d'énergie, le Ministre de la Formation n'est plus là et personne ne porte véritablement ce projet de Compte personnel sur lequel il y a autant d'idées que d'interlocuteurs, bref, il n'y a que des coups à prendre et il est sans doute, en toute sagesse sénatoriale, urgent d'attendre.

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Pourtant, il y avait un beau wagon qui aurait pu être inclus dans le train des dispositions que la loi de sécurisation va tenter de mettre en oeuvre sans délai. Mais il y a de fortes chances pour qu'il reste sur cale. Le renvoi à la loi future sur la réforme de la formation nous porte en effet assez loin. La Conférence sociale de Juillet, puis une négociation interprofessionnelle, puis un projet de loi, puis un processus parlementaire, il y a fort à parier qu'aucun texte positif ne sera adopté avant au moins un an. Et si ensuite on rajoute les délais d'opérationnalisation, cela nous renvoie au mieux au 1er janvier 2016. Peut-être après tout est-ce un rythme politique : tous les maires savent que les travaux doivent être terminés quelques mois avant les élections suivantes pour être actés au bilan. Mais j'avais cru comprendre qu'il y avait urgence et que la formation était une priorité. Avec le non-remplacement de Repentin et l'attentisme qui semble s'instaurer, j'avais manifestement mal compris.

14/03/2013

Souverain poncif

Habemus papam ! François 1er donc, directement venu de Buenos-Aires ! laissons s'installer le pontife et nous verrons bien s'il fait souffler un vent du Sud sur le Vatican. Et souhaitons lui de ne pas tomber, comme l'autre François, dans les premiers poncifs venus, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler au Quotidien de la formation du Centre INFFO qui me demandait mon avis sur le discours de Blois.

Dans son discours de Blois, François Hollande dénonce l’opacité et le manque d’efficacité du système de formation. Êtes-vous d’accord avec cette analyse ?

Une des particularités historiques du système de formation professionnelle est d’être pluriacteur. Telle a été la volonté politique et la réalité juridique : la formation ne relève pas d’un décideur unique. Il peut en résulter une certaine complexité, des ajustements difficiles dans la gouvernance, voire certaines déperditions. De là à dire que le système est globalement inefficace, c’est une autre affaire.

Ce constat d’inefficacité ne repose d’ailleurs sur aucun diagnostic précis : c’est quand même un système qui a permis aux entreprises d’intégrer les nouvelles technologies, de développer de nouvelles organisations, à des salariés d’évoluer, de changer d’emploi, etc. Le diagnostic qualitatif n’est pas vraiment effectué. Et même si l’on s’en tient au quantitatif, peut-on considérer comme négligeable le million de salariés qui a suivi un CIF (congé individuel de formation) depuis 1982, les millions de jeunes formés en alternance, les millions de personnes formées dans le cadre du plan de formation chaque année ? En réalité, le constat d’inefficacité relève davantage du poncif et du préjugé que d’un véritable diagnostic qui reste à produire.

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Velazquez et Bacon - Le Pape

Le président de la République demande aux Régions et aux partenaires sociaux une participation accrue en faveur de la formation des demandeurs d’emploi. Cela constitue-t-il un risque pour la formation des salariés ?

Dès lors que l’on raisonne à ressources constantes, faire plus pour une catégorie c’est forcément faire moins pour d’autres. Par ailleurs, l’approche statutaire est un peu courte : entre le salariat et le chômage, il s’agit plutôt de comprendre les flux et de voir où et quand la formation peut être pertinente que de s’en tenir à une approche purement quantitative. Enfin, depuis la création du FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) des fonds destinés à la formation des salariés ont été massivement orientés vers la formation des demandeurs d’emploi.

Un peu plus de trois ans après la promulgation de la loi du 24 novembre 2009, est-il opportun de mener une nouvelle réforme de la formation ?

Il est toujours opportun de faire évoluer un système dont personne ne prétend qu’il est parfait. Encore faut-il le faire à un rythme et sur des bases qui ne rajoutent pas à ses difficultés de fonctionnement. De ce point de vue, la réforme des Opca, telle qu’elle a été menée, sur des bases exclusivement et excessivement quantitatives, financières et avec un mode de gestion très autoritaire de la part de l’Etat, n’est certainement pas à renouveler. Mais ce n’est pas, heureusement, la seule manière de réformer.

