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29/02/2012

Vivre c'est philosopher

Primum vivere, deinde philosophare : d’abord vivre, ensuite philosopher. La devise semble conçue pour les pays où tout fait défaut, comme un hommage éternel à la pyramide de Maslow : besoins primaires et secondaires relèveraient d’une distinction quasi-naturelle. On sait bien que cet ordre naturel est une construction de l’esprit qui ne demande qu’à être invalidée. Ainsi, les enfants qui ont souffert de carences affectives ont un avenir plus compliqué que ceux qui ont souffert de carences alimentaires.

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Que la pyramide de Maslow soit une fumisterie n’est ni une surprise, ni une nouveauté, juste un rappel de la vigilance élémentaire : se défier de ceux qui déclarent ne vouloir que votre bonheur et ne jamais oublier que le bonheur peut évidemment se décliner collectivement mais que les conditions en sont d’abord personnelles.

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A Cuba, l’impression est tenace que faute d’argent la priorité a été donné au temps et qu’à défaut de consumérisme,  la musique, la danse, la lecture et l’amour occupent les corps et les esprits.

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Et que vivere et philosophare ne s’opposent guère. Pas étonnant, le propre de l’humain est de rendre synonymes vivre et philosopher.

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28/02/2012

A la marge

Dans les rues de La Havane, les traces sont multiples. Celles du passé bien évidemment puisqu’il est en grande partie le présent. Celle d’une économie administrée avec ses magasins aux pâles rayons et ses files d’attente. Celle de la débrouille, de l’invention et du parallèle, partout. Quand l’officiel est insuffisant pour vivre, l’officieux se déploie quasiment sans réserve, et l’imagination devient sans limite.

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Dans un paradoxe étonnant, toute activité peut témoigner de l’échange, de la solidarité, de la gratuité, mais devenir également une activité économique et pas seulement à destination des étrangers.

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Mais toujours, ce qui frappe, c’est la capacité sans limite d’imagination, d’invention et de débrouillardise. Les petites combines qui améliorent l’ordinaire et exaspèrent le visiteur qui demeure engoncé dans son habitus, sont autant de bouffées d’oxygène, et pas seulement économiques. Car c’est toujours dans les marges de tout système que se construisent les espaces de liberté.

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07/01/2012

Envie d'été

C'est là, maintenant. Lorsque la grande descente dans le tunnel de la nuit s'est achevée et que les jours commencent à rallonger. Quand est retombée l'excitation/agitation des fêtes de fin d'année qui s'entremêlent à d'autres souvenirs. Lorsqu'elles ne sont plus d'actualités. On sait que le froid est encore à venir, on le souhaite même, pour être certain que l'hiver est bien en train de passer. Mais ce dont on a envie c'est l'été.

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Portée par le début d'année, par ce commencement qui impulse le mouvement qui aboutira à ce temps immobile et enfin déployé qu'est l'été, l'envie d'été est comme une germination précoce. Comme le goût du vin que l'on approche de ses lèvres, comme le plaisir de faire le marché avant de cuisiner. L'envie d'été est la cristallisation de toutes les envies. Elle a des couleurs de Garonne, des odeurs de table, des plaisirs alanguis. C'est l'envie d'été qui nous fait encore plus apprécier le froid de l'hiver et ses week-ends pluvieux. L'envie d'été ne se suscite pas, elle ne se quémande ni ne se demande, il suffit de la laisser venir.

06/08/2011

Horoscope

Les articles de presse les plus lus sur les plages ? les horoscopes, sans discussion. Pour ceux qui n'ont pas opté pour la plage, car ce serait pousser loin le vice que de lire ce blog sur une plage, voici donc votre horoscope de l'été...et des étés suivants. Cet horoscope est valable de manière permanente et pour tous les signes. Il s'exprime ainsi : votre avenir dépend de la manière dont une jeune fille chinoise fera son affaire des toiles de Bacon.

Ce n'est pas clair ? lisez les autres articles que l'horoscope dans la presse et cela vous paraîtra évident.

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14/06/2011

L'énigme des pierres d'achoppement

Entre un peu de travail le week-end pour absorber ce qui peut l'être du travail en retard et les jours fériés qui n'en sont pas mais que l'on ne travaille pas, on s'y perd un peu. Alors pourquoi pas une chronique de week-end en semaine, avant de reprendre le cours de la réforme des OPCA et du débat sur la négociation et la loi, si l'AEF veut bien publier l'interview qu'elle a réalisée de Jacques Barthélémy sur ce sujet.

Petit intermède donc avec un retour sur les pierres d'achoppement. Les quoi ? les pierres d'achoppement qui font référence au Facteur Cheval. C'est en butant sur une pierre lors d'une tournée à travers champ, que le Facteur Cheval, intrigué par la forme de la pierre, commença le travail qui le conduisit à bâtir son palais à Hauterive. Chacun a ainsi ses pierres d'achoppement qui jalonnent son parcours. Moments où se cristallisent en un jaillissement faussement hasardeux quelques unes des clés de notre existence. En voici une livrée ici.

