13/04/2013
Dans les rues
Soleil revenu, premières floraisons, douceur de l'air, week-end, que de bonnes raisons, comme s'il en fallait, pour musarder et se laisser aller au plaisir de la découverte, par exemple de cette flèche friponne dont la vigueur salue la nouvelle saison.
Printemps symbole de vie, au point que même la mort devient un divertissement.
Mais tout le monde ne consacre pas son temps libre à baguenauder dans les rues. Il en est qui ont le sens de l'engagement collectif, et qui au cas où nous ne l'aurions pas remarqué, le font savoir.
Mais la promenade hasardeuse n'est pas sans danger. Elle peut, brusquement, vous faire basculer dans l'interpellation métaphysique au détour d'une rue.
Une fois résolue la question du sens, il faudra encore se confronter à d'étranges affirmations qui mériteraient d'être soumises à l'expérimentation.
Et comme si le hasard prenait un malin plaisir à perturber tous nos repères, voici un ferme rappel de ce que le futur est imprévisible.
C'est peut être pour cela que, sous réserve d'une traduction non garantie, il est si important d'avoir un bureau pour recueillir les idées utiles et introuvables. Gageons que l'employé chargé d'enregistrer de telles idées a moins de travail que celui qui serait chargé des idées inutiles et courantes.
Et comme le hasard est malicieux, il ne manque pas de faire un clin d'oeil à l'actualité et à l'adoption du mariage pour tous. Pour ceux qui penseraient qu'il n'y a qu'un modèle familial, voici la preuve que l'on peut être sage-femme et beaupère ! Bonnes balades à tous.
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06/04/2013
Ombre et lumière
Avouez que pour un pays champion de la consommation du médicament prozaïque, dont la dépression est la seconde nature, nous vivons une période, comme diraient les grammairiens, de concordance des temps : le froid, la pluie, la neige, la crise économique, la crise politique, le chômage, les licenciements, le ministre du budget qui fraude, le président nord-coréen qui confond ses jouets et les missiles nucléaires, la grippe aviaire qui repart en Chine, Carla bruni qui sort un nouveau disque et le Stade Toulousain qui est éliminé des compétitions européennes. Dans cette grisaille ambiante, on guette en vain le rayon de soleil, le coin de ciel bleu qui pourrait annoncer qu'un jour la chenille deviendra bien papillon.
Hé oui, tout le monde est susceptible de muter, tout individu est potentiellement schizophrène (Jacques, ami psychanalyste, si tu me lis peux-tu confirmer ?) et porte en lui les possibilités inverses. Et dans certains cas, comme s'emploie à le démontrer Cahuzac, peut mettre autant de sincérité à traquer les fraudeurs que d'énergie à frauder lui même. Et à propos de sincérité, un petit commentaire juridique, pour vérifier que l'ombre n'est pas très loin de la lumière.
Connaissez-vous la différence entre la fraude fiscale et l'optimisation fiscale ? la fraude c'est quand on se fait prendre ou quand on a pas un conseil suffisamment habile pour faire ce que l'on veut en toute légalité. Le Monde nous apprend ces jours ci comment la Société Générale, BNP Paribas ou encore Goldmann Sachs font la différence entre les deux (voir par exemple ici). A propos de Goldmann Sachs, c'est la Banque qui a longtemps conseillé la Grèce pour l'aider à dissimuler ses déficits. Amusant lorsque l'on voit aujourd'hui les anglos-saxons se déchaîner contre Chypre. Cette manie de mettre en cause les pays du Sud est plaisante lorsque l'on consulte la liste des paradis fiscaux, dont la majorité se trouvent sous domination britannique et dont quelques uns ne sont pas dans la méditérannée mais dans des mers qui se trouvent au nord de la Loire, tels Jersey ou Guernesey ou encore l'île de Man (voir ici les ombres et lumières britanniques). Mais le voile d'ombre restera jeté sur ces paradis du nord, tandis que l'on mettra en lumière ceux du Sud. Après tout, ils ont le soleil, il faut bien qu'ils en paient le prix.
12:06 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paradis fiscal, fraude, fisc, cahuzac, économie, politique, ombre, soleil, prozac, france, dépression, temps
01/04/2013
Il est libre Max
Son père était allemand et peintre, et très vite l'Allemagne, son père la peinture devinrent trop peu pour Max Ernst. Il quitta son pays de naissance, pour faire de chaque lieu son pays nouveau : Paris, l'Italie, puis New-York, l'Europe, Paris encore, la Touraine enfin qui nous vaut cet exceptionnel jardin de la France (voir ici).