La mise en place d’un système d’évaluation et de certification de l’offre de formation a été évoquée. Comment celui-ci pourrait-il prendre forme ?

Si l’on veut vraiment aller vers de la certification, autant s’appuyer sur ce qui fonctionne. Soit des systèmes de certification génériques qui peuvent constituer des outils de sélection des organismes de formation (normes ISO, Afnor…), soit des systèmes spécifiques, tels que celui développé par la FFP (Fédération de la formation professionnelle), qui permette de qualifier les organismes sur certains domaines dans lesquels on a vérifié que les moyens dont dispose l’organisme sont en adéquation avec les résultats qu’il prétend atteindre.

Sécurisation des parcours, décentralisation, emplois d’avenir, future réforme de la formation… De nombreux textes de loi touchent, en 2013, à la formation professionnelle. Peut-on parler d’une remise à plat totale du système ? Craignez-vous des problèmes de coordination entre ces multiples textes ?

Non, il ne s’agit pas d’une remise à plat ni d’un grand soir de la formation. Quant au risque de perte de cohérence, il résulte moins du nombre de textes (on a vu des incohérences dans un texte unique…) que de l’absence de projet global et de ligne claire quant aux objectifs assignés à la formation professionnelle et à ses différents acteurs. On peut toutefois déceler deux lignes de force structurantes : d’une part, un pôle régional piloté par les Conseils régionaux autour des services publics régionaux de formation et, d’autre part, l’action des partenaires sociaux à partir des entreprises et des Opca. Reste à trouver une articulation claire entre ces deux pôles.

La négociation d’un Ani, comme cela est envisagé, est-elle nécessaire ?

Si l’on avait tiré toutes les conséquences de ce que les partenaires sociaux ont acté sur le compte personnel de formation dans l’Ani du 11 janvier 2013, sans doute pas. Mais le choix d’une reprise à minima de ces dispositions par le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi et le souci d’alimenter une nouvelle conférence sociale risque de le rendre indispensable.

12/03/2013

Réclame pour les tables rondes

La table ronde est symoble d'égalité, car il n'y a pas de préséance autour du rond, qui renvoie également à la fraternité. Les tables rondes, de ce fait, sont celles où la discussion est possible en toute liberté et sans parole statutaire. Du moins on peut le souhaiter. Si vous voulez en avoir le coeur net, deux occasions s'offrent à vous. Le jeudi 28 mars, à l'initiative de l'Université Paris Descartes et des responsables du Master "Cadres et consultants en formation continue", il sera question de réforme de la formation. Et le jeudi 4 avril (les tables doivent décidément être plus rondes les jeudis), il sera question de l'ANI du 11 janvier 2013 et de sa transposition législative. Dans les deux cas, l'occasion d'exprimer face à des contradicteurs que l'on espère pugnaces, ce qui est développé sur ce blog.

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Judy Chicago - Dinner Party

Pour ceux qui n'aiment guère les tables rondes, voici une assemblée triangulaire aux 39 places réservées à des femmes célèbres, parmi lesquelles les fascinantes Hildegarde de Bingen et Mary Wollstonecraft, dont la fille éponyme deviendra, sous le nom de Mary Shelley après avoir épousé le poète anglais, l'auteur de Frankenstein. Et l'on comprendrait fort bien que le lecteur absorbé par la lecture du roman gothique ne prenne le temps de se rendre aux différentes tables rondes, ou bien préfère encore s'inviter à la table triangulaire de Judy Chicago. Pour les autres, qui voudraient participer, toutes les informations utiles ci-dessous.

FORUM du 28 MARS - Présentation.pdf

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08/03/2013

Eurêka !

Dans la série ne reculons devant rien pour alimenter en idées ceux qui n'en ont pas, voici comment raccourcir le calendrier de la énième réforme annoncée de la formation professionnelle tout en essayant de faire oeuvre utile et sans ignorer l'existant. Mazette, rien que ça !

