08/04/2012
Plein Sud !
Pas une semaine sans que je rencontre, dans le cadre professionnel, des gens qui m'expliquent qu'à côté de leur job, ils ont un travail. A eux. Qu'ils ont développé à partir d'une idée, d'une envie, de quelque chose qui vient de loin, d'un hasard, d'une nécessité ponctuelle, d'une rencontre, d'un besoin. Ce travail, il s'exerce à titre indépendant, avec un support associatif, par le statut d'auto-entrepreneur, par d'autres manières un peu bricolées, mais tout cela n'est que l'habillage. Ce qui compte c'est le projet, le désir de faire, le besoin de décider soi-même, d'être responsable et d'être fier aussi de ce que l'on créé.
Que la nécessité financière soit parfois à l'origine de l'activité n'est pas douteux. En cela, le développement des doubles activités pourrait être une preuve que la France s'oriente au Sud, car en Italie, en Espagne, en Grèce, au Portugal, ces pays que les financiers anglo-saxons n'aiment guère, cela fait longtemps que l'on connaît le double emploi et les petites bricoles pour gagner sa vie. L'idée que le Sud vivrait de farniente et le Nord serait laborieux est un cliché que continuent à véhiculer les statistiques officielles. Si ce n'était que cela, ces activités secondes ne seraient que le signe d'une paupérisation rampante. Mais, au moins dans le récit de mes interlocuteurs, il y a autre chose. Il y a du plaisir et il y a de la joie.
Matisse - Travail et Joie
La découverte, bien tardive, que le travail peut être source de souffrance, de stress, et parfois conduire au suicide, pourrait mener à un procès global du travail et ne jamais poser la véritable question : celle du sens qu'il peut avoir et des conditions dans lesquelles il s'exerce. Souvent c'est moins le travail lui-même qui pose problème que son environnement : les salariés de Gandrange souffrent moins devant le laminoir que de la manière dont ils sont "gérés". Et ces activités secondes, ces bricolages personnels pour développer des activités qui parfois nécessitent un temps et un investissement bien supérieurs à la rémunération que l'on en tire, montrent bien que le travail ne se réduit pas au salaire, pas plus que l'activité au salariat. Et voilà peut être une bonne nouvelle : face à la rationnalisation sans limite, au reporting permanent, à la perte de sens, la redécouverte que le travail ce n'est pas nécessairement cela. Et qu'activité ne veut pas dire nécessairement emploi, le salariat n'étant pas l'horizon indépassable du champ professionnel. Mais pour s'en souvenir, il faut se souvenir du Sud, tant il est vrai qu'à choisir un modèle, si tant est que cela ait du sens, et n'en déplaise à certains, il vaudra toujours mieux préférer le Sud.
12:31 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sud, espagne, grèce, activité, emploi, travail, économie, nino ferrer, matisse, joie, gandrange
30/03/2012
Un beau couple
Les 6èmes Trophées du DIF, organisés par DEMOS, se sont tenus jeudi 29 mars à la Maison de l'Amérique Latine. Dans cette ambiance hispanisante, a été abordée la question de l'utilisation du DIF en tant qu'outil de GPEC. Il faut rappeler que la jurisprudence, depuis 1988, a façonné des obligations de gestion des compétences, en partie reprises par la loi et les partenaires sociaux. Les mêmes ont, pendant la même période, affirmé qu'il n'y avait pas de prééminence entre la formation et le travail, ou plus largement l'activité, pour accéder à la compétence. Une entreprise est aujourd'hui tenue de gérer à la fois l'employabilité interne et externe du salarié, notamment en lui apportant d'autant plus de formation que son emploi est pauvre en contenu. Ce qui permet d'affirmer que le DIF et la GPEC peuvent former un couple harmonieux, voire s'essayer à un tango argentin.
Une première question doit être évacuée : le DIF peut-il servir de moyen pour répondre à des obligations de GPEC ? la réponse est à l'évidence oui. Aucune obligation générale de formation ne pèse sur l'employeur qui excluerait qu'il négocie l'utilisation du DIF pour y répondre. Dans ce cadre, quel usage peut-on faire du DIF ? la négociation de la meilleure formation pour l'adaptation, une manière de compenser le contenu de l'emploi, le développement d'une employabiltié globale, la mise en oeuvre d'un reclassement concerté ou encore la gestion négociée d'un parcours individuel.
Ce qui était frappant tout au long de la journée c'est d'ailleurs la diversité des modes d'appropriation et d'utilisation du DIF par les entreprises, signe d'une certaine maturité de celles qui l'utilisent. Encore faut-il avoir la volonté de manager par la négociation la professionnalisation des salariés. Mais si tel est le cas, les conditions de l'efficacité de la formation n'en seront que mieux remplies.
00:38 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : dif, formation, droit, travail, tango, gpec, management, ressources humaines, demos, amérique latine
23/03/2012
Les mails du vendredi soir
J'aime beaucoup les mails du vendredi soir. Après le déjeuner, la boîte mail s'assoupit en une douce léthargie annonciatrice du week-end. Un ralentissement progressif du rythme, comme pour reprendre son souffle avant de changer d'activité. Et puis, sur le coup de 17h, ils commencent à apparaître. Timidement pour les premiers, comme en s'excusant de déranger ou de venir si tard. Volontairement pour les suivants, pour bien montrer que l'on était dans la todolist et que le pari de tout solder avant la fin de semaine est tenu. Fiévreusement, pour les plus tardifs, quand l'on sent qu'il n'est qu'un parmi les dizaines que l'expéditeur se fait fort d'envoyer dans les minutes qui suivent. Et puis passé la fin d'après-midi, arrivent ceux pour qui plus rien ne presse. Ce n'est plus l'urgence qui guide l'action mais le plaisir du temps retrouvé et de celui à venir.