La peinture aussi, c'était trop peu. Il inventa le frottage, que tous les enfants (au moins ceux du monde d'avant) on reproduit en plaçant une pièce de monnaie sous une feuille de papier, puis le décalcomanie, le grattage, multiplia les collages, entrepris de sculpter, s'essaya à toutes les techniques en bricoleur de l'art et du quotidien.
Max Ernst - Pléiades
Il participa à Dada, au Surréalisme, réalisa des décors de théâtre, illustra des livres, raconta des histoires, créa un personnage, Loplop, mi-homme mi-oiseau, comme Max Ernst était mi-peintre, mi-poète, mi-inventeur et quelques autres mi encore.
Max Ernst - Napoléon dans le désert - 1941
Il assembla et utilisa toutes les techniques, faisant naître des mondes oniriques que d'autres avant lui avaient visités, comme en témoignent les dessins de Bosch et de Bruegel également présentés en ce mois de mars à l'Albertina, dans un de ces hasards objectifs qui enchantent le monde.
Max Ernst - Tentation de Saint-Antoine
Cette capacité créatrice de Max Ernst, suppose de s'affranchir des cadres et catégories, de travailler en tous sens et d'associer sans cesse ce qui ne paraît pas naturellement s'assembler. Hier, lors de la visite de l'exposition d'Hundertwasser, découverte de cette phrase : "Notre illettrisme n'est pas notre difficulté à lire ou à écrire, c'est notre incapacité à créer". Hundertwasser se méfiait de la ligne droite comme de la peste, de ce qui segmente et sépare comme du choléra et il inventa une architecture de la rondeur, de la vie dans et hors des maisons et de la mise en harmonie de l'habitat et de la nature. Il abhorrait les règlements d'urbanisme et invitait chacun à peindre sa maison à son goût et à pouvoir la modifier sans architecte (l'architecture ne sera de l'art que lorsqu'elle sera autorisée à tous et non réservée aux architectes).
Hundertwasser - Village thermal
Hundertwasser - La forêt à spirales
A quoi bon l'art s'il ne nous permet pas de développer un regard neuf sur l'alentour et s'il ne nous conduit pas à déshiniber nos capacités créatrices. Toute l'histoire de l'art ne devrait pas se regarder comme l'histoire d'hommes et de femmes d'exceptions, mais au contraire comme un encouragement à ce que chacun fasse entendre sa voix personnelle. Bien loin du Panthéon des grands hommes, un appel lancé à tous les créateurs anonymes, les bricoleurs du quotidien, les inventeurs du dimanche et de tous les autres jours de la semaine, les enthousiastes de la nouveauté et de l'appropriation du monde par la créativité.
Schmoll - Plan de la machine à faire les crêpes
Et les commissaires de l'exposition avaient bien compris le message qui ont placé quelques occasion de créativité sur le parcours. Comme Max, pour nous encourager.
Big brother is shooting you !
01:09 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ernst, peinture, photographie, architecture, vienne, voyage, art, création, liberté
10/02/2013
Année du serpent, année des femmes ?
Nous voici donc entrés dans l'année du Serpent. Une année symbolique, puisque zodiacale. Il ne vous aura pas échappé que, à tout endroit du monde, le calendrier en vigueur est celui de Grégoire XIII, en accord avec le Soleil. Nous sommes donc rythmés par un temps papiste, et si vous en doutez, essayez de faire une transaction financière en n'importe quel endroit du monde sans qu'elle soit datée selon la norme pontificale. Vous aurez ainsi l'illustration que le temps est à la fois convention et argent. Mais laissons ces préoccupations temporelles et revenons au Serpent qui, en Occident, entretien une relation fascinée, et fascinante....avec les femmes.
Chranach - Eve et le serpent
Eve bien sur, la première à avoir dialogué avec le Serpent qui, dans l'histoire, s'en tire plutôt bien puisque c'est sur la femme, et non son inspirateur, que repose le pêché originel. Mais Eve était-elle vraiment la première ? avant la Bible, les Egyptiens avaient déjà donné toute sa place au Serpent, comme en témoigne cet extraordinaire costume de Cléopâtre qui mourra d'une piqure au sein. Ambivalence des relations de pouvoir, de séduction et de sexe.