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Magritte - Les valeurs personnelles

Adolescent, je n'accordai pas un intérêt particulier à la peinture. Les sujets naturalistes m'ennuyaient et la peinture onirique me paraissait peu crédible. Je n'entendais rien à la peinture abstraite. Et puis j'ai découvert, dans une revue pour enfants, cette peinture de Magritte. Dans laquelle j'ai buté. Le thème de la chambre fait certes écho à l'adolescent, mais il y avait autre chose. Le fait que l'on pouvait à la fois peindre de manière réaliste et réaliser une peinture onirique. Que les deux ne s'opposaient pas. Qu'au contraire, c'est dans l'union des contraires que se trouve la voie de l'innovation et du merveilleux. Que la capacité à produire des synthèses à partir d'éléments disparates est une voie de connaissance. Cette révélation demeure. Les pierres d'achoppement font d'excellentes pierres de taille.

28/05/2011

Chronique de week-end : l'énigme des noces enfantines

L’enfance est un temps long. Eternel. Cette éternité arrive de toujours. Sur ces visages singuliers, peu de marques du temps. Le parchemin du corps est encore vierge, le livre de la vie demeure ouvert. Et pourtant les regards ne trompent pas. Ils disent la manière dont est vécue l’enfance. Ebahi devant le monde tel qu’il va, déjà intégrée à la vie sociale la plus conventionnelle, peu prêt, au contraire, à jouer le jeu théâtral de la société, rebelle devant ces adultes  peu crédibles, ou soucieuse, déjà, de leur plaire. Cet enfant là, venu d’on ne sait où, pétri d’histoire collective et tout entier singulier, cet enfant là ne meurt jamais.

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Il est parfois enfoui, oublié, refoulé, perdu même. En un tel cas, l’adulte est triste, son destin est celui d’un homme sans ombre qui cherche en vain pourquoi sa vie ne lui paraît jamais ressembler à ce qu’il souhaiterait. Etre fidèle à l’enfant que l’on était, ce n’est pas s’immobiliser en une posture définitive, et encore moins faire place à l’infantilisme. C’est laisser la part d’enfance vivre et s’épanouir, lui offrir mouvement et transformation et en faire le catalyseur de nos choix.

Mis en rang et parés pour la noce, ces enfants de 1938, ne savent pas encore que les plus belles amours sont enfantines. Et encore moins, tout séparés que sont ici les filles et les garçons, qu’il faudra accorder le masculin et le féminin  d’un homme avec le féminin et le masculin d’une femme  pour former un couple. Et plus important encore, que toute union est aussi celle de nos enfances. Mais laissons pour l’instant tout cela, aujourd’hui c’est jour de noces. Vive la mariée !

22/05/2011

Chronique de week-end : l'énigme des correspondances

Vous ne croyez pas au hasard, ou plutôt uniquement au hasard objectif : "la manifestation extérieure d'une nécessité intérieure". Les coincidences vous émeuvent au point que, tel Champollion devant la pierre de rosette, votre obsession est de parvenir à en trouver la clé. Les clés justement. Vous percevez le monde comme un ensemble de clés et de serrures que vous faites jouer à loisir. Toutes les portes vous intriguent, et vous ne rêvez que de les pousser. De l'autre côté du miroir, vous savez qu'Alice vous attend. Chaque virage vous invite à poursuivre votre chemin pour voir "ce qu'il y a après", l'horizon est une promesse de nouveauté. 

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Yves Tanguy - Il faisait ce qu'il voulait - 1927

Vous regardez le tableau de Tanguy et vous souriez. L'oeuvre est un piège parfait pour égarer la compréhension de l'observateur. Il faut résister  à la tentation des grands fonds, de la mer originelle et de l'univers des mères, s'écarter du liquide amniotique et de la matrice primordiale. Tout ceci est pesant et laborieux. Mieux vaut suivre les fils épars qui s'élancent de toute part, mieux vaut s'enthousiasmer du Minotaure qui apparaît à l'horizon, mieux vaut jouer aux dés avec les lettres offertes à toutes les significations, mieux vaut se réjouir de la rencontre de l'homme qui avance vers vous. Si ce tableau a pu être peint, cela signifie que le sensible et l'invisible sont à portée de conscience et  que des ondes colorées, telles des cycles lunaires, bousculent de leurs rythmes nos allures habituelles. A l'invitation de Rimbaud, Yves Tanguy s'est fait voyant. Le dérèglement raisonné de tous ses sens lui a donné la liberté dont la peinture à pu jaillir, traçant des lignes et créant des correspondances. Celles dont vous êtes friands et qui feront de ce tableau un de vos talismans.