Marie Toravel - Le train sifflera trois fois
Vos correspondants se situent dans cet entretemps qui a le charme des failles et des interstices. Ils ont échappé à la contrainte, trouvé leur rythme et ils prennent le temps de vous écrire. Les messages sont plus amples, la personnalité plus présente, le rapport au temps qui se ferme et à celui que l'on va ouvrir plus affirmé. Ils ont le goût des départs avec leur part d'inconnu enserré dans des formules qui ne trouvent habituellement pas leur place dans la correspondance. Ils ne sont pas faits que de mots mais traversés de rêveries, de vent, d'océan et d'envie. Ils ne vous envahissent pas, ils vous témoignent simplement le plaisir que peut être l'autre. J'aime beaucoup les mails du vendredi soir.
23:33 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mail, correspondance, week-end, vendredi, toravel, peinture, départ, travail
06/03/2012
Des lois pour les filles
Il y a quelques années, une photo de Nan Goldin sur laquelle une fillette jouait nue, avait provoqué la polémique et surtout la mise en examen du Commissaire de l'exposition "Présumés innocents" organisée à Bordeaux. Après des années de procédure, la Cour de cassation a conclu l'affaire par un non lieu.
Le débat ressurgit à la fois par la contestation des concours de minimiss et par le rapport parlementaire sur l'hypersexualisation des enfants. Parmi les recommandations, l'inévitable retour à l'uniforme envisagé comme un masque et non comme un repère (voir ici). Et au final proposition de légiférer sur la manière décente de s'habiller. Cela ne vous rappelle rien ?
Henry Darger - Vivian Girls
Une loi a déjà été votée concernant l'habillement des femmes : celle sur la burqa, pardon celle sur la dissimulation du visage dans l'espace public, puisqu'il ne saurait être question de faire une loi uniquement sur les femmes. Début de l'hypocrisie persistante. En effet, si le rapport de Chantal Jouanno est consacré aux enfants, en réalité il est surtout question des fillettes et des adolescentes. Sous couvert de lois générales, voilà un pays qui propose que le législateur se préoccupe de la manière dont les filles et les femmes s'habillent, dans leur strict intérêt cela va de soi.Trop habillée d'un côté, insuffisamment de l'autre, faisons confiance à la prochaine très masculine assemblée parlementaire pour nous indiquer avec précision la longueur et la couleur de la jupe.
Rappelons qu'au 1er janvier 2012, la France était classée 131ème sur 134 pays en matière d'égalité salariale. Aucun rapport ? non, bien sur.
19:14 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jouannon, hypersexualisation, filles, femmes, photographie, égalité, égalité professionnelle, éducation, travail
29/02/2012
Vivre c'est philosopher
Primum vivere, deinde philosophare : d’abord vivre, ensuite philosopher. La devise semble conçue pour les pays où tout fait défaut, comme un hommage éternel à la pyramide de Maslow : besoins primaires et secondaires relèveraient d’une distinction quasi-naturelle. On sait bien que cet ordre naturel est une construction de l’esprit qui ne demande qu’à être invalidée. Ainsi, les enfants qui ont souffert de carences affectives ont un avenir plus compliqué que ceux qui ont souffert de carences alimentaires.
Que la pyramide de Maslow soit une fumisterie n’est ni une surprise, ni une nouveauté, juste un rappel de la vigilance élémentaire : se défier de ceux qui déclarent ne vouloir que votre bonheur et ne jamais oublier que le bonheur peut évidemment se décliner collectivement mais que les conditions en sont d’abord personnelles.
A Cuba, l’impression est tenace que faute d’argent la priorité a été donné au temps et qu’à défaut de consumérisme, la musique, la danse, la lecture et l’amour occupent les corps et les esprits.
Et que vivere et philosophare ne s’opposent guère. Pas étonnant, le propre de l’humain est de rendre synonymes vivre et philosopher.
10:17 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cuba, travail, economie, politique
28/02/2012
A la marge
Dans les rues de La Havane, les traces sont multiples. Celles du passé bien évidemment puisqu’il est en grande partie le présent. Celle d’une économie administrée avec ses magasins aux pâles rayons et ses files d’attente. Celle de la débrouille, de l’invention et du parallèle, partout. Quand l’officiel est insuffisant pour vivre, l’officieux se déploie quasiment sans réserve, et l’imagination devient sans limite.
Dans un paradoxe étonnant, toute activité peut témoigner de l’échange, de la solidarité, de la gratuité, mais devenir également une activité économique et pas seulement à destination des étrangers.
Mais toujours, ce qui frappe, c’est la capacité sans limite d’imagination, d’invention et de débrouillardise. Les petites combines qui améliorent l’ordinaire et exaspèrent le visiteur qui demeure engoncé dans son habitus, sont autant de bouffées d’oxygène, et pas seulement économiques. Car c’est toujours dans les marges de tout système que se construisent les espaces de liberté.