Theda Bara dans le rôle de Cléopâtre
S'il existe des charmeurs de Serpent, qui souvent entretiennent une relation de dressage mécanique avec l'animal ravalé au rang d'attraction ou de marionnette, il faut convenir que les charmeuses de Serpent nous font entrer dans une monde d'une autre dimension.
Henri Rousseau - La charmeuse de Serpents
Et là où l'homme établit une relation très monovalente, le mystère n'est jamais absent lorsque s'ouvre un dialogue entre femme et serpent.
Piero di Cosimo - Simoneta Vespucci
Et que dire de la Gorgone dont on peut se demander si c'est sa chevelure, son regard ou son cri qui stupéfie et pétrifie. Lorsque femme et serpent font cause commune, le regard en deviendrait ainsi insoutenable.
Le Caravage - Medusa
Qui est un peu féru de psychologie ferait sans doute remarquer que les peintres et écrivains qui ont ainsi exacerbé les relations entre les femmes et les serpents étaient des hommes, bien empêtrés dans le symbolique phallique que constitue le reptile. Et que finalement tout cela est bien occidental et judéo-chrétien, alors que le nouvel an est chinois. A ceux-là offrons ce masque chamanique, pendant masculin de la Gorgone où les cinq serpents surgissent d'un énigmatique sourire avant de vous regarder fixement. Bonne année serpentine !
14:54 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : serpent, nouvel an, chine, chinois, femme, peinture, eve, cinema, bible, pape, zodiaque
27/01/2013
Clémence et le Gay savoir
Le débat a toujours été vif sur la nature du droit : une construction sociale contingente, déterminée par le contexte et les modalités de sa production, ou un travail de mise en forme de lois ou de droits conformes à la nature humaine et de ce fait pouvant prétendre à l'universalisme ? En ce jour de manifestation pour le mariage sans distinction de sexe, puisqu'il ne s'agit ni de tous se marier ni de ne marier que les gays, la question n'est toujours pas tranchée.
Sur le strict débat juridique et les modifications du Code civil, on se contentera ici de renvoyer à ce qui a été dit ailleurs par plus compétent sur la question (voir ici). En observateur de l'actualité sociale, on fera simplement remarquer que la mobilisation était plutôt réussie et que les communautés masculines, notamment, étaient très présentes.
Et qu'il ne manquait pas de bonnes volontés pour préserver l'avenir.
Sinon, pour faire pièce à l'argument selon lequel la question n'intéresserait qu'une petite partie de nos concitoyens, certains slogans rappelaient que le mariage sans distinction de sexe était une question pour laquelle tout le monde peut se sentir concerné, sans pour autant être impliqué. Ceux à qui la différence échapperait se souviendront que dans l'omelette aux lardons, la poule est concernée et le cochon impliqué.
Puisque la manif passait devant le jardin du Luxembourg, les organisateurs auraient pu la placer sous les auspices de Clémence Isaure, experte en Gay savoir du nom de la plus ancienne société de lettres du monde occidental fondée à Toulouse en 1323, le Consistori del gay saber (consistoire du gai savoir), aujourd'hui Académie des Jeux Floraux. La belle Clémence, fille des Troubadours et de l'amour courtois, protectrice de la poésie et des contrepèteries aurait pu ainsi donner aux amoureux en guise de bénédiction la violette de Clémence et promettre à ceux qui voudraient entraver cette liberté la violence de Clémette. Mais en ces temps médiatiques, la radicalité n'a pas bonne presse et l'on se quitta en un consensuel et apaisant slogan.
19:28 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manif, mariage, gay, clémence, toulouse, paris
26/01/2013
Et soudain, les mouettes
Votre agenda est saturé, les mails s'entassent, les réunions s'enchaînent, les sollicitations sont multiples, vos relations vous reprochent votre peu de disponibilité, vous ne vous souvenez plus du dernier film que vous avez vu (je parle de cinéma, pas de l'intrusive télévision) et l'on ne parle même pas du dernier livre. Peut-être que ce rythme vous rassure, peut être qu'il vous fatigue, pas impossible qu'il vous angoisse. Si de temps en temps vous vous demandez si vous êtes vraiment présent à vous même, alors faites un pas de côté, changez vos chemins habituels, osez le nomansland, vous y trouverez certainement un improbable banc sur lequel il ne faut pas hésiter à s'installer.
Que fait-il là, en un lieu où nul ne vient s'asseoir, ou personne ne passe guère, qui a pris l'initiative de poser quelques morceaux de béton pour former ce support publicitaire ? à moins qu'un complotiste ne vienne vous glisser à l'oreille que les chiffres affichés ne sont pas innocents, peut être l'annonce d'une nouvelle fin du monde.