Tout d'abord, plutôt que de ne rien mettre, ou quasiment, sur le compte personnel de formation dans le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, on peut y insérer ceci, directement inspiré de l'ANI du 11 janvier 2013. Le CPF prend la suite du DIF auquel il se substitue. Il est alimenté à hauteur de 20 heures par an pour tout actif. Ses priorités sont précisément définies par la loi (beaucoup plus que pour le DIF  ou les périodes de professionnalisation) et correspondent à des situations préidentifiées : personnes sorties tôt du système scolaire, en reconversion sur des bassins d'emploi sinistrés, en besoin de qualification avéré, en projet de création d'activité, etc. Faute d'entrer dans les priorités, le crédit n'est pas utilisable. Pour le financement, on utilise l'ensemble des crédits affectés aujourd'hui au DIF prioritaire, aux périodes de professionnalisation et à la formation dans le contrat de sécurisation professionnelle.

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Christian Bonnefoi - Eureka V - 1999

Il est donc possible de réaffecter très rapidement vers des priorités affirmées et assumées des crédits existant en résistant à l'idée d'une taxation nouvelle. Ensuite, dans le cadre de la Conférence Sociale de juillet, on aborde la question de l'élargissement de ce CPF première version pour voir comment on peut l'articuler avec les autres mécanismes existant pour l'accès à la formation : les services publics régionaux de la formation qui vont se mettre en place avec la décentralisation, les plans de formation des entreprises voire les financements individuels lorsque le projet de formation correspond à une trajectoire individuelle promotionnelle à un certain niveau qui ne relève plus du financement collectif. Ce qui peut donner lieu à une seconde loi avant la fin de l'année et une mise en oeuvre en 2014 pour les premières priorités et en 2015 pour l'élargissement. Voilà, c'est cadeau. Eurêka ?

07/03/2013

Regarder l'asperge

Lorsqu’il a visité le nouveau Louvres à Lens, manifestement François Hollande s’ennuyait. Pas de véritable regard sur les peintures, sourde oreille aux commentaires, hochements de tête se voulant polis, œil sur la montre et toutes ces sortes de choses. Personne n’est obligé d’aimer la peinture. Par contre, le défaut de curiosité, surtout pour ce que l’on ne connaît pas a priori, est pêché mortel. Ne pas savoir regarder, c’est se condamner à ne pas avoir d’imagination. Peu importe ce que l’on regarde, par exemple cette asperge de Manet. En saisir les couleurs, la texture, le goût, sentir la vie de la matière sous quelques touches de peinture, se dire qu’il y a là, dans l’asperge, un mystère à éclaircir, c’est une porte ouverte vers la nouveauté.

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Manet - Asperge

Lorsqu’on lui parle de formation professionnelle, je ne sais pas si François Hollande s’ennuie. Ce qui est certain, c’est qu’il ne s’y intéresse pas plus qu’aux asperges de Manet, qui lui soutireront peut être un bon mot, mais pas un vrai regard. Du coup, l’imagination lui fait défaut et il parle impersonnellement par poncifs : il faut envoyer massivement les chômeurs en formation. Ce qui était stupidité lorsque Sarkozy le déclamait sur tous les tons ne devient pas lucidité dans la bouche d’un autre. On en reste au degré zéro de l’analyse et à la confusion entre bon sens et bêtise. Peut être faudrait-il informer le Président sur un chiffre, un seul : 2 % des français seulement changent de région chaque année (et les français sont parmi les européens les plus mobiles). L’emploi ce n’est pas un rapprochement statistique entre des chômeurs et des emplois disponibles. C’est avant tout une réalité locale. Que l’on commence par disposer de diagnostics locaux des activités, des emplois et des besoins en compétences en se répétant tous les jours que la mobilité maximale pour la recherche d’emploi c’est 25 km en moyenne, et l’on verra ensuite s’il y a besoin de formation ou pas. Mais pour cela, il faut un peu travailler la question, s’y intéresser, et bien la regarder.

06/03/2013

Fil conducteur

Si le Gouvernement trouve que la formation professionnelle est un système complexe, que dire de la taxe d'apprentissage ! un financement éclaté en quatre destinations (FNDMA, CFA, Ecoles, Fonds national de péréquation) avec des dépenses déductibles, des quotas dans les versements et la liberté de choix des entreprises. Au final, les organismes consulaires, l'Education nationale et les CFA patronaux et/ou paritaires se partagent à tiers presques égal la part d'apprentissage alors que l'Education nationale et les consulaires toujours, mais également les grandes écoles, émargent sur les fonds destinés aux premières formations technologiques. Pas simple la remise à plat de tout ceci, d'autant qu'il faut à la fois conforter l'apprentissage dans le supérieur, pour la revalorisation de l'apprentissage, et prioriser les jeunes sans qualification. La quadrature du cercle. Et bien voici comment il convient de procéder pour dénouer les fils et trouver le bon fil conducteur. Solution offerte à tous et sans copyright.