14/05/2011

Chronique de week-end : l'énigme de la rue des songes

Il y a plus de 6 000 ans. Vous descendez le Nil. La couleur des corps s’éclaircit au fil de votre voyage. Les princesses nubiennes s’évanouissent et prennent, sous l’habile main des scribes, les traits de Cléopâtre, puis ceux d’une statue grecque, d’une patricienne romaine et d’une reine de France. Le vertige vous saisit, comme la main turque qui vous traîne vers l’empire Ottoman déployant ses fastes masculins devant vos yeux qui ne peuvent se défaire de l’ambigüité du spectacle. Cette vision vous dérange.

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Eddy Saint-Martin - La rue des songes

Vous partez en Afrique sous le grand soleil noir. Les tambours vous enivrent. Vous êtes poussé dans un bateau, le voyage est sans fin. Vous croisez des animaux marins d’un autre temps, votre esprit ne désire qu’une chose : fuir, que tout cela s’arrête, le sommeil ou mieux encore la mort. Mais non, bien au contraire, la vie vous porte, la vie vous tient. Vous êtes esclave aux Antilles. Votre seul secours ce sont les esprits nègres, vous invoquez le grand masque, vous y croyez tellement, avec une telle énergie, que le grand masque apparaît et vous libère. Vous courez. L’Amérique est à vous, tout à faire, tout à conquérir, New-York vous attend. Tout est possible. Les rues s'offrent à votre désir. La liberté, le sexe, l’amour, le grand jaillissement de la vie. Vous n’en revenez pas, votre plaisir est à son comble, vous poussez un cri, qui vous réveille. Vous venez d'emprunter la rue des songes.

07/05/2011

Chronique de week-end : l'énigme de l'illusion des profondeurs

Vous écartez d'emblée tous les clichés : le grand bleu, la marenostrum, la mère originelle, le liquide amniotique, tout le fatras habituel de la symbolique de surface. Car il s'agit de se plonger dans les profondeurs. D'aller voir un peu au-delà. Il ne s'agit pas de descendre, mais de monter dans cette profondeur qui nous est offerte par Alain Garrigue. La graine a rugi et laissé place à cette grande tige qui nous livre ses petites échelles, de ci de là, pour nous faciliter l'entrée dans le tableau. A hauteur d'homme. De manière un peu exceptionnelle car dans les toiles d'Alain Garrigue on trouve toujours un trait d'humour, un léger déni de réalité, un décalage, un clin d'oeil qui vous dit "du calme, tout ça n'est pas vraiment sérieux, profite, apprécie, mais pas la peine de se pousser du col". Ici ce trait n'est pas présent. La toile recèle une gravité qu'il était nécessaire de noyer dans le bleu pour qu'elle ne soit pas pesante. Par ce ton et par ce bleu, rapportés à sa peinture habituelle, cette toile est d'exception.

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Alain Garrigue - L'illusion des profondeurs - 2010

Vous vous laissez happer par la toile et entrez dans son espace. Vous vous demandez quelle est la matière qui vous accueille : pas la mer, pas la terre, pas l'air. Si c'est une matière, elle est inconnue dans notre monde. Et là vous réalisez que l'espace dans lequel vous projette cette toile, c'est le temps. L'oeil de Proust, en haut, au centre, vous en persuade. Le maître du temps est là et veille à son ordonnancement. Vous êtes dans la Cathédrale du temps, le lieu de toutes les incantations, de toutes les convocations. Vous lisez à gauche sur la toile : "ICIOULA" et c'est Rimbaud qui apparaît :"Arrivée de toujours, qui t'en iras partout". Vous découvrez à droite ces touches de couleur ocre, brune, sienne, terre, chair et surgit De Stael, autre grande carcasse qui se plie et se détend devant la toile. Vous voyez quelques bateaux de Charon, des pas perdus pas perdus, la présence permanente de l'enfance, quelques ombres que vous habillerez vous même de vos craintes ou de vos désirs. Et là le mouvement se met en marche, le couvercle saute, la mécanique s'enclenche, le manège tourne, e per si muove, tout prend vie, l'illusion est profonde. Qui vit avec cette toile ne pourra plus s'en séparer.

24/04/2011

Chronique de week-end : l'énigme verticale de Van Dongen

On pourrait penser que dans les plats pays du Nord, balayés par des vents froids et persistants, il importe de n'être pas trop grand. D'avoir un centre de gravité plutôt bas. D'échapper aux rafales et bourrasques. Il n'est nul besoin de se hisser sur une haute taille pour voir loin. Et pourtant, c'est au Sud que l'on trouve les trapus et au Nord les grands gaillards. Van Dongen était un grand gaillard. Descendant à Paris, il se lie d'amitié avec Picasso qui arrive de Barcelone. Nord-Sud. Et Van Dongen descend à la verticale. Les couleurs de l'Espagne envahissent ses toiles, plutôt sombres jusque-là.