Vous souhaitez un cadre plus bucolique ? c'est possible aussi. Vous pouvez en ce lieu écouter l'herbe pousser. Plus personne n'y passe et Dieu sait ce qu'il s'y est passé. Mais peu importe, tout ce qui compte c'est d'être en un lieu inhabituel, où vos repères s'effacent, votre quotidien s'estompe, vos habitudes ne vous servent plus à rien. Vous craignez d'être désorienté ? alors fermez les yeux et laissez faire. Peut être apercevrez-vous, tout d'un coup, les mouettes.
Voilà un remède contre l'hiver qui s'installe, le froid qui rabougrit et enferme, la créativité qui s'étiole, le temps saturé : un lieu improbable, un banc, les yeux fermés et la venue des mouettes. Mieux que le Lexomil et tous ses petits amis. Une manière d'éviter la déprime de février et d'être prêt pour quand viendra le printemps.
13:35 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nomansland, photo, mouette, temps, agenda, déprime, lexomil, hiver, printemps
13/01/2013
Manif !
Jour de manif aujourd'hui. La CGT et FO contre l'accord sur la sécurisation de l'emploi ? l'ensemble des organisations syndicales pour réaffirmer, en ces périodes de chômage de masse, qu'il ne suffit pas de dire que l'emploi est prioritaire mais qu'il faut en tirer les conséquences ? les acteurs de l'économie réelle qui protestent contre les conséquences de la financiarisation de l'économie ? mais non, juste une manif pour que le mariage ne soit pas possible entre personnes du même sexe. Gageons que l'on ne lira pas sur les pancartes cette proclamation de Picabia : " Dieu a créé le concubinage, Satan le mariage".
Picabia et Cendrars - Tremblay sur Mauldre - 1923
13:21 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manif, mariage, dieu, satan, picabia, cendrars, emploi, chômage, manifestation
05/01/2013
Une fleur pour le week-end
Le monde fleurit par ceux qui cèdent à la tentation
Julien Gracq
00:19 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fleur, gracq, photo, littérature, réunion, lingerie, tentation
29/12/2012
Premières fleurs
Les journées ont commencé à rallonger, le soleil est réapparu, le ciel a mis son uniforme bleu, c'est le week-end et les parcs ont conservé ces parfums du monde d'avant qui se font rares.
Pour un peu, on se surprendrait à cueillir les premières fleurs. Tiens, il suffit d'y penser et nous voilà au milieu d'étranges jonquilles, est-ce le rêve qui nous a saisi sur le banc ensoleillé ? au cas où, merci de lire à voix basse, je voudrai prolonger un peu. Et bon week-end !
01:13 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fleur, week-end, parc, jardin, espagne, soleil, rêve
24/12/2012
JOYEUX NOEL !
Venu d'Afrique, présent au Brésil, trouvé ici dans les Caraïbes, Babalu-Aye a construit sa connaissance en parcourant le monde. Il se joint à moi pour vous souhaiter un joyeux Noël !
14:35 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noêl, fêtes, babalu-aye, peinture, cuba, afrique
07/12/2012
L'énigme de la dernière toile
La neige déforme les paysages et le temps. Voici donc avec un peu d'avance la chronique de week-end, en réponse à l'invitation d'Esteban de commenter "Les comédiens", dernière toile de Hopper peinte un an avant sa mort. Pour autant, quelle lecture avoir de cette toile saturée de symboles : le blanc, le théâtre, le rideau de scène, les costumes, les gestes. L’explication traditionnelle, de la dernière toile d’Hopper, le dernier salut ou l’artiste tirant sa révérence, est un peu courte. L’essentiel de la scène est tout de même la présentation de la dame blanche qui s’est toujours effacée derrière l’artiste, alors que lui n’a cessé de la mettre au devant de la scène dans ses peintures.