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Il suffit d'affecter l'intégralité de la taxe, comme le propose le Président de la République, à l'apprentissage en préservant la libeté de choix des entreprises, mais en obligeant les CFA et écoles qui reçoivent des fonds à les consacrer exclusivement à des dispositifs d'apprentissage. Et s'agissant du supérieur, à se limiter à recruter des apprentis au sein de la filière apprentissage. Qui de ce fait mériterait enfin son nom de filière. L'apprentissage dans le supérieur oui, mais à condition qu'il ne s'agisse pas d'un simple déport d'étudiants vers le dispositif d'apprentissage, mais que soit organisée et préservée une voix dans laquelle on ne pourrait entrer qu'au niveau V ou IV, et dont les niveaux III, II et I seraient totalement réservés aux apprentis en poursuite d'études. Et voilà comment impliquer le supérieur dans le développement de l'apprentissage, recentrer la taxe sur ceux qui en ont le plus besoin et faire de l'apprentissage une choix positif et non plus par défaut. Quant aux écoles, ayant préservé leurs ressources, elles mettront leurs qualités pédagogiques au service d'un nouveau public. Comme quoi, il suffit d'un fil conducteur pour que toute la complexité s'évanouisse (et sans doute pas qu'elle si cette proposition venait à voir le jour).

05/03/2013

Comme d'habitude

Il paraît que la ritournelle de Claude François est la chanson la plus connue au monde, si l'on inclut son adaptation americaine, My Way. Elle est en tout cas connue de François Hollande, car son pour son premier discours consacré à la formation professionnelle, on ne peut pas dire que l'originalité était présente. Il aurait d'ailleurs lu les notes de 2008 de son prédécesseur, le discours n'aurait pas été différent. Un système cloisonné, opaque que les partenaires sociaux devront avoir le courage de réformer (signe qu'ils se gavent sur la bête et qu'il faut arrêter), qui coûte 32 milliards, qui est submergé par 55 000 organismes de formation et qui au final est inefficace. Soit en une seule intervention, l'ensemble des clichés que l'on peut entendre sur le système de formation professionnelle. Comme d'habitude. Et puisque François Hollande a placé son quinquennat sous le signe de la jeunesse, voici un petit jeune de la fin des années soixante dix qui montre que lorsqu'on chante les chansons des autres on peut y mettre un peu de créativité.


Sid Vicious, à défaut de grand talent (encore que...) avait au moins de l'énergie et le souci de traduire la rupture en actes.

Faut-il encore rappeler que les 32 milliards d'euros additionnent les dépenses de formation du secteur public, du secteur privé, de l'apprentissage, de l'insertion, de la formation des salariés ou encore de l'alternance, et que là dedans il y a une grande part de salaires et que 6 milliards seulement sont gérés par les partenaires sociaux et que les réaffectations possibles ne concernent qu'une partie réduite de ce chiffre brandi comme un étendard et qui ne signifie strictement rien ?

Faut-il encore rappeler que les particuliers ne représentent que 7 % des achats de formation, et qu'à 93 % ce sont des entreprises, des OPCA, POLE EMPLOI, les Conseils Régionaux qui achètent la formation ? qu'il s'agit donc d'achat fait par des professionnels. Et que s'il y a défaut de qualité, c'est moins du côté de l'offre qu'il faut se tourner que de la demande et surtout de la commande ? le fameux "tant qu'il y aura un couillon pour payer, il y aura un malin pour vendre" a de beaux jours devant lui à ce rythme. Et ce ne sont pas des procèdures d'accréditation, de certification ou de contrôle qui y changeront quelque chose. Ceux qui sont persuadés du contraire feraient bien d'y réfléchir en dégustant leurs lasagnes chevalines.

17/02/2013

Créer à partir de quoi ?