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Van Dongen - Le doigt sur la joue - 1910

Venu d'un pays sans horizon, Kees Van Dongen s'en est donné un avec les femmes. Qu'il peint comme un fauve, un expressioniste, un amoureux à l'énergie fiévreuse, un peintre. Les femmes du Sud le fascinent, elles ne lui font pas peur, il aime leur liberté, leur indépendance, leur intelligence. Ce qui en fait une exception parmi les hommes, et nous livre une réponse à la question de savoir pourquoi les femmes de Van Dongen nous fascinent.

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En la plaza, femmes à la balustrade - 1911

Le Sud, le géant du Nord y reviendra à plusieurs reprises. Voilà à quoi sert la grande taille : voir les femmes aux balustrades et toiser le soleil. Lorsque Van Dongen s'éloignera de cette boussole, sa vie perdra de sa verticalité et sa peinture également. Mais il aura eu le temps, avant cela, d'approcher le mystère de la Gitane.

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Van Dongen - Gitanes - 1917/1918

La verticalité de Van Dongen, cet axe Nord-Sud, le lien évident entre les Pays-Bas et l'Espagne, n'eurent qu'un temps. Vint ensuite celui des déshonneurs divers, qui ne pourront toutefois effacer qu'à une époque, dressé dans sa superbe verticalité, Van Dongen a trouvé les clés de la plus troublante des énigmes, non pas celle de la femme, mais des femmes.

09/04/2011

Chronique de week-end : l'énigme du passeur chinois

Pour cette chronique de week-end, détours par la Chine et New-York. Xiao-Se est un peintre chinois né en 1970 à Pékin. Il est une des figures de l'art contemporain  chinois et ses oeuvres sont présentées en Occident essentiellement par la Galerie Eli Klein à New-York. Xiao-Se est un passeur. Aux jeunes générations chinoises il peut témoigner du chemin de la Chine vers l'ouverture, entamée au moment de sa naissance. Aux peintres, il offre une synthèse entre l'art traditionnel chinois, la contemporéanité et la peinture occidentale classique et moderne. Réaliser une telle synthèse est prendre le risque de l'artificiel, de l'effet patchwork, du plus petit dénominateur commun. Xiao-Se échappe à ces facilités en prenant appui sur l'humour qui, et ce n'est pas paradoxal, permet de gagner en profondeur tout en allégeant le propos. Exemple.

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Xiao-Se - Sans titre - 2010

Voici qui pourrait illustrer la Grande Marche et les Cent Fleurs. La technologie s'envole, mais la Chine suit son chemin. Les contrastes sont prononcés : des fleurs en milieu aride, une pièce aux allures de geôle grisâtre et triste mais au ciel ouvert, des enfants et un vieillard bienveillant, tout ceci nous rappelle étrangement la peinture de Ghirlandaïo. Dans ce ciel immobile et cette pièce sans âge, tout est pourtant mouvement : l'avion, l'enfant, les fleurs et la vie à travers l'envie de ces enfants pressés de voir le monde qui s'offre à eux. La Chine vous fait peur, comme le titrait un hebdomadaire récemment ? c'est possible si les contradictions vous terrifient, si la marche vous insupporte et si le mouvement vosu perturbe. Ou si vous pensez inconciliables mouvement et immobilité, éternité et instant présent, méditation et jubilation, ascèse et luxuriance. Ou si vous croyez à la fable du choc des civilisations. Mais si tout cela vous parait naturel, évident, disponible, offert, présent, alors le détour par les tableaux de Xiao-Se sera un chemin de sourire, de plaisir et de connaissance.

02/04/2011

Chronique de week-end : l'énigme de l'extase

Pour cette chronique de week-end, retour sur une exposition tenue en début d'année dans la chapelle du Musée d'Art et d'Histoire de Saint-Denis. Ernest Pignon-Ernest y présentait "Extases" ou le mystère des mystiques. Elles se nomment Hildegarde de Bingen, Marie-Madeleine, Angèle de Foligno, Catherine de Sienne, Marie de l'Incarnation, Thérèse d'Avila et Mme Guyon. Elles meurent de ne pas mourir.

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On les dit mystiques et tentant par l'extase d'échapper à leur corps, qui du coup peut s'exposer sans choquer en la Chapelle, puisqu'il s'agit de sortir de ce corps, de se désincarner pour s'incarner en Dieu. C'est du moins ce qu'on leur fait dire. Il vaudrait mieux les écouter. Hildegarde par exemple, qui dit exactement l'inverse : "O homme, tu as en toi le Ciel et la Terre, fais de ce monde un Ciel sur la Terre".

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Mais alors les corps ne seraient pas l'idée, ils seraient bien là, présents, et la chair extatique incarnerait la jouissance du corps en  ces instants d'abandon où le plaisir et la douleur peuvent s'assembler pour porter le corps non pas hors de lui-même mais au plus profond de lui-même. Ne vous y trompez pas, toutes ces femmes regardent vers l'intérieur et ne deviennent universelles qu'en allant au  bout de leur passionnelle singularité.