Hopper - Deux comédiens - 1966
L’énigme de cette dernière peinture est de trop ressembler à une dernière peinture, dans cet univers fantomatique qu’est celui d’Hopper. Si, lors de la scène finale est venu le temps du dévoilement, alors peut être que ce sont de véritables fantômes qui nous sont présentés. Ceux qui viennent vous saluer en cette année 2012 ne sont plus là depuis longtemps. Et c’est en pensant à ce futur que n’habiteront pas ceux qui vont se retirer du monde qu’Hopper a peint sa toile. Pas de public en face de cette improbable scène au rideau de verdure. Ce n’est pas un adieu au monde et à la peinture, c’est au contraire l’affirmation de sa permanence, au-delà de l’artiste. Le rire est celui du clown blanc : tragique, parce que la fin est là, et farceur, parce que ce n’est vraiment pas une raison d’en faire tout un plat. Voici la pirouette finale d’un peintre qui ne manquait pas d’humour : « Hé oui, ces personnages rigides qui hantent mes toiles et semblent faire partie du décor étaient bien vivants. Comme vous qui avez parfois la même rigidité qu’eux. Et nous, qui ne sommes plus là, sommes toujours bien vivants, par votre regard, sur la toile. Nous nous présentons grimés mais c’est tout le tableau qui est ainsi grimé. Sous couvert de blanc, de transparence, de déploiements de symboles trop évidents, nous ne dévoilons que nos masques de sourire. Vous pensez que nous vous saluons, mais nos mains se répondent et ne saluent que nous-mêmes. »
Tout cela, au fond, n’est qu’une histoire de couple. L’artiste est heureux de la présence éternelle de la peinture et surtout de sa dame blanche. Alors on se dit que ce tableau, et peut être quelques autres, n’a pas été peint pour nous, mais pour elle.
09:51 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : hopper, peinture, théâtre, week-end, neige, temps
17/11/2012
Soutenir les cochons
Les manifestations se multiplient, non pas en France où il ne s'agit ce jour que d'un aéroport à la campagne ou du mariage pour tous (il suffirait au lieu de manifester de retenir la proposition de Jérôme Leroy du mariage avec tous, voir ici), mais dans le Sud. Chez ces cochons de sudistes, selon l'humour anglo-saxon qui ne voit que PIGS (Portugal, Italy, Greece, Spain) au sud de la City. En passant, retenir le mot cochon comme une insulte confirme le peu d'aptitude à la gastronomie et à la contemplation de la nature chez certaines populations. Manifestations au Sud donc et particulièrement en Grèce. Les voyages en train étant propices à la lecture, la rencontre d'un déplacement et de l'actualité mit dans mes mains "Premiers regards sur la Grèce" d'Henry Miller, qui ressemble sur la couverture à Giscard d'Estaing matiné de singe chinois.
La lecture de ces courtes notes de voyage (en nos temps stressés, il est toujours utile de rappeler qu'un livre est court si on souhaite le faire partager) rappelle ce que l'on pressentait. A savoir que si la Grèce rentre dans le rang, c’est toute l’Europe qui basculera à l’Ouest Atlantique et le Sud sera à jamais un paradis perdu. L’homme ne sera de passage sur cette terre que pour revêtir son costume de consommateur addicté et d’agent économique à l'irrationalité contrôlée par les potions délétères (publicité, pharmacopée, discours d’experts, …) qui achèveront de tuer en lui toute imagination.
"Le jour où ils accepteront le harnais, les Grecs cesseront d'être Grecs. Mais seuls les Anglais, totalement insensibles à ce qui est autre, à ce qui est différent, pourraient croire pareille absurdité" écrit Miller.
Car comment vivre sans projeter sur ce qui nous entoure une vision fantasmatique qui permet de faire émerger la poésie du réel aussi sûrement que le vin du Sud apporte le bien-être, la joie et la conversation comme le dit Miller.
En Grèce « tout est légendaire, fabuleux, incroyable, merveilleux et pourtant vrai. Tout commence et s’achève ici ». On dirait un télégramme reçu ce jour des alentours d'Epidaure "l'endroit le plus parfait de tous ceux que j'ai contemplé jusqu'ici". Il s'agit juste d'un rappel rédigé pour nous en Novembre 1939.
15:38 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grèce, miller, cochon, italie, espagne, sud, mariage, leroy, manif
13/10/2012
Enigme du week-end : le bacchus moderne
En ce week-end automnal, voici une scène printanière. Mais que fait donc ce Bacchus sur son banc entouré de jeunes filles ? et quel est cet enfant qui se cache dans la vigne et que l'on distingue difficilement ? allons y voir de plus près.
La grande détrempe fait de la toile un palimpseste. Les couleurs des temps anciens ont été lavées, épongées, noyées sous les flots déversés sur la peinture. Leur trace colorée s'est effacée mais leur souvenir demeure qui habite les personnages tirés de ce naufrage. Que faire après le déluge ? quelle attitude adopter ? l'enfant, comme à l'accoutumée, ne se pose guère de questions. Déjà, il a bondi dans la vigne qui le soustrait au regard et à la scène. Curieux de tout, il poursuit l'observation et ce faisant persiste en son état d'embryon attentif. L'oeil est vif, le geste assuré, la prise ferme. Le rouge aux joues est amour de la vie et plaisir de la contempler.