15:15 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cuba, liberté, travail, activite, economie
22/02/2012
Carnets de campagne
La campagne présidentielle est un tintamarre quotidien, on l'a déjà constaté. Période de foisonnement, si elle vire parfois au concours Lépine, elle contient également son lot de propositions qui ont été longuement travaillées dans ces groupes d'expertise qui gravitent autour des candidats. S'y ajoutent les positions officielles prises par différentes instances, dans tous les domaines. La formation professionnelle est, ce n'est pas la première fois, un champ dans lequel les propositions poussent plutôt bien. Mais lorsque l'on sème à tout va, les herbes folles cotoient les belles plantes et d'étranges hybrides ne manquent pas d'apparaître.
Comme disait un ancien Président : "Sur le long terme, il y a l'histoire et le droit". Si l'on oublie ces deux piliers de notre culture, on perd inévitablement de la cohérence et on créé soi-même les conditions de l'inefficacité. La loi la plus simple créé une complexité redoutable lorsqu'elle n'entre pas en cohérence avec les principes juridiques qui régissent le champ dans lequel elle intervient. Et l'on ne parle même pas d'une loi complexe qui pertubera à l'infini le domaine dans lequel on lui a demandé de se déployer sans guère prêter d'attention au contexte.
Pour que l'histoire et le droit ne soient pas ignorés, Jean-Marie Luttringer et moi-même tiendrons des Carnets de campagne, publiés dans l'AEF, qui permettront de confronter les différentes propositions aux principes juridiques qui structurent le champ de la formation professionnelle et au-delà celui de l'éducation, du marché du travail, des relations sociales, de la gestion des ressources humaines ou encore du droit de la concurrence.
La première chronique présente les objectifs et méthodes de ces Carnets de campagne 2012.
01:03 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : election, campagne, présidentielle, formation, éducation, politique, emploi, travail
21/02/2012
Salarié toujours qualifié
Il y a eu un jour où j'ai réalisé que j'avais des clients plus jeunes que moi. Et depuis quelques temps, je m'aperçois que mes premiers clients ont pris leur retraite. Mais comme j'aime bien la fidélité, je continue à les inviter à déjeuner. Ce qui m'a valu le plaisir de partager un repas avec un ancien directeur de la formation de la fédération du bâtiment.
"Vous savez que je vous cite souvent ?
- ah bon ! et à quel propos ?
- parce que vous avez toujours refusé que l'on parle de BNQ, les bas niveaux de qualification, ceux qui ont contribué à construire, entre autres, l'Arche de la Défense...
- oui je me suis beaucoup battu contre cela, et je note avec satisfaction que l'expression est moins employée
- vous savez qu'un salarié est toujours qualifié même s'il n'est pas diplômé...
- oui c'est le propre du travail, il qualifie alors que l'éducation, hélas, déqualifie parfois puisqu'elle produit des non diplômés. Je vais vous raconter une anecdote...
Tarsila do Amaras - Ouvriers - 1933
- Allez-y !
- J'ai été auditionné par le Haut Conseil de l'Education, vous remarquerez l'importance du Haut. Comme ils m'ont fait attendre, j'ai vu des ouvriers qui repeignaient le ministère. Ils étaient tunisiens. J'ai discuté avec eux. Je leur ai demandé où ils avaient appris à peindre, parce qu'ils faisaient un beau boulot. Ils m'ont répondu : "on a pas été à l''école pour ça"...
- Et vous en avez parlé lors de votre audition...
- c'est par ça que j'ai commencé !
Je crois que c'est que j'ai toujours le plus apprécié dans mon activité, c'est de rencontrer des individus engagés. Qui ne partagent pas toujours mes idées, qui sont parfois agaçants comme je peux les irriter, mais avec lesquels au final il y a quelques valeurs à partager dont la première est de ne jamais faire des individus des abstractions mais de les considérer dans leur singulière réalité. Et l'homme qui me raconta cette anecdote est aussi celui qui milita en 2003 pour passer de la notion de qualification à celle de professionnalisation. Paradoxe ? non, bien au contraire, mais ça je m'en expliquerai demain.
00:49 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ouvrier, formation, éducation, valeurs, politique, engagement, travail, activité
18/02/2012
Sérieux ?
La machine a été inventée par Wim Delvoye. Alignement de cuves et de tuyaux, elle reproduit un tube digestif humain. Conçue pour ingérer de véritables aliments, dont des menus conçus spécialement pour elle par de grands chefs, elle les transforme, comme le corps humain, en matière fécale. Si la prouesse technique n'est pas mince, on pourra disserter longtemps sur la valeur artistique d'une machine à produire, osons le terme, de la merde. Les étrons soigneusement emballés dans de petits sacs plastiques sont pourtant vendus 1 000 euros pièce. Comme quoi, le n'importe quoi peut rapporter gros.
Wim Delvoye - Cloaca original - 2000
C'est sans doute à ce dernier principe, n'importe quoi peut rapporter gros, que pensait François Fillon lorsqu'il a détaillé le projet de référendum sur la formation professionnelle. Objectif ? "récupérer les 30 milliards consacrés à la formation pour les consacrer à la formation des chômeurs". Selon le premier Ministre, il faudrait que les corps intermédiaires qui ont en charge la gestion de ces milliards acceptent de les consacrer à la formation des chômeurs, ce qui permettrait de donner à tous une formation qualifiante. Cette déclaration a été faite sur le mode le plus sérieux. Or, elle l'est beaucoup moins que la machine de Wim Delvoye. Pourquoi ? Il suffit de décomposer les 31,5 milliards de dépenses recensés en 2009 (dernière année connue) :
- 13 milliards de dépense des entreprises pour la formation et l'apprentissage
- 5 milliards de l'Etat pour la formation et l'apprentissage, dont une partie pour la formation des chômeurs
- 4,5 milliards pour les régions dont une grande partie pour la formation des chômeurs
- 6 milliards dépensés par l'Etat, les collectivités locales et l'hôpital pour former leurs agents
- 2 milliards de dépenses de l'UNEDIF et de POLE EMPLOI pour les demandeurs d'emploi
- 1 milliard dépensé par les ménages.