Fabienne Verdier est une occidentale. Elle a étudié aux Beaux-Arts à Toulouse. Puis elle est partie en Chine. Elle a mis longtemps à apprendre à voir, à sentir, à se détacher d'elle même pour intérioriser ce qu'elle se propose de peindre : un souffle, une pulsation, un instant. Fabienne Verdier est revenue en France. Elle a créé ses propres outils, à partir de l'étude et de l'utilisation des outils traditionnels, avec quelques principes industriels et une pratique artisanale. Elle s'est inscrite dans des histoires multiples pour créer une oeuvre profondément originale.

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Le processus de création du compte individuel de formation est à l'oeuvre. Les éléments figurant dans l'ANI du 11 janvier 2013 sont presque suffisants pour en tracer les contours et modalités. Reste aux pouvoirs publics à se doter d'un projet en ce domaine qui puisse intégrer la volonté exprimée par les partenaires sociaux et si possible la prolonger. Une création aux sources multiples, qui s'appuie sur l'histoire, qui part de l'existant et qui amplifie des dynamiques. A ces conditions, il sera peut être fait oeuvre utile. Encore faudra-t-il résister à la tentation du Concorde : concevoir sur le papier un avion parfait avant de s'apercevoir qu'il est incapable de s'adapter à un environnement changeant (crise pétrolière, exigences environnementales, situation géopolitique, etc.). Souhaitons donc que le dispositif à venir soit perfectible, adaptable et évolutif et qu'il constitue un progrès par rapport à l'existant. Cela sera déjà un grand pas de fait.

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15/02/2013

Minimal

Je n’aime pas l’art minimaliste. Pas parce que l’artiste n’en ferait qu’un minimum. Au contraire, il faut souvent beaucoup de travail pour une œuvre minimale. Pas non plus parce que certaines œuvres semblent destinées aux rayonnages d’Ikea et que la frontière entre designer et artiste s’en trouve brouillée. Après tout, Mondrian a été abondamment pillé par le design et Man Ray faisait de la photo publicitaire. Prônant la simplicité pour plus d’efficacité auprès de mes clients, l’art minimal aurait pu être une référence et un repère. Mais je n’aime pas l’art minimal.

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Donald Judd - Vertical Progression Red

Je n’aime pas les transcriptions minimales dans la loi des textes conventionnels. Je n’aime pas les reprises sans souffle, sans dynamique et sans valeur ajoutée. Je n’aime pas l’absence d’engagement et de choix qui en résulte. Je n’aime pas attendre que le chemin soit entièrement balisé avant de me mettre en route. Je n’aime pas constater que le minimal est souvent un manque d’imagination. Je n’aime donc pas beaucoup la manière dont le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi a retraduit les dispositions formations de l’ANI du 11 janvier 2013. Si vous voulez savoir pourquoi, vous pouvez lire ci-dessous la chronique écrite pour l’AEF qui détaille les limites et impasses de ce service minimum et sans art.

 La_formation_professionnelle_dans_le_projet_de_loi.pdf

13/02/2013

Cause toujours !

Nous avons la chance, en France, de disposer de hauts dirigeants, de hauts fonctionnaires, de grandes écoles qui les ont formés et au total d'élites remarquables agissant au sein d'institutions prestigieuses. La Cour des comptes en fait partie, qui n'accueille que la crème des énarques. Et la Cour des comptes s'est mis en tête, à la fois bien pleine et bien faite, cela va de soi, de s'intéresser à la formation professionnelle. En 2008, elle commit un premier rapport qui pointait l'ensemble des dysfonctionnements du système de formation, sans mettre en valeur les succès car les magistrats de la Cour ont appris et retenu que ce qui va bien ne présente aucun intérêt, comme dirait un médecin, contrairement à ce qui va mal qui doit retenir toute notre attention. Ainsi focalisée sur le bancal, la Cour avait préconisé de réduire le nombre d'OPCA car cela réduirait ainsi les coûts de fonctionnement du système. Ce qui fût fait par l'administration, d'une manière qui effraie aujourd'hui les magistrats : pure logique comptable, objectif unique de réduire les frais, invraisembable batterie de 153 indicateurs pour apprécier l'activité d'un OPCA,...la Cour constate aujourd'hui les désastres de ce qu'elle a préconisé et s'en émeut. Pour autant, elle préconise...de réduire encore le nombre d'OPCA et leurs frais de gestion.

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Martial Raysse - Cause toujours !