Bacchus, après le déluge, embrasse les siècles et s'amuse de celui qui s'offre à lui. Aux temps modernes, le corps est souple et disponible. C'est appréciable et apprécié. Le temps qui défile brouille le regard du Dieu lascif : en toutes époques il y a place pour la lassitude. Eve lui est familière. Jeune fille aux jambes fermes et légères, elle offre la coupe divine que Bacchus boira. Le paradis est loin, le plaisir à saisir, le temps n'est plus un ennemi : il n'est pas question de résister à l'invitation qui va être lancée. Bacchus songe en apercevant Eve qu'il faudra bien un jour écrire un Traité de la cheville, consacré à l'art de poser le pied à terre. Plus efficace que la psychanalyse.
Martial Raysse - Heureux rivages - 2007
Accourues des collines, voici les belles cavales. Succubes en devenir, comme les Dieux elles veulent du sang. Mais elles ne feront rien pour qu'il coule. Le défi qu'elles lancent à la scène se suffit : elles n'interviendront pas, mais leur présence dit le scandale que constitue le véritable plaisir d'abandon en ce siècle. Mais d'ailleurs ces jeunes filles sont-elles vraiment présentes ? êtes-vous certain que vos démons sont réels ? elles connaissent la puissance des jeunes filles en fleurs, matinées ici de feu et de fer, et l'affichent en toute crudité.
Bacchus est un Dieu que la modernité réduit au chômage. L'oisiveté et la solitude sont devenues des compagnes faciles. La troupe des pisseuses l'est un peu moins. Bacchus n'en a cure. Eve va bientôt lui tendre la coupe. Il boira le vin et s'établira dans la scène qui perdra peu à peu ses mauvaises spectatrices. Eve, la seule qui reste, aura droit au chapitre. Dans la vigne, un sourire éclaire le visage de l'enfant.
10:21 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : raysse, bacchus, peinture, art, week-end, automne, printemps
07/10/2012
Ambivalence
Y aurait-il un art américain de l'ambivalence ? nous avions déjà eu l'occasion de relever l'ambiguïté d'un tableau de Burt Silvermann représentant une femme assise (voir ici). L'exposition consacrée à Edward Hooper au Grand Palais illustre de nouveau cette Amérique fascinante par ses contradictions et paradoxes. On peut, par exemple, prendre une autre femme assise de Hooper et entrer un peu dans le tableau. Comme souvent chez Hooper, les personnages lisent. Pied de nez à l'Europe littéraire et à cette Amérique réputée sans tradition ? désir d'évasion ? puissance de l'imagination dans un pays qui s'est auto-engendré ? il faudrait aller y voir de plus près, et notamment s'interroger sur ce que lisent ces figures solitaires. Ici, l'on sait par les notes d'Hooper qu'il s'agit d'un indicateur des chemins de fer.
Edward Hooper - Chambre d'hôtel - 1934
Les valises au pied du mur, la chambre d'hôtel, tout nous signale le transitoire. Cette femme est de passage. Le dos voûté, le corps sans tonicité semblent souligner une fatigue que la nuit ne réparera pas. La consultation des horaires de chemin de fer, et surtout le fait de voyager avec un tel ouvrage, laisse penser que le voyage est une errance. Le tableau pourrait illustrer cette chanson des gardes suisses que Céline plaça en exergue du Voyage au bout de la nuit :
Notre vie est un voyage
Dans l'hiver et dans la nuit
Nous cherchons notre passage
Dans le ciel où rien ne luit
Hooper serait-il le peintre du désenchantement ? le contrepoint du rêve américain et le rappel à la réalité, souvent moins glorieuse que l'épopée des pionniers, des self-made men et de la terre de tous les possibles ? oui mais pas seulement. Car tout voyage est un nouveau départ, tout départ est une volonté, et la solitude est une manière de se rencontrer soi-même qui peut être un préalable à la rencontre d'autrui. Cette femme, manifestement, n'est pas une voyageuse, ses chaussures n'y résisteraient pas. Et pourtant elle a entrepris ce voyage, ses valises sont ordonnées, et elle s'apprête à choisir sa nouvelle destination. Derrière l'apparence de la désespérance, surgissent les marques d'une volonté. Les marques de notre ambivalence.