S'agit-il de prélever ces sommes pour en faire un impôt global destiné à la formation des chômeurs ? d'arrêter de financer la formation des salariés, de supprimer l'apprentissage et de ne plus envoyer en formation aucun fonctionnaire ? et si on le faisait, on disposerait de 10 000 euros par demandeur d'emploi. Comment financer à chacun une formation qualifiante tout en leur assurant un revenu avec cette somme ?
La proposition est tellement invraisemblable que l'on se demande pour quelle raison un Premier Ministre la reprend à son compte sur le ton de l'évidence. Tiens au fait, pourquoi ?
18:16 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : fillon, référendum, chomage, emploi, travail, élection, sarkozy, campagne
17/02/2012
Solidarité intermédiaire
Les corps intermédiaires n'ont pas bonne presse. J'ai déjà pointé sur ce blog, la défiance exprimée dès loi Le Chapelier envers les corporations et associations. La critique des organisations professionnelles ou syndicales, présentées comme sources de blocage et de conservatisme, trouve un écho dans le rapport Perruchot consacré au financement des organisations patronales et syndicales. Ah qu'il est bon de taper sur l'intermédiaire comme le firent les vignerons du Languedoc au début du siècle !
Mais ces mêmes vignerons ont aussi inventé les coopératives viticoles, c'est à dire la solidarité des producteurs pour mettre en commun des moyens de fabrication et de commercialisation. On peut même retrouver trace d'une fête qui réunit coopérative de production et coopérative de consommation.
Les vignerons coopérateurs reçoivent
des sociétés coopératives de consommation
Car la liberté d'association permet la mise en place d'organisations collectives par lesquelles les individus conjuguent leurs intérêts, ce qu'on leur reproche parfois, mais aussi de structurer des représentations collectives entre le citoyen et l'Etat, ce que ce dernier n'apprécie parfois que peu. Qui dit corps intermédiaire dit contrepouvoir. Et toute résistance au changement n'est pas que négative, encore faut-il savoir quel est le changement proposé. Est-il corporatiste, conservateur, passéiste et représentant d'une société bloquée celui qui refuse que le travail du dimanche soit généralisé ou celui qui considère qu'il serait paradoxal que l'on désigne sous le nom de progrès tout changement se traduisant par une réduction de ses droits ?
Dans un Etat de droit, les corps intermédiaires cela s'appelle la démocratie sociale, indispensable contrepoint à la démocratie politique. Il y a plus de deux siècles que Montesquieu nous a expliqué tout cela.
Alors le rapport Perruchot ? loin des caricatures que certains medias en ont donné, il ne s'agit pas d'une dénonciation exclusivement à charge de dérives syndicales. Certes le rapport n'échappe pas à certains a priori mais après tout il constitue une mise à plat sérieuse de la question du financement des organisations patronales et syndicales. Il aurait gagné à rappeler plus systématiquement que les financements reçus sont organisés par la loi, de même que les heures de délégation dans les entreprises et au sein de la fonction publique. Et que, mis à part certains comportements qui relèvent de l'escroquerie, ce qui pose le plus problème c'est manifestement les conflits d'intérêts lorsque les mêmes organisations, voire les mêmes personnes, cumulent des fonctions de pouvoir. Tiens, un peu comme les politiques. Et si on veut bien avoir cette lecture, on pourrait en conclure que les choses iraient un peu mieux non pas s'il y avait moins de corps intermédiaires, mais s'il y en avait davantages avec plus de citoyens impliqués et moins de consanguinités et d'endogamie. Car au final, là se trouve l'exigence.
19:23 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : syndicats, patronat, perruchot, sarkozy, financement, politique, travail, vigneron, coopérative, solidarité
11/02/2012
Radiation
Pas la peine d'en rajouter sur le référendum relatif à l'assurance-chômage qui n'a guère de sens au plan de la gouvernance du social, du droit du travail ou de la faisabilité technique. Juste l'occasion de rapporter une anecdote qui date de l'été dernier. Un ami DRH s'inscrit à POLE EMPLOI avant l'été. Fin juillet, coup de fil attentionné :
- vous savez que vous pouvez partir en congés si vous voulez ?
- je ne savais pas, mais je comptais partir quinze jours dans ma famille...
- il n'y a pas de raison que les demandeurs d'emploi ne puissent pas partir. Vous pouvez vous absenter pendant trois semaines sans impact sur votre situation...
- bon, voilà les dates auxquelles je serai absent...
- c'est enregistré, merci.
Dans la première semaine d'absence, convocation par mail à un entretien à POLE EMPLOI sous peine de radiation. Comme quoi, consulter ses mails pendant les congés n'est pas qu'un vice de work alcoholic et peut s'avérer utile. Coup de fil furibard :
- vous vous foutez de moi ? vous venez m'informer que je peux m'absenter et dès que je le fais vous me convoquez ?
- nous sommes désolés, c'est un envoi automatique, le robot qui envoie les mails n'a pas du prendre en compte les dates. Pourtant elles sont saisies, je ne comprends pas...
Ah ces radiations administratives incompréhensibles et innocentes.