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Parole de Thérèse : "Ce qui importe avant tout, c'est d'entrer en nous même pour y rester seul avec Dieu". Dieu est un ami, et même plus. Marie de l'incarnation, dans ses prières, appelle Jésus "mon bien aimé".

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Peut-on faire plus incarné que Catherine de Sienne qui affirme : "Tu es ce qui n'est pas. Je suis ce que je suis". Ces femmes là n'ont pas le mysticisme étéré que l'on voudrait leur prêter. Elles sont charnellement et spirituellement présentes à la sensation que leur corps ne fait pas qu'exprimer mais vit pleinement. Ces femmes ont toute connaissance et le revendiquent. Angèle de Foligno : "le premier pas est la connaissance du péché ; par elle, l'âme craint fort d'être damnée en enfer. En ce pas, l'âme pleure amèrement". Corps et âmes donc, bien sur, mais en pleine conscience de l'abandon et du plaisir de la sensation physique de l'amour comme forme ultime de la connaissance.

26/03/2011

Chronique de week-end : l'énigme du hasard

Les surréalistes définissaient le hasard comme la manifestation extérieure d'une nécessité intérieure. Autant dire qu'il ne nous arrive que ce que nous sommes prêt à accueillir. L'état de disponibilité, ou non, dans lequel on se place, est la source naturelle du hasard.

En ce premier week-end de printemps, soleil en bandoulière, la rue nous invite et nous attend. Vous pourrez y croiser Miss Tic.

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Il n'est pas nécessaire de suivre le conseil et de s'assurer contre le hasard, par contre vous pouvez vous demander si ce regard si vite arrivé est le votre ou celui qui se porte sur vous. Belle gambade à tous.

19/03/2011

Chronique de week-end : l'énigme de la tempête

Peu d'oeuvres ont suscité autant d'interrogations, de recherches, de commentaires, d'hyphothèses, d'approximation. Et peu d'oeuvres ont montré une telle résistance aux assauts de l'interprétation. La tempête de Giorgione n'est pas prête de livrer ses secrets, ni même de nous annoncer qu'elle n'en recèle guère.

Quel sens donner à cette peinture  : Tableau alchimique présentant l'eau, l'air, la terre et le feu ? allégorie de la condition humaine après l'expulsion du paradis d'Adam et Eve ? représentation archétypique de l'homme et de la femme, du guerrier et de la mère, de la puissance et de la charité ? panthéisme forcené dans lesquels les sujets ne sont que l'expression de forces qui les dépassent ? scène de genre à laquelle on prête trop et qui ne fait que rendre l'atmosphère sereine et le potentiel orageux de la passion amoureuse ? accumulation de symboles phalliques (la lance, les colonnes, le caleçon bombé, le jaillissement de l'éclair...) mis en regard d'éléments plus féminins (la source d'eau, la maternité, le sein,...) dans une de ces oppositions duales dont l'Occident a le goût ? simple exercice de style ? amusement du peintre qui se réjouit déjà des siècles d'interrogation qu'il va susciter ? synthèse absolue de l'histoire de la peinture jusque là ?

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Giorgione - La Tempête - 1507

Le propre du tableau énigmatique et que plus vous le cotoyez, plus il vous est familier, plus la compréhension que vous en avez agit sur vous, et plus il apparaît évident que la seule résolution qui soit est de nature poétique. Ce qui signifie que le sens du tableau est autant dans le bleu des tempêtueux nuages que dans la pose nonchalante du jeune homme ou le regard inquiet et serein de la jeune femme. Ce regard paradoxal tourné vers celui qui regarde le tableau en est sans doute la clé. Le tableau est un collage, divinement assemblé. Toutes les contradictions de la vie y sont présentes et cessent de s'opposer. Elles composent une unité dont l'harmonie nous charme sans relâche. De la poésie pure, c'est-à-dire de la vérité : "La poésie est le réel absolu, plus il y a de poésie, plus il y a de vérité" (Novalis). Giorgione a donc peint en 1507 ce que Novalis écrira près de trois siècles plus tard. Rien d'étonnant donc à ce que la Tempête appartienne au genre des "poesie", genre créé par Giorgione lui-même. Il n'y a donc qu'un moyen de percer l'énigme : placez la Tempête en face de votre lit et laissez vous porter par le rêve en souriant.

12/03/2011

Chronique de week-end : l'énigme, ou le rêve, de Vénus

Chronique du week-end consacré à un tableau audacieux du XVIème siècle dans lequel explicite et inconscient, onirisme et réalisme, explicite et suggestif se mêlent en géniaux entrelacs.