12:19 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END, TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : hooper, grand palais, art, peinture, tableau, céline, voyage, week-end
24/09/2012
Promeneur d'exception
On le regarde passer avec retenue. On irait volontiers lui serrer la main, et le remercier. Mais la discrétion de l'homme impose la réciproque sans que cela ne fasse vraiment débat. Alors on le regarde passer. La silhouette est voutée, le pas un peu traînant. Une poche bleue ballote dans le dos. En haut des marches, l'homme redresse sa stature. En face de lui le Panthéon, il était en première ligne en 1981, à sa gauche le Sénat qui fût son dernier mandat d'élu, devant lui les fleurs de l'été qui rechignent à s'effacer et profitent des dernières douceurs. On a connu des passages à l'automne moins verdoyants aux frondaisons. Le crépuscule attendra, pour l'heure on peut s'abandonner aux charmes de l'instant. Très court instant car sans que la vivacité du regard n'en soit entamée, dans les yeux du passant le passé est très présent.
Il y a de l'émotion à voir Robert Badinter traverser lentement le jardin du Luxembourg. Sourire aux enfants, rester anonyme aux adultes. Qui aime le droit aime, en principe, les principes. Et plus que d'autres, que beaucoup d'autres, Robert Badinter connait la valeur des principes et d'un particulièrement. Celui que la communauté a besoin de droit commun. Et pas de droits d'exception. Que le droit est fait pour rassembler et qu'il faut toujours privilégier la volonté de conserver à la règle son caractère général et ne pas cèder à la tentation du particulier, de la règle d'opportunité, de circonstance ou de reconnaissance des particularismes. La dignité de chacun est d'être traité comme les autres. Ce promeneur du soir là le sait bien qui n'a eu de cesse lorsqu'il était au pouvoir de faire abolir les lois spéciales et supprimer les tribunaux d'exception. On aurait bien besoin, encore, de Robert Badinter. Car un homme attaché à ce point aux principes, de nos jours, c'est vraiment une exception.
00:33 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : badinter, droit, droit commun, gauche, 1981, paris, luxembourg
16/09/2012
Enigme du week-end
Mais que font donc ces gallinacés dans un cimetière ?
Je leur demanderai bien, mais ils sont déjà partis...
En fait, ils font comme tout le monde.
09:28 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poulet, cimetière, énigme, week-end
12/08/2012
Noir arc-en-ciel
Pour Johnny, pas de doute, noir c'est noir. Ben ouais quoi puisque c'est noir. Invitée par la Maison Victor Hugo à puiser dans les collections du musée, Annie Le Brun nous offre les Arcs-en-ciel du noir, au pluriel car un seul ne suffirait pas à présenter l'infini des nuances du noir dans lequel Victor Hugo a vécu, pensé, dessiné, peint, écrit. Si le noir romantique n'est pas absent, les encres et les écrits de Victor Hugo vont bien au-delà. Comme la lumière décompose la couleur, Annie Le Brun déploie l'éventail des noirs, nuancier sidérant qui saisit le visiteur. A s'approcher ainsi de Victor Hugo, on le découvre sous un jour nouveau, assez loin de l'auteur officiel engoncé dans son siècle, sa barbe et l'institution qu'il est devenue.
Et surtout Victor Hugo apparaît comme l'Encyclopédiste du XIXème siècle ou le savant du Moyen-Age et de l'Antiquité dont le savoir s'étendait sur de vastes disciplines. Pour Hugo, le théâtre, la littérature, la politique, la poésie, le dessin et les superbes encres qui semblent synthétiser le tout. Lorsque l'on embrasse tant, il se peut que certaines étreintes soient de second ordre ; c'est ce qui fera dire à André Breton : "Victor Hugo est surréaliste lorsqu'il n'est pas bête". Le compliment n'aurait peut être pas choqué son destinataire qui savait combien les potentialités inverses habitent l'homme. Pour l'heure, retenons "Nos chimères sont ce qui nous ressemble le plus" ou encore, plus approprié à la semaine qui s'ouvre "La pensée est le labeur de l'intelligence, la rêverie en est la volupté".
Cette semaine est la dernière pour aller voir le noir de plus près, clôture le 19 août.
23:54 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : victor hugo, littérature, arc-en-ciel, poésie, exposition, rêverie, volupté
11/08/2012
Willy Ronis
Pour le week-end ensoleillé, et avant les Rencontres photographiques d'Arles, petit clin d'oeil à Willy Ronis.