Le nombre de radiations administratives oscille en 40 et 50 000 par mois, soit plus de 500 000 par an. Il paraît qu'il y a peu d'erreurs. Mon ami n'a pas eu de chance, voilà tout. Ou plutôt si : pendant ses congés, il a croisé un vieux copain qui l'a mis sur un recrutement en cours. Il a été embauché en septembre. Du coup, grace aux congés, il est radieux et radié.
17:15 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : référendum, chômage, radiation, pole emploi, sarkozy, politique, économie, travail
09/02/2012
Machines autodestructrices
Liaisons Sociales en fait le thème de son dernier numéro d'Entreprises et Carrières : les accord seniors génèrent de la frustration, notamment avec les entretiens de mi-carrières, entendez des plus de 45 ans, qui ne sont pas ou plus faits et lorsqu'ils le sont c'est à la stupéfaction des seniors à qui on les a proposés :
"Comment envisagez-vous votre avenir professionnel ?
- c'est plutôt à vous de me le dire...
- Ah mais non, je suis là pour vous écouter...
- Certes, mais ce n'est pas moi qui décide de mes missions, de mon évolution possible dans l'organisation, de mon parcours...
- Mais cet entretien a pour objectif de vous permettre d'exprimer vos souhaits...
- Et quelles sont les décisions qui pourraient en résulter...
- Ah ça ! ...."
Et voilà comment les entretiens de mi-carrière frustrent le bénéficiaire et le manager : rien à décider, rien à proposer, mais un entretien à tenir et la pression des RH pour les réaliser effectivement, d'ailleurs c'est écrit dans l'accord senior qu'il faut les faire, donc allez-y. Ou comment faire de la RH autodesctructrice.
Jean Tinguely - Machine autodestructrice - 1960
En 1960, Tinguely créé un hommage à New-York : une machine autodestructrice, installée dans les jardins du Moma, préfigurant la ville carnassière qui s'autodétruit et renaît sans cesse, New-York la ville du mouvement perpétuel, illustration constante de la destruction créatrice de Schumpeter.
Les ressources humaines ressemblent parfois à ces machines autodesctructrices, lorsqu'elles agissent selon leurs logiques, ou contraintes, propres, sans se soucier des utilisateurs. Ce qui donne : j'étais obligé de faire un accord senior, je l'ai fait, maintenant la suite n'est plus de mon ressort. Et ce discours peut être tenu sur l'égalité professionnelle hommes-femmes, sur la pénibilité, sur les travailleurs handicapés, sur la GPEC, etc. Les ressources humaines produisent du formel sur des obligations légales et ensuite, bon courage les managers mais surtout ne venez pas nous chercher, nous on a fait notre job, à vous de jouer maintenant. Et pas question de renacler, vous seriez des résistants au changement ou des rebelles à la contrainte qui s'impose à tous. Allez, après ça, expliquer aux managers que la fonction RH a de la valeur ajoutée ou qu'elle peut servir à autre chose que leur compliquer la vie. Ils vous répondront invariablement que le service Ressources Humaines ressemble pour eux à une machine autodestructrice et que le RH ferait mieux de s'abstenir d'agir, ce serait toujours ça de pris. Tout ceci n'empêche pas des RH de considérer qu'ayant rempli leur obligation, ils ont fait ce qu'il fallait. Et peu importe les conséquences sur les opérationnels. C'est à celà que l'on mesure la capacité d'autodestruction et que l'on voit les limites d'une politique qui consiste à faire de l'obligation légale l'alpha et l'oméga des politiques RH. Pour aboutir à ce résultat, autant laisser les acteurs sociaux se débrouiller entre eux, ce sera moins machinal et moins destructeur.
02:00 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emploi, travail, machines, tinguely, ressources humaines, droit, droit du travail
08/02/2012
Ratio d'espoir
La formule est de Jean-Marie Luttringer, qui n'a pas découvert le modèle allemand ces dernières semaines et a pris le temps de l'étudier. Elle nous offre ce mélange d'utopie et de réalisme qui nourrit souvent toute projection de soi dans le futur. Le ratio d'espoir c'est la capacité d'un système à offrir des opportunités à ses utilisateurs. En France, on a l'habitude d'utiliser une autre expression, celle d'ascenseur social, qui exprime bien notre goût de la verticalité et de la sélection. L'ascenseur il est souvent central, c'est donc un bon outil jacobin, il est de capacité limité, ce qui justifiera que certains attendent leur tout plus longtemps que d'autres, il dessert tous les étages, ce qui constitue une fausse égalité puisque tous les étages n'ont pas les mêmes avantages, et il tolère l'exception des chambres de bonnes pour lesquelles il faut emprunter l'escalier de service. Il exclut donc un peu, mais pas trop pour que cela reste acceptable.
Tim Eitel - Die Öffnung - 2008
Le ratio d'espoir du système dual allemand, ce système d'apprentissage qui attire les deux tiers d'une classe d'âge, est élevé mais pas pour ses qualités propres. Il est élevé parce que les processus de recrutement, de formation et d'évolution dans les entreprises allemandes permettent à un apprenti d'envisager d'exercer plus tard une fonction de direction, les postes n'étant pas trustés par les étudiants issus des grandes écoles. Ce n'est donc pas à l'intérieur du système d'apprentissage que se trouve la clé de son succès, mais dans les pratiques des entreprises. On peut réformer autant que l'on veut le système d'apprentissage en France, tant que le passage par l'apprentissage ne sera pas une voie normale et banale d'accès à toutes les fonctions dans l'entreprise, il continuera d'être fréquenté majoritairement par les exclus du système scolaire. Et l'on pourra toujours, lors des multiples colloques et manifestations de promotion de l'apprentissage, poser la question aux intervenants et responsables en tribune : "Lesquels d'entre vous ont fait le choix positif de faire passer leurs enfants par l'apprentissage ?". C'est pourquoi, avant de réformer sans fin l'apprentissage, il faut peut être s'intéresser à son ratio d'espoir et se souvenir qu'en Allemagne, puisque la comparaison est à la mode, la loi sur l'apprentissage date de 1969 et qu'elle n'a pas véritablement été réformée depuis, ce qui est peut être la deuxième clé de son succès.