L'oeuvre a donné lieu à de nombreux commentaires, trop souvent très classiques, comme celui de Panofski qui voit dans la Vénus du Titien l'image  de la tendresse et de la douceur matrimoniale. Allant un peu plus loin, Daniel Arasse voit que le tableau n'est pas une scène se déroulant dans un palais vénitien mais une présentation sur fond noir, pour la mise en valeur de la nudité, d'une fière Vénus se manuélisant, selon le terme charmant de l'époque, tandis que les servantes s'affairent, comme il convient. Plus érotique que Panofski, Arasse souligne bien la hardiesse de la représentation mais surtout la force du tableau et de Vénus, qui s'expose et regarde à la fois. L'interprétation d'Arasse ne satisfait toutefois pas totalement (voir extrait et résumé de deux analyses du tableau ci-dessous). Que peut-on voir dans la Vénus d'Urbino ?

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Titien - La Vénus d'Urbino - 1538

Une jeune femme qui se clitorise comme l'on dit alors (lorsque Titien peint le tableau Montaigne a cinq ans et n'a pas encore introduit dans la langue française le vocable "masturbation"), est-ce véritablement un scandale au XVIème siècle ? Oui pour l'Eglise même si elle n'est pas le pêché majeur. Selon Arasse, elle est même recommandée pour avoir des enfants ce qui renforcerait l'hypothèse d'une scène située dans un contexte de mariage. Toutefois, l'interdit religieux n'est pas douteux. Dès lors, le tableau peut prendre une autre signification. La scène du second plan n'est pas du même ordre que la présence de la Vénus à l'avant du tableau, l'improbable "rideau" noir en atteste comme Arasse l'explique. Mais il ne s'agit pas que d'un effet pictural et l'explication d'Arasse à ce sujet paraît faible. Il semble plus évident que le noir du rideau renvoie à la plongée nocturne dans le sommeil et que la scène au second plan est le rêve de Vénus. Le rêve qu'en mettant les mains en des lieux interdits elle transgresse avec plaisir et volupté les règles sociales. Et ce ne sont pas deux servantes qui s'affairent mais une petite fille qui plonge ses mains avec l'avide curiosité de l'enfance dans le coffre des merveilles. La servante debout, dont la jupe rouge figure l'ordre et la loi, remonte sa manche pour administrer la  correction méritée au regard de la morale. Vénus a été surprise en son enfance et punie pour sa curiosité. Quelle revanche de s'offrir librement au plaisir en notre présence et pour le notre.

Arasse - Venus - Titien.pdf

Arasse-La Venus du Titien.pdf

05/03/2011

Chronique du week-end : l'énigme des women

Pour cette chronique de week-end ensoleillé, un triangle d'or : la Hollande, l'Espagne, New-York.

Car Willem de Kooning est un New-yorkais de Hollande, convaincu que les femmes sont des paysages et se souvenant corporellement que l'Espagne, comme la mer du Nord, s'est répandue dans les terres basses qui furent son premier horizon.

Les Women de Willem De Kooning sont des Vénus, directement issues de la Vénus de Lespugue et de toutes les Vénus ultérieures, mais qui n'aurait pas été taillée dans l'ivoire, plutôt pétrie dans la glaise, dans l'argile, dans la terre primordiale gorgée de mer originelle. Si Courbet dévoilà l'origine du monde, De Kooning nous offre à la fois l'origine et l'avenir. La toile inondée de couleurs, de gestes et d'eau livre une figure dont la rapidité d'exécution ne doit pas tromper sur l'immémoriale élaboration. Réminiscence : dans les plats pays, sur les étendues d'eau, les nuages sont longs à se former mais défilent rapidement car rien ne saurait obstruer l'horizon. Le vent est maître des lieux, que l'on honore en couvrant le paysage de moulins. Le vent, le mouvement, le passage rapide du temps, et l''éternel retour de tout ceci habitent les vénus de De Kooning.

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Willem De Kooning - Woman I - 1950-1952

Solidement installée dans l'herbe grasse des Polders, les pieds dans la mer, telle une momie irriguée de vie et d'énergie, la Woman I révèle brutalement que donner la vie c'est également donner la mort et que l'opposition entre femme-vie-mère et homme-mort-guerrier est un défaut d'imagination, une paresse de l'esprit. Comme le dit Sollers : "Le monde appartient aux femmes. C'est à dire à la mort. Là dessus tout le monde ment". Pas De Kooning dont les doux yeux bleus ont une sauvage lucidité. Imaginez un instant le corps à corps avec la toile qui rendit possible cette Woman. Fermez les yeux et vous verrez la raison des bourgeois commerçants du Nord s'accoupler violemment avec la pasionaria espagnole. Les hollandais et les espagnols furent des marins. Les plus belles villes de ces pays sont des ports. Ici, il faut se souvenir que c'est à  New-York que sont apparues les Women. L'eau venue de toujours et qui s'en ira partout.

27/02/2011

Chronique de week-end : l'énigme de Gilles

Chronique de week-end consacrée à l'énigme d'un des tableaux que l'histoire de l'art retient comme l'un des plus mystérieux qui soit.

