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04/08/2013

Soudain, Bacon

Soudain, car ce n'était pas prévu. Aucun indice préalable de cette première rétrospective de Francis Bacon en Asie depuis sa mort. Et soudain un prospectus, au musée de la photographie de Nara, indiquant qu'après avoir été présentées à Tokyo au printemps, les 33 toiles, dont 6 triptyques, étaient installées au Musée municipal d'art moderne de Toyota. Un coup de Shinkansen et de train suburbain, et nous y sommes. Bonheur des trains japonais qui vous téléportent en tout lieu avec le sourire. Et plaisir immense de pouvoir se pencher pendant des heures sur ces toiles disséminées aux quatre coins du monde et qui ne seront peut être plus jamais rassemblées.

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L'exposition a été un succès à Tokyo, où Bacon est une référence pour nombre d'étudiants des Beaux-Arts. A Toyota, le public est nombreux, exclusivement japonais...à deux exceptions près.

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Figure Study II

A l'émotion de découvrir les toiles et le mystère de la peinture de Bacon, y compris au plan technique, s'ajoute une interrogation particulière : de quoi Bacon parle-t-il aux japonais ? par exemple dans cette toile qui pourrait être japonisante avec le parapluie ombrelle, le vêtement couvrant aux motifs colorés, la rarissime présence de plantes, les touches de couleur de la partie basse à droite, que peut y voir un japonais qui découvre l'oeuvre pour la première fois ?

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Study for the human body

Voit-il dans cet homme seul qui semble quitter la scène une allégorie de l'isolement du Japon, qui tint longtemps lieu de politique, de sa singularité, plus fantasmée que réelle (mais un rêve partagé devient réalité), ou de sa pudeur ?

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Three figures and portrait

Car dans ce pays où le rapport au corps est si problématique, que peuvent susciter ces corps exposés, à la fois surexposés d'ailleurs et effacés par l'éponge ou le chiffon qui sont venus fondre traits et couleurs dans d'improbables mouvements que les commissaires de l'exposition ont rapproché, sans convaincre totalement, du Butho ? Et que pouvait penser cet homme en fauteuil, aux jambes atrophiées qui regardait ces figures aux membres martyrisés ?

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Sphinx III

Voici donc une nouvelle énigme pour le Sphinx. Comment l'oeuvre d'un occidental britannique, homosexuel, aimant la corrida, autodidacte, innovateur scandaleux, peintre de la chair incarnée, de la violence et de la solitude fondamentale peut-elle dialoguer avec la culture japonaise ? mon ignorance de la culture nippone ne me permet pas de répondre à la question mais le simple fait d'avoir pu me la poser m'a permis d'avoir, soudain, un autre regard sur les toiles de Bacon.

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14/05/2013

Non, bob, t'es pas tout seul !

Quand on demandait à Francis Bacon si tel peintre n'avait pas influencé son travail, il répondait invariablement : "j'ai été influencé par tellement de peintres que c'est bien possible". La même réponse aurait pu être obtenu de Picasso, d'Ingres et finalement de tout ceux qui font véritablement de la peinture. Il faut nous y résoudre, nous sommes des éponges. Même, ou plutôt, surtout, cette grande tige d'Alain Garrigue, dont on comprend mieux du coup certaines peintures.

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Alain Garrigue - Eponge, mode d'emploi - 2001

Consciemment, inconsciemment, par volonté, par goût, par désir, par fascination, par obligation, par la contrainte, par le plaisir, tous les jours nous épongeons mots, images, émotions, connaissances, odeurs, sensations, raisonnements, relations, visions, rêves, actions, en un mot tout ce que nous vivons. Eponger, certes, et pourquoi pas de bon coeur. Mais pourquoi faire ? la véritable question est moins dans ce que nous épongeons que dans ce qui ressort lorsque nous pressons l'éponge. Que va nous livrer la magique alchimie de l'individualité, de notre singularité ? qu'allons nous faire, nous abstenir de faire, essayer de faire, rêver de faire, ne pas vouloir faire ou faire en sorte de ne pas faire ? C'est parce que la réponse à cette question est toujours une surprise, que je prends toujours autant de plaisir, depuis 25 ans, à être formateur, éponge au milieu des éponges. Et c'est ainsi que Bob l'éponge est grand !

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06/08/2011

Horoscope

Les articles de presse les plus lus sur les plages ? les horoscopes, sans discussion. Pour ceux qui n'ont pas opté pour la plage, car ce serait pousser loin le vice que de lire ce blog sur une plage, voici donc votre horoscope de l'été...et des étés suivants. Cet horoscope est valable de manière permanente et pour tous les signes. Il s'exprime ainsi : votre avenir dépend de la manière dont une jeune fille chinoise fera son affaire des toiles de Bacon.

Ce n'est pas clair ? lisez les autres articles que l'horoscope dans la presse et cela vous paraîtra évident.