00:20 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : allemagne, système dual, apprentissage, éducation, formation, travail, emploi, politique, économie
03/02/2012
L'essai, c'est pas immédiat
Picasso disait : "Je ne cherche pas, je trouve". Quand on trouve directement, on ne fait pas d'essai. Si on ne fait pas d'essai, le résultat est immédiat. Pas de reprise, pas de remord, du définitif. C'est ainsi que Picasso nous offre une tête de taureau qui fait un lien direct entre les peintures pariétales de la préhistoire et la civilisation du Sud, en utilisant cet objet tant prisé dans le Nord : le vélo.
Picasso - Tête de taureau - 1942
Mais lorsque l'on fait des essais, cela signifie que l'on prend le temps, que le premier jet ne sera pas le bon et que le définitif ne sera pas immédiat. C'est ce dont aurait du se souvenir cet employeur qui a recruté un agent de sécurité, a prévu une période d'essai d'un mois et a arrêté l'essai, et partant le contrat, au bout de deux jours. Au motif que deux jours étaient suffisants pour apprécier le comportement et la présentation du salarié. Trop court a jugé la Cour de cassation le 11 janvier dernier (Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-14.868) qui a alloué au salarié trop rapidement remercié 8 000 euros pour le préjudice subi. Il n'est pas possible de prévoir un mois pour tester le salarié et considérer que deux jours suffisent. On en concluera que lorsque la période d'essai est de trois mois renouvelable, difficile d'y mettre fin sans avoir laissé le temps au salarié de prendre ses marques et d'avoir véritablement exercé sa fonction. Avec l'essai, il faut savoir prendre son temps.
00:14 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : essai, droit du travail, picasso, taureau, travail, emploi, droit
01/02/2012
Allez les OPCA, un peu de fantaisie !
Fantaisistes. Ainsi sont qualifiées par le DGEFP, Bertrand Martinot, les analyses juridiques qui ont critiqué l'action de l'Etat, et non l'Etat comme il l'affirme trop rapidement, dans la réforme des OPCA. Fantaisistes donc. Pourquoi ? parce que. Et n'attendez pas que l'administration vienne argumenter avec des fantaisistes. Pas de temps à perdre.Il faudrait au moins prendre celui de lire Antonio Machado : "On ment plus qu'il ne faut par manque de fantaisie : la vérité aussi s'invente".
Mais le plus inquiétant est sans doute que le DGEFP révèle une nouvelle fois la manière dont il conçoit le droit : un simple outil de pouvoir. Qui a le pouvoir peut dire le droit et c'est à la capacité d'imposer ses décisions que l'on reconnaît celui qui a raison. Cette confusion entre pouvoir et droit est la marque d'une certaine manière de gouverner qui porte en elle les germes de l'échec. Car les logiques juridiques finissent toujours par rattraper l'action politique. On sait pourtant de longue date que le pouvoir n'est qu'un dérivé du droit dont il procède, du moins en démocratie. Lorsque le pouvoir impose sa règle malgré le droit, l'Etat de droit recule et celui qui porte le plus atteinte à l'Etat ici est moins celui qui dénonce que celui qui s'affranchit unilatéralement des règles qu'il a le devoir de respecter.
Mais il faudrait également rappeler au DGEFP ce qu'est une fantaisie. En convoquant Glenn Gould et Bach par exemple.
Glenn Gould - Chromatic Fantasy - J.S BACH
On peut constater, comme le dit Philippe Sollers, que : "La fantaisie et la liberté d'imagination ne s'acquièrent pas comme ça, il y faut du temps, de l'obstination, de la sévérité, de la rigueur, des mathématiques, de la raison".
Si les OPCA ont subi la réforme de la formation et l'étroite vision fiscale de l'administration sur leur action, c'est justement par manque de fantaisie, c'est à dire d'imagination créative, de la part de ceux qui ont été chargés de piloter le processus. Et notamment l'incapacité à penser la réforme au-delà d'une régulation financière de son fonctionnement : il est vrai que du côté de Bercy la fantaisie n'est pas la culture de référence.
Si les OPCA ne veulent pas subir la prochaine réforme, on ne peut que leur conseiller de faire preuve d'un peu, et même de beaucoup, de fantaisie. S'ils l'osent, l'avenir leur appartient.
01:53 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réforme, formation, etat, démocratie, politique, travail, éducation, bach, musique, glenn gould, fantaisie
29/01/2012
A bicyclette
Saluons le retour du froid par une proposition de loi sympathique signée Philippe Goujon (UMP), président du groupe "Pour le développement de l'usage du vélo". La mesure s'inscrit dans le cadre du Plan national vélo, et oui on ne vous dit pas tout, on vous cache même l'essentiel. Outre des incitations pour les entreprises à mettre à disposition des salariés des vélos gratuits, le Plan national vélo, copié lui sur la Belgique et non pas sur l'Allemagne, propose la création, mais si, d'une niche fiscale pour les cyclistes : une indemnité kilométrique pour les salariés qui se rendent à vélo au travail, exonérée d'impôt et de charges sociales. Et payée par l'entreprise. Mieux que la défiscalisation des heures de travail supplémentaires, celle des heures de trajets supplémentaires, le vélo étant tout de même plus lent que les transports motorisés, surtout pour ceux qui manquent un peu d'entraînement. Juste un regret toutefois : que l'argent soit considéré une fois de plus comme l'exclusif facteur de la motivation. Alors que l'on aurait quand même pu évoquer les autres avantages de la circulation à bicyclette.