00:12 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photo, photographie, willy ronis, arles
07/08/2012
Welcome in Vienna (3)
Comme le chantait Bijou dans les années 80, à la guerre il y a parfois des vainqueurs mais jamais de gagnant. Les après guerre ont souvent un goût amer. Pour tout le monde. Lorsqu'il y a eu occupation, comme ce fut le cas en Autriche même si elle fût largement consentie, le noir et blanc devient l'exception. Le gris devient la norme : entre ceux qui tardent à choisir leur camp, ceux qui ne choisiront jamais, ceux qui changent de camp, dans le bon ou le mauvais sens, les trajectoires se croisent et finissent par rendre illisible le monde gris dans lequel certains pensaient se battre pour le bien et contre le mal.
Comme en France, les américains enrôlèrent très rapidement d'anciens nazis pour entamer la nouvelle guerre qui se préparait et durerait plus de quarante ans. La guerre froide a débuté bien avant le 8 mai 1945. Et les recyclages furent aussi rapides que les exécutions qui donnent l'impression d'avoir soldé des comptes qui seront en fait bien difficile à clôturer. Que reste-t-il à Freddy dans ce champ de ruines sur lequel même l'amour a du mal à trouver sa place ? qu'espérer rebâtir sur un tel carnage ? la fragilité du monde, et plus encore de sa beauté, n'est plus à démontrer. Les russes, la realpolitik, les pogroms qui reprennent dans les villages où l'on ne souhaitait pas voir revenir ceux qui pourraient rappeler un passé que l'on veut oublier ou tout simplément à qui on ne souhaitait guère remettre ce qu'ils avaient abandonné. Pour beaucoup, le monde est devenu incompréhensible.
Toyen - L'heure dangereuse - 1942
Vivre bien sur, pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles on a combattu, mais avec en soi un sentiment de défaite que rien ne pourra effacer. L'écriture ou la vie écrira Jorge Semprun qui n'oubliera pas de vivre. Primo Levi y parviendra longtemps et puis plus. L'enfer c'est là où il n'y a pas de pourquoi. La force de Welcome in Vienna est de montrer à quel point, en Europe, le pourquoi a disparu pendant de longues années.
Note: le coffret DVD avec les trois parties sera mis en vente le 5 septembre prochain.
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06/08/2012
Welcome in Vienna (2)
Pendant que l'Europe se suicide, comme Stefan Sweig et Walter Benjamin, les bateaux de migrants accostent devant la statue de la Liberté à New-York. Frerry, le protagoniste principal de la première partie, perd la vie en tentant de porter secours à une rescapée de Berger-Belsen qui, muette, se noyait sans que quiconque ne lui vienne en aide. C'est que lorsqu'on a vu le diable, tout comme Moïse après avoir vu Dieu sur le Mont Sinaï, on ne peut plus parler.
Dès lors nous suivons Freddy, juif viennois lui aussi, qui débarque sur ce qui n'est guère une terre promise mais un lieu d'exil et de passage. Pour la plupart des migrants, ce sera Ellis Island, la quarantaine, l'accueil suspicieux et la difficile immersion dans le nouveau monde. Pour le migrant, tout est à rebâtir et les repères anciens constituent des handicaps plus que des points d'appuis. Dans un monde différent, avec un statut différent et des codes inconnus, ce que l'on était n'est qu'un fardeau dont il faut se défaire pour pouvoir être de nouveau.
Si vous n'avez pas vu le film, procurez-vous le livre d'Alain Garrigue "Le Cirque de Dieu" où les humains, comme les plantes, reçoivent leur part d'eau et de fumier pour grandir. Vous y verrez New-York, les juifs errants, la vie et la survie et le golem qui certains jours revêt le visage du destin. Vous y verrez aussi, utile contribution au débat actuel sur les conditions de naturalisation, des juifs allemands qui récitent Walt Whitman et sont traités comme des métèques pouilleux par les américains.
Et pour savoir ce qui s'est achevé là, ce qui s'est perdu à jamais, il suffit de lire "Le monde d'hier, souvenir d'un européen" de Stefan Sweig. On y côtoie les derniers représentants de cette mittleuropa qui fut liquidée par le terreau dans lequel elle avait grandi. L'eau et le fumier. Demain troisième partie.
Ah qui apaisera ces enfants fébriles ?
Qui justifiera ces explorations sans repos ?
Qui dira le secret de la terre impassible ?
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