10/09/2013
C'est permis
La salariée et son avocat pensaient sans doute que la protectrice Chambre sociale remettrait au pas ces juges de la Cour d'appel manifestement intoxiqués par la petite musique libérale. Enfin, quoi ! c'est à l'employeur de former les salariés et il n'est pas question de remettre sur ceux-ci la charge de l'obligation. C'est ce que nous dit le Code du travail qui oblige l'employeur à adapter le salarié à l'évolution de son poste de travail. En l'espèce, l'entreprise qui a recruté une salariée en qualité d'ingénieur commercial en prévoyant qu'elle aurait une voiture de fonction dès qu'elle obtiendrait le permis de conduire dont elle était dépourvue, peut la licencier pour motif disciplinaire quelques mois plus tard en l'absence de toute démarche de sa part pour obtenir le permis. La Cour de cassation le dit explicitement : il est possible de mettre à la charge du salarié lors de la conclusion du contrat une obligation de se former sur son temps personnel et à ses frais. Négocier le permis, c'était donc permis.
Sans permis
Si à première vue la décision de la Cour de cassation peut surprendre, elle trouve à la réflexion deux explications. La première est que la salariée a qualité d'ingénieur commercial. Compte tenu du niveau de qualification, et sans doute de rémunération, les tribunaux ne considèrent pas comme illégitime que le contrat de travail comporte une obligation particulière. La seconde explication est qu'en réalité l'article L. 6321-2 vise l'adaptation au poste de travail, c'est à dire la situation d'un salarié déjà recruté dont le poste évolue. Ici, il s'agit d'une personne qui candidate à un emploi pour lequel elle ne remplit pas les conditions, que l'employeur embauche malgré tout en lui laissant un délai pour remplir ces conditions. On regrettera donc la formule des juges : ce n'est pas l'obligation d'adaptation qui peut être négociée lors de la conclusion du contrat, mais le fait que le salarié assume à ses frais le coût de formation nécessaire à l'obtention des compétences requises. les conditions exigées à l'embauche ne relevant pas d'une adaptation mais constituant des exigences préalables à l'embauche. Sous ces réserves là, on sait dorénavant que négocier c'est permis.
01:22 Publié dans DROIT DE LA FORMATION, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : licenciement, adaptation, formation, obligation, employeur, salarié, jurisprudence, droit, travail
Commentaires
Bonsoir,
Merci de cette jurisprudence tout à fait édifiante, et qui, pour une fois, ne met pas tout sur le dos du "méchant employeur".
J'entends parfaitement que l’obligation de passer le permis de conduire ait été contractuellement imposée, mais le juge n’aurait-il pas été avisé de se demander s'il n'était pas en face d'une clause abusive, et donc non écrite, de la part de l'employeur... Nous savons tous que, lors d'un recrutement, alors que le "futur" salarié va signer le CDI tant attendu, il n'est pas vraiment en position de résister à des exigences parfois un peu "exagérées".
Le juge n'aurait-il pas pu se poser la question de la pertinence de cette obligation, et de son impact sur le travail de cette personne? J'ai un Ami très proche qui travaille à Paris, et qui ne se déplace qu'en transports en commun, ce qui est bien plus pertinent qu'une voiture au regard des conditions de circulations de la Capitale...
De plus, la jurisprudence concernant les retraits de permis est beaucoup plus "délicate" que le cas qui nous occupe ...
Cela étant dit,n'oublions pas qu'il y a aujourd'hui, d'après les statistiques, plus de 3 millions de nos congénères qui roulent sans permis, alors ...
Écrit par : Shrek 66 | 10/09/2013
Les commentaires sont fermés.