03/01/2016
A comme....ACTEUR
Le musicien compose, l'écrivain écrit, l'architecte dessine,
l'acteur lui il attend (Jean Yanne)
Edgar Poe nous l’a appris avec la lettre volée, si l’on promène alentour un regard d’habitude, on ne voit rien. Lorsque nos représentations (par exemple : tout ce qui a été volé est dissimulé aux regards), prennent le pas sur l’observation, l’aveuglement est notre lot. Il faut toujours aller y voir de plus près.
Approchons nous donc d’une évidence, d’un slogan récurrent de toute réforme de la formation : le salarié acteur de sa formation.
L’acteur est défini comme un protagoniste, celui qui joue un rôle dans une entreprise ou un événement. Il est dans l’action. Une autre manière de dire ce que l’on a constaté de longue date : l’individu n’est pas formé, il se forme. Acteur principal ou rien. Impliqué, actif, déterminé, parfait.
William sur scène
Mais dans une pièce de théâtre ou un film, quelle est la place de l’acteur ? Il n’a pas écrit le texte, il n’a pas rédigé le script, il est dirigé par le réalisateur ou le metteur en scène, il rejoue autant de fois qu’on le lui demande, sa marque ne s’imprime que dans l’interprétation sous réserve que la direction d’acteurs lui laisse un peu de latitude.
Voici la véritable figure de l’acteur : celui qui est dirigé et fait ce qu’on lui demande. Il y a de la docilité dans l’acteur qui n’est pas vraiment le symbole du sujet autonome faisant usage de sa liberté.
Ceux qui pensent qu’être acteur signifie être responsable, et donc libre (ou réciproquement : libre donc responsable) devraient s’interroger sur ce lapsus collectif qui fait qualifier d’acteurs les salariés, par ceux-là même qui n’aspirent à rien d’autre qu’à les diriger. Acteur ? Un langage de réalisateur.
16:30 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : acteur, salarié, formation, réforme, éducation, dictionnaire
11/06/2015
Acteurs...de cinéma ?
Le système de formation professionnelle français a fonctionné pendant 40 ans en s'appuyant sur la fiscalité et la gestion paritaire des moyens d'accès à la formation. La loi du 5 mars 2014 a rompu avec ces choix pour, dans la logique de l'ANI du 14 décembre 2013, parier sur la responsabilité des bénéficiaires : aux entreprises d'assumer leur rôle d'employeur et aux salariés d'être acteurs. En droit, la responsabilité suppose capacité et liberté. Capacité d'agir cela veut dire disposer des éléments nécessaires à la prise de décision. Liberté cela suppose que les choix ne soient pas effectués par des tiers, la seule liberté consistant à dire oui ou non.
Un exemple parmi d'autres : une salariée souhaite se professionnaliser. Elle identifie les activités qu'elle souhaiterait intégrer à ses pratiques. Elle trouve un prestataire de formation qui dispose d'une offre correspondant à son projet, le contacte et dispose d'un devis, d'un calendrier. Elle prend contact avec l'OPCA financeur qui lui répond (en mai) que pour ce qui la concerne, il y a un catalogue annuel qui est élaboré et qu'il faut choisir à l'intérieur. Après vérification son projet n'y figure pas. On l'invite à reprendre contact...lors de la parution du prochain catalogue en fin d'année.
Depuis 2004, on trouve systématiquement dans les ANI la volonté de promouvoir le salarié "acteur". Depuis 2013, on y associe l'entreprise "responsable". Si l'on veut que ces mots aient une quelconque réalité, alors il faut cesser de déposséder les bénéficiaires de leur capacité de choix et avoir l'humilité de mettre en place des systèmes qui ne décident pas pour autrui mais leur permettent d'exercer leur libre choix en allant au-delà du simpliste "Qui paie commande" qui ne peut être que contreproductif tant l'implication du bénéficiaire est la condition même de l'efficacité de la formation. En d'autres termes, il faut que le réalisateur accepte de ne faire que tourner et laisse les acteurs jouer.
00:05 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : formation, réforme, acteur, cinéma, responsabilité, droit, travail
28/01/2011
Acteur dirigé
L'exposition Basquiat, initialement présentée à Bale, est visible au Musée d'art moderne de Paris jusqu'au lundi 30 janvier. On peut y apprécier la redoutable créativité d'un jeune homme qui fut un véritable citoyen du monde tant la mixité culturelle lui est naturelle. Aux frelatés de l'identité nationale on conseillera de réserver une paire d'heures ce week-end pour s'ouvrir les chakras.
La visite de chaque toile est un voyage dans les couleurs, le mouvement, les symboles, les associations, comme l'on avancerait dans un livre avec le plaisir d'en parcourir les pages et le désir qu'il ne finisse jamais.
Parmi les surprises qui ne manquent jamais de surgir en de telles occasions, celle-ci. Au détour d'une toile une caméra qui filme un "subject". La surprise vient du fait que la caméra doit plutôt filmer des acteurs, mais voici que le dit acteur est ici réduit au rang de sujet.
Jean-Michel Basquiat - Zydeco - 1984
Cette position de l'acteur devenu marionnette-sujet sous le pinceau de Basquiat interroge alors que depuis 2003-2004, il n'est question dans les textes législatifs ou conventionnels consacrés à la formation que de "salarié acteur". Que fait l'acteur dans un film ? ce que lui demande le metteur en scène, qu'en anglais on nomme le Directeur d'acteurs. Etre acteur c'est évidemment être dirigé et jouer un rôle. Pour ceux qui pensaient qu'être acteur renvoyait à plus d'autonomie traduite par une prise en compte des motivations personnelles et la reconnaissance de chacun, il est vraiment nécessaire de faire un détour par l'exposition Basquiat avant lundi pour apprécier le lapsus sémantique qui se cache derrière la notion de salarié acteur.
00:06 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : basquiat, acteur, salarié acteur, formation, ressources humaines, management, cinéma, exposition, peinture