Le fait que les frais de gestion aient augmenté avec la réforme et la réduction du nombre d'OPCA n'a ni perturbé la Cour ni suscité la moindre remise en question de son mécanique a priori selon lequel plus une organisation grandit plus elle fait des économies d'échelles. Et les magistrats ont oublié de relever qu'ils comparent des chiffres qui ne se rapportent pas à la même réalité puisque les missions des OPCA se sont considérablement élargies.

Pourtant, en matière de frais de gestion, le Conseil d'Etat, autre instance remarquable qui ne recrute également que la crème de l'ENA, avait posé un juste diagnostic : une partie seulement des frais se rattachent au fonctionnement proprement dit, la plus grande part des coûts exposés par un OPCA constitue des services en nature qui sont rendus aux entreprises et salariés. Additionner du fonctionnement et du service est un profond non-sens. Ce que l'on a déjà à maintes reprises soulevé ici. Mais comme la Cour des Comptes n'écoute déjà pas le Conseil d'Etat la probabilité qu'elle entende ce que j'écris est à peu près la même que celle de voir la belle indifférente tourner la tête vers le gnome hystérique qui n'en peut mais. Comme dirait l'autre, cause toujours !

Rapport Cour des Comptes - Les suites.pdf

07/02/2013

Work in progress

J'aime les travaux en cours (comme toute personne qui est toujours en retard me direz-vous, syndrôme de la procrastination) et du coup j'aime les études, esquisses, dessins préparatoires, manuscrits gribouillés, bouts de feuillets noircis à la va vite, petits carnets de notes, cahiers de croquis, bref tout le fatras dans lequel apparaît toute la vie que l'on verra ensuite ordonnée dans l'oeuvre, du moins lorsque le peintre a du talent. Tel est le cas, par exemple, de Gustave Moreau ou d'Ingres, dont les dessins préparatoires fascinent tout autant que les toiles.

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Gustave Moreau - Etude pour Salomé

JD Ingres - Etude pour le Bain Turc

Dans les six mois qui viennent, va s'élaborer le Compte Personnel de Formation, qui sera au DIF ce que le papillon est à la chenille. Lorsque je présente l'ANI du 11 janvier 2013 et les principes qui régiront le Compte, j'ai souvent des réactions de protestation : mais alors on ne sait pas comment ça va marcher, rien n'est calé, c'est incroyable de signer des textes sans savoir où l'on va. Ingres et Moreau savaient-ils où ils allaient lorsqu'ils travaillaient leurs dessins ? ou bien les choses se sont-elles mises en place petit à petit, ou par à coup, ou par rupture ? qui sait ?  On dit parfois que le voyage compte plus que la destination. Dans l'élaboration des droits nouveaux, il ne faut pas oublier la beauté de la construction et considérer qu'elle conditionne souvent la beauté du résultat.

05/02/2013

Découverte

Elle a le sourire coquin et le visage mutin, ses courbes ne manquent pas de grace, et l'on se demande si ce n'est pas en l'honneur de sa nudité qu'elle fût placée au fronton du Palais de la Découverte, qui du coup s'en trouve bien nommé. Mais peut être les visiteurs, en quête de découvertes et non de découvertes, ne lèvent-ils pas suffisamment la tête et de fait se privent du riant visage. Ainsi ne voit-on pas, à l'instar de la lettre volée, ce qui ne demande qu'à s'offrir à nous.

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Il en va de même avec le dispositif du congé de formation des jeunes travailleurs. Alors que la loi sur la refondation de l'Ecole Républicaine se propose de doter chaque jeune sorti du système scolaire d'un crédit formation (voir ici), il faudrait peut être signaler aux rédacteurs, que le dispositif existe depuis plus de 40 ans sous la forme du congé formation des jeunes travailleurs. Ce droit, tombé dans l'oubli et totalement inusité, figure aux articles L. 6322-59 et suivants du Code du travail. Il permet à tout jeune n'ayant aucun diplôme de bénéficier d'une absence payée par l'entreprise à hauteur de 200 heures par an pour suivre une formation qualifiante. Plutôt que de créer un nouveau droit, il suffirait de provoquer la (re)découverte de celui-ci pour permettre rapidement l'accès à la formation de milliers de jeunes qui ne manqueront pas  d'aller saluer, en hommage à cette renaissance, la belle découverte.