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13/07/2011

Une preuve par l'exemple

Dans le débat relatif à la réforme des OPCA, une pièce pourrait être ajoutée au dossier : celle de la négociation qui vient de s'achever à propos des Missions de l'Agence pour l'Emploi des Cadres (APEC). L'APEC est financée par des cotisations obligatoires des entreprises et des salariés mais vend également des prestations. Cette activité marchande pose la question du respect du droit de la concurrence et aurait pu conduire à scinder l'activité de l'APEC en deux : d'une part les prestations financées par le régime de contributions obligatoires, d'autre part les prestations vendues. Les partenaires sociaux sont parvenus à éviter cet éclatement en distinguant trois prestations différentes :

- les prestations d'intérêt général rendues dans le cadre des cotisations obligatoires. Elles relèvent d'une mission de service public (service économique d'intérêt général selon la terminologie européenne) ;

- les prestations non marchandes : elles ne sont pas vendues mais financées par les contributions dans le cadre d'un mandat de service public et au prix du marché ;

- les prestations vendues : elles ne peuvent recevoir aucun financement par les cotisations et doivent intégralement se financer aux conditions du marché.

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Francis Bacon - Triptyque - 1976

Le peintre qui réalise un triptyque peint trois tableaux. Pour autant, chacun de ces tableaux ne trouve du sens que dans la cohérence de l'ensemble. C'est à ce résultat que sont parvenus les partenaires sociaux dans la négociation sur l'APEC. Voilà un bel exemple à suivre pour la négociation sur les missions des OPCA qui pourraient être organisées de la manière suivante :

- les missions d'intérêt général rendues à toutes les entreprises dans les mêmes conditions et financées par les frais de gestion et de mission ;

- les missions non marchandes, financées par les frais de mission et dont le contenu serait négocié dans le cadre de la COM ou bien financées par des contributions conventionnelles supplémentaires ;

- les prestations complémentaires vendues au prix du marché et gérées de manière autonome des autres prestations.

Ce schéma simple est de nature à garantir à la fois la qualité des services et leur niveau par la multiplicité des sources de financement. Il satisfait à la fois à la législation française et au droit européen. Il s'appuie sur un exemple existant. Il pourrait donc être facilement décliné pour les OPCA. A moins qu'il ne se trouve quelqu'un pour expliquer que ce n'est pas possible. Il faudra alors dire si c'est pour des raisons juridiques ou politiques, car par les temps qui courent le droit a souvent bon dos.

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21/02/2011

D'une main de maître

Un artiste a nécessairement une technique, si ce n'est de la technique. Il maîtrise des manières de faire qu'il a mises au point par apprentissage, copie, emprunt, recherche, découverte,...Il créé son propre alphabet. Mais cela ne suffit pas à faire un langage. Toute la question est dans l'utilisation de cet alphabet. Pour quoi faire et pas seulement comment faire. Car le comment n'est pas ce qui caractérise le plus l'artiste, dont les techniques sont reproductibles. Quel que soit le talent du maître, l'oeuvre est reproductible dès lors qu'elle est produite. Vous en doutez ? regardez plutôt :

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Artiste chinoise et la reproduction du Pape de Bacon

Photo : Michael Wolf

Qui a peur de l'ogre chinois,  appréciera les thèmes choisis par ces jeunes filles de Pékin pour exercer leur art de la copie.

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Artiste chinoise et copie de Saturne dévorant ses enfants de Goya

Photo : Michael Wolf

Si le travail des jeunes copistes est un travail d'artiste, celui de l'artiste est donc autre chose, au-delà de la technique. Quoi ? ce qui est à la base de toute création dans tout domaine, la condition sine qua non pour que surgisse la vie, je veux parler de la capacité d'imagination. Produire, reproduire, apprendre à faire, tout cela est parfait, mais ce qui fait l'individu ainsi que ce qui fait, au plan collectif, une société, c'est sa capacité d'imagination. Et cela, la main de maître n'y suffit pas.

24/11/2009

Rue des archives...personnelles

Le mois de la photo s'est terminé dimanche 22 novembre. Au Carroussel du Louvre, plus de 80 galeries présentaient des oeuvres et parfois des chefs d'oeuvres. L'occasion également pour les éditeurs de présenter leur production. Un éditeur espagnol, La Fabrica, proposait ainsi un ouvrage consacré aux archives personnelles de Francis Bacon. Dans les reproductions, en vrac, des coupures de presse, des photos, des peintures, des collages,...et quelques chefs d'oeuvre.