Que regarde le Gilles de Watteau ? que vous dit l'oeil de l'âne ? pourquoi les quatre personnages ont-ils tous une expression différente ? d'où vient cette profondeur de Gilles dont le visage tout entier a la qualité du sourire de la Joconde ? Si vous passez par le Louvre, oubliez la Joconde, mais visitez la Belle Ferronière puis dirigez-vous vers le Gilles, vous ne serez pas dérangé. Le tableau exprime tout l'art du 18ème siècle et des Lumières : de la peinture, du théâtre, de la philosophie, du roman, tout ceci est présent dans ce tableau tragique et joueur, profond et léger, lumineux et obscur. Ce tableau qui réunit tous les contraires en un éclat de génie bouleversant.

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Antoine Watteau - Gilles - 1718

Gilles est un crucifié, il en a la lucidité. Gilles est un clandestin. Il s'habille de blanc, paraît au premier plan, capte toute la lumière, s'offre à vous et pourtant vous ne le voyez pas, ne le percevez pas, ne savez rien de lui. Pas de roman social et familial chez Gilles. Une présence absence qui lui offre toute liberté. Que lui diriez-vous si, croisant son chemin, il vous apparaissait dans son costume à la fois trop grand et trop court ? le corps lourd, les mains épaisses laissent un visage hébété. Pourtant, au léger, sourire, vous vous demandez si le Gilles ne se fout pas de vous. Et vous avez bien raison. Vous vous trouvez devant un hybride, c'est-à-dire littéralement un monstre. Et l'on ne cause guère au monstre. Passez votre chemin, voici le Gilles qui exprime toute la folie des hommes et n'en laisse rien paraître. Gilles, mon frère, mon ami, mon double, mon meurtrier.

19/02/2011

Chronique de week-end : l'énigme de Lady Mrs

Pour cette chronique de week-end, détour par l'Amérique  et par....Paris. En 1881, Edmund Charles Tarbell vient parfaire sa formation de peintre à Paris. Le procès de Mme Bovary, autrement dit Flaubert, s’est tenu en 1857. Sans doute les effluves du procès demeurent-elles, enserrées dans le corset de la société de la fin du 19ème siècle dont tous les lacets n’ont pas été défaits. Tarbell a donc a sa disposition tous les ingrédients pour peindre des portraits de femmes. D’autant qu’en 1882, et encore l’année suivante, il voyage en Italie, passage obligé pour qui veut peindre la féminité corps et âmes, Ingres en savait quelque chose. Peut être Tarbell a-t-il lu Stendhal lors de son séjour parisien.

L’air du temps, les influences, une histoire personnelle ? difficile de dire ce qui guida Tarbell dans le portrait de Mrs John Lawrence. Le degré de conscience de l’artiste sur son œuvre est toujours incertain. Reste qu’elle est là, qu’elle vous regarde et que vous ne savez pas si vous serez à la hauteur de ce regard.

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Edmund Charles Tarbell - Mrs John Lawrence - 1912

Mrs John Lawrence n’a pas de nom, pas de prénom. Tout est emprunté à son époux. Comme l’indique le titre, l’existence sociale de cette femme est déterminée par celle de son mari. Il fallut aller jusqu’à  l’arsenic pour que Mme Bovary devienne Emma. Lady Mrs, puisqu’il nous faut expulser un mari dont nous n’avons cure, n’a guère envie d’arsenic. Car sous l’ennui apparent, malgré la rigidité statuaire et statutaire de la pose, dans ses yeux d’écusette de noireuil, la vie furète et n’a pas dit son dernier mot. La main légère pourrait achever, si nécessaire, de vous rassurer. Cette femme-là méprise les conventions sans haine et se joue des apparences. C’est ce qui vous fascine dans ce portrait. Vous percevez la détermination associée à la légèreté, ce couple parfait qui souvent terrifie les hommes, encore plus lorsqu’il a élu domicile chez une femme qui les séduit. Voici donc l’épreuve qui est la vôtre. Accepter de vous laisser séduire par cette femme et son couple fétiche qu’elle porte en diadème et trouver votre bonheur dans la passion et le goût. Lady Mrs n’est redoutable que si l’on en a peur. Edmund Charles Tarbell savait-il tout ceci ? il nous permet en tout cas de l’apprendre.

12/02/2011

Chronique du week-end : l'énigme du jardin sans tête

Nouvelle chronique de week-end consacrée à un des plus célèbres tableau de Max Ernst. L'oeuvre est charmante, les couleurs douces, le titre inhabituellement illustratif chez Max Ernst et les conclusions sont vite tirées : un collage d'après une Vénus de Cabanel, la femme paysage, la carte du tendre de la Touraine, la fertilité du jardin et de la femme, le nu voilé/dévoilé, le succès du tableau, outre sa facture et les talents de coloriste de Max Ernst, est aussi du à sa lisibilité.