23/01/2013

Petit à petit...

...l'oiseau fait son nid, ou plutôt les pièces du Compte personnel de formation se mettent en place. Après l'ANI du 11 janvier 2013, c'est le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (quand on a un Ministère du redressement productif, l'étonnement n'est plus de mise quant à l'emphase des intitulés) qui apporte sa pierre à l'édifice. Le texte prévoit que tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme, bénéficie d'une durée complémentaire de formation qualifiante qu'il pourra utiliser selon des modalités à fixer par décret. Comme le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) en a émis le souhait,  ces heures de formation complémentaires pourraient être portées au crédit du jeune dans son compte personnel de formation. Quant à son financement, il relève à l'évidence de l'Etat puisqu'il s'agit d'un droit à la formation différé.

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Arno Bouchard - Le nid de l'Engoulevent

Le projet de loi reconnaît donc la responsabilité de l'Etat dans l'accès à un premier niveau de qualification. Si le système éducatif n'a pu y pourvoir, un crédit est ouvert pour y accéder par d'autres moyens. Le lien avec le compte personnel de formation permettrait, notamment, de ne pas simplement remettre le jeune dans le système au sein duquel il a échoué (vous n'avez pas aimé la chantilly ? reprenez en un peu pour voir !) mais également de pouvoir différer l'utilisation de ce crédit, toutes les périodes n'étant pas favorables à une reprise d'étude : en ce domaine, l'horloge personnelle et le calendrier des moyens mis à disposition, doivent s'accorder.

Prochain rendez-vous pour le compte personnel : le projet de loi de transposition de l'ANI début mars, sans doute éclairé par les travaux du CNFPTLV. Peut être que le nid sera prêt pour le printemps !

22/01/2013

De la répétition

Il y a bien sur le comique de répétition, celui qui au début vous laisse froid, puis finit par vous arracher un sourire avant de vous entraîner dans un rire échevelé...ou nerveux. Il y a aussi les bonheurs renouvelés, aux délicieux plaisirs attendus. Et les motifs répétés, comme ceux de Claude Viallat, qui ouvrent parfois des portes nouvelles ou créent des lumières insensées lorsqu'il s'agit des vitraux de l'Eglise Notre-Dame-des-Sablons ou de la Cathédrale de Nevers.

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Mais il y a des répétitions moins plaisantes, plus lourdes, et pour tout dire assez indigestes. Les constats dressés par la Cour des comptes dans son dernier rapport sur le marché du travail relèvent de ces catégories. Pour la 10 000ème fois, il faut un rapport pour nous expliquer que les salariés sont plus formés que les demandeurs d'emploi, comme les cadres sont plus formés que les ouvriers, les salariés des grandes entreprises davantage que ceux des petites et, ô surprise, que les salariés se forment moins lorsqu'ils approchent de la retraite. Conclusion du rapport : il faut mieux orienter les financements (sans nous dire lesquels), déshabiller Paul pour habiller Jacques et tout ira pour le mieux. Et à aucun moment les auteurs, du haut de leur suffisant savoir ou statut, on ne sait plus, ne s'interrogent sur leurs propres constats ni sur les causes de ce qu'ils observent. Et jamais non plus on ne questionne le grand absent : le travail. Jamais on ne fait le constat que c'est le travail occupé qui détruit le besoin de compétence et créé l'absence de formation, jamais on ne constate que le travail, lorsqu'il est formateur, est un meilleur outil d'insertion et de qualification que la formation, jamais on ne fait le moindre lien entre l'offre de travail et le contenu du travail et les politiques de l'emploi. Aucune référence aux pratiques  de l'insertion par l'activité économique pour insérer, aucun rappel que ce n'est pas la formation qui créé le travail, aucune idée que dans une TPE c'est par le travail et non par la formation que l'on développe ses capacités. Non, sempiternellement les mêmes graphiques creux qui sont censés justifier des analyses qui ne le sont pas moins.

On ne peut que conseiller à tous ces conseillers d'aller faire un tour vers Aigues-Mortes, de jeter un  coup d'oeil sur les vitraux de Viallat. Peut être cela leur permettra-t-il de sortir des sentiers battus et rebattus. Mais c'est vraiment pas gagné.

Cour_des_comptes.pdf