"- Vous êtes sérieux avec vos histoires de bicyclettes ?
- Tout à fait...
- Et passer une chronique sur la bicyclette alors que l'on annonce la TVA sociale, vous trouvez ça logique ?
- Oui, parce que je ne suis pas très calé en économie. Quand l'Espagne à un SMIC à 748 euros et 20 % de taux de chômage, la Grèce un SMIC à 862 euros et qu'elle est en faillite et que le Luxembourg a un SMIC à 1 750 euros avec un triple A et le plus fort pouvoir d'achat d'Europe, je me dis que la question de la compétitivité ne se joue pas sur 2 % d'allègements de charges sur le travail. Surtout que dans le Plan national vélo il y a une autre mesure : elle concerne les services de réparation de bicyclettes, il est proposé d'instaurer une TVA réduite pour favoriser le développement de cette activité. Alors du coup, l'augmentation de 1,6 % de la TVA, je comprends pas non plus. C'est pour ça que j'en parle pas."
Sur ce, bon lundi.
23:11 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sarkozy, politique, économie, travail, europe, espagne, allemagne, smic
08/01/2012
Temps morts
C'est la fin de l'année. Les résultats sont corrects, mais le syndrôme des périodes heureuses aidant, ils génèrent tout de même de la frustration, surtout chez les dirigeants car les managers eux, estiment qu'ils ont plutôt tenu la barre par vents contraires. Le séminaire de fin d'année est important pour le COMEX car 2012 s'annonce délicate, au moins au premier semestre. Alors on a pas lésiné : cadre superbe, réception parfaite, nourriture et vins fins, attention constante du personnel de réception. Sur le programme non plus on a pas lésiné. Deux journées saturées d'interventions, des animateurs qui se relaient avec enthousiasme, des powerpoints flamboyants qui défilent à un rythme déconseillé aux épileptiques, des temps forts à tous les instants, des messages clés dans tous les messages et au final du très dense et peu de danse. Dans la salle, les participants se transforment peu à peu en présents puis en absents. Les iPhones et Blackberrys sont de moins en moins discrets, les appartés se multiplient, les comportements potaches saisissent une bonne partie des Top managers sans que l'ordonnancement méticuleusement prévu ne dévie d'un iota car tout a été planifié de 8h à 23h sans temps mort.
Manule Alvarez Bravo - Conversation à côté d'une statue - 1933
Curieuse appellation d'ailleurs que ces "temps morts". Car dès que s'ouvre une fenêtre de liberté, une pause, un repas, une fin de soirée, ceux qui traitaient leurs mails persos, qui luttaient contre la somnolence, qui vagabondaient sur le net, tous ceux-là s'animent et entrent en conversation. Pour parler de quoi ? quasi-exclusivement de travail. De leurs activités, de leurs difficultés, de leurs réussites, ils se lancent à la recherche d'informations, d'avis, de conseils, d'approbations, de partages d'expérience, bref ils profitent du cadre de liberté pour traiter véritablement les questions qui les intéressent. C'est dans ces moments, plus que dans les injonctions communicantes, que se font, ou pas, les communautés de travail, d'intérêts et de fonctionnement. Et lorsque l'animateur fait le tour des couloirs et jardins dans lesquels se sont constitués les groupes de discussion en lançant : "Allez on reprend, au travail !", il ne semble pas percevoir que le vrai travail il vient d'y mettre fin.
15:57 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : travail, formation, temps, économie, management, photo, photographie, alvarez bravo
26/12/2011
Paresse
En 1928, Paul Morand s'embarque à Marseille pour Dakar et traverse l'Afrique Occidentale Française. Pour cet occidental français, l'Afrique s'offre comme il convient à tombeau ouvert et tous sens aux aguets. Pendant le voyage, il prend des notes, il écoute, il observe, il découvre, il écrit. Notamment ceci dans le récit de son voyage intitulé Paris-Tomboctou : "Il faut à un indigène, me dit-on, quarante cinq jours de travail pour se nourrir pendant un an. Pour qu'ils travaillent davantage, il est nécessaire, hélas, de leur "créer des besoins"". Et oui, moins de besoin, moins de travail, moins d'emprunt, moins de dette et plus de vie. Moins égale plus, l'équation ne peut être comprise que dans le Sud.
Georges Barbier - La paresse
Et de Morand, un peu plus tard, cet éloge de la paresse que ne renierait pas l'autre Paul, le gendre de Marx et auteur du "Droit à la paresse". Extrait de Tendres Stocks : "Après dîner, tout le monde admit que le goût du travail n'existe plus. On s'attendrit sur la vague de paresse, sans penser que grâce à elle il y a des assassins qui ne peuvent se tirer du lit pour aller tuer, des cambrioleurs qui s'attardent aux plages, laissant passer la saison des fractures, et des invertis professionnels qui plutôt que de se rendre où le métier les appelle, préfèrent rester chez eux, le soir, à jouer aux dominos avec leur femme et leurs gosses. Et les espions ?".