Oui sauf que  tout cela est trop évident, trop "en rapport" et rend peu compte du trouble que suscite le tableau. D'aucuns se hâtent d'attribuer à la charge érotique du tableau, la légère perturbation qui vient suggérer que tant de cohérence est suspecte. Certains se hasardent à évoquer, mais à propos de la technique des collages seulement, la Femme 100 têtes parue en 1929. Nous sommes ici en 1962, Max Ernst à 71 ans. Un enfant de son âge a plus d'un tour dans son sac. Exit Cabanel (pour vous en assurer, voyez ici) et par la même occasion la femme enceinte, ceinte par le fleuve et la terre matricielle. Laissons ce lourd fourbi aux exégètes en peine.

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Max Ernst - Le jardin de la France - 1962

Prenons comme point de départ, l'ile de la Cité à Paris et sa rue de la femme sans tête (aujourd'hui rue Le Regrattier). L'ile Saint-Louis ou le sexe de Paris, enserré dans les cuisses de la Seine. Lorsqu'il composa la Femme 100 têtes, dans laquelle l'eau est très présente, Max Ernst connaissait cette symbolique de l'Ile, évoquée par Breton dans Nadja (1928). La femme de la Loire, qui vous est présentée sans tête, sous sa robe d'eau avait un corps, nu. La bande de terre et les bandes d'eau figurent l'Observatoire des amoureux de Man Ray. Max Ernst aime peindre en référence à ses amis et au jeune homme qu'il est resté.

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Man Ray - L'observatoire des amoureux

La Loire est un fameux observatoire pour les oiseaux qui s'invitent régulièrement dans les toiles de Max Ernst. Et si vous prenez le temps d'observer l'eau, les oiseaux, les nuages, vous ne serez pas surpris, bien au contraire, de l'apparition d'une femme nue, prise dans les courants contradictoires du désir du peintre, de vous, de moi et d'elle. Voici le passage des oiseaux muets comme la femme sans tête.

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L'ardeur de l'été fut confiée à des oiseaux muets

Reste le serpent. Max Ernst s'amuse à en faire un bas soulignant la cuisse qui vers vous s'avance. L'érotisme du serpent et la tentation sont des appeaux aux mille éclats derrière lesquels se dissimule Eve. Eve la seule qui nous reste. Eve que Max Ernst fait jaillir de l'eau, de la terre et du ciel, Eve qu'il n'a cessé de peindre et qu'il a déposée au coeur même du jardin, là où jaillit l'origine du monde. Comme la lettre volée d'Edgar Poe, Eve se dévoile et nul ne la voit. Magicien des oiseaux et de l'eau, Max Ernst nous livre la plus belle des clandestinités amoureuses, celle qui s'affiche au grand jour sans qu'on ne la voit.

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Max Ernst - Eve, la seule qui nous reste - 1925

05/02/2011

Chronique de week-end : énigme de l'ambivalence

Poursuite des chroniques, et des énigmes, du week-end. Cette semaine, Burton Silverman  avec une double énigme. La première est le peintre lui-même dont l'oeuvre n'est guère transcendante, de mon point de vue, mais qui récèle une merveille, comme un instant de grâce. La deuxième c'est le tableau lui-même.

Le visage est jeune et fatigué. Une lassitude immense, comme si quelques jeunes années avaient accumulé tant de matière, tant de vie, tant d'aventures, ou peut être pas tant mais de celles qui marquent, qui tracent leur sillon dans la chair et n'en démordent plus. La très belle et très émouvante fatigue des jeunes beautés.

Le corps est un peu lourd, la peau laiteuse des gens du Nord, pourtant, le regard et la chevelure viennent d'outre-Pyrénées. L'ambivalence tient-elle à cette gitane du nord, égarée dans un pays où les siens sont venus vivre et donc mourir ?

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Burton Silverman - Ambivalence - 2008

Bien sur vous avez remarqué cette femme nue qui court et qui pourrait préfigurer le songe de la gitane ou l'alternative de sa volonté. Etre nue, libre, en mouvement et non hâtivement vêtue, immobile et enfermée dans un passé qui ne passe pas. Mais cette ambivalence là est trop évidente, trop convenue, trop grossière pour Burton Silverman dont le sourire convainct qu'il aime rien tant que vous égarer sur les chemins de l'évidence. L'énigme ne se résoud pas en un face à face, sentencieusement organisé. Regardons plutôt du côté de l'abandon de la posture, de la fermeté des cuisses, de l'intensité du regard, de la flamboyance de la chevelure. La femme nue n'est qu'un faible leurre : la femme assise n'est pas abattue, elle a de la ressource, la vie et le feu sont en elles, l'instant ne lui est pas favorable, mais elle le domine de sa pose provocante. Elle n'envie pas la liberté de pacotille de la peinture à laquelle elle ne jettera pas un coup d'oeil. Elle est la liberté qui ne tardera pas à ressurgir d'un instant d'abandon. Comme Samson, sa chevelure en porte témoignage.