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Archives personnelles de Francis Bacon - Sarah Burge 1883

L'occasion de rappeler que la Cour de cassation a récemment, dans un arrêt du 23 octobre 2009, validé le licenciement fondé sur une recherche, par un huissier avec l'employeur, dans l'ordinateur d'un salarié, de fichiers démontrant une activité de concurrence déloyale. Le salarié plaidait que son ordinateur ne pouvait être inspecté hors de sa présence. Erreur, seuls les fichiers personnels sont protégés. Les autres sont librement accessibles à l'employeur.
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Archives personnelles de Francis Bacon 
Nathalie Millon dans La chambre
Petite leçon de droit à cette occasion : le code du travail n'aborde pas la question de la lecture des mails ou de la fouille du disque dur d'un salarié par l'employeur. Et pourtant, en vertu du principe selon lequel le droit a une réponse pour toute question, le juge n'hésite pas à fournir des solutions sur ces deux points. Dans le premier cas, les mails, il se réfère à la jurisprudence sur la correspondance (car qu'est-ce qu'un mail sinon une correspondance électronique) : tout courrier non marqué "Personnel" peut être ouvert par l'employeur. Idem pour les mails. Pour l'ordinateur, il revient à sa nature : en tant qu'outil professionnel il appartient à l'employeur qui peut le contrôler librement, sauf pour les données personnelles (de même que l'employeur ne peut ouvrir un vestiaire qui contient des affaires personnelles qu'en présence du salarié).
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Archives personnelles  de Francis Bacon
Photographie du Bain Turc d'Ingres
Comme on le voit, pour trouver des solutions juridiques, la règle générale et les principes sont souvent plus utiles que les règles spéciales. Tout est ici question de méthode : là où le non juriste (en tout cas on l'espère) lira pendant des heures les textes à la recherche de la règle qui vise son cas, le juge va à l'essentiel et ne fait qu'appliquer des solutions de principe à des cas qui varient dans leur manifestation mais non dans leur essence. Aller aux principes et à l'essentiel, c'est également ce que fait Francis Bacon en gardant précieusement dans ses archives des peintures d'Ingres. Vous voulez voir de la peinture ? Ingres bien sur pour le principe, ensuite il n'y a que des déclinaisons.

08/07/2008

Qu'est-ce qu'un contrat ?

Un peu de latin trouvé dans un recoin de souvenirs permet de répondre à la question: le droit romain distingue le negotium, le contenu du contrat, et l'instrumentum, le support du contrat. Autrement dit, ne confond pas le fond du contrat, ce sur quoi porte l'accord, et sa forme, par exemple l'écrit qui lui sert de support.  Combien de salariés après des années passées dans l'entreprise me disent : "Vous vous rendez compte, je n'ai même pas de contrat !". Mais si. Mais pas écrit.

Le nouveau code du travail est sur ce point plus clair que l'ancien. Il précise : "Le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter" (art. L. 1221-1). Il en résulte que le contrat n'est pas nécessairement écrit, sauf lorsque la loi l'impose, ce qui est le cas pour les contrats à durée déterminée ou à temps partiel.

Demeure la question : puisque le droit nous laisse libre, que mettre dans un contrat de travail ? pour répondre, il faut considérer que le contrat est un triptyque.

 

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Francis Bacon - Triptyque - 1976
 
La première partie du triptyque est ce sur quoi porte l'accord des parties : la qualification (définition de l'emploi ou de la fonction) et la rémunération. On peut compléter par tous les éléments sur lesquels les parties souhaitent s'engager : durée du travail lorsqu'il y a convention de forfait, lieu de travail le cas échéant, clause de non-concurrence, de fidélité, de mobilité, etc. En aucun cas ces clauses ne peuvent être des clauses types incluses dans tous les contrats de travail. Leur validité est liée à leur intérêt au regard de la situation des salariés et aux contreparties, notamment en terme de rémunération, lorsqu'elles constituent des engagements particuliers pour le salarié.
 
La deuxième partie du triptyque concerne le statut collectif. Cette partie est informative, c'est-à-dire qu'au contraire de la partie contractuelle qui ne pourra être modifiée qu'avec l'accord du salarié, elle ne comporte pas d'engagements. Il s'agit de rappeler le statut collectif applicable : convention collective, caisse de retraite, régime de prévoyance, etc.
 
La troisième partie est également informative. Elle rappelle les éléments de la relation qui ne sont pas contractuels et que l'employeur peut modifier unilatéralement : horaires de travail (sous réserve de ne pas déséquilibrer le contrat), contenu des fonctions (sous réserve de la qualification), remboursement de frais, moyens professionnels mis à disposition du salarié, etc.
 
Cette rédaction en trois parties permet de faire de la pédagogie et de régler par avance un certain nombre de questions. Attention toutefois, le juge n'est jamais tenu par la qualification donnée par les parties à leurs relations et il peut, au regard de la réalité des faits, requalifier une situation. Par exemple, il pourra considérer que la particularité de l'horaire le rendait nécessairement contractuel. On constate une fois de plus, et ce sera l'objet d'une prochaine chronique, que le droit du travail est fait par l'employeur....sous le contrôle du juge.