Dans cet entre deux fêtes, vous pouvez donc sans culpabiliser vous livrer à la paresse, c'est à dire à une foule d'activités qui ne seront pas des besoins mais du plaisir. Bonne semaine.
22/12/2011
Fête du personnel
C'est le premier du genre, sans doute pas le dernier. Il s'agit d'un message, écrit en gros, en bas du mail de mon interlocuteur, qui dit ceci : "En application de l'accord vie privée vie professionnelle, mes mails envoyés le soir ou le week-end n'appellent pas de réponse immédiate". Voilà une traduction de la lutte contre l'évaporation des frontières entre la vie personnelle et la vie professionnelle. La lutte n'est pourtant pas simple, car s'il y a du professionnel dans la vie personnelle, il y a également du personnel dans la vie professionnelle, l'individu ne se résumant jamais exclusivement à sa qualité de salarié.
Vu sous l'angle juridique, la mention règle une question, mais en pose une autre. Ce qui est réglé par la mention du "non urgent", c'est que l'envoi d'un mail ne saurait valoir interpellation et prescription de la part de l'entreprise. Que le salarié reçoive un mail pendant le week-end auquel il répondra lundi n'est pas un problème juridique. C'en est un si le mail arrive sans cette réserve puisqu'il prouve la sollicitation de l'employeur sur un temps non travaillé. Le salarié n'a donc pas à rester en veille et le mail n'attente pas à son repos.
Sentinelle devant une banque de la Havane - Décembre 1962
Par contre, que dire de l'envoi du mail sur des plages qui, normalement ne devraient pas être travaillées ? qu'il n'est juridiquement possible que pour des salariés qui disposent d'une liberté d'organisation de leur temps de travail. Donc les salariés en forfait jours et les cadres dirigeants. Pour les autres, un tel envoi constaterait un travail en dehors des plages rémunérées. Travail volontaire pourrait arguer l'entreprise ? ce serait oublier que l'arroseur peut parfois être l'arrosé. Disposant du droit et de la possibilité technique de lire les mails des collaborateurs, l'entreprise ne peut considérer qu'elle n'est pas au courant des mails qui s'échangent à des horaires indus. Et elle devrait le gérer. Seuls les salariés dotés d'une autonomie sur l'organisation de leur temps sont donc susceptibles d'avoir recours à la formule. Non sans limite puisqu'il faut rappeler que si le forfait jour peut inclure une partie de la soirée, ce même forfait n'est pas un forfait nuit ni un forfait week-end. La tentative était méritoire, pas certain qu'elle constitue une garantie juridique absolue, au contraire. Juste le rappel que le droit est souvent inopérant lorsqu'il ne correspond pas à la réalité.
NB : Cette chronique qui essaie d'insinuer habilement qu'aujourd'hui est date de jour de fête n'appelle aucun témoignage de félicitation immédiat.
16:50 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anniversaire, cette année-là, décembre, cuba, vie privée, vie professionnelle, temps de travail, durée du travail, travail, mail
13/12/2011
Le casse-tête du droit à la vie de famille
Le juge persiste et signe dans sa volonté de faire du droit à la vie personnelle et familiale un principe de droit du travail opposable aux employeurs. L'intention est louable, mais comme on le sait, sous la plage des bonnes intentions surgissent souvent les pavés de l'enfer. Illustration dans une affaire récente. Un salarié travaille selon des horaires un peu alambiqués mais essentiellement le matin. L'employeur, tel un agent des chemins de fer, lui annonce que ses horaires seront modifiés et prendront dorénavant place essentiellement l'après-midi. Le salarié considère qu'il ne s'agit plus de modifications de ses horaires mais de véritables bouleversements qui modifient son contrat de travail. Il refuse donc. Saisi de la question le juge répond par un principe : "sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l’instauration d’une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l’employeur" (Cass. soc., 3 novembre 2011, 10-14.702).
Lisa Carletta - Famille Beaupoil de Sauveboeuf - 2009
Voilà donc le salarié doté d'un droit à la vie personnelle et familiale et l'employeur sommé de le respecter. Rappelons tout de même que la vie personnelle et familiale du salarié ne peut fonder une décision de l'employeur, au risque de constituer une discrimination. L'entreprise est donc placée dans la difficile situation de tenir compte de ce qu'elle ne saurait connaître : "Cachez ce sein que je ne saurai voir"...mais montrez le s'il devait vous permettre d'en tirer avantage. Et au passage, l'employeur devra adopter des solutions différentes envers les salariés en considération de leur situation personnelle, déclarativement établie, au risque de ne plus maintenir l'égalité de traitement entre les salariés qui ont des personnes à charge, ceux qui n'en ont pas, ceux dont le conjoint travaille ou non, ceux qui n'ont pas de conjoint, etc. A ce stade, les angles coupants qui caractérisent les pavés des bonnes intentions produisent les effets que connaissent bien les coureurs de Paris-Roubaix : foutre en l'air en quelque seconde ce qui a été patiemment construit de longue date. La voie empruntée par les juges n'est pas plus sûre que la tranchée d'Aremberg. Il est à craindre que le juge qui s'y est égaré ne contribue à distribuer de la confusion dans les entreprises et en voulant tracer des frontières protectrices atteigne le paradoxal effet de les abolir. Bon courage en tous cas à ceux qui vont devoir traduire ces jurisprudences en décisions manageriales.
23:54 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : famille, droit, vie personnelle, droit du travail, ressources humaines, travail, emploi, contrat, carletta